2. La réforme de 2008
a) Depuis 2008 : un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D (tranche de 5 % à partir de 100 millions d'euros de dépenses)

Les réformes de 2004 et, surtout, de 2008, ont suscité une forte augmentation de la créance du CIR, passée (en chiffres arrondis) de 500 millions d'euros par an à 1,5 milliard d'euros par an, puis à 5 milliards d'euros par an, comme le montre le graphique ci-après.

La créance et le coût budgétaire du CIR

(en millions d'euros)

Remarques : la dépense fiscale n'est disponible que depuis 1998. La créance de 2010 est une prévision.

Source : MESR

Le tableau ci-après synthétise les principales évolutions survenues depuis 2004, et en particulier les principaux éléments de la réforme de la loi de finances initiale pour 2008.

Principales évolutions du mécanisme fiscal du CIR (2003-2008)

Avant 2004

2004

2006

2007

A partir de 2008

Taux en volume

-

5 %

10 %

10 %

30 % jusqu'à 100 M€ ; 5 % au-delà et taux majoré les deux premières années

Taux en accroissement

50 %

45 %

40 %

40 %

-

Plafond de la créance (millions d'euros)

6,1

8

10

16

Déplafonnement

Source : Laurent Martel, Alexis Masse, Florence Lustman, « Mission d'évaluation du crédit d'impôt recherche », inspection générale des finances, rapport n° 2010-M-035-02, septembre 2010

A l'origine, le CIR était un dispositif dit « en accroissement », c'est-à-dire qu'il s'appliquait à l'augmentation des dépenses de R&D 31 ( * ) . Compte tenu du faible montant de cette assiette, son taux était relativement élevé (50 % avant 2004, et encore 40 % en 2007).

En 2004 a été introduite une part dite « en volume », c'est-à-dire reposant sur le montant total des dépenses de R&D. Le taux de cette part en volume, nécessairement plus faible (car s'appliquant à une assiette plus importante), était alors de seulement 5 %. Il a été porté à 10 % en 2006.

Jusqu'en 2008, le CIR était plafonné : il ne pouvait dépasser un certain montant, apprécié au niveau des déclarants 32 ( * ) (c'est-à-dire, dans le cas des groupes, de leurs filiales). Ce plafond a été porté de 6,1 millions d'euros avant 2004 à 16 millions d'euros en 2007. Contrairement au seuil actuel de 100 millions d'euros, il concernait non les dépenses de R&D, mais la créance de CIR. Dans le cas d'une entreprise ne bénéficiant pas de la part en accroissement, le plafond de 16 millions d'euros correspondait, le taux de la part en volume étant de 10 %, à des dépenses de 160 millions d'euros.

Puis en 2008, la part en accroissement a été supprimée. En effet, selon les termes du dossier de presse du projet de loi de finances pour 2008, « dans les faits, le mode de calcul du CIR s'avère complexe, notamment pour les PME. En particulier, la gestion des « parts en accroissement » négatives peut les dissuader d'entrer dans le dispositif ou les conduire à y renoncer lorsque les dépenses de recherche ne sont pas constantes quand bien même elles développent un effort de recherche significatif ». Ainsi, seule subsiste la part en volume, portée à 30 % jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses, et 5 % pour les dépenses venant en excédent de ce seuil. Le CIR a quant à lui été déplafonné.

Par ailleurs, afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises :

- le délai de réponse de l'administration dans le cas du rescrit a été ramené de 6 à 3 mois ;

- le dispositif de contrôle fiscal sur demande, prévu à l'article L. 13 C du livre des procédures fiscales, a été étendu dans le cas du CIR à l'ensemble des entreprises, sans condition de chiffre d'affaires.

L'encadré ci-après présente une synthèse du régime du CIR résultant de la réforme de 2008.

Le fonctionnement du CIR après 2008

- L'assiette repose en quasi-totalité sur les dépenses de R&D, selon une définition inspirée du « manuel de Frascati » de l'OCDE. Les dépenses de fonctionnement sont évaluées de manière forfaitaire (depuis 2011, 50 % des dépenses de personnel et 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations) ;

- Les entreprises exposant des dépenses de R&D acquièrent une créance auprès de l'État égale à 30 % du montant de ces dépenses jusqu'à 100 millions d'euros, 5 % au-delà de 100 millions d'euros. Le seuil des 100 millions d'euros s'apprécie, pour les groupes de sociétés fiscalement intégrés (qui sont alors les bénéficiaires), à l'échelle de chaque filiale (qui demeure le déclarant) ;

- les entreprises qui demandent à bénéficier pour la première fois du CIR bénéficient d'un taux majoré. Ce taux, en 2008 de 50 % la première année et 40 % la seconde année, a été ramené à respectivement 40 % et 35 % par la loi de finances initiale pour 2011 ;

- les dépenses externalisées auprès d'un sous-traitant privé agréé sont éligibles, y compris si le sous-traitant est établi hors de France dans l'espace économique européen ;

- les dépenses de rémunération de docteurs dans les deux années qui suivent leur premier recrutement entrent dans l'assiette du CIR pour le double de leur montant et bénéficient d'un forfait de dépenses de fonctionnement majoré ;

- les dépenses de R&D externalisées auprès d'un organisme public de recherche entrent dans l'assiette du CIR pour le double de leur montant.

b) Un coût budgétaire réparti sur les quatre années suivant la dépense

Concrètement, le mécanisme est le suivant :

- l'entreprise réalise des dépenses de R&D une année n ;

- elle déclare ces dépenses au MESR en avril de l'année n+1 (pour les entreprises dont l'année budgétaire est calée sur l'année civile) ;

- les dépenses correspondantes suscitent une créance sur l'Etat, imputée sur l'IS dû les années n+1, n+2 et n+3, puis, s'il demeure un solde, prenant la forme d'un crédit d'impôt en n+4. Habituellement, l'Etat s'acquitte de sa dette pour environ 40 % l'année n+1, 10 % l'année n+2 puis l'année n+3, et 40 % l'année n+4 33 ( * ) . Depuis le plan de relance de 2009, les PME bénéficient du remboursement en année n+1.

Le tableau de la page suivante explicite le passage de la créance au coût budgétaire chaque année de 2006 à 2014.

Ce mécanisme aura été perturbé de 2009 à 2013 par le plan de relance, qui a prévu le versement anticipé en 2009 de la totalité des créances 2006-2008, puis par la restitution anticipée en 2010 des créances de 2009.

Le passage de la créance au coût budgétaire, selon le MESR (2006-2014)

(en millions d'euros)

Imputation / restitution de la créance : dépense fiscale (en M€)

créance

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Total

exécution

2005

987

487

61

61

378

987

2006

1 510

810

94

55

551

1 510

2007

1 690

774

169

169

578

1 690

2008

4 500

1 800

450

450

1 800

4 500

2009

4 700

1 880

470

470

1 880

4 700

prévision

2010

5 186

2 275

519

519

1 874

5 186

2011

5 094

1 781

509

509

2012

5 268

2 107

527

2013

5 476

2 190

Dépense fiscale avant plan de relance

800

1 000

1 500

2 402

3 050

3 773

4 570

5 015

5 100

Plan de relance stricto sensu

créances 2006-08

3 798

- 970

- 1 028

- 1 800

0

Restitution anticipée 2010

créance 2009

2 820

- 470

-470

-1 880

0

Dépense fiscale annuelle après plan de relance

800

1 000

1 500

6 200

4 900

2 275

2 300

3 135

5 100

Exécution

Prévision

* Les chiffres relatifs aux créances 2005 et 2006 sont issus du rapport IGF sur les niches sociales et fiscales (p. 42). Source : DB proposition de chiffrage du 21/09/2009.

* La ventilation de la créance 2007 tient compte des données de la dépense fiscale affichées dans les PAP et RAP pour 2009, 2010 et 2011.

* Pour les créances de 2008 et suivantes, le montant de la dépense résulte de l'application d'une clé théorique (40-10-10-40) ajustée afin de tenir compte des données de la dépense fiscale affichées dans les PAP et RAP (pour 2011 et 2012 notamment).

* Un montant de 200 millions d'euros n'a pas donné lieu à remboursement immédiat en 2009, ce montant a été reporté en 2010, ce qui explique le décalage de 200 millions d'euros entre la créance 2009 et la dépense 2010.

Source : d'après le MESR (réponse au questionnaire adressé par le rapporteur spécial)

c) Un coût budgétaire actuellement deux fois inférieur à la créance annuelle des entreprises, à cause du contrecoup du plan de relance

En régime de croisière, le coût budgétaire du CIR une année donnée est à peu près égal au montant de la créance constituée cette même année. Concrètement, en chiffres arrondis, sur les 25 milliards d'euros (soit 1,3 point de PIB) de dépenses de R&D des entreprises (DIRDE 34 ( * ) ), seulement 15 sont déclarées par les entreprises (l'écart, de 10 milliards d'euros, s'expliquant pour moitié par les plafonnements des dépenses sous-traitées). Le taux standard du CIR étant de 30 % 35 ( * ) , il en résulte une créance annuelle d'environ 5 milliards d'euros.

Ainsi, la réforme de 2008 aurait dû faire progressivement passer le CIR d'environ 1,5 milliard d'euros par an à environ 5 milliards d'euros à compter de 2012 (le temps que le « stock » de créances de l'ancien système soit épuisé) - ce qui, compte tenu de la tendance spontanée d'augmentation du coût du CIR, aurait correspondu à un surcoût annuel de près de 3 milliards d'euros -, puis augmenter à la même vitesse que les dépenses de R&D.

Toutefois le coût budgétaire du CIR a connu une évolution très heurtée, avec on l'a vu un montant de plus de 6 milliards d'euros en 2009 et près de 5 milliards d'euros en 2010, puis de l'ordre de seulement 2,3 milliards d'euros en 2011 et en 2012.

L'anomalie du coût budgétaire du CIR constaté à compter de 2009 provient d'une mesure du plan de relance, reconduite en 2010. En effet, en 2009 et en 2010, la totalité des créances de CIR en faveur des entreprises leur ont été payées. En 2009, l'Etat a payé la totalité du reliquat de l'« ancien CIR » et, surtout, la totalité des créances du « nouveau CIR » relatives aux dépenses réalisées en 2008, ce qui a porté son montant à plus de 6 milliards d'euros. En 2010 il n'y avait plus de reliquat de l'« ancien CIR », mais il a fallu payer la totalité du CIR résultant des dépenses réalisées en 2009, soit près de 5 milliards d'euros. Les années 2011 à 2013 sont quant à elles marquées par le « contrecoup » du plan de relance : le coût du CIR est moins important, certaines des créances qui devraient normalement être payées ces années-là l'ayant déjà été en 2009 et en 2010 36 ( * ) .

d) Le coût de la réforme : une augmentation de la créance de 2,8 milliards d'euros en 2008

Du point de vue de l'impact économique à long terme de la réforme de 2008, le principal chiffre à retenir est celui du supplément de créance en 2008 .

Les estimations disponibles connaissent des variations importantes , de 2,5 milliards d'euros si l'on s'appuie sur les chiffres du rapport 37 ( * ) de l'inspection générale des finances de septembre 2010 (avançant même le chiffre de 2,4 milliards d'euros 38 ( * ) ) à 2,7 ou 2,8 milliards d'euros selon les réponses du MESR au questionnaire adressé par le rapporteur spécial, comme le montre le tableau ci-après.

Le coût du CIR : comparaison des estimations de l'inspection générale des finances (2010) et du MESR (2012)

(2005-2009)

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

Coût budgétaire (dépense fiscale)

IGF, 2010

700

800

1 000

1 500

6 200

MESR, 2012

800

1 000

1 500

6 200

Créance des entreprises

IGF, 2010

982

1 507

1 649

4 155

4 155

MESR, 2012 (tableau de la page 46 *)

987

1 510

1 690

4 500

4 700

MESR, 2012 (réponse à une autre question du rapporteur spécial**)

982

1 495

1 689

4 401

4 787

Evolution de la créance des entreprises par rapport à l'année précédente

IGF, 2010

72

525

142

2506

0

MESR, 2012 (tableau de la page 46 *)

523

180

2810

200

MESR, 2012 (réponse à une autre question du rapporteur spécial**)

52

513

194

2712

386

* Réponse à la question 7. Il s'agit d'une série longue dans laquelle toutes les déclarations retardataires n'ont pas été reportées. Les données CIR ne sont définitives que fin N+3 car les entreprises peuvent déposer jusqu'à cette date. Par ailleurs des entreprises ne déposent pas selon l'obligation légale et les déclarations ne sont saisies qu'après. Les chiffres peuvent ainsi varier légèrement en fonction de la date de consultation de la base GECIR.

** Réponse à la question 6.

Source : Laurent Martel, Alexis Masse, Florence Lustman, « Mission d'évaluation du crédit d'impôt recherche », inspection générale des finances, rapport n° 2010-M-035-02, septembre 2010 ; réponses du MESR au questionnaire adressé par le rapporteur spécial (questions 6 et 7)

Dans les développements ci-après, on retiendra le chiffre de 2,8 milliards d'euros .


* 31 L'augmentation prise en compte était la différence entre les dépenses exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours des deux années précédentes. Lorsque les dépenses de recherche diminuaient, il était constaté une « part en accroissement négative » qui s'imputait sur les « parts en accroissement positives » calculées au titre des cinq années suivantes.

* 32 Le déclarant (c'est-à-dire l'entreprise proprement dite, y compris si elle est filiale d'un groupe fiscalement intégré) doit être distingué du bénéficiaire (qui peut être un groupe fiscalement intégré).

* 33 Ordres de grandeur figurant dans la fiche du rapport de 2011 de l'inspection générale des finances sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (dit « rapport Guillaume »), qui indique qu'il s'agit de la clé retenue par la DLF pour prévoir le coût du CIR.

* 34 La dépense intérieure de R&D des entreprises (DIRDE), de l'ordre de 1,3 point de PIB, ne doit pas être confondue avec l'ensemble de la dépense intérieure en R&D (DIRD), de 2,2 point de PIB.

* 35 Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. En 2008, le ratio CIR/dépenses déclarées était de 27,7 %.

* 36 On rappelle en outre que depuis 2011, le dispositif du plan de relance a été pérennisé dans le cas des PME.

* 37 Laurent Martel, Alexis Masse, Florence Lustman, « Mission d'évaluation du crédit d'impôt recherche », inspection générale des finances, rapport n° 2010-M-035-02, septembre 2010.

* 38 Le rapport de l'inspection générale des finances évoque « un accroissement des créances de 2,4 milliards d'euros ».

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