2. Encourager la connexion entre nos opérateurs de recherche et les autorités publiques du pays partenaire pour la diffusion des résultats

Pour que la recherche pour le développement puisse avoir un plus grand effet d'entraînement sur le développement des pays du Sud, il importe aussi de mieux la connecter aux décisions politiques prises dans ces pays.

Les établissements français de recherche pour le développement doivent encourager leurs équipes travaillant en partenariat avec le Sud à effectuer une restitution des résultats de recherche aux populations concernées (citoyens, politiques, experts...). Il s'agit ainsi d'alimenter, voire d'élever le débat public dans la perspective possible de l'élaboration d'une décision politique , mais non pas de dicter la décision.

De tels infléchissements des politiques nationales au Sud suite à des projets de recherche menés en partenariat ont déjà pu être observés.

Lors de son audition, la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Geneviève Fioraso, a cité l'exemple de la collaboration des unités de l'IRD avec l'IMARPE (Institut de la mer au Pérou) engagée depuis plus de 10 ans : cette collaboration a permis au gouvernement péruvien de mettre en place une gestion de la pêche côtière qui tient compte des réserves et de l'impact des variations climatiques périodiques qui affectent le pays.

Elle a également évoqué un programme appelé SARI qui a amené à l'élaboration d'un système aquacole au Sénégal permettant d'utiliser les sous-produits des matières premières agricoles pour élever une variété de tilapia.

De même, lors de son autidion par votre mission, M. Raguin, Directeur du groupement d'intérêt public Esther, a souligné l'exemplarité du programme de recherche mené au Sénégal, en partenariat avec l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), en matière de lutte contre la toxicomanie : sur la base d'un diagnostic de terrain rendu possible par les résultats de la recherche fondamentale en épidémiologie, le GIP Esther a bâti un dispositif opérationnel et contribué à la rédaction du premier programme sénégalais de lutte contre la toxicomanie.

Ce souci d'appropriation des résultats de la recherche par les pays du Sud est au fondement de la démarche du Fonds français pour l'environnement (FFEM). Comme l'a expliqué en ces mots son secrétaire général, M. François-Xavier Duporge, le FFEM privilégie le financement de recherches apportant des solutions plutôt que celles produisant des connaissances : il s'agit de « ne pas payer le médecin légiste à analyser de quoi le patient est en train de mourir ».

Non seulement la recherche pour le développement doit avoir le souci de proposer des solutions, mais elle doit veiller à leur adaptation au contexte national de leur possible implantation. M. Duporge a notamment évoqué le débat méthodologique auquel avaient donné lieu les propositions novatrices qu'avait faites l'IRD dans le cadre d'un programme de protection des récifs coraliens dans le Pacifique Sud 144 ( * ) : le FFEM avait jugé que ces propositions, reposant en partie sur la pose de caméras immergées, n'étaient pas accessibles aux pays concernés, ce qui, rapporte M. Duporge, avait provoqué une vive réaction de l'IRD qui se sentait empêché de faire de la « vraie recherche ».

Il a aussi déploré que certaines recherches proposent des solutions trop complexes à mettre en oeuvre : dans le cadre du programme « Modélisation et scénarios de la biodiversité » dans les pays du Sud, que le FFEM soutient aux côtés de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), les propositions reçues des chercheurs à l'usage des gestionnaires de parcs naturels ne donnaient pas d'éléments de coûts ou de complexité en vue de leur application au Sud et se trouvaient de fait déconnectées des politiques envisageables par les pays du Sud.

Votre mission soutient donc une vision de la recherche pour le développement exigeante mais connectée aux réalités du terrain , sans quoi sa pertinence dans le débat public et la probabilité que ses résultats puissent être pris en compte par les décideurs publics seront bien faibles.

Elle encourage par ailleurs les représentants au Sud des établissements français de recherche pour le développement à développer leurs contacts avec la société civile et la sphère publique du pays partenaire , afin de pouvoir donner de l'écho aux résultats de leurs recherches et de mobiliser les populations autour des restitutions préconisées par votre mission.

Pour ce faire, les établissements de recherche pour le développement pourraient trouver un relais utile dans les ONG présentes au Sud . Comme l'a fait observer à votre mission Mme Bénédicte Hermelin, directrice du GRET, la spécificité des ONG par rapport aux instituts de recherche, c'est précisément l'intermédiation sociale : les ONG peuvent aider à faire le lien entre populations et chercheurs.

Tous les vecteurs de connexion aux populations et aux autorités nationales au Sud doivent être mobilisés pour donner un écho plus grand à la recherche menée en partenariat avec la France.


* 144 Programme CRISP (Coral Reef InitiativeS for the Pacific).

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