C. DES HYPOTHÈSES DE CROISSANCE RAISONNABLEMENT CRÉDIBLES, DES ALÉAS À RELATIVISER

1. Des hypothèses de croissance perçues comme optimistes...
a) Des hypothèses de croissance optimistes, selon le Haut Conseil des finances publiques

L'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) publié le 16 avril 2013 émet des réserves sur les hypothèses de croissance associées au présent projet de programme de stabilité.

Il remarque que, si l'article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 prévoit que « le programme de stabilité se fonde sur le scénario macrobudgétaire le plus plausible ou sur un scénario plus prudent », le présent projet de programme de stabilité ne retient pas cette seconde possibilité.

Il souligne que si la prévision de croissance pour 2014, de 1,2 %, est identique à celle de la Commission européenne, elle est en réalité plus optimiste, une fois pris en compte le fait que le Gouvernement prévoit également un déficit budgétaire moins élevé, l'effort supplémentaire réalisé devant avoir un effet récessif.

L'avis du Haut Conseil des finances publiques sur les prévisions de croissance pour 2014 : extraits

« Le Haut Conseil observe par ailleurs que si les prévisions macroéconomiques du Gouvernement sont, en apparence, très proches de celles établies en février 2013 par la Commission européenne, la similitude de prévision de taux de croissance (1,2 %) masque en fait des scénarios très différents. Aussi la Commission retient-elle une hypothèse de déficit public en hausse de 0,2 point en 2014 alors que le Gouvernement envisage une réduction de 0,8 point dans le projet de programme de stabilité. Dans le scénario du Gouvernement, l'ampleur de l'ajustement budgétaire envisagé qui pèserait sur la croissance serait compensée par l'introduction du CICE et par des importations moins dynamiques. Ces hypothèses paraissent optimistes.

« Au total, le Haut Conseil des finances publiques considère que le scénario pour les années 2013 et 2014 est entouré d'un certain nombre d'aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Un léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus. »

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2013-01 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2013 à 2017, 15 avril 2013

S'agissant des années 2015 à 2017, le Haut Conseil estime que « la prévision d'une croissance effective de 2 % par an dès l'année 2015 est incertaine ».

b) Une hypothèse de croissance pour 2014 supérieure, comme d'habitude à cette période de l'année, au consensus des conjoncturistes

L'hypothèse de croissance retenue pour 2014 (1,2 %) est supérieure de 0,5 point au consensus des conjoncturistes, de 0,7 %.

Elle ne se distingue pas en cela des prévisions précédemment publiées par le Gouvernement à cette période de l'année. Ainsi, depuis 2006, la prévision du Gouvernement en mars-avril a en moyenne été supérieure de 0,5 point au consensus : alors que le consensus prévoyait en moyenne une croissance de 1,5 %, elle a été de 2 %, comme le montre le graphique ci-après.

Les prévisions de croissance du PIB en avril de l'année précédente

(en %)

NB : le site Internet de la Commission économique de la Nation n'indique pas de prévisions en mars-avril 2010.

Sources : consensus Forecasts, numéro d'avril ; Gouvernement : commission économique de la Nation (mars ou avril) ( https://www.tresor.economie.gouv.fr/cen )

2. ...qui n'en demeurent pas moins crédibles, en raison notamment des réformes engagées par le Gouvernement

Dans son avis publié le 16 avril 2013, le Haut Conseil des finances publiques a souligné les « aléas » concernant les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement pour les années 2013 et 2014, ainsi que les « fragilités » du scénario de moyen terme, portant sur la période 2015-2017. Ce constat du Haut Conseil ne saurait être contesté ; les incertitudes qui ont toujours entouré les projections macroéconomiques sont probablement renforcées par le contexte économique mondial actuel.

Toutefois, votre rapporteur général estime que les prévisions de croissance du PIB établies par le Gouvernement dans le cadre du présent programme de stabilité sont raisonnablement crédibles . Si aucune garantie ne peut être apportée quant à la concrétisation du scénario arrêté, qui dépend pour une large part des comportements des entreprises et des ménages, et pour lequel la confiance joue un rôle essentiel, les données disponibles à ce jour laissent penser que celui-ci n'est pas hors de portée.

A court terme, la hausse progressive des exportations françaises compenserait la relative atonie de la demande intérieure, alors qu'à moyen terme l'augmentation de la consommation des ménages, reposant notamment sur un recul du taux d'épargne, deviendrait le principal relais de la croissance française.

a) Le rebond des exportations françaises...

Concernant 2013, le Gouvernement prévoit une croissance de 0,1 %, soit une évolution du PIB supérieure à celle de la zone euro dans son ensemble que la Commission, dans ses prévisions d'hiver, a évaluée à - 0,3 %. En dépit de la persistance de la récession dans la zone euro, limitant les exportations vers des pays comme l'Espagne et l'Italie, la France bénéficierait de la hausse des importations allemandes et américaines .

L'Allemagne constitue le principal partenaire commercial de la France, représentant près de 16 % des exportations françaises. Aussi, il faut rappeler que les prévisions d'hiver de la Commission européenne anticipent une augmentation de la demande intérieure allemande de 1 % et un relèvement de ses importations de 4,1 % . La demande privée est soutenue par le retour à l'équilibre des finances publiques, mais également par des revalorisations salariales substantielles. Les salaires ont augmenté, en moyenne, de 2,6 % au cours de l'année 2012 ; à titre d'exemple, les salariés des secteurs de l'automobile et de la construction ont bénéficié d'une revalorisation de leur salaire de 4,3 %. Cette tendance semble devoir se poursuivre en 2013, des hausses des rémunérations ayant déjà été accordées dans la fonction publique régionale.

De toute évidence, la reprise de la demande privée allemande constitue donc un relais crédible de la hausse des exportations françaises et de la croissance du PIB de la France en 2013.

En outre, l'économie des Etats-Unis devrait, en 2013, être portée par une demande privée dynamique , et ce en dépit d'une consolidation budgétaire importante. Le redémarrage du marché immobilier, qui semble se confirmer, de même que le désendettement avancé des ménages, soutiendraient la consommation de ces derniers. Par ailleurs, la situation financière des entreprises demeure favorable, ce qui pourrait amplifier la hausse de la croissance américaine par le biais de hausses des salaires et des investissements. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les Etats-Unis connaîtraient une croissance de 1,9 % en 2013 ; celle-ci atteindrait même 3 % en 2014.

Il faut préciser que ces prévisions tiennent compte de l'assainissement très rigoureux actuellement engagé par le gouvernement américain , à hauteur de 1,8 % du PIB. Aussi M. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, semble-t-il considérer que la vigueur de la demande intérieure permettra de compenser les effets de l'ajustement, celle-ci étant « portée en partie par l'anticipation de taux directeurs faibles selon les indicateurs de la Réserve fédérale quant à l'orientation future de la politique monétaire, ainsi que par la demande non satisfaite de logements et de biens de consommation durables ».

Enfin, la situation économique mondiale paraît, globalement, s'améliorer . Au Japon, outre le renforcement d'une politique accommodante et la dépréciation du yen, le plan de relance massif adopté à la mi-janvier devrait stimuler l'activité en 2013, en favorisant notamment une hausse de la demande publique. Ainsi, selon le FMI, la croissance de la production japonaise devrait être de 1,6 % en 2013. Par ailleurs, les pays émergents et en développement afficheraient des taux de croissance substantiels , atteignant 5,3 % en moyenne au cours de l'année 2013.

Dans ce contexte, dans sa note de conjoncture de mars 2013, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a prévu une hausse des exportations françaises de 0,6 % au premier trimestre 2012 et de 0,7 % au deuxième trimestre, ce qui semble cohérent avec l'hypothèse d'une hausse de 2,6 % de la demande mondiale adressée à la France retenue dans le cadre du présent projet de programme de stabilité .

Ainsi, en 2013, le rebond des exportations françaises pourrait permettre de compenser les effets d'une évolution d'une demande intérieure moins dynamique que prévu .

Cette tendance pourrait se prolonger, l'environnement international semblant tendre vers une amélioration à moyen terme. En 2014, les projections du FMI laissent ainsi entrevoir une nouvelle hausse de l'activité mondiale, y compris au sein de la zone euro du fait du ralentissement des consolidations budgétaires menées par les Etats membres. A plus long terme, les mesures améliorant la compétitivité de l'économie française , précisées dans le cadre du projet de programme national de réforme (PNR), devraient produire leurs effets. On citera, à cet égard, les dispositions avancées dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi et les résultats attendus du programme d'investissements d'avenir sur la recherche et le développement.

Evolution de la demande mondiale adressée à la France

(en %)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

6,2

0,8

2,6

6,5

6,5

6,5

6,5

Source : programme de stabilité (2013-2017)

A titre indicatif, il est possible de rappeler qu'une hausse de 1 % de la demande mondiale adressée à la France se traduit par une augmentation de 0,2 point du PIB (cf. tableau ci-contre). Ainsi, en 2014, l'accroissement de 6,5 % de la demande mondiale aurait une incidence positive de 1,3 point sur le PIB français.

Impact sur l'économie française d'une hausse de 1 % de la demande mondiale adressée à la France*

n

n+1

n+2

PIB

0,2

0,2

¼

Emploi salarié total (en milliers)

9

27

40

* Augmentation durable de 1 % de la demande mondiale intervenant au début de l'année n, à taux d'intérêt réels inchangés

Source : projet de programme de stabilité

Les perspectives de l'économie mondiale (FMI)

(évolution annuelle, en %)

2012

2013

2014

Production mondiale

3,2

3,3

4,0

Pays avancés

1,2

1,2

2,2

Etats-Unis

2,2

1,9

3,0

Zone euro

-0,6

-0,3

1,1

Royaume-Uni

0,2

0,7

1,5

Pays émergents et en développement

5,1

5,3

5,7

Russie

3,4

3,4

4,0

Chine

7,8

8,0

8,2

Inde

4,0

5,7

6,2

Afrique subsaharienne

4,8

5,6

6,1

Volume du commerce mondial

2,5

3,6

5,3

Source : FMI (avril 2013)

b) ...est encouragé par les mesures engagées en matière de compétitivité, reprises dans le programme national de réforme

Le Gouvernement a engagé des mesures de nature à améliorer la compétitivité de l'économie française, de manière à pleinement tirer profit de l'opportunité du redressement de l'environnement économique international actuellement à l'oeuvre . Ces différentes mesures sont explicitées dans le programme national de réforme.

Tout d'abord, la fiscalité a été modifiée afin de favoriser la compétitivité des entreprises. La principale mesure adoptée en ce sens a été la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Le principe de ce dispositif est simple ; il s'agit d'un allègement du coût du travail à hauteur de 20 milliards d'euros, soit un point de PIB, de manière à permettre la restauration des marges des entreprises. Celle-ci permet à la fois une baisse des prix, donc un relèvement de la compétitivité-coût des produits à l'exportation , et une amélioration des capacités d'autofinancement , levier majeur d'investissement, notamment en recherche et développement (R&D), et par conséquent de compétitivité hors-prix.

Ainsi, les projections réalisées lors de l'élaboration de la mesure prévoient une hausse des exportations de 0,5 point à l'horizon 2017 ( cf . tableau ci-dessous). Il faut toutefois souligner que le modèle utilisé pour établir ces prévisions ne permet de rendre pleinement compte que des effets inhérents à l'amélioration de la compétitivité-coût et non de ceux liés au renforcement de la compétitivité hors-prix ; aussi, à moyen ou long terme, les incidences du CICE sur la compétitivité des entreprises françaises pourraient être plus importantes.

Impact du CICE*

2013

2014

2015

2016

2017

2022

PIB

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

Prix à la consommation

-0,1

-0,2

-0,2

-0,6

-0,8

-1,5

Exportations

0,0

0,1

0,1

0,3

0,5

0,6

Importations

0,1

0,3

0,2

0,3

0,2

0,0

Emplois (milliers)

32

125

224

282

302

318

Note de lecture : en 2017, les exportations seront supérieures de 0,5 point à ce qu'elles auraient été si le CICE n'avait pas été institué.

* Il s'agit de l'impact du CICE, mais également de l'ensemble des mesures adoptées corrélativement à sa mise en place (augmentation de la TVA, de la fiscalité écologique et réduction des dépenses publiques)

Source : projet de programme national de réforme (PNR)

Les effets induits par le CICE, notamment sur la capacité à investir des entreprises, seront renforcés par les autres réformes favorisant l'accès au financement des agents économiques. Sans entrer ici dans les détails, il s'agit de la mise en place de la Banque publique d'investissement (BPI) 48 ( * ) , dotée d'une capacité d'intervention totale de près de 42 milliards d'euros, ou encore de la réforme à venir de la fiscalité de l'épargne de manière à renforcer le financement en fonds propres des entreprises sur la base du récent rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre 49 ( * ) .

Le Gouvernement a également engagé une politique d'accompagnement des entreprises exportatrices . Celle-ci consistera à rénover les outils existants, comme l'agence de soutien à l'internationalisation des entreprises, Ubifrance, afin d'offrir à ces dernières un accompagnement personnalisé. De même, le financement à l'export sera revu, toujours avec pour souci d'encourager plus particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME). Cette politique d'accompagnement sera concentrée sur des filières présentant les perspectives de développement les plus importantes à moyen et long terme, à destination de 47 pays jugés prioritaires.

Par ces réformes favorables à la compétitivité des entreprises, le Gouvernement tend à résoudre l'une des principales difficultés de l'économie française, à savoir les pertes de part de marché. Au cours des dix dernières années, celles-ci ont substantiellement reculé. C'est d'ailleurs la principale critique formulée à l'égard de la France dans le cadre de la procédure de déséquilibres macroéconomiques (PDM) instituée récemment dans le cadre du « six pack » (cf. encadré ci-dessous).

La procédure concernant les déséquilibres économiques (PDM)

Outre la réforme du pacte de stabilité et de croissance, le « six pack », adopté en 2011, a prévu la mise en place nouveau mécanisme de surveillance et d'exécution pour détecter et résoudre plus rapidement les déséquilibres macroéconomiques : il s'agit de la procédure concernant les déséquilibres excessifs, fondée sur l'article 121, paragraphe 6, du TFUE. Cette procédure vise à identifier, en amont, les déséquilibres susceptibles, à terme, de peser sur la soutenabilité des finances publiques ; à cet égard, il est possible de citer l'exemple de l'Espagne ou de l'Irlande, dont les économies reposaient très largement sur des « bulles » immobilières. Ce mécanisme comportera les principaux éléments suivants :

- des mesures préventives et correctives : la nouvelle procédure permet à la Commission européenne et au Conseil d'adopter à un stade précoce, avant que les déséquilibres ne s'aggravent, des recommandations préventives au titre de l'article 121, paragraphe 2 du TFUE. Dans les cas les plus graves, le volet correctif permettra l'ouverture d'une procédure de déséquilibre excessif à l'égard d'un Etat membre, qui devra alors soumettre un plan d'action corrective comportant une feuille de route précise et les délais de mise en oeuvre des mesures prévues. La Commission renforcera la surveillance sur la base des rapports d'avancement périodiques remis par les Etats membres concernés ;

- une application rigoureuse : un nouveau régime d'application est instauré pour les Etats membres de la zone euro. Il se fonde sur une approche en deux étapes en vertu de laquelle un dépôt portant intérêt pourra être imposé si un État membre ne met pas en oeuvre les mesures correctives recommandées . Si l'Etat membre persiste à ne pas se conformer à ces recommandations, le dépôt portant intérêt pourra être converti en amende (pouvant représenter jusqu'à 0,1 % du PIB ). Des sanctions pourront aussi être imposées à un Etat membre qui, après deux rappels, n'a toujours pas remis un plan d'action corrective satisfaisant. Le processus décisionnel prévu par les nouvelles règles est simplifié : ainsi, toutes les décisions pertinentes menant à l'adoption de sanctions seront prises à la majorité qualifiée inversée . Avec cette procédure de décision semi-automatique, il sera très difficile pour les États membres de constituer une majorité de blocage ;

- un système d'alerte précoce : un système d'alerte est établi sur la base de la lecture économique d'un tableau de bord comportant un ensemble de onze indicateurs relatifs aux principales sources de déséquilibres macroéconomiques ( cf . tableau de bord pour la procédure de déséquilibres macroéconomiques et résultats pour la France, ci-dessous). La composition de ces indicateurs peut évoluer dans le temps ; l'objectif du tableau de bord est de permettre la réalisation d'études approfondies en vue de déterminer si les déséquilibres potentiels détectés à un stade précoce sont problématiques ou non. La Commission peut organiser des missions, avec la BCE le cas échéant, afin de procéder à des examens approfondis, qui seront rendus publics.

En effet, les parts de marché à l'exportation de la France ont reculé de 11,2 % entre 2006 et 2011 , comme cela a pu être mis en évidence dans le cadre du bilan approfondi réalisé par la Commission au cours de la première PDM de 2012 ( cf . tableau ci-dessous).

Composition du tableau de bord pour la procédure de déséquilibres macroéconomiques et résultats pour la France

Indicateurs

Seuils

Situation française en 2011

Balance courante

moyenne mobile sur 3 ans

entre + 6 % et - 4 % du PIB

-1,6 %

Position extérieure nette

- 35 % du PIB

-15,9 %

Taux de change réels effectifs

sur la base de déflateurs IPCH/IPC, par rapport à 35 autres pays industriels

+/- 5 % pour les pays de la zone euro, +/- 11 % pour les pays hors zone euro

-3,2 %

Parts de marché à l'exportation

en valeur, sur cinq années

- 6 %

-11,2 %

Coûts unitaires nominaux de la main-d'oeuvre

évolution sur 3 ans

+ 9 % pour les pays de la zone euro, + 12 % pour les États hors zone euro

6 %

Prix de l'immobilier

par rapport à un déflateur de la consommation calculé par Eurostat

6 %

3,8 %

Flux de crédit dans le secteur privé

en % du PIB

15 %

4 %

Dette du secteur privé

en % du PIB

160 %

160 %

Dette du secteur public

en % du PIB

60 %

86 %

Taux de chômage

moyenne mobile sur 3 ans

10 %

9,6 %

Passif total du secteur financier

évolution annuelle

16,5 %

7,3 %

Source : programme national de réforme

Aussi faut-il rappeler que la balance commerciale française hors énergie est passée de + 25 milliards d'euros en 2002 à - 25 milliards d'euros en 2011 , en conséquence, notamment, de l'érosion des parts de marché des exportations françaises. Par ailleurs, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée française est passée de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011 , s'accompagnant de la destruction de 750 000 emplois industriels .

Des mesures en faveur du rétablissement de la compétitivité des exportations françaises apparaissent donc comme indispensables ; à cet égard, les réformes engagées par le Gouvernement permettront d'apporter un remède à l'un des principaux déséquilibres mis en évidence dans le cadre de la PDM.

c) Un regain de consommation des ménages reposant notamment sur une baisse du taux d'épargne

En 2014, mais plus encore à compter de 2015, le regain progressif de la consommation des ménages constituerait un levier de la croissance . Celle-ci devrait, en partie, reposer sur une baisse du taux d'épargne, qui est également anticipée par la Commission européenne qui, dans ses prévisions d'hiver, prévoit une réduction du taux d'épargne des ménages de 15,5 % en 2012 à 14,9 % en 2014. En outre, selon l'INSEE, le taux d'épargne aurait déjà reculé de 0,9 point entre le deuxième et le quatrième trimestre de l'année 2012.

Evolution du taux d'épargne des ménages (2005-2013)

(en %)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012*

2013*

14,7

14,9

15,4

15,5

16,4

15,9

16,1

16,1

15,8

* Prévisions

Sources : INSEE, OCDE (2012)

Les données disponibles permettent, effectivement, d'envisager une baisse du taux d'épargne des ménages . Celui-ci se relève généralement en période de contraction économique, les ménages constituant une épargne de précaution ; cela s'est encore vérifié dans le cas de la France, puisque celui-ci est passé de 14,9 % en 2006 à 16,4 % en 2009, soit une hausse de 1,5 point .

Il faut, en outre, rappeler que le taux d'épargne a été, en moyenne, de 14,7 % entre 1990 et 1999 . Aussi une diminution du taux d'épargne induit par un retour de la confiance des ménages favoriserait-il un rebond de la consommation intérieure.

A titre indicatif, un retour au taux d'épargne des ménages constaté en 2006 à l'horizon 2016-2017 représenterait une hausse des dépenses de consommation de 12 milliards d'euros par an 50 ( * ) , soit près de 0,6 point de PIB .

Une telle donnée tend à renforcer la crédibilité de l'hypothèse de croissance de 2 % sur la période 2015-2017. D'autant que les différentes actions entreprises notamment afin de réformer le marché du travail devraient être de nature, d'une part, à favoriser les créations d'emplois et, d'autre part, à rétablir la confiance et à réduire, dès lors, les comportements d'épargne de précaution.

Il faut, tout d'abord, rappeler que le CICE devrait permettre la création de plus de 300 000 emplois à l'horizon 2017 , dont 90 000 dès 2014.

A cela vient s'ajouter la montée en puissance des « contrats de génération », qui devraient créer près de 10 000 emplois en 2014, et du dispositif « emplois d'avenir » dont il est attendu 80 000 créations d'emplois la même année.

Ainsi, ces différents dispositifs participeraient à la création nette de près de 160 000 emplois en 2014 , marquant le début de la consolidation du marché du travail.

L'environnement économique serait donc, à compter de 2014, mais plus encore de 2015, favorable à une reprise de la consommation privée.

3. La nécessaire incertitude des prévisions économiques

Votre rapporteur général ne peut que souscrire à l'analyse consistant à identifier les « aléas », voire les « fragilités » des hypothèses de croissance retenues dans le présent projet de programme de stabilité. En effet, les prévisions économiques présentent un degré élevé d'incertitude, notamment dans un contexte macroéconomique fortement heurté comme cela est le cas aujourd'hui. Aussi est-il indispensable de reconnaître qu'il n'existe pas de consensus parmi les principales institutions formulant des prévisions conjoncturelles ; les analyses actuellement disponibles ne permettent donc pas d'écarter unanimement les hypothèses retenues par le Gouvernement.

a) La croissance de 2014 est, à ce stade, imprévisible

De manière générale, et plus encore sans doute dans le contexte actuel, la croissance du PIB en 2014 est, à ce stade de l'année, imprévisible.

Le graphique ci-après compare les prévisions du consensus et du Gouvernement avec la croissance effectivement constatée.

On observe que si, comme on l'a indiqué, la prévision du Gouvernement est en moyenne supérieure de 0,5 point à celle du consensus, cet écart est sans commune mesure avec celui constaté entre ces deux prévisions et la croissance réalisée. Ainsi, en moyenne, depuis 2006, si la prévision du Gouvernement a été de 2 % et celle du consensus de 1,5 %, la croissance réalisée a été de 0,7 %. L'importance du « biais haussier » de la prévision par rapport à la réalisation doit toutefois être relativisée compte tenu de la volatilité du contexte économique mondial au cours de la crise des dernières années. En particulier, sur le long terme, les prévisions du consensus des conjoncturistes tendent à être égales à la croissance potentielle. Sur longue période, les prévisions optimistes et pessimistes du consensus tendent donc à se compenser.

Les prévisions de croissance du PIB en avril de l'année précédente :
comparaison avec l'exécution

(en %)

NB : le site Internet de la Commission économique de la Nation n'indique pas de prévisions en mars-avril 2010.

Sources : consensus Forecasts, numéro d'avril ; Gouvernement : pour 2006-2011, commission économique de la Nation (mars ou avril) (https://www.tresor.economie.gouv.fr/cen) et, pour 2012-2014, programmes de stabilité ; Insee

b) La moyenne des prévisions ne doit pas cacher que les conjoncturistes retiennent des scénarios très différents

Il faut également prendre en compte le fait que le consensus n'a pas forcément beaucoup de signification, dès lors que les conjoncturistes retiennent des scénarios très différents.

Pour comparer les différentes prévisions, il faut prendre en compte non la croissance seule, mais les « couples » constitués par la prévision de croissance et la prévision de solde public. En effet, ces deux variables interagissent entre elles.

Le graphique ci-après montre que l'on peut, schématiquement, distinguer deux groupes de prévisions :

- un groupe A, constitué de prévisions de solde d'autant plus dégradées que la croissance est faible. Ces prévisions paraissent reposer sur des hypothèses analogues d'effort budgétaire discrétionnaire, et se distinguer par les prévisions de croissance, qui ont à leur tour un impact sur le solde effectif ;

- un groupe B, constitué de prévisions de croissance très différentes, mais avec un déficit toujours proche de 3 points de PIB. Ces prévisions mettent en évidence l'imprévisibilité pratique de la croissance, un déficit donné correspondant à des prévisions allant de 0,2 % à 1,2 %. La politique budgétaire menée est différente, pour parvenir au même solde malgré des prévisions de croissance différentes.

La prévision du présent projet de programme de stabilité se situe à l'intersection de ces deux groupes. Il ne présente pas d'incohérence par rapport aux autres scénarios du groupe A : si l'on retient l'hypothèse d'une croissance de 1,2 %, pour un effort budgétaire donné, on a bien un déficit de l'ordre de 3 points de PIB.

Deux prévisions se distinguent :

- celle d' HSBC , qui considère que la croissance sera encore plus forte que celle prévue par le Gouvernement, avec 1,3 %, mais que cela viendra d'un relâchement de la discipline budgétaire tel que le déficit sera de 4 points de PIB en 2014. Ce scénario n'est pas cohérent avec la politique du Gouvernement ;

- celle de Bank of America , qui suppose qu'avec une croissance de 0,9 %, le déficit sera de seulement 2,4 points de PIB. Ces deux chiffres semblent a priori difficilement compatibles.

Les prévisions de croissance et de solde public pour 2014

Croissance du PIB (%)

Solde public (points de PIB)

Citigroup

0,2

-3,0

Exane

0,3

-3,0

Goldman Sachs

0,4

-4,0

Société générale

0,5

-3,0

AXA Investment Managers

0,5

IHS Global Insight

0,5

-3,0

GAMA

0,6

-3,2

Morgan Stanley

0,6

-3,5

Natixis

0,6

-3,7

Oddo Securities

0,6

-3,2

BIPE

0,7

-3,1

COE-Rexecode

0,7

-3,4

UBS

0,7

-3,3

PAIR Conseil

0,8

-3,0

Euler Hermes

0,9

-3,2

Total

0,9

-3,0

Econ Intelligence Unit

0,9

BNP Paribas

0,9

-3,1

Bank of America -Merrill Lynch

0,9

-2,4

Crédit agricole

1,2

OFCE*

1,2

UniCredit

1,3

-3,2

HSBC

1,3

-3,8

Moyenne du « consensus »

0,7

-3,2

OCDE

1,3

-3

FMI

0,9

-3,5

Gouvernement

1,2

-2,9

* On notera que l'OFCE a, depuis lors, révisé à la baisse ses prévisions : ainsi, dans ses dernières prévisions, présentées le 17 avril, il a estimé que la France devrait connaître une croissance de 0,6 % en 2014, et un déficit public de 3,0 %.

Source : d'après Consensus Forecasts, avril 2013

c) Le scénario conventionnel de la commission des finances : 1,3 % en 2014 et 1,5 % ensuite
(1) Une croissance égale, par convention, à la croissance potentielle

Face à l'incertitude qui entoure, nécessairement, les prévisions économiques, la commission des finances retient habituellement, dans le cadre de ses programmations de finances publiques, une hypothèse conventionnelle de croissance égale à son potentiel . Cette méthode permet de disposer d'une référence robuste, la croissance potentielle, dans un environnement incertain ; la croissance étant, sur le long terme, égale à son potentiel, cela permet de limiter les erreurs sur longue période.

Dans son rapport d'information préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2013 (n° 659 (2011-2012), 11 juillet 2012), elle a ramené son hypothèse de croissance potentielle, jusqu'alors de 2 % par an, à 1,5 % par an (soit un peu moins de 0,4 % de trimestre à trimestre).

Cette « doctrine » la conduit à retenir une hypothèse de croissance de 1,5 % à compter de 2015 (contre 2 % selon le Gouvernement).

Bien évidemment, il ne s'agit en aucun cas d'une prévision, mais seulement d'un outil visant à éclairer, selon des hypothèses « prudentes », la programmation des finances publiques. Aussi le scénario du Gouvernement, correspondant à un rattrapage partiel de l'écart de production 51 ( * ) , n'est-il pas moins vraisemblable .

(2) Le cas de l'année 2013

S'agissant de l'année en cours, l'approche conventionnelle retenue par la commission des finances implique, par réalisme, de prendre en compte l'exécution des trimestres passés (si elle est connue) ou la prévision à court terme ; puis il est supposé que la croissance trimestrielle se rapproche progressivement d'un taux de 1,5 % en rythme annualisé.

Cette approche conduit à retenir une croissance de 0,3 % en 2013 et de 1,3 % en 2014 ( cf . tableau ci-après).

Les hypothèses de croissance du scénario conventionnel de la commission des finances

(en %)

Croissance par rapport au trimestre précédent

Croissance en moyenne annuelle 1

2012

2013

2014

2012

2013

2014

T4

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

Hypothèse de croissance 2

0,0 3

0,1

0,2

0,3

0,4

0,4

0,4

0,4

0,0

0,3

1,3

PIB résultant 4

450,9 5

450,9

451,3

452,1

453,4

455,1

456,8

458,5

460,2

1 802,4 5

1 807,7

1 830,7

1 Croissance du PIB de l'année par rapport à celui de l'année précédente.

2 En volume.

3 La Banque de France prévoit une croissance de 0,1 % au premier trimestre, l'Insee de 0 %.

4 Aux prix de l'année précédente chaînés.

5 Source : Insee, 17 mars 2013.

Source : commission des finances

Encore une fois, il faut souligner qu'il ne s'agit pas d'une prévision. Cependant, cette approche conventionnelle, qui aboutit à une hypothèse de croissance de 1,3 % en 2014, souligne que l'hypothèse de croissance de 1,2 % du Gouvernement n'est pas exagérément optimiste .

4. Une programmation fondée, même dans l'hypothèse d'une moindre croissance

Quand bien même les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement ne se réalisaient pas, le bien-fondé de la programmation envisagée par le présent projet de programme de stabilité ne serait pas remis en cause.

En effet, comme cela a été explicité précédemment, les règles européennes sont essentiellement définies en termes de solde structurel . Il appartiendra au Conseil de décider, lors de sa réunion des 27 et 28 juin, si le retour aux « 3 % » est reporté à 2014 et si la réduction du déficit structurel actuellement prévue est ou non suffisante.


* 48 Cf . le rapport n° 183 (2012-2013) sur le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement fait par votre rapporteur général au nom de la commission des finances (http://www.senat.fr/rap/l12-187/l12-1871.pdf).

* 49 Cf . le rapport au Premier ministre de Karine Berger et Dominique Lefebvre intitulé Dynamiser l'épargne financière des ménages pour financer l'investissement et la compétitivité , remis le 2 avril 2013 (http://www.economie.gouv.fr/rapport-berger-lefebvre-sur-l-epargne-financiere).

* 50 Cette estimation est réalisée à partir du revenu disponible brut (RDB) des ménages, évalué à 1 323,5 milliards d'euros en 2011.

* 51 Ecart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (en anglais, « output gap » ).

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