C. LA CONSERVATION DU PATRIMOINE

1. Un axe de coopération privilégié

La conservation et la préservation du patrimoine historique du Vietnam constitue un axe privilégié de coopération avec la France pour plusieurs raisons. Outre que l'espace urbain des grandes villes vietnamiennes (Hanoi, Ho Chi Minh Ville, Haiphong ainsi que Dalat) reste fortement marqué par les réalisations héritées de la période coloniale, la conservation et la mise en valeur du patrimoine constitue depuis longtemps une préoccupation majeure de la France et son savoir-faire dans ce domaine est internationalement reconnu. S'y ajoutent l'ancienneté des liens noués au fil de la présence d'institutions comme l'École française d'Extrême-Orient (EFEO) et, plus récemment, l'implication des collectivités territoriales françaises, dont la préservation du patrimoine constitue un des axes privilégiés d'intervention.

Il ne saurait être question ici de citer toutes les réalisations et les projets de coopération entre les deux pays dans ce domaine.

En matière muséale, on rappellera simplement que le Musée d'ethnographie de Hanoi a été construit avec l'aide de la France et inauguré par le Président Chirac, à l'occasion du sommet de la francophonie de 1997. La France participe à la réhabilitation de quatre autres grands musées du pays. À ce titre, en collaboration avec l'Académie des sciences sociales du Vietnam, l'EFEO a réalisé la conception muséographique et scénographique du musée d'archéologie de Hanoi, qui présente les résultats des fouilles entreprises entre 2002 et 2008 dans la citadelle impériale. L'EFEO coproduit régulièrement avec les Vietnamiens des expositions réinterprétant par la connaissance des lieux l'histoire des peuples, comme, par exemple, Vivre et mourir à Hanoi en 1972 ou Dalat - et la carte créa la ville (prévue pour décembre 2013).

2. La coopération décentralisée

Dès la visite officielle du Président Chirac en 2004, la coopération décentralisée avait clairement été mise en avant comme un des grands axes des relations entre la France et le Vietnam.

Pour sa part, la délégation s'est concentrée sur deux aspects de celle-ci dans les domaines relevant de sa compétence : la conservation du patrimoine et les relations culturelles.

La délégation a pu observer sur le terrain plusieurs réalisations remarquables menées à long terme de conservation du patrimoine, aussi bien à Hanoi qu'à Hué.

La coopération entre la ville de Toulouse et les autorités vietnamiennes pour la restauration et la mise en valeur du patrimoine bâti du vieux quartier de la capitale a commencé en 1998. D'une superficie de cent hectares, le vieux quartier a émergé lors de la fondation de Hanoi, en 1010. Depuis, il est toujours resté un centre économique de la capitale, les rues y sont organisées par corporation et parsemées des temples dédiés aux fondateurs de ces métiers. Préserver le mode de vie traditionnel des habitants constituait d'ailleurs un des enjeux de la restauration.

Le développement économique a conduit à un processus effréné de démolition-construction qui menaçait la sauvegarde de ce patrimoine matériel et immatériel.

La disparition de certains métiers et savoir-faire traditionnels, la destruction ou occupation de lieux de culte, ont conduit la ville de Hanoi à lancer un processus de restauration, de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine et à solliciter l'expertise technique de la ville de Toulouse.

Par la suite, la coopération s'est élargie à la préservation de l'identité culturelle et du patrimoine immatériel -modes de vie et métiers traditionnels. Les actions développées ont permis l'aménagement de rues de métiers traditionnels, la création de circuits touristiques et d'activités culturelles autour des métiers, un inventaire des métiers traditionnels, la piétonisation d'un axe pour les marchés nocturnes du week-end, la restauration des maisons communales.

Du patrimoine, la coopération entre Toulouse et Hanoi s'est élargie, à compter de 2009, à de nouveaux domaines, le développement urbain durable et le dialogue interculturel, avec l'appui du ministère des affaires étrangères. Elle comporte désormais des projets de création de nouveaux quartiers, ainsi que des actions d'appui en matière de développement urbain durable, notamment l'accompagnement des autorités de la ville de Hanoi pour l'élaboration d'un plan climat, l'aménagement des sites de communication et d'information, la mise en place et la formation d'une équipe chargée de la gestion et l'animation de ces sites.

Cette coopération technique s'accompagne d'échanges culturels et universitaires et contribue donc à l'essor de la francophonie. En effet, des articulations ont été réalisées entre la coopération des villes de Toulouse et de Hanoi en matière de restauration du patrimoine et développement urbain durable et les échanges entre l'école d'architecture de Toulouse et l'université d'architecture de Hanoi. Mis en place en 2001, le master francophone « Projet urbain, patrimoine et développement durable » a pour objectif de former des professionnels de la ville de Hanoi à la conception et à la conduite de projets urbains incluant ainsi la dimension patrimoniale mais aussi sociale et environnementale.

Le partenariat engagé par l'Institut des métiers de la ville, bureau de représentation de la région Ile de France à Hanoi, connait une évolution de même nature. Initié en 1999, avec tant la région capitale que le comité populaire de la ville, il porte aujourd'hui tant sur la préservation du patrimoine et que l'urbanisme et la planification du développement, les transports publics que l'environnement. S'appuyant sur la présence de trois personnes en permanence depuis 2001, cette coopération, quelques soient les formes qu'elle prend, est marquée par une implication de plus en plus grande des autorités vietnamiennes, dont le financement représente désormais la moitié du coût total des projets. L'aide attendue pour la mise en oeuvre de nombreux projets (pôles d'échanges de bus, prise en compte du patrimoine dans les projets urbains) est d'ordre technique tout autant que financière, d'où l'importance que représente le centre de documentation implanté à Hanoi, qui met à disposition d'ouvrages traduits en vietnamien, y compris sur Internet. L'institut des métiers de la ville assure également une formation professionnelle en urbanisme et en matière de services de transport.

À Hué, la coopération décentralisée est plus ancienne encore, puisqu'elle remonte au début des années 1990. Elle porte aussi sur un milieu plus dégradé, car la ville fut longtemps située sur la ligne de feu. En 1993, la ville a été classée au patrimoine mondial par l'UNESCO, considérant que « la rivière des Parfums serpente à travers la cité-capitale, la cité impériale, la cité pourpre interdite et la cité intérieure, ajoutant la beauté de la nature à cette capitale féodale unique ». Concrètement, la mise en valeur concerne non seulement la cité impériale mais aussi l'ensemble paysager des maisons jardins de la citadelle, les étangs et canaux et la flore associée.

Aujourd'hui, la cité impériale a retrouvé, sinon tout son lustre, du moins un état de conservation qui lui permet de constituer une destination touristique majeure. Depuis plus de vingt ans, l'habitat traditionnel de la citadelle constitue l'axe majeur de la coopération entre la ville et la région Nord-Pas-de-Calais. Les interventions pérennes, tout en assurant la conservation des maisons, permet de préserver le mode de vie des habitants, nullement relégués au fond d'une lointaine banlieue. Au contraire, l'action entreprise a veillé à maintenir en l'état voire à restaurer les paysages urbains, qu'il s'agisse des maisons jardins - dont plusieurs doivent au Sénat leur restauration complète 5 ( * ) - ou des potagers de la citadelle.

Dans le domaine culturel, dès sa création, la France a apporté un soutien déterminant au festival de Hué. Aujourd'hui, elle reste le partenaire principal du festival, même si, lors de sa dernière édition, en 2012, les 35 troupes présentes venaient de 26 pays différents et que l'équipe d'organisation travaille avec 12 pays. Les premiers contacts ont été pris pour le prochain festival, prévu pour 2014. La première ébauche du programme fait ressortir un thème principal, celui du patrimoine culturel dans l'intégration et le développement. Les organisateurs souhaitent créer un lieu de rencontres entre anciennes capitales des pays de l'ASEAN, à la fois dans une perspective historique et pour envisager les voies de l'avenir en commun.


* 5 Le 16 octobre 2002, le Sénat a d'ailleurs organisé, avec le concours de l'UNESCO, un colloque sur « Le patrimoine mondial, enjeu de la décentralisation »

http://www.senat.fr/colloques/politiques_patrimoine/politiques_patrimoine.pdf

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