B. DES PRINCIPES CLAIRS MAIS DES RÉSULTATS MITIGÉS

La triple taxe instaurée par l'article 5 de la loi 2012-354 du 14 mars 2012 (loi de finances rectificative pour 2012) a le mérite d'obéir à des règles claires, mais elle est trop récente pour qu'on puisse en présenter un bilan significatif.

On remarque cependant que le législateur français a pris la peine de délimiter soigneusement le champ d'application de ces trois taxes nouvelles et qu'il a fait preuve de beaucoup de pragmatisme. Pourtant les conséquences sur les marchés sont peu encourageantes.

Selon une étude de Crédit Suisse, la TTF française aurait frappé durement les entreprises françaises depuis sa création en triplant le coût de la transaction. La capitalisation boursière des « small and mid caps » chute depuis septembre 2012 du fait que la moyenne des transactions journalières des sociétés concernées par la taxe a baissé de 10 % en moyenne.

Il reste cependant que cette taxe apparaît comme une taxe sur les transactions du « bon père de famille » qui investit à long terme puisqu'elle frappe les échanges d'actions alors que les fonds spéculatifs utilisent, pour leur part, des contrats dérivés de gré à gré qui, eux, ne reposent, comme il a été dit, sur aucun échange d'actions.

C'est la difficulté des taxes sur les transactions financières : elles ne peuvent finalement frapper que ce qui est à portée de main, c'est-à-dire les transactions les plus visibles et opérées sur des marchés réglementés sur le territoire d'une juridiction donnée, et jamais elles ne parviennent à atteindre celles qui se traitent dans la finance de l'ombre et dont on ignore en grande partie les flux. De même, l'instauration d'une TTF a pour effet paradoxal de soustraite une partie des transactions des marchés réglementés et de renforcer ainsi les marchés de gré à gré non déclarés.

LA RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS DE PRODUITS DÉRIVÉS

Les dérivés sont un outil essentiel pour gérer le risque, mais les dérivés peuvent être échangés sur une base privée de gré à gré ou sur des marchés organisés. Or la crise a mis en lumière les dangers liés à l'opacité et aux pratiques des marchés de dérivés de gré à gré. Les principes fixés par le G 20 en septembre 2009 reposaient donc sur des exigences de transparence accrue et une migration des transactions vers des système de compensation centrale afin de réduire le risque de défaillance de l'une des parties au contrat susceptible de provoquer la déstabilisation des marchés.

Le 15 septembre 2010, la Commission a adopté un règlement dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2013 et qui introduit notamment :

- l'obligation d'utiliser une compensation centrale - Central Counterparties ( CCP) - pour ceux des dérivés OTC qui y seront déclarés éligibles par l'Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) et les régulateurs nationaux,

- des règles communes concernant l'agrément, la solidité financière, le fonctionnement et l'interopérabilité des compensations centrales.

- l'obligation de déclaration à des référentiels centraux - Trade Repository (TR) - des informations concernant les dérivés,

- des règles communes concernant l'agrément, le fonctionnement et la surveillance des référentiels centraux par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

Ce dispositif est complété par une contrainte en capital plus élevée pour les dérivés ne faisant pas l'objet d'une compensation centralisée (Directive CRD IV).

Par la suite, la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIFID) a inclus une réglementation spécifique des contrats négociés sur les marchés organisés. Enfin, la prise en compte des dérivés OTC dans le champ d'application de la directive sur les abus de marché est également à l'étude.

Les discussions au sein du Conseil ont porté sur le champ d'application du règlement, c'est-à-dire la question de savoir si les contrats dérivés négociés sur les marchés réglementés devaient également être soumis aux obligations de compensation et de déclaration. Le Conseil est parvenu à un accord sur ce point. Tous les dérivés, y compris ceux négociés sur les marchés réglementés, seront soumis à des obligations de déclaration à des référentiels centraux. L'obligation de compensation ne concernera pour l'instant que les dérivés OTC considérés comme éligibles.

Au cours de la négociation s'est aussi posée la question de la localisation géographique des compensations centrales et de leur accès à la liquidité de la Banque centrale Européenne (BCE). Rappelons que la Grande-Bretagne a récemment intenté une action en justice devant la CJUE contre une décision de la BCE conditionnant l'accès des compensations centrales à la liquidité en euro à leur installation physique en zone euro. Le compromis obtenu au Conseil serait de nature à apaiser les craintes britanniques. En effet, le projet de proposition précise qu'aucun État membre ne peut faire l'objet de discrimination en tant que lieu de fourniture de services de compensation.

Les dérivés OTC constituent le marché financier mondial le plus important et le plus concentré. Le volume mondial des transactions, estimé à plus de 600 000 milliards de dollars soit près de 12 fois le PIB mondial, est négocié majoritairement par 14 banques de financement et d'investissement qui en tirent une partie essentielle de leurs bénéfices.

La compensation centralisée prônée par le Règlement européen tend à réduire le risque mais, ce faisant, elle le concentre sur les compensations centrales. D'où l'importance qui devra être portée en pratique sur la surveillance, les normes réglementaires de fonctionnement, la solidité financière et les conditions de concurrence entre les compensations centrales. Enfin, comme souvent pour la réglementation financière, les acteurs du marché pourraient être tentés de contourner la règlementation en réduisant la proportion des produits éligibles à la compensation obligatoire.

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