E. LES RÉGIMES LÉGAUX DE CALCUL DE L'ASSIETTE IMPOSABLE

Dans ce contexte, la détermination de l'assiette taxable des établissements financiers se révèle particulièrement complexe.

Le CPO énumère les marges de manoeuvre légales en relevant que les techniques décrites ne sont « pas propres aux sociétés financières mais que pour elles la liquidité de leur bilan et la nature de leur activité se prêtent bien à leur utilisation. »

Le CPO retient une distinction entre « les régimes fiscaux couramment utilisés par les entreprises et conformes aux règles fiscales et les pratiques visant à créer artificiellement un déficit, qui testent les limites de la légalité fiscale. »

Un certain nombre d'éléments de la législation fiscale entraînent un ajustement de l'assiette imposable par rapport à ce qu'elle serait dans l'hypothèse où tous les revenus seraient taxés :

- la gestion intertemporelle des déficits qui permet sous conditions de reporter en avant ou en arrière les déficits ;

- le régime mère-fille qui garantit la déductibilité des profits versés sous forme de dividendes par les filiales ;

- l'intégration fiscale qui permet d'imputer les pertes d'une entité sur les bénéfices de la société mère sous conditions également.

Il faut encore mentionner cette source abondante que représente pour la législation fiscale l'ensemble des conventions bilatérales conclues par la France avec les Etats étrangers.

Un problème à forts enjeux, les conditions de l'imputation des pertes

Les banques ont été confrontées à des pertes plus ou moins considérables à l'occasion des positions qu'elles détenaient avant la crise financière. Par ailleurs, il peut se produire que des positions à risques se révèlent coûteuses.Les banques en portent un grand nombre.

La question a pu se poser de déterminer si certaines pertes résultant de déboires financiers pouvaient être écartées par l'administration fiscale. Le Conseil d'État a adopté une jurisprudence qui n'implique pas que la déductibilité des pertes doive être toujours admise.

Le risque fait partie de la vie économique normal et sa matérialisation peut représenter une dépense déductible des produits pour la détermination du résultat fiscal des entreprises. La déductibilité est toutefois écartée quand certaines conditions sont réunies. Par sa décision du 5 octobre 2007 Alcatel-CIT, le Conseil d'État a précisé les circonstances dans lesquelles une perte ne saurait être déduite. Outre les cas classiques correspondant à des actes anormaux de gestion, le Conseil d'État a considéré que les carences manifestes des dirigeants dans l'organisation de l'entreprise et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle pouvaient dans certaines limites permettre de s'opposer à la déduction d'une perte.

Cette jurisprudence invoquée dans un avis récent du Conseil d'État sur la déductibilité d'une perte due à des risques pris par un salarié paraît toutefois dessiner des limites étroites aux marges d'appréciation de l'administration fiscale pour refuser la déductibilité d'une perte. Une prise de risque excessif peut être constitutive d'un acte anormal de gestion mais sous des conditions très strictes.

La carence délibérée des contrôles s'apparentant à l'encouragement à des prises de position qu'un fonctionnement régulier des contrôles n `aurait pas permises peut être invoquée pour rejeter une perte consécutive aux risques pris.

Votre rapporteur relève qu'à l'inverse d'une tendance générale à la société, le Conseil d'État ne ressort pas comme adversaire du risque. Les observations en cours sur la propension de certains acteurs financiers, répondant à des incitations mal conçues, notamment à celles attacées ax systèmes de rémnérations, à s'engager dans des positions aventureuses dont les coûts sont finalement supportés par la collectivité pourraient peut-être amener des évolutions jurisprudentielles sur ce point, même si elles apparaissent logiquement tributaires des évolutions des règles prudentielles adoptées par ailleurs.

Dans ce contexte, il demeure que l'administration fiscale serait bien inspirée de prendre systématiquement conseil auprès de la haute juridictions, à l'occasion des pertes subies du fait des prises de risques pouvant paraître résulter des carences d'organisation ou des contrôles sur les différents engagements des banques, quand elles engagent des enjeux fiscaux d'une certaine importance

Votre commission d'enquête, comme d'ailleurs l'ensemble des parlementaires, a été rendue attentive aux difficultés particulières rencontrées dans le cadre de la perte occasionnée à une grande banque de la place par des prises de position ouvertes sur des produits structurés.

Dans cette affaire qui représente un enjeu important pour les finances publiques -1,7 milliard en première approximation-, il semble que des « défaillances » notables du contrôle interne, avérées par une sanction prononcée contre l'établissement par le superviseur, mais aussi par certains faits allégués soient intervenues.

Sans se prononcer sur le fond votre rapporteur ne peut qu'observer qu'une consultation spécifique du Conseil d'État aurait pu apporter une sécurité juridique supplémentaire au traitement fiscal de cet épisode et s'interroge sur les perspectives demeurant d'y procéder.

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