b) Renforcer la compétitivité de l'industrie
La question de la non-dépendance ne constitue qu'un aspect du soutien à la compétitivité de l'industrie européenne. Il convient, plus largement, d'aider celle-ci à maintenir son avance technologique, en contrepartie du fait qu'elle bénéficie de commandes publiques moindres, par rapport à ses concurrents non européens. A ce sujet, Eurospace a publié une liste des priorités de R&T pour les années à venir 39 ( * ) , reproduite en annexe au présent rapport.
(1) Un positionnement à consolider
Les industriels européens (EADS Astrium, Thalès Alenia Space) et américains (Space Systems Loral - en cours de rachat par le Canadien MDA-, Lockheed Martin, Boeing, Orbital Sciences) construisent actuellement plus de 80 % des satellites civils destinés à l'orbite géostationnaire, sur un marché d'environ 20 satellites par an accessibles à la concurrence. Les Européens Thalès et Astrium totalisent 32 % des parts de marché en valeur sur la période 2009-2011.
Commandes de satellites GEO 2009-2011
(Parts de marché en valeur)
Source : Astrium
La compétitivité de l'industrie européenne ne s'est pas démentie ces dernières années : pour Astrium par exemple grâce à la série de satellites Eurostar et au succès de Ka-Sat (pour Eutelsat), premier satellite européen permettant l'accès à l'internet haut débit sur l'ensemble de l'Europe et le bassin méditerranéen ; pour Thales avec les constellations en orbite basse Globalstar, 03B ou Iridium. Les industriels européens ont pour le moment su avoir des produits répondant aux attentes du marché, au moment opportun.
A l'heure actuelle, les Américains sont redevenus très présents sur le marché commercial, motivés par la baisse de leurs budgets spatiaux publics. A titre d'illustration, quand les marchés institutionnels aux États-Unis sont réduits de 10 %, les industriels américains perdent l'équivalent du marché européen... Disposant de technologies issues de leurs activités de Défense, ils proposent des produits innovants, par exemple dans le domaine de la propulsion électrique (voir ci-après), et ont bénéficié, en outre, au cours des années récentes d'une parité euro/dollar favorable, même si la situation est redevenue plus favorable à l'industrie européenne en 2012.
Quant aux pays émergents, ils gagnent des parts de marché : le Japonais Mitsubishi a par exemple gagné un marché turc, incluant un transfert de technologies, en 2011 ; les Chinois vendent des satellites au Venezuela et au Nigéria, qui, en contrepartie, les approvisionnent en pétrole. Les Indiens souhaitent également être présents sur les marchés.
Dans ce contexte, le soutien public à l'innovation et l'amélioration de la compétitivité de l'industrie est déterminant. Il s'agit de lancer de grands programmes structurants, réunissant acteurs publics et privés.
Le programme Alphabus, nouvelle plateforme de satellites de télécommunications, est un exemple de ce type de coopération. Un premier modèle de vol a été qualifié dans le cadre du programme de développement mené par Astrium en coopération avec Thales Alenia Space, avec le soutien de l'ESA, dans le cadre de son programme de recherche avancée en systèmes de télécommunications (ARTES 40 ( * ) ),et du CNES. Cette plateforme doit faire l'objet d'un premier lancement par Ariane 5 en 2013 (Alphasat). Une plateforme de nouvelle génération est par ailleurs développée, pour le moment au niveau français dans le cadre du programme « Satellites du futur » (37 M€) du plan d'investissements d'avenir, également en partenariat avec Astrium et Thalès. Cette nouvelle génération pourrait à l'avenir être également développée dans le cadre du programme ARTES de l'ESA.
Le plan d'investissements d'avenir soutient également le développement du très haut débit satellitaire, à hauteur de 100 M€. Le caractère onéreux du développement de la fibre optique, confirmé par un rapport récent de l'inspection générale des finances, doit amener à s'interroger sur le coût comparé des technologies satellitaires matures (haut débit) ou en cours de développement (très haut débit). Le programme concerné du PIA est destiné à doter la France d'une filière industrielle de satellites internet à très haut débit, incluant le segment sol. Aujourd'hui la France n'est en effet pas positionnée sur le segment sol : celui-ci est américain dans le cas par exemple du satellite d'Eutelsat Ka-Sat, qui avait été développé initialement par le CNES sous le nom d'Agora.
La nécessité de développer de grands programmes structurants ne concerne pas que le secteur des télécommunications. Elle se vérifie aussi pour l'observation (notamment optique, pour ce qui est de compétences industrielles historiquement françaises). Ces deux types de technologies ont d'ailleurs en commun leur caractère dual, c'est-à-dire quel leur intérêt pour l'Europe n'est pas que commercial, mais aussi militaire.
Le développement d'une filière européenne de surveillance environnementale est une autre priorité (par exemple, la surveillance du carbone), ce qui renvoie à la nécessité de garantir un financement pérenne du programme GMES, et de mettre en place un cadre adéquat pour le développement de services associés.
Orientations
- Poursuivre le soutien apporté à la filière européenne de satellites de télécommunications par de grands programmes structurants (plateformes de nouvelle génération, très haut débit)
- Faire précéder toute décision de politique spatiale d'une étude d'impact industriel
* 39 RT Priorities 2012 (ASD-Eurospace)
* 40 Advanced Research in Telecommunications Systems.