3. Adapter les critères d'évaluation scientifique de la recherche partenariale avec le Sud pour valoriser sa contribution au développement

La recherche pour le développement est reconnue comme une recherche de qualité à l'aune des standards internationaux. Mais cela dit-il quelque chose de son impact sur le développement du Sud ? L'évaluation scientifique des organismes de recherche valorise-t-elle leur contribution effective au développement ?

Outre les évaluations internes qu'ils organisent, les établissements dédiés à cette recherche sont fréquemment évalués par de multiples institutions. Leurs dispositifs et projets font l'objet d'évaluations croisées de la part des bailleurs de fonds ou des pays partenaires.

Surtout, comme tout organisme de recherche, les deux opérateurs dédiés à la recherche pour le développement, le Cirad et l'IRD, ainsi que leurs unités de recherche font en France l'objet d'une évaluation par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) 124 ( * ) , autorité administrative indépendante créée en 2007. De ce point de vue, la recherche de l'IRD est très bien évaluée : plus de 85 % de ses unités de recherche ont reçu une note A ou A+ de l'AERES.

Comme l'a expliqué à votre mission M. Didier Houssin, président de l'AERES, l'Agence tient compte autant que possible des spécificités engendrées par le mandat des instituts dédiés à la recherche pour le développement, mais il lui est difficile d'évaluer l'impact de la recherche sur le développement du Sud. Le nouveau référentiel d'évaluation qu'utilise l'AERES depuis mai 2012 comprend six critères dont deux peuvent concerner plus spécifiquement le groupe des organismes de recherche finalisée (EREFIN) 125 ( * ) : le critère 3, qui porte sur la qualité des interactions avec l'environnement social, économique et culturel, et tente de mesurer en quoi la recherche contribue au processus d'innovation; et le critère 5 qui analyse l'implication de l'entité évaluée dans la formation par la recherche en master et doctorat. Les autres critères d'évaluation sur lesquels s'appuie le travail d'expertise de l'AERES sont la production et la qualité scientifiques, le rayonnement et l'attractivité académiques, l'organisation et la vie de l'entité, la stratégie et le projet à cinq ans.

Néanmoins, les critères internationaux de la bonne recherche (tels le nombre de publications dans des revues scientifiques à comité de lecture) restent prégnants et incitent les chercheurs à privilégier la recherche fondamentale plutôt que la recherche finalisée . Le président de l'AERES a cité l'exemple d'une recherche confiée à l'INRA pour déterminer quelle culture pourrait être retenue aux Antilles pour limiter l'impact sanitaire du chlordécone : il a observé qu'il s'agissait d'une question très importante pour le lieu considéré, mais que la recherche destinée à y répondre n'était pas de celles que mettent en avant les meilleures revues scientifiques.

L'IRD dispose déjà de ses propres indicateurs relatifs au développement autonome de la recherche au Sud : nombre de copublications, de docteurs formés... Le Document de politique transversale 2013 retient lui aussi l'indicateur de la part des copublications pour mesurer les résultats de la recherche pour le développement. Mais le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE souligne, dans son récent examen de la politique française de coopération au développement 126 ( * ) , que cet indicateur ne permet pas de rendre pleinement compte de l'impact des programmes sur la capacité scientifique et le développement des pays du Sud. L'IRD reconnaît lui-même que la mesure précise de l'impact de la recherche pour le développement reste difficile à terme puisque de multiples influences, dont l'instabilité économique ou politique, affectent le monde de la recherche dans les pays du Sud.

Votre mission estime donc nécessaire de reconsidérer les critères d'évaluation de la recherche pour le développement pour mieux prendre compte ses spécificités et son impact réel sur le développement, qui constitue sa finalité ultime . Si l'on s'accorde à reconnaître que l'objectif de la recherche pour le développement est de valoriser le renforcement des capacités au Sud, il importerait de mesurer ce « capacity building » par des indicateurs plus adaptés : l'insertion des docteurs originaires des pays du Sud dans les réseaux internationaux de recherche, la qualité des relations entre les organismes de recherche présents au Sud et les milieux socio-économiques, les activités de formation mais plus encore de renforcement institutionnel du partenaire par structuration de son appareil d'enseignement supérieur et de recherche, la valorisation de la recherche grâce à son appropriation par les décideurs publics ou par les acteurs économiques ou sociaux, la part de brevets déposés en copropriété avec le partenaire...

Si l'observation de tels indicateurs permettrait de progresser dans la mesure de l'impact de la recherche pour le développement, votre mission est bien consciente du fait qu'il restera toujours difficile de quantifier les résultats de recherche qui ont eu un impact direct sur les politiques publiques d'un pays ou sur des procédés technologiques utiles au Sud, tant le processus de décision ou d'innovation dans tout pays est complexe et rarement linéaire.

Surtout, elle juge que cette évaluation scientifique au Nord doit se doubler d'une évaluation des projets de recherche menés au Sud par les populations qui en sont les destinataires. Ce point, qui participe de l'amélioration de la mise en oeuvre effective de nos partenariats de recherche avec les pays du Sud, sera développé plus loin.


* 124 La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche substitue le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) à l'AERES, à compter de la date de publication du décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 114-3-6 du code de la recherche.

* 125 Qui inclut notamment l'IRD... mais aussi le CEA.

* 126 Examen par les pairs de l'OCDE sur la coopération au développement, France 2013 , publié en juin 2013 par le Comité d'aide au développement de l'OCDE.

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