2. Confier à l'ANR la programmation et le financement direct de la recherche avec le Sud

Le rapprochement entre les opérateurs de recherche pour le développement et la convergence de leur programmation n'ont pu être réalisés par l'agence inter-établissements, pour les raisons déjà exposées plus haut. Puisqu'il est établi que la situation actuelle de l'AIRD n'est pas tenable, il convient d'en tirer les conclusions.

Votre mission estime en effet que le projet de transformer l'IRD en agence de financement dédiée à la recherche pour le développement a fait long feu. Elle plaide au contraire pour une reconnaissance de l'IRD comme opérateur de recherche efficace et utile. Elle juge en outre que, du fait du contexte budgétaire français mais aussi de l'éclaircissement en cours du paysage national de la recherche, le moment n'est pas propice pour créer une nouvelle entité qui serait dédiée au financement de la recherche pour le développement. Elle observe aussi que, de toute façon, une telle entité n'aurait pas le monopole du financement de la recherche avec le Sud, puisqu'en 2012, l'ANRS, agence autonome au sein de l'INSERM, a consacré 13,5 millions d'euros, soit le tiers de son budget à la recherche au Sud, essentiellement sur le sida et les hépatites virales.

Considérant la montée en puissance de l'ANR et la crédibilité qu'elle a acquise dans sa fonction de financement de la recherche, votre mission propose de lui confier la fonction de programmation et de financement de la recherche au Sud . La recherche pour le développement se trouverait ainsi raccordée à la stratégie nationale de la recherche.

L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

Créée en 2005, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), l'Agence nationale de la recherche (ANR) est devenue un établissement public administratif au 1er janvier 2007, selon les dispositions de la loi de programme pour la recherche.

Elle a pour principales missions de financer et de promouvoir le développement des recherches fondamentales, appliquées et finalisées, l'innovation et le transfert technologique, ainsi que le partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Son principal mode d'action est le lancement d'appels à projets auprès des équipes de recherche et la sélection des lauréats sur la base de critères d'excellence scientifique.

Source : Le financement public de la recherche, un enjeu national , rapport de la Cour des comptes, juin 2013 .

L'ANR n'est aujourd'hui pas étrangère à cette activité : Mme Pascale Briand, directrice générale, a indiqué à votre mission que l'agence avait soutenu financièrement, sur la période 2005-2011, 70 projets associant des équipes des pays du Sud, ce qui représente environ 5 % des projets internationaux de l'ANR pour un montant de 28 millions d'euros 122 ( * ) .

Pour ces interventions en matière de collaborations internationales, l'ANR travaille à la construction des appels à projets avec ses homologues étrangères, chacune de ces agences finançant les équipes de recherche de son pays. L'AIRD procède différemment : elle délègue la gestion d'une partie de ses programmes à des équipes à l'étranger. Les deux agences ont déjà été amenées à travailler ensemble, notamment lorsqu'il n'existe pas d'agence de financement à l'étranger. L'ANR finance les équipes françaises et l'AIRD celles du Sud (grâce à son réseau de régies locales) pour les projets partenariaux sélectionnés. Mme Briand indique que ce sont plus de 110 équipes africaines qui ont été ainsi partenaires de projets soutenus par l'ANR, sur la période 2005-2011.

L'ANR, déjà familière du financement de la recherche partenariale avec les Sud, présente aussi l'avantage de travailler avec des institutions du Sud (les agences de recherche, quand elles existent) qui sont à même d'engager leur pays : dans ces conditions, la programmation de la recherche avec le Sud par l'ANR serait plus efficace que celle menée par l'AIRD, où le Sud est aussi représenté (au Conseil d'orientation) mais par des personnalités qui ne sont pas habilitées à engager leur pays.

Pour que l'ANR puisse assumer cette fonction, le cadre juridique de son activité devra être adapté pour l'autoriser à financer directement les équipes de recherche des pays du Sud collaborant avec des équipes Nord sur les projets de recherche sélectionnés. Il conviendra aussi d'organiser la participation des institutions de recherche pour le développement et de l'AFD à la mission de programmation de la recherche en partenariat avec le Sud pour assurer une cohérence d'ensemble. À cet effet, une formation « Sud » du conseil d'administration de l'ANR incluant des représentants de l'AFD et des établissements de recherche pour le développement pourrait s'envisager.

Outre cet aménagement des règles applicables à l'ANR, la solution préconisée implique de dédier une ligne de crédits de l'ANR adaptée au financement de ces projets avec le Sud (qui se déploient sur une durée longue pouvant atteindre dix ans 123 ( * ) et se caractérisent par leur caractère interdisciplinaire) et d'y consacrer une dotation assez conséquente pour faire effet de levier et attirer des financements extérieurs : sans une telle sanctuarisation, les moyens qui manquaient à l'AIRD manqueront aussi à l'ANR, qui s'évertue déjà à préserver sa dotation budgétaire. Selon le rapport d'inspection sur l'IRD, une dotation de 10 millions d'euros suffirait à donner un élan aux projets de recherche partenariale avec le Sud; ce montant, supérieur aux engagements actuels de l'AIRD, reste très modeste par rapport aux montants de l'APD, et notamment quand on le compare par exemple à la seule contribution française au fonds mondial de lutte contre le sida (360 millions d'euros en 2013). Une ponction de 10 millions sur cette contribution française ne représenterait qu'une diminution de 2,77 % de cette contribution, alors même que la France demeure le premier donateur européen du Fonds mondial et le deuxième sur le plan international : le cumul des sommes versées par la France à ce fonds depuis sa création en 2002 atteint ainsi 2,6 milliards d'euros.

On peut aussi observer que l'AFD dispose d'un budget de 5 millions d'euros pour commander des travaux de recherche : lors de son audition par votre mission, M. Alain Henry, directeur du département recherche de l'AFD, a jugé maigre cette enveloppe. Elle représenterait pourtant la moitié du montant susceptible de donner un nouvel élan à la recherche en partenariat avec le Sud.

Parallèlement à cette réforme de l'ANR pour permettre le financement direct des centres de recherche du Sud partenaires des équipes françaises, votre mission insiste sur la nécessité de réintégrer dans l'IRD les personnels transférés à l'AIRD ainsi que la dotation initiale qu'il avait consentie à l'agence par ponction sur son propre budget, afin de lui rendre les moyens d'action dont il disposait avant la création de l'AIRD .


* 122 30 % d'entre eux concernent le domaine de l'environnement, autant celui des sciences sociales, 4 % la santé et 1% la physique.

* 123 Alors que le financement sur projet intervient généralement sur trois ou quatre ans seulement.

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