2. Une trop grande disparité entre les Etats membres dans les exigences de compétence et de transparence applicables aux organismes notifiés

Ce n'est qu'à partir de 2007 que les institutions communautaires ont fait le choix de modifier la réglementation applicable aux dispositifs médicaux dans le sens d'un renforcement de l'évaluation clinique qui fait de la mesure du rapport bénéfices-risques un élément central avant mise sur le marché pour les dispositifs médicaux les plus critiques. Parallèlement, la surveillance des dispositifs après leur mise sur le marché passe prioritairement par la réalisation d'études cliniques. Mais, seuls les organismes notifiés et leurs experts continuent de disposer de la capacité à attribuer le marquage CE.

C'est précisément sur cette latitude concédée aux fabricants dans le choix de leur organisme notifié et de la procédure de certification que se concentrent les principales critiques à l'encontre de la réglementation européenne.

Si la France ne possède qu'un seul organisme notifié habilité à certifier les dispositifs médicaux implantables, l'Allemagne en compte quatre, l'Italie cinq et la Belgique trois. Il est aujourd'hui difficile d'apprécier l'uniformité des critères de compétence et de transparence sur la base desquels les organismes de certification sont notifiés par les Etats membres à la Commission européenne.

a) Des procédures de certification laissées au libre choix du fabricant

A cela s'ajoute la possibilité pour le fabricant de choisir la procédure de certification qui lui semble la plus à même de garantir à son dispositif médical l'octroi du marquage CE. En ce qui concerne les dispositifs de classe III, il existe , selon l'article 11 de la directive de 1993, deux procédures de certification distinctes qui font porter le contrôle soit directement sur le produit lui-même, soit sur la documentation de conception du produit :

- la première procédure , dite « examen CE de type » (annexe III de la directive de 1993), repose sur l'examen d'un produit type, sur la base d'un échantillon représentatif de la production . L'organisme notifié procède aux examens et essais appropriés afin de vérifier la conformité du produit aux exigences de la directive. L'organisme notifié examine également la société, son système de contrôle qualité ainsi que les conditions de fabrication du produit. Au cours de la première phase du contrôle, qui porte donc sur le produit en tant que tel, un échantillon est prélevé et vérifié en laboratoire ;

- dans le cadre de la seconde procédure , dite de « déclaration CE de conformité » (annexe II de la directive de 1993, point 4 « Examen de la conception du produit »), le producteur livre la documentation de conception du dispositif médical . Il dépose une présentation d'examen de dossier, où il explique le système de contrôle qualité qu'il souhaite introduire, puis fournit une documentation complète relative au produit, aux conditions de la production et aux matériaux de base utilisés. Enfin, un audit du système de qualité est réalisé de manière périodique. En ce cas, le producteur n'a pas à subir de prélèvement sur son produit et c'est lui qui est chargé de procéder aux contrôles qualité en vue d'en présenter les résultats à l'organisme de certification, qui les vérifie. Dans le cadre de cette procédure, il appartient toutefois à l'organisme notifié d'examiner le système de gestion de la qualité, en s'assurant que la société en question est en mesure de procéder aux différents contrôles nécessaires .

Le fabricant a toute liberté pour choisir la procédure de certification à laquelle il entend soumettre son dispositif. L'organisme notifié n'a, à aucun moment, le moyen de se prononcer sur l'opportunité de la procédure concernée compte tenu des caractéristiques et des finalités du produit. L'entreprise PIP avait choisi la voie de la documentation pour obtenir la certification des prothèses mammaires qu'elle fabriquait, avec les conséquences que l'on connaît.

Dans ces conditions, les fabricants peuvent être tentés de choisir l'organisme notifié le plus abordable en termes de prix, qui audite le plus vite et qui n'est pas réputé pour être excessivement exigeant sur un certain nombre de caractéristiques techniques. Dès lors, plusieurs interlocuteurs de la mission d'information ont souligné la nécessité de s'interroger sur la notion d'un tarif unique proposé par les organismes notifiés, de façon à concilier la concurrence avec un niveau élevé de contrôle de sécurité . Il convient également de réfléchir aux moyens de prévenir les conflits d'intérêts entre les experts engagés par les organismes notifiés et les entreprises contrôlées.

b) Une évaluation du système de qualité

Au-delà de sa composante « produit » qui repose sur l'examen d'un produit type ou de la documentation de conception, la démarche de certification comporte également une composante « système » axée sur l'évaluation par l'organisme notifié du système de qualité mis en place par le fabricant d'un dispositif médical de classe III :

- dans le cas d'une procédure de certification centrée sur le produit, le fabricant veille à l'application du système de qualité approuvé pour la conception, la fabrication et le contrôle final du produit ;

- dans le cas d'une procédure de certification centrée sur l'analyse de la documentation de conception, l'organisme notifié constate et atteste qu'un échantillon représentatif de la production satisfait aux dispositions de la directive de 1993.

Les directives de 1990 et 1993 prévoient que tout changement « important » dans le système de fabrication doit être signalé à l'organisme notifié qui est appelé à le valider. A l'heure actuelle, seuls quelques organismes notifiés procèdent à des audits annuels ou semestriels de surveillance du système de qualité de leurs fabricants. Or, un système de gestion des changements au sein des processus de qualité de production, qui doit faire l'objet d'audits réguliers par l'organisme notifié, semble incontournable, surtout dans un domaine de progrès technologiques rapides.

Lors de son audition, l'organisme notifié allemand TÜV Rheinland a indiqué procéder, au moins une fois par an, à un audit du fabricant, au cours duquel elle vérifie le système de contrôle qualité après sa certification. Tous les cinq ans, elle effectue un nouveau contrôle du produit. Celui-ci peut également être diligenté en cas d'incidents remettant en question la recertification du produit.

Face aux disparités entre Etats membres dans l'observation de critères minimaux de compétence et de transparence des contrôles en vue de la désignation des organismes notifiés, plusieurs des personnalités auditionnées par la mission, en particulier les représentants de l'ANSM et de la HAS, ont plaidé pour la mise en place, au niveau européen, d'un comité d'experts indépendants chargé de l'évaluation des données cliniques cruciales concernant les dispositifs médicaux les plus risqués. Ce comité aurait vocation à garantir le passage d'une certification de conformité avec des référentiels normatifs à un mécanisme d'évaluation véritable.

La question du rôle des autorités sanitaires de chaque Etat membre doit être examinée avec attention, en leur confiant une mission de contrôle de la qualité et de la transparence des évaluations cliniques des dispositifs médicaux : elles ne sont toujours pas, jusqu'ici, associées aux procédures d'évaluation clinique, aussi bien avant qu'après la mise sur le marché des dispositifs, et en sont réduites à n'intervenir qu' a posteriori une fois les dysfonctionnements constatés .

De l'avis des représentants de l'ANSM, cette « centralisation » de l'analyse des données cliniques relatives aux dispositifs médicaux les plus critiques doit permettre, à terme, la définition, au niveau européen, d'une liste positive de dispositifs médicaux invasifs, au sein de la classe III, dont les risques sont jugés acceptables au regard des bénéfices thérapeutiques.

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