Rapport d'information n° 735 (2012-2013) de Mmes Annie DAVID , Catherine DEROCHE , M. Jean DESESSARD , Mme Colette GIUDICELLI et M. Dominique WATRIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 juillet 2013

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N° 735

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' organisation du système de soins de premier recours et sur la politique de prévention du suicide au Québec ,

Par Mmes Annie DAVID, Catherine DEROCHE, M. Jean DESESSARD, Mme Colette GIUDICELLI et M. Dominique WATRIN,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Même si la France est reconnue pour avoir l'un des meilleurs systèmes de santé au monde, il est toujours utile de porter un regard sur la manière dont d'autres pays fonctionnent. Cette démarche de benchmarking est d'autant plus intéressante que le dispositif français fait face, depuis quelques années, à d'importantes difficultés (inégalités d'accès aux soins, désertification médicale, déficit de l'assurance maladie...) que les pouvoirs publics peinent à résoudre.

A cet égard, la province du Québec se distingue par un système de santé très intégré dont votre commission des affaires sociales a souhaité mieux comprendre les caractéristiques et, le cas échéant, tirer des enseignements. C'est la raison pour laquelle sa délégation, conduite par Annie David, présidente, et dont Catherine Deroche, Jean Desessard, Colette Giudicelli et Dominique Watrin étaient membres, s'est rendue à Québec puis à Montréal en juin 2013.

Afin de mieux répondre aux besoins tant sanitaires que sociaux de sa population, le Québec a fait le choix d'une organisation très hiérarchisée, prenant appui sur la complémentarité entre les différents acteurs et privilégiant une approche globale du patient. Cette stratégie d'intégration, marquée par la constitution de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, a indéniablement permis d'améliorer la qualité de la prise en charge et de fluidifier les parcours de soins.

Quant à la politique de prévention du suicide, qui est encore très balbutiante en France, le Québec a fait montre, depuis les années 1990, d'un remarquable volontarisme politique, qui a permis d'endiguer la tragique augmentation du taux de mortalité par suicide constatée dans les décennies précédentes. Mêlant effort de recherche, soutien actif aux personnes suicidaires, formation des professionnels et sensibilisation de l'ensemble de la population, cette politique est assurément l'une des plus novatrices et ambitieuses au monde.

*

La délégation tient à remercier les services des consulats de France à Québec et à Montréal pour leur aide très précieuse dans l'élaboration de son programme de travail et leur contribution décisive à la bonne organisation de ses déplacements. Elle exprime également sa profonde gratitude à l'ensemble de ses interlocuteurs québécois, membres du Gouvernement, fonctionnaires, travailleurs sociaux, personnels médicaux, représentants associatifs, pour l'accueil très chaleureux qui lui a été réservé et la parfaite information qu'ils ont su lui procurer.

*

I. UN SYSTÈME DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX TRÈS INTÉGRÉ PERMETTANT UNE PRISE EN CHARGE DE QUALITÉ

A. L'ORGANISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX AU QUÉBEC

1. Une gestion pyramidale

Selon le partage des compétences prévu par la Constitution canadienne, les secteurs de la santé et des services sociaux 1 ( * ) relèvent du pouvoir provincial 2 ( * ) , le pouvoir fédéral n'intervenant qu'à la marge.

Institué par la loi de 1971 sur les services de santé et les services sociaux, le système québécois se caractérise par une approche intégrée : la santé et les services sociaux sont appréhendés de manière globale et relèvent d'une même administration. Ils représentent actuellement le premier poste budgétaire de la province, soit 42,5 % de ses dépenses.

Le modèle d'organisation choisi par le Québec repose sur trois niveaux de compétences et sur la complémentarité de structures regroupées en réseaux (cf. schéma n° 1).


• A l'échelon central , le ministère de la santé et des services sociaux est chargé de :

- réguler et coordonner l'ensemble du système de santé et de services sociaux ;

- déterminer les orientations en matière de politiques socio-sanitaires, définir les normes relatives à l'organisation des services, à la gestion des ressources humaines, matérielles et financières du réseau, et veiller à leur application ;

- exercer les fonctions nationales de santé publique (surveillance continue de l'état de santé de la population ; promotion de la santé et du bien-être; prévention des maladies, des problèmes psychosociaux et des traumatismes ; protection de la santé) ;

- assurer la coordination interrégionale des services ;

- répartir équitablement les ressources financières entre les régions et contrôler leur utilisation ;

- évaluer, pour l'ensemble du réseau, les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés, dans une perspective d'amélioration de la performance du système.


• A l'échelon régional , les agences de la santé et des services sociaux ont pour mission de :

- définir les orientations et les priorités régionales en concertation avec la population et les partenaires du réseau ;

- coordonner la mise en place des services sur leur territoire respectif en favorisant la collaboration et la complémentarité, en vue d'assurer une utilisation efficace et efficiente ainsi qu'une répartition équitable des ressources ;

- exercer les fonctions régionales de santé publique ;

- allouer les budgets de fonctionnement aux établissements et octroyer les subventions aux organismes communautaires 3 ( * ) , puis en assurer le contrôle ;

- s'assurer de la participation de la population à la gestion du réseau et du respect des droits des usagers ;

- évaluer le degré d'atteinte des objectifs et le degré de satisfaction des usagers.


• A l'échelon local , les réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (RLS), qui regroupent l'ensemble des acteurs partageant collectivement une responsabilité sanitaire et/ou sociale envers la population d'un territoire (centres de santé et de services sociaux, médecins de famille, établissements de santé et médico-sociaux, pharmacies, organismes communautaires, entreprises d'économie sociale, etc.), sont compétents pour :

- assurer la prestation de services de santé ou de services sociaux de qualité, qui soient continus, accessibles, sécuritaires et respectueux des droits des personnes ;

- garantir la coordination des services requis pour la population du territoire du réseau local ;

- gérer avec efficacité et efficience les ressources humaines, matérielles et financières ;

- réaliser des activités d'enseignement, de recherche et d'évaluation des technologies et des modes d'intervention lorsque des établissements à vocation universitaire sont présents sur le territoire du réseau local.

Schéma n° 1 : Organisation du système de santé et de services sociaux

Ministre
et ministre déléguée

Organismes communautaires
et entreprises d'économie sociale

Etablissements
et autres ressources privés*

Agences de la santé
et des services sociaux

Ministère de la santé
et des services sociaux

Organismes et comités :

- Régie de l'assurance maladie
du Québec

- Office des personnes handicapées du Québec

- Autres

Autres partenaires :

- Associations, ordres professionnels

- Autres ministères

- Autres secteurs

Cliniques médicales, y compris les groupes de médecine familiale

Pharmacies communautaires

Services pré-hospitaliers d'urgence

Centres hospitaliers :

- Soins généraux et spécialisés

- Soins psychiatriques

Centres jeunesse

Centres de santé
et de services sociaux

(regroupement de CLSC,
de CHSLD et de CH)

Centres d'hébergement
et de soins de longue durée

Centres de réadaptation :

- Déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement

- Déficience physique

- Dépendances

* Des ressources intermédiaires et des ressources de type familial peuvent être rattachées aux établissements publics.

Abréviations :

CH : Centre hospitalier
CHSLD : centre d'hébergement et de soins de longue durée

CLSC : centre local de services communautaires

2. Le centre de santé et de services sociaux, pierre angulaire de l'offre de services intégrés

Au coeur du réseau local de services se trouve le centre de santé et de services sociaux (CSSS) , né de la fusion en 2005 de plusieurs structures à vocation médicale et sociale (cf. schéma n° 2). Il existe actuellement 95 CSSS au Québec.

Le CSSS et tous ses partenaires du RLS partagent collectivement une responsabilité à l'égard d' une offre de services intégrés correspondant aux besoins de la population du territoire local et visant à favoriser le maintien ou l'amélioration de la santé et du bien-être de cette population. À cette fin, ils doivent rendre accessible un ensemble d'interventions et de services le plus complet possible, à proximité du milieu de vie des personnes ; ils doivent également assurer la prise en charge et l'accompagnement de ces personnes par le système de santé et de services sociaux.

Le modèle repose en outre sur le principe de hiérarchisation des services , lequel garantit une meilleure complémentarité entre ces derniers et facilite le cheminement des personnes entre les services de première, de deuxième et de troisième ligne (cf. schéma n°3 ), suivant des mécanismes bidirectionnels, lorsque cela est nécessaire.

En plus d'assurer la coordination des services offerts par tous les partenaires du RLS, le CSSS doit animer la collaboration avec ceux des autres secteurs d'activité en vue d'agir sur les principaux déterminants de la santé et déterminants sociaux.

Schéma n° 2 : Organisation d'un réseau local de services de santé
et de services sociaux

Territoire local

Centre de santé
et de services sociaux

(regroupement
de CLSC,
de CHSLD et de CH)

Pharmacies communautaires

Médecins

(GMF, cliniques médicales)

Organismes

communautaires

Entreprises d'économie sociale

Ressources non institutionnelles

Ressources privées

Centres de réadaptation :

- Déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement

- Déficience physique

- Dépendances

Centres hospitaliers :

- Soins généraux et spécialisés

- Soins psychiatriques

Autres secteurs d'activité :

scolaire, municipal, etc.

Centres jeunesse

Abréviations :

CH : Centre hospitalier
CHSLD : centre d'hébergement et de soins de longue durée

CLSC : centre local de services communautaires

Schéma n° 3 : Accès aux services généraux et spécialisés

La troisième ligne fournit des services ultraspécialisés

Il est fait recours aux services médicaux de troisième ligne lorsque le problème de santé est complexe ou rare. Cette dernière ligne de soins nécessite des professionnels et des moyens techniques très spécialisés et peu répandus.

Pour avoir accès aux services de troisième ligne, la démarche est la même que pour obtenir un service de deuxième ligne. La personne s'adresse d'abord à un professionnel de la santé de première ligne. Celui-ci lui remet une demande de consultation afin de confirmer le besoin d'un service ultraspécialisé et d'assurer le suivi.

Les services de troisième ligne sont habituellement offerts dans les établissements publics suivants :


• Centres hospitaliers


• Centres de réadaptation


• Centre jeunesse

La deuxième ligne assure des services spécialisés

Les services de deuxième ligne répondent aux problèmes qui demandent un examen approfondi, un traitement ou un service spécialisé. Les soins nécessaires sont plus complexes ; ils requièrent une équipe de spécialistes ou un équipement particulier.

Pour obtenir un service de deuxième ligne, la personne doit d'abord consulter un professionnel de la santé de la première ligne comme un médecin ou un intervenant du CLSC.

Si l'évaluation sommaire démontre que la personne a besoin de services spécialisés, le professionnel lui remettra une demande de consultation spécialisée. C'est ainsi qu'elle sera dirigée vers un service de deuxième ligne.

Les professionnels de la première et de la deuxième ligne travaillent en étroite collaboration pour assurer un suivi global de l'état de santé de la personne .

Les services de deuxième ligne sont habituellement offerts dans les établissements publics suivants :


• Centres hospitaliers universitaires


• Centres de réadaptation


• Centres d'hébergement


• Centre jeunesse

La première ligne offre des services généraux et des soins courants

Dans les services de première ligne, le besoin de la personne est évalué directement, sans étape préalable. Ce besoin peut-être lié à la santé physique ou mentale de la personne. Il peut aussi être lié à une situation difficile à vivre ou à un problème psychosocial.

Le professionnel du service de première ligne peut ensuite diriger la personne vers un service spécialisé (dit de deuxième ligne). Par exemple, si la personne a besoin d'une évaluation ou d'un traitement dans une spécialité médicale, elle doit d'abord consulter un médecin de famille pour obtenir une demande de consultation spécialisée.

Les services de première ligne sont habituellement offerts dans les organisations suivantes :


• CLSC (centres locaux de services communautaires)


• Cliniques médicales, cliniques-réseau, groupes de médecine de famille (GMF) et unités de médecine familiale


• Pharmacies


• Info-Santé


• Cabinets de services professionnels comme la psychologie, le travail social ou la physiothérapie


• Organismes communautaires


• Résidences pour personnes âgées

3. Les atouts de l'organisation administrative québécoise

Au cours de son séjour, la délégation a rencontré les équipes de quatre CSSS, deux situés à Québec et deux autres à Montréal. Ces visites sur le terrain lui ont permis d'identifier les forces du système québécois :

- premièrement, la personne est appréhendée dans sa globalité : sa dimension biologique est indissociable de sa dimension psychologique ou sociale. L'objectif est donc bien de répondre à l'ensemble de ses besoins de santé et de bien-être ;

- deuxièmement, il existe une véritable interaction et complémentarité entre les différents intervenants (administration, professionnels de santé, professionnels du secteur social). Ce travail partenarial ne s'est évidemment pas mis en place du jour au lendemain, mais force est de constater qu'il n'existe pas, comme en France, de cloisonnement entre les différentes sphères - sanitaire et médico-sociale en particulier ;

- troisièmement, un grand pragmatisme prévaut dans la mise en oeuvre concrète du dispositif. Les CSSS bénéficient d'une réelle autonomie tant pour adapter l'offre de services aux caractéristiques de leur territoire que pour nouer des partenariats avec différents acteurs (organismes communautaires, instituts universitaires, centres jeunesse...) ;

- quatrièmement, l'effort constant d'intégration de ces réseaux locaux favorise une meilleure prise en charge des personnes, en particulier des plus vulnérables, et permet de fluidifier les parcours de soins .

B. DES SERVICES DE PREMIÈRE LIGNE AU PLUS PRÈS DES BESOINS SANITAIRES ET SOCIAUX DE LA POPULATION

1. L'accent mis sur les services de première ligne afin de mieux répondre aux besoins de la population

Depuis une dizaine d'années, le ministère de la santé et des services sociaux québécois a fait de l'accessibilité aux services de première ligne une priorité .

? La réalisation de cet objectif s'est d'abord traduite par la mise en place de groupes de médecine de famille (GMF). Il s'agit de regroupements de médecins omnipraticiens (l'équivalent des médecins généralistes) qui travaillent en étroite collaboration avec d'autres professionnels (infirmières, infirmières praticiennes spécialisées, travailleurs sociaux) pour faciliter l'accès des patients aux soins médicaux.

Chaque médecin participant à un GMF s'occupe de sa propre patientèle, qui est inscrite auprès de lui, mais les dossiers médicaux sont accessibles à l'ensemble de ses collègues. Ainsi, une personne qui se présente à son GMF pour une consultation sans rendez-vous peut être vue par un autre médecin que le sien. Elle peut aussi, au besoin, rencontrer une infirmière ou un autre professionnel du GMF pour différents types de suivi. Un patient peut être reçu dans le cadre d'une consultation sans rendez-vous même s'il n'est pas inscrit auprès d'un des médecins du GMF.

Les médecins de famille, qu'ils exercent en GMF ou non, sont rémunérés par la régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) pour leurs actes en fonction de tarifs négociés. La pratique des dépassements d'honoraires n'existe donc pas. Le patient, lui, ne débourse rien ; il a simplement à présenter sa carte d'assurance maladie.

Le recours aux GMF présente plusieurs avantages : il favorise le travail interdisciplinaire et le partage d'activités entre professionnels ; il permet un meilleur suivi des patients, en particulier ceux atteints de maladies chroniques ; il est un moyen privilégié d'améliorer la qualité et l'accessibilité des soins médicaux.

Dans le cadre de son plan stratégique 2010-2015, le ministère de la santé et des services sociaux s'est fixé trois principaux objectifs en matière d'accès aux soins de première ligne : atteindre 70 % de la population inscrite auprès d'un médecin de famille 4 ( * ) (en GMF ou hors GMF), implanter 300 GMF sur l'ensemble du territoire et parvenir à ce que 70 % des médecins de famille exercent en GMF.

? La consolidation des services de première ligne a ensuite été marquée par la volonté d' offrir à toute la population un accès téléphonique rapide à une consultation en matière de santé et de services sociaux par des professionnels 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 .

Mis en place progressivement, le service Info-Santé et Info-Social , qui ne se substitue pas aux autres services existants mais vient en complémentarité de ceux-ci, répond à plusieurs objectifs :

- prévenir la détérioration de la situation sanitaire ou psychosociale des personnes ;

- détecter les situations à risque ;

- conseiller l'usager dans le choix des actions à entreprendre concernant sa situation sanitaire ou sociale ;

- favoriser le maintien de l'usager dans son milieu de vie ;

- contribuer à diminuer le recours aux urgences hospitalières ;

- assurer une plus grande harmonisation dans le type de réponse ou de service offert ;

- participer aux interventions de sécurité civile en cas de crise sanitaire.

Concrètement, un numéro unique gratuit a été créé à l'échelle de tout le pays : le 8-1-1. Lorsqu'un usager appelle, il choisit soit de composer le 1 pour une question d'ordre sanitaire, soit le 2 pour une question d'ordre social. Il est alors mis en relation avec un professionnel formé à cet effet : une infirmière dans le premier cas, un travailleur social dans le second. L'usager peut choisir de garder l'anonymat.

L'intervention du professionnel comprend différentes étapes : évaluation du besoin, appréciation de l'urgence ou non de la situation, communication d'informations et de conseils, orientation vers le service ou la ressource la plus appropriée, etc.

Actuellement, l'ensemble de la population québécoise est desservi par Info-Santé (le service est réparti sur 15 sites) et plus de la moitié a accès à Info-Social (le service est réparti sur 9 sites), l'objectif étant de couvrir 100 % de la population d'ici 2015. Il n'existe pratiquement pas de délai d'attente ; lorsqu'une plate-forme téléphonique est saturée, l'appel est automatiquement transféré vers une autre.

Ce dispositif, qui a été présenté à la délégation par l'équipe du CSSS de la région du Saguenay Lac Saint-Jean, a retenu son attention pour trois raisons :

- il contribue fortement à la dynamique interprofessionnelle et à l'approche intégrative du système de santé et des services sociaux ;

- il améliore indéniablement le service rendu aux usagers , en particulier aux plus vulnérables d'entre eux ;

- il permet de désengorger les urgences hospitalières .

Les « super-infirmières » au Québec

A l'occasion de la visite du CSSS de la Vielle Capitale à Montréal, la délégation s'est vue présenter le métier d'infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne (IPS-PL) plus couramment appelé « super-infirmière », qui joue un rôle majeur dans le dispositif de services de santé.

Les IPS-PL sont des infirmières qui possèdent une expérience clinique dans un domaine spécifique (soins de première ligne, urgence, chirurgie, obstétrique, etc.) et qui ont validé une formation avancée de deuxième cycle en sciences infirmières et médicales leur permettant de prescrire des tests diagnostiques et des traitements, ainsi que d'effectuer certaines interventions invasives. Elles exercent exclusivement en ambulatoire, le plus souvent dans les CSSS et les GMF.

Leur activité consiste principalement en la gestion de problèmes de santé courants, le suivi de maladies chroniques et de grossesses, la diffusion d'informations de prévention. Bien qu'autonomes, elles travaillent en étroite collaboration avec les médecins omnipraticiens et s'en remettent à eux lorsqu'une situation clinique dépasse leur compétence.

Trois précisions d'importance : ces infirmières assument l'entière responsabilité de la prise en charge et du suivi de leurs patients ; elles sont seules responsables des fautes qu'elles pourraient commettre ; le diagnostic clinique demeure la compétence exclusive des médecins mêmes si les IPS-PL y contribuent.

Aussi, il a semblé à la délégation que de cette profession, qui se situe à mi-chemin entre le métier d'infirmière « classique » et celui de médecin généraliste , pouvait, dans un cadre très réglementé comme celui mis en place au Québec, favoriser le travail partenarial entre professionnels de santé et rompre avec la logique de cloisonnement ; permettre aux médecins de se concentrer sur les situations cliniques plus complexes ; améliorer in fine la qualité des soins .

2. Quelles leçons tirer du système de santé et de services sociaux québécois ?

La délégation estime tout d'abord que la France gagnerait à s'inspirer du système québécois en matière de travail en réseau et de décloisonnement entre les filières sanitaire, sociale et médico-sociale : ces deux caractéristiques permettent une fluidité des parcours de soins qui, chez nous, est encore très balbutiante.

Elle a ensuite été frappée par le souci constant d'offrir des services de santé et des services sociaux qui soient bien adaptés aux réalités des territoires ; les acteurs de terrain disposent d'une vraie souplesse dans la mise en oeuvre des stratégies ministérielles et font preuve d'un grand pragmatisme ; deux qualités qui, reconnaissons-le, font souvent défaut en France.

Elle s'interroge par ailleurs, sur la possibilité d'introduire en France un service d'intervention téléphonique sur le modèle d'Info-Santé et d'Info-Social . Un tel dispositif présenterait assurément un certain nombre d'avantages (meilleure orientation des patients, désengorgement des urgences, rôle de vigie sanitaire...), mais se heurterait inévitablement à un problème à la fois financier et culturel.

Enfin, s'agissant de la question plus spécifique de la répartition des compétences entre professionnels de santé, elle considère que le dispositif québécois des super-infirmières mériterait d'être davantage connu et pourquoi pas expérimenté , à l'heure où la désertification médicale en France pose des problèmes d'accès aux soins de plus en plus prégnants.

II. UNE POLITIQUE TRÈS VOLONTARISTE DE PRÉVENTION DU SUICIDE

A. UNE DÉMARCHE NOVATRICE ET AMBITIEUSE

1. Des statistiques alarmantes ayant entraîné une véritable prise de conscience des pouvoirs publics québécois

Après avoir connu une hausse significative au cours des années 1990, le taux de mortalité par suicide au Québec tend à diminuer depuis le début des années 2000 : il est ainsi passé de 22,2 décès par suicide pour 100 000 habitants en 1999 à 13,7 en 2010.

Alors que pendant des années le Québec affichait le taux de mortalité par suicide le plus élevé parmi les provinces canadiennes, il figure désormais à la quatrième place. Par comparaison, le taux de mortalité par suicide en France sur la même période n'a pratiquement pas bougé : de 15 décès par suicide pour 100 000 habitants en 1999, il est désormais de 14,7.

Le taux de mortalité par suicide au Québec, tout comme en France, demeure toutefois l'un des plus élevés des pays de l'OCDE . Chaque jour, en moyenne, trois personnes s'enlèvent la vie à travers la province.

L'identification du suicide comme problème de santé publique s'est opérée dans les années 1990 sous l'impulsion notamment des organismes communautaires. Le constat qui est posé est alors le suivant : il est inacceptable que dans une société développée comme le Québec une cause de décès évitable continue de provoquer des drames humains par milliers.

Conscients qu'une réduction significative du nombre de suicides est possible, nécessaire et urgente, les pouvoirs publics ont alors impulsé une véritable dynamique en faveur de la prévention du suicide :

- le programme national de santé publique 2003-2012 définit clairement la diminution du nombre de tentatives de suicide et du nombre de suicides comme un objectif à l'horizon 2012 ;

- le plan d'action en santé mentale 2005-2010 pose la prévention du suicide comme un domaine d'action prioritaire ;

- des guides de bonnes pratiques en prévention du suicide à l'intention des gestionnaires des CSSS et des acteurs de terrain ont été créés à l'initiative du ministère de la santé et des services sociaux.

Cinq principaux champs d'action ont été identifiés.

2. Le suivi du phénomène du suicide et l'effort de recherche

Afin de définir les priorités d'action et permettre une affectation optimale des ressources, il est essentiel de disposer de données épidémiologiques, cliniques et sociologiques sur le suicide.

Dans ce but, le ministère de la santé et des services sociaux et le bureau du coroner 5 ( * ) ont lancé un projet visant au développement d' une banque de données nationale sur le suicide . L'exploitation de ces données permettra de suivre l'évolution dans le temps et dans l'espace des principaux déterminants du suicide et de mieux cibler les actions de prévention.

En France , une même démarche est en cours puisque la ministre de la santé, Marisol Touraine, a récemment annoncé sa volonté de créer un observatoire national du suicide répondant ainsi aux voeux du conseil économique, social et environnemental (Cese).

Au Québec, des efforts significatifs ont également été entrepris en direction de la recherche et de l'enseignement universitaire . L'un des plus importants centres de recherche sur le suicide se trouve à l'Université du Québec à Montréal ; il s'agit du centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE), dont la délégation a rencontré plusieurs membres au cours d'une table-ronde. Les programmes de recherche, qui y sont développés, ont la particularité d'être systématiquement menés en lien avec les acteurs de terrain.

3. Le développement d'une gamme de services adaptés aux besoins des personnes suicidaires

Dans le cadre de son plan d'action en santé mentale 2005-2010, le Québec a mis en place un ensemble de services destinés aux personnes suicidaires :

- un service d'intervention téléphonique accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 : la ligne 1 866 APPELLE, disponible sur l'ensemble du territoire depuis 2001, permet aux personnes suicidaires et à leurs proches de joindre, à tout moment et sous couvert d'anonymat, le centre d'écoute téléphonique le plus proche.

Les intervenants sociaux, qui répondent aux appels, sont soit des professionnels (travailleurs sociaux, psychologues), soit des bénévoles formés. Ils travaillent en étroite collaboration avec l'ensemble des acteurs du réseau local afin de pouvoir orienter la personne vers le service le plus approprié. Les intervenants pratiquent également la « relance téléphonique » auprès des personnes les plus vulnérables afin de suivre l'évolution de leur état de santé.

Ayant rencontré les équipes de deux centres d'intervention téléphonique, l'un basé à Québec (le centre de prévention du suicide de Québec), l'autre à Montréal (Suicide action Montréal), la délégation a pu constater que cette ligne d'intervention téléphonique était l'une des grandes forces de la politique de prévention du suicide québécoise . Sur l'année 2011, le nombre d'appels était en moyenne de l'ordre de 3 600 par mois ; ce chiffre augmente d'année en année.

Ce service connaît toutefois certaines difficultés : actuellement, une personne sur cinq ne reçoit pas de réponse après avoir composé le numéro unique et d'importantes disparités territoriales existent dans la capacité de répondre aux appels ;

- des services d'intervention en période de crise suicidaire : entretiens dits « en face à face » lorsque la situation ne peut être résolue par téléphone, mise en place d'équipes mobiles se déplaçant au domicile des personnes, création de places d'hébergement de crise (hospitalisation, hébergement temporaire en résidence thérapeutique) ;

- des actions d'intervention auprès des personnes ayant commis une tentative de suicide : cette démarche, désignée sous le terme de « postvention », se développe beaucoup au Québec. Elle consiste à assurer un suivi étroit de la personne une fois la crise suicidaire passée ; certains réseaux locaux de services ont, par exemple, créé des postes d'agent de liaison pour permettre les retours d'information sur l'évolution de l'état de santé du patient. La postvention s'adresse également aux proches endeuillés afin d'éviter tout risque de « contagion » du phénomène suicidaire.

Toutes ces actions sont le fruit d'un travail partenarial entre un grand nombre d'intervenants :

- les CSSS, qui sont chargés de planifier l'offre de services aux personnes suicidaires sur leur territoire ;

- les centres de prévention du suicide, qui jouent un rôle d'écoute, d'orientation et de suivi de la personne suicidaire ;

- les centres de crise qui, outre ces mêmes missions, offrent un service d'hébergement de crise alternatif à l'hospitalisation ;

- les médecins de famille et les centres hospitaliers ;

- les réseaux de sentinelles.

4. La constitution de réseaux de sentinelles

L'une des particularités du Québec en matière de prévention du suicide est d'avoir implanté, depuis 1998, des réseaux de sentinelles , initialement dans les milieux de travail puis progressivement dans différents secteurs de la société (établissements scolaires, administrations...).

Les sentinelles sont des citoyens volontaires formés pour jouer le rôle d'intermédiaire entre la personne suicidaire et les services qui peuvent intervenir auprès d'elle. Sans être des professionnels de la santé et des services sociaux, ces personnes sont aptes à reconnaître les signes avant-coureurs chez une personne vulnérable au suicide, à identifier le degré d'urgence de la situation, à renseigner la personne suicidaire sur les services du réseau susceptibles de l'aider, à l'inviter à les utiliser.

De l'avis de tous les interlocuteurs rencontrés, ce dispositif original s'avère, là où il est implanté, précieux et efficace : il favorise l'accès des personnes suicidaires aux services de santé et de services sociaux et permet d'entrer en contact avec les personnes isolées, difficiles à atteindre autrement.

On dénombre actuellement plus de 2 800 sentinelles sur le territoire québécois, dont 38 % sont implantées dans les milieux liés à la jeunesse. Dans la mesure où « seuls » 68 % du territoire sont couverts par des réseaux de sentinelles, la poursuite de leur déploiement fait partie des priorités ministérielles.

5. La formation des intervenants

Constatant au début des années 2000 d'importantes lacunes dans la formation des professionnels intervenant dans le domaine du suicide, le ministère de la santé et des services sociaux a mis en oeuvre un vaste programme national visant à favoriser l'implantation de bonnes pratiques :

- une formation de trois jours a été créée pour familiariser les intervenants au nouvel outil commun d'évaluation de l'urgence suicidaire, intitulée « Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire ». La délégation a pu constater que cette grille, particulièrement bien faite, était très utilisée par les intervenants des centres d'intervention téléphonique ;

- des journées-ateliers pour les gestionnaires des CSSS, orientées vers l'élaboration de plans d'action en faveur de la prévention du suicide ;

- la diffusion des deux guides de bonnes pratiques respectivement destinés aux intervenants et aux gestionnaires de CSSS.

6. Les campagnes de sensibilisation et de mobilisation

Prenant exemple sur ce qui s'est fait il y a une vingtaine d'années en matière de prévention des accidents de la route, le Québec a décidé d'agir activement en amont de l'émergence des idées suicidaires par l'éducation, la sensibilisation et la mobilisation sociale en diffusant le message que le suicide n'est pas une fatalité .

Les campagnes de sensibilisation, comme la Semaine nationale de prévention du suicide qui se tient chaque année depuis 1991, poursuivent deux objectifs : faire évoluer la représentation sociale du suicide - « contrer la tolérance sociale à l'égard du suicide » selon l'expression utilisée - et communiquer à une très large échelle sur l'existence des outils d'aide, telles que le numéro de la ligne d'intervention 1 866 APPELLE.

La très active association québécoise de prévention du suicide, dont la délégation a rencontré le directeur à Québec, fait ainsi de l'évolution des mentalités à l'égard du suicide son cheval de bataille. Elle est notamment à l'origine de la campagne « Le suicide n'est pas une option ».

B. DES INITIATIVES DONT LA FRANCE GAGNERAIT À S'INSPIRER

La délégation soutient avec force la création d'un observatoire national du suicide . Ce nouvel instrument permettra de centraliser l'ensemble des données actuellement disponibles et ainsi de mieux cibler les actions de prévention.

Elle juge ensuite indispensable de renforcer le volet formation des professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social . A ce titre, la grille d'analyse et les guides de bonnes pratiques développés par le Québec lui paraissent être des pistes particulièrement intéressantes.

Elle incite également à réfléchir aux moyens de transposer, en France, les réseaux de sentinelles qui participent d'une approche renouvelée et particulièrement pertinente des dispositifs de prévention en santé publique.

Enfin, elle estime fondamental de déclencher une véritable prise de conscience collective afin que le suicide devienne l'affaire de tous. La délivrance du label Grande cause nationale à la prévention du suicide pourrait être une première étape.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

Réunie le mercredi 10 juillet 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission entend une communication de la mission d'information sur l'organisation du système de soins de premier recours et prévention du suicide au Québec.

Un débat s'engage après l'intervention des membres de la délégation.

M. Alain Milon . - Vous nous avez interpellés, Catherine Génisson et moi-même, sur la délégation de tâches entre professionnels de santé. Le dispositif des « super-infirmières » que vous décrivez ne me paraît pas très différent de ce qui existe en France avec les infirmières spécialisées. Nous travaillons actuellement, dans le cadre de la préparation de notre rapport d'information, sur le fait de savoir si la délégation de tâches est seulement liée à la pénurie de médecins dans certains secteurs ou si elle ne répond pas aussi à la nécessité de professionnaliser certains métiers de la santé. Nous nous orientons vraisemblablement vers cette deuxième option.

Sur le suicide, reconnaissons que la politique de prévention menée en France n'est pas si mauvaise. Nous pourrions, en revanche, davantage axer nos efforts sur la « postvention », à l'image de ce que fait le Québec.

S'agissant des dépassements d'honoraires, il faudrait, pour que la comparaison entre le Québec et la France soit pertinente, savoir à combien s'élève le salaire des médecins québécois. On sait très bien qu'en France, la pratique des dépassements d'honoraires est liée à l'insuffisante revalorisation des actes opposables.

Je rappelle, par ailleurs, que des services téléphoniques existent aussi en France, comme le 15 en cas d'urgence médicale.

Depuis la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », la coopération entre les secteurs sanitaire et médico-social se développe, par exemple dans le cadre des communautés hospitalières de territoire (CHT). En outre, nos maisons de santé me semblent assez proches des CSSS québécois.

Mme Catherine Procaccia . - Il est toujours intéressant d'étudier ce qui se fait à l'étranger mais il ne faut pas oublier que, dans le cas du Canada, l'échelle géographique n'est pas la même ! Ce qui se pratique là-bas n'est pas forcément transposable à la France.

L'ambassadeur de France au Canada, que j'ai récemment rencontré à l'occasion d'un colloque, m'a expliqué que la problématique des déserts médicaux ne se posait pas dans les mêmes termes que chez nous car les médecins canadiens ne choisissent pas leur lieu d'exercice. Est-ce la même règle au Québec ?

Y avez-vous rencontré des médecins et des infirmières français qui connaissent des problèmes liés à la reconnaissance de leurs diplômes et à leur liberté d'installation ?

M. Yves Daudigny . - Vous insistez sur l'approche intégrée du système de santé québécois. C'est, je crois, une différence majeure avec la France, où il existe une véritable séparation entre la dimension sanitaire et la dimension médico-sociale. Qui plus est, les interlocuteurs ne sont pas les mêmes. Certes, avec la création des ARS, nous gagnons en transversalité, mais beaucoup reste encore à faire.

Par ailleurs, je crois qu'il est important, pour la survie de notre système de soins, d'avancer sur le dossier de la répartition des tâches entre professionnels de santé.

Mme Colette Giudicelli . - Nous avons été particulièrement frappés par la place accordée à la dimension humaine des problématiques de santé. D'ailleurs, le bénévolat y est beaucoup plus développé qu'en France.

Mme Catherine Deroche . - Il faut reconnaître que la démarche mise en oeuvre en matière de prévention du suicide est assez intrusive ; la prise en charge va parfois très loin dans l'intimité des personnes, ce que nous n'accepterions peut-être pas en France.

En matière de recherche, tous les programmes font l'objet d'une évaluation, ce qui n'est pas toujours le cas ici.

La collaboration entre le médico-social et le sanitaire est effectivement très poussée ; il n'existe pas de culture du secret comme chez nous.

Les « super-infirmières » ne correspondent pas vraiment à nos infirmières spécialisées car elles ont une compétence générale. Leur champ d'intervention est toutefois très précisément défini. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une délégation de tâches puisqu'elles sont entièrement responsables de leurs actes.

Dernier point : du fait de l'étendue et de la diversité de leur territoire, les Québécois font preuve d'une grande capacité d'adaptation et de souplesse dans la mise en oeuvre des dispositifs.

Mme Annie David, présidente . - Il est vrai que leur politique de prévention du suicide peut paraître intrusive. Preuve en est la procédure dite « P-38 » qui permet aux forces de police d'interpeller et de placer en établissement toute personne dont l'état de santé mentale présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Se pose alors la question des libertés individuelles...

En France, il existe certes des services téléphoniques comme le 15, mais ceux-ci ne s'adressent pas spécifiquement aux personnes suicidaires. L'avantage du système québécois est de permettre à ces personnes de s'adresser directement à un interlocuteur formé.

De manière générale, il y a eu au Québec une véritable prise de conscience collective par rapport au suicide : on parle d'ailleurs de « personnes qui se sont ôté la vie ». Cette expression reflète bien l'état d'esprit qui y règne : le suicide n'est pas une fatalité, on peut l'empêcher.

S'agissant des CSSS, dont la création est assez récente, je crois que la comparaison avec les maisons de santé n'est pas pertinente : la maison de santé est un regroupement de professionnels de santé, alors que le CSSS est une structure de pilotage de l'offre de services de santé et de services sociaux sur un territoire donné.

Nous devrions, me semble-t-il, nous inspirer de cette approche globale qui envisage la personne comme un tout et non pas comme une somme de parties.

Le territoire du Québec est effectivement très vaste et hétérogène mais, même dans les régions isolées, une réponse existe. Il est justement du ressort des CSSS d'adapter l'offre de soins aux spécificités locales. Ainsi, l'un des CSSS que nous avons visités à Montréal n'est pas confronté au même public que celui du Saguenay Lac Saint-Jean.

Mme Claire-Lise Campion . - Je voudrais apporter un témoignage car je me suis rendue au Québec, quelques jours avant la délégation de la commission, dans le cadre des Assises franco-québécoises. Ayant visité un CSSS dans la région rurale des Chaudière-Appalaches, j'ai pu mesurer combien cette coopération entre le sanitaire et le médico-social était développée. J'ai aussi été frappée par l'implication des citoyens sur tous les sujets de société et par l'importance du bénévolat.

Les territoires ruraux ne sont pas exclus de cette dynamique, bien au contraire. Cette approche intégrative irrigue l'ensemble du territoire. Le recours à la télémédecine, sujet d'actualité chez nous, y est également très développé.

M. Jean-Claude Leroy . - Dans mon département du Pas-de-Calais, une maison de santé pluridisciplinaire a été créée. C'est bien la preuve que la démarche partenariale entre professionnels existe aussi ici !

Mme Annie David , présidente. - Je pense que les maisons de santé se rapprochent davantage des GMF québécois que des CSSS.

M. Jean Desessard . - Pour répondre à Alain Milon, nous n'avons pas spécifiquement étudié la question de la rémunération des médecins québécois. Toutefois, l'un de nos interlocuteurs a parlé d'un revenu mensuel équivalent à 6 000 euros pour un médecin généraliste.

Je voudrais revenir sur deux enseignements : premièrement, la dimension « service public » du système de santé et de services sociaux québécois ; il s'agit du premier poste budgétaire de la province, ce qui n'a jamais été remis en cause ; deuxièmement, le social et la santé sont imbriqués l'un dans l'autre, ce qui constitue une grande force.

Comme la présidente, je crois que les maisons de santé se rapprochent plus des GMF que des CSSS.

M. Jean-Claude Leroy . - Je précise que la maison de santé en question a noué un partenariat avec un hôpital public.

M. Jean Desessard . - Au Québec aussi, les coopérations avec les hôpitaux publics sont très développées.

J'insiste en outre sur le fait que priorité a été donnée aux services de première ligne afin de répondre plus rapidement possible aux demandes de la population.

Mme Annie David , présidente. - Et ceci pour éviter l'engorgement des services de deuxième et de troisième lignes.

M. Jean Desessard . - Je suis en revanche d'accord avec mes collègues pour dire que la politique de prévention du suicide présente un risque d'intrusion dans la vie privée des personnes.

M. Alain Milon . - Rien n'est parfait !

Mme Annie David , présidente. - Pour ma part, je n'ai qu'un seul regret ; ne pas avoir eu le temps de rencontrer des usagers de ces services de santé et services sociaux.

La commission autorise la publication du rapport d'information .

Programme du déplacement de la délégation de la commission des affaires sociales au Québec du 3 au 7 juin 2013

PROGRAMME DU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION

DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

AU QUÉBEC DU 3 AU 7 JUIN 2013

Lundi 3 juin 2013

9h00 - 12h00

Rencontre au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS)

Accueil et mot de bienvenue :
M. Luc Castonguay , sous-ministre adjoint à la planification, la performance et la qualité

Présentation générale du système de santé et des services sociaux du Québec et échanges

Présentation sur l'organisation des services de santé et des services sociaux de première ligne

Dr Antoine Groulx , directeur de la Direction de l'organisation des services de première ligne intégrés

M. Mario Fréchette , directeur de la Direction des services sociaux généraux et des activités communautaires

14h00 - 17h00

Rencontre avec l'Agence de la santé et des services sociaux
du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Est

M. Yvan Roy , directeur de la qualité et des services sociaux
Mme Cécile Mingant , adjointe au directeur des services de santé, des affaires médicales

et le Centre de santé et des services sociaux de Lac-Saint-Jean-Est

M. Camil Dion , directeur général
Mme Chantale Ménard , coordonnatrice du service régional Info-Santé et Info-Social Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Centre de recherche appliquée en intervention psychosociale
M. Tonny Brassard , assistant du supérieur immédiat
Mme Audrey Doucet , travailleuse sociale à la coordination professionnelle Info-Social

Présentation du modèle intégré de services permettant à la population d'accéder à l'ensemble des soins de santé et des services sociaux par le biais d'un numéro unique le 8-1-1

18h30

Dîner à l'invitation du Consul général de France à Québec, M. Nicolas Chibaeff

Mardi 4 juin 2013

8h30 - 11h00

Rencontre au ministère de la Santé et des Services sociaux

Dr André Delorme , directeur national de la santé mentale

- Présentation de l'organisation des soins et des services offerts à la clientèle adulte par les équipes de santé mentale de première ligne en centres de santé et de services sociaux (CSSS) et échanges

- Présentation des orientations relatives à la prévention du suicide, Direction générale du développement des individus et de l'environnement social

11h15 - 12h15

Rencontre avec le Centre de crise de Québec

Mme Christiane Allard et Mme Huguette Savard (directrices)

- Programme refuge
- Organisation du soutien téléphonique
- Présentation de l'équipe mobile

14h30 - 16h00

Association québécoise de prévention du suicide

M. Bruno Marchand , directeur

Mme Pascale Dupuis , coordonnatrice de la recherche et du développement

Présentation des campagnes de prévention et de sensibilisation

- La situation du suicide au Québec
- Les réseaux de sentinelles
- La réduction de l'accès aux moyens

17h00 - 18h00

Centre de prévention du suicide de Québec

Mme Lynda Poirier , directrice générale

- Présentation du service d'écoute, de la pratique des entretiens individualisés et des déplacements auprès des familles

- Explications sur le programme SILAR (suivi intensif après une consultation/hospitalisation)

- Présentation du programme de formation sentinelle en milieu de travail

Mercredi 5 juin 2013

09h00 - 12h00

Centre de Santé et de Services Sociaux de la Vieille Capitale

Dr Alain-Philippe Lemieux , directeur général adjoint des affaires universitaires et cliniques, et des services professionnels,

Mme Agnès Gaudreault , directrice des soins infirmiers,

- Présentation de l'organisation des services des différents établissements et des partenariats avec les cliniques médicales du territoire

- Présentation de « Clinique-Réseau Québec »

- Présentation du rôle des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) du Québec

Jeudi 6 juin 2013

9h00 - 11h00

Centre des Services Sociaux et de Santé Jeanne-Mance

M. Jason Champagne , directeur des services généraux et programmes spécifiques

Mme Francine Cote , directrice adjointe des services généraux et programmes spécifiques

M. Gilles Bouffard , chef du programme santé mentale adulte

Présentation des particularités du CSSS concernant l'organisation des services spécifiques de première ligne et des équipes :

- L'équipe mobile de référence et d'intervention en itinérance (EMRII)
- L'équipe de soutien aux urgences psychosociales (ESUP)
- L'équipe Urgence psychosociale-justice (UPS-J)

- L'équipe itinérance et jeunes de la rue
- Le programme d'accompagnement justice - santé mentale (PAJ-SM)
- Services intégrés de dépistage et de prévention des ITSS (SIDEP)
- Le service Côté Cour

14h00 - 15h30

Suicide action Montréal

Rencontre avec l'équipe d'intervention téléphonique

16h30 - 18h00

Rencontre avec le Groupe Entreprises en santé

Marie Claude Pelletier, présidente directrice générale

Présentation des programmes menés pour l'accompagnement des entreprises dans la prévention des risques psychosociaux au travail

Vendredi 7 juin 2013

8h30 - 11h00

Centre de santé et des services sociaux de la Montagne

M. Réal Lizotte , Directeur des services généraux et spécifiques

M. Donald Desrosiers , chef d'administration de programme santé mentale adulte

M. Hugues Laforce , psychologue et chargé de projet au programme santé mentale pour adulte

- Organisation soins de première ligne pour la prévention du suicide

- Rôle des IPS et articulation avec les autres professionnels de la santé

13h30 - 15h00

Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (UQAM)

Brian L. Mishara, Ph.D , directeur du centre et professeur ( Département de psychologie )

- Présentation des principaux projets en cours et des projets à avenir
- Discussions sur les nouvelles technologies en prévention du suicide ( M. Mishara va publier un livre en septembre 2013 sur ce sujet )
- Echanges sur le réseau « Befrienders Worldwide », réseau des centres d'écoute en prévention du suicide dans plus de 50 pays


* 1 On entend par « services sociaux » tant les services psychosociaux destinés à l'ensemble de la population que les services particuliers bénéficiant aux personnes plus vulnérables (jeunes en difficulté, personnes âgées en perte d'autonomie, personnes atteintes d'une déficience, d'un problème de santé mentale ou souffrant d'une addiction, etc.).

* 2 Il existe dix provinces au Canada ; le Québec est l'une d'entre elles.

* 3 Au Québec, les organismes communautaires sont des organisations à but non lucratif qui interviennent dans les secteurs sanitaire et social pour réduire les inégalités, lutter contre les discriminations, promouvoir la solidarité, etc.

* 4 L'inscription auprès d'un médecin de famille est volontaire et gratuite.

* 5 Le bureau du coroner est un organisme chargé de procéder à une investigation ou à une enquête publique lorsque les causes et les circonstances d'un décès sont suspectes. Il est placé sous la responsabilité du ministre de la sécurité publique.

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