E. L'INGÉRENCE DE L'ÉTAT DANS LA VIE PRIVÉE SUR INTERNET

Dans un contexte marqué par la répression des manifestations en Turquie qui visait notamment les utilisateurs des réseaux sociaux, l'Assemblée parlementaire a souhaité organiser un débat d'urgence sur la question de l'ingérence de l'État dans la vie privée sur internet. Conformément au Règlement de l'Assemblée, le débat d'actualité ne débouche pas sur l'adoption d'un texte, d'une résolution ou d'une recommandation.

Internet et les réseaux sociaux constituent aujourd'hui un nouvel espace public ouvert à tous. La question de l'encadrement de ces plateformes d'échanges par l'État démocratique reste cependant ouverte, les gouvernements devant s'adapter à cette nouvelle donne. Les médias en ligne font désormais partie des canaux de diffusion de l'information, aucune pression ne devant être exercée par les États sur les journalistes et les éditeurs sous peine d'être considéré comme une atteinte à la liberté d'expression. La surveillance est d'autant plus délicate à mettre en place que la part des non-professionnels dans ces médias est souvent importante. Reste un impératif pour les sociétés démocratiques, celui de protéger libertés et des droits fondamentaux et garantir notamment le droit à la vie privée et à la dignité, respectant en cela l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'agit également de protéger les plus jeunes face à des contenus libres d'accès et peu adaptés à leur âge.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a profité de ce débat pour appeler à la mise en oeuvre d'un nouvel instrument juridique international destiné à garantir la protection de la vie privée :

« La protection de la vie privée est un droit élémentaire reconnu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. L'évolution technologique a rendu ce principe de plus en plus délicat à mettre en oeuvre tant il semble aujourd'hui aisé de pouvoir récupérer sur internet un certain nombre d'informations personnelles.

Internet constitue un formable outil en faveur de la liberté : il permet d'accéder plus facilement à la connaissance et de briser les frontières. Chacun ici a en mémoire le Printemps arabe et aussi, en partie, la tragédie syrienne.

Toute médaille a néanmoins son revers. La facilité avec laquelle l'information circule sur la Toile va de pair avec la fragilité des mesures de protection des données personnelles. Il nous appartient donc d'actualiser nos principes et faire émerger un nouvel instrument juridique garantissant la protection de la vie privée à l'heure de la dématérialisation.

Le projet américain Prism et les débats au sein de l'Union européenne entourant Acta ou la modification de la directive relative à la protection des données personnelles montrent que cette question de l'ingérence de la puissance publique dans nos vies privées ne constitue pas une problématique propre aux seules dictatures. Il convient, en effet, d'être extrêmement vigilant, en tant que législateur, à faire que des impératifs sociaux, la garantie de l'ordre public ou la préservation du droit d'auteur par exemple, ne conduisent pas à un droit de regard trop étendu sur nos données présentes sur le web.

Je note que l'Union européenne cherche la bonne formule sur ce sujet, apte à concilier droit à la vie privée, sécurité publique et protection de la propriété intellectuelle. Si elle arrive à trouver un compromis intéressant, il serait regrettable qu'il soit limité aux seuls 28 États membres. Une convention du Conseil de l'Europe pourrait reprendre les principes retenus en y ajoutant sa propre valeur ajoutée, liée à son expertise sur le sujet.

De plus, il est urgent que la totalité des États membres du Conseil de l'Europe interdisent l'exportation des technologies de surveillance vers les pays qui bafouent les droits fondamentaux. Les États-Unis et l'Union européenne ont montré la voie en interdisant ces exportations vers la Syrie et l'Iran. Il convient d'aller plus loin et d'étendre cette disposition à l'échelle de la planète.

Je vous rappelle que cinq sociétés se partagent le marché de la cybersécurité : une américaine et quatre européennes - une britannique, une allemande, une italienne et une française. La responsabilité européenne est de fait engagée. Il nous appartient donc d'encadrer leurs activités. »

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