4. Un partage des informations insuffisant
a) Le lent développement d'Eudamed

L'article 14 bis de la directive du 14 juin 1993 a créé une banque de données européenne destinée à centraliser l'ensemble des « données réglementaires conformes à la présente directive » afin de les mettre à la disposition des autorités compétentes.

L'objectif consistait, en particulier, à partager au niveau européen les « informations sur des incidents survenus après la mise des dispositifs sur le marché » , collectées par les autorités nationales compétentes c'est-à-dire en l'espèce :

« a) tout dysfonctionnement ou toute altération des caractéristiques et/ou des performances d'un dispositif ainsi que toute inadéquation de l'étiquetage ou de la notice d'instructions susceptibles d'entraîner ou d'avoir entraîné la mort ou une dégradation grave de l'état de santé d'un patient ou d'un utilisateur ;

« b) toute raison d'ordre technique ou médical liée aux caractéristiques ou aux performances d'un dispositif pour les raisons visées au point a) et ayant entraîné le rappel systématique du marché par le fabricant des dispositifs appartenant au même type. » 26 ( * )

Cette base de données doit ainsi contenir les informations suivantes :

« a) les données relatives à l'enregistrement des fabricants, des mandataires et des dispositifs [...], à l'exclusion des données relatives aux dispositifs sur mesure ;

« b) les données relatives aux certificats délivrés, modifiés, complétés, suspendus, retirés ou refusés [...] ;

« c) les données obtenues conformément à la procédure de vigilance ;

« d) les données relatives aux investigations cliniques [...]. »

Une décision adoptée par la Commission européenne le 19 avril 2010 a rendu l'utilisation de cette banque de données européenne sur les dispositifs médicaux, Eudamed ( European Databank on Medical Devices ), obligatoire à compter du 1er mai 2011 . Elle est présentée comme un « portail web sécurisé visant à l'échange rapide d'informations entre les autorités nationales » 27 ( * ) . Dans ce cadre, les autorités nationales compétentes sont incitées à utiliser la nomenclature globale sur les dispositifs médicaux « GMDN » ( « Global Medical Device Nomenclature » ), afin de remplir leurs fiches de manière harmonisée.

Un an après sa mise en oeuvre, Eudamed est jugée insuffisamment fonctionnelle. Les principales critiques se concentrent autour de :

- l'accessibilité : l'accès à la base de données Eudamed est aujourd'hui restreint aux seules autorités nationales compétentes ainsi qu'à la Commission européenne . Des voix se font entendre pour qu'elle puisse être ouverte, au moins en partie, au public, en particulier à la communauté médicale. Les fabricants y sont, pour l'instant, réticents, alors même que l'article 20 de la directive de 1993 prévoit la non-confidentialité des informations fournies par les fabricants dans les termes suivants : « Ne sont pas considérées comme confidentielles les informations suivantes :

« a) informations relatives à l'enregistrement des personnes responsables pour la mise sur le marché des dispositifs [...] ;

« b) informations aux utilisateurs établies par le fabricant, son mandataire ou un distributeur concernant une mesure au sens de l'article 10, paragraphe 3 ;

« c) informations contenues dans les certificats délivrés, modifiés, complétés, suspendus ou retirés » ;

- la saisie et la confidentialité des données : Eudamed connaît quelques dysfonctionnements liés à sa complexité technique , mais aussi à la charge de travail supplémentaire que l'alimentation de la base représente pour les autorités nationales . En outre, les fabricants semblent réticents à divulguer les informations qu'ils estiment trop sensibles ;

- le rôle des organismes notifiés : les progrès apportés par la base Eudamed ne pourront suffire à résoudre le problème posé par les organismes notifiés, qui font l'objet d'une supervision encore perfectible. Si nombre d'entre eux sont performants et fiables, certains fournissent un travail de qualité insuffisante. L'accréditation des organismes et le suivi de leur travail doivent être améliorés.

b) Une information trop cloisonnée

Pour l'heure, le partage des données au niveau européen se limite aux seules conclusions des autorités compétentes, c'est-à-dire les décisions de police sanitaire prises . Toutes les autres mesures de police plus « administratives », telles que les sanctions à l'égard des entreprises, sont, au mieux, rendues publiques sur les sites Internet des agences de surveillance mais ne donnent pas lieu à alerte .

L'affaire des prothèses mammaires PIP est symptomatique de l'absence de cadre opérationnel en vue d'un travail commun, en Europe, sur les données de vigilance : quand bien même la France avait pris soin d'informer la Commission européenne, les Etats membres et d'autres pays de sa décision de police sanitaire concernant les prothèses PIP, certains d'entre eux ont malgré tout continué à commercialiser ces produits, parfois jusqu'en décembre 2011 (exemples : Chine,...). Dans ces conditions, il apparaît qu'une suspension de commercialisation n'est pas interprétée comme contraignante par les autres Etats. C'est une faiblesse du système des dispositifs médicaux qui ne se retrouve pas dans celui du médicament .

En matière pharmaceutique, la déclaration par une autorité nationale compétente de la suspension d'un produit déclenche une procédure européenne dans le cadre de laquelle l'Agence européenne du médicament est conduite à ouvrir une instruction afin de déterminer s'il est légitime que ce médicament soit suspendu dans les autres Etats membres.


* 26 Article 10 de la directive de 1993.

* 27 Communiqué de la Commission européenne, 19 avril 2010.

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