X. LE FINANCEMENT RÉGIONAL

L'autonomie financière et fiscale se situe au coeur de la décentralisation, tout spécialement lorsqu'il s'agit de la région, dont on connait la faiblesse du pouvoir fiscal. Les sciences financière et fiscale n'ont jamais démenti ce vieil adage « qui paie décide ».

Nous sommes en face de quatre contraintes :

- le coût du transport ferroviaire régional est et sera élevé : maintenance, renouvellement, rénovation, participation, croissance de la demande agissent à la hausse ;

- l'importance de la dette ferroviaire, de la dette publique en général, perspective de croissance incertaine, gel des dotations de l'État 82 ( * ) ;

- le pouvoir fiscal régional réduit ;

- la politique tarifaire devant rester attractive.

Jacques Auxiette, au nom de l'ARF, a fait les propositions suivantes 83 ( * ) :

- instauration d'un versement transport régional : « celui-ci devrait s'appliquer à l'ensemble du territoire régional, y compris dans les périmètres de transports urbains puisqu'un tiers du trafic TER est constitué de trajets périurbains et qu'un autre tiers correspond au trafic intervilles. Son taux pourrait être modulé en fonction des territoires et son plafond pourrait être assez faible (0,2%) de sorte à ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises qui y seront soumises. »

- pérennisation de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TSCPE dite Grenelle) 84 ( * ) ;

- mobilisation d'une fiscalité écologique. La justification : le cout des transports ferroviaires intègre les coûts externes (bruit, accident, pollution...) contrairement à d'autres modes de transport ;

- liberté tarifaire pour les trajets effectués en TER au sein d'une même région 85 ( * ) .

Jacques Auxiette retient une proposition n° 10 qui crédibilise les précédentes : « Imposer comme règle les pratiques de transparence financière et technique relatives aux délégations de service public dans le cadre des contrats d'exploitation des transports régionaux, afin de normaliser et d'assainir les relations entre la SNCF et les Régions. Cet objectif doit être atteint avant la fin de la présente législature. 86 ( * ) ».

Ce rapport retient diverses dispositions susceptibles de favoriser une meilleure gestion régionale : rechercher une meilleure gouvernance des gares et de leur modèle économique, transférer aux régions la propriété des matériels qu'elles ont financés intégralement, rechercher une meilleure gestion foncière et immobilière, limiter l'endettement de RFF.

La proposition n° 41 rejoint le rapport Duron : « Prioriser, dans un contexte de contraction des finances publiques, le renouvellement du réseau ferroviaire et la désaturation des zones où l'existant ne permet plus de répondre à la demande de mobilité 87 ( * ) . »

L'ARF, dans une note du 25 mars 2013, précise ses attentes :

« La revendication des régions porte sur un versement transport régional mixte (interstitiel et additionnel) avec un taux de 0,2% sur les périmètres urbains et de 0,3% en dehors des périmètres de transport urbains. Le rendement annuel de cette nouvelle ressource est estimé par le GART à 701 millions d'€ sur une base 2010.

L'instauration d'un versement transport régional ne résoudra pas l`impasse économique du système ferroviaire actuel. Le financement pérenne des transports collectifs régionaux passe également par l'arrêt de la dérive des coûts du système ferroviaire.

Au-delà de l'instauration d'un versement transport régional, les régions souhaitent bénéficier d'un panier de ressources fiscales plus large dédié au transport ferroviaire de voyageurs incluant le versement transport et dont le produit pourrait à terme se substituer à la compensation instaurée par l'Etat sous la forme de dotation ».

L'ARF se montre très critique à l'égard de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), à l'égard également de la CVAE (mauvaise assiette, imprévision de son évolution, répartition déséquilibrée des territoires, recette fluctuante.

Autres pistes examinées par les régions :

- création d'une taxe sur les produits de la valorisation immobilière résultant de la réalisation d'infrastructure de transport ;

- instauration d'une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ;

- transfert aux régions de la taxe d'aménagement du territoire actuellement affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) ;

- instauration d'un impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau pour les sociétés d'autoroute.

Commentaires :

L'idée d'un versement transport régional a pour elle la logique : la nature d'une ressource doit si possible être en rapport avec la nature des compétences qu'elle finance.

Avant de décider il faut définir ce versement transport ferroviaire régional ; plusieurs approches existent. Devant la commission des Finances du Sénat réunie le 26 septembre 2012, Roland Ries, président du GART (Groupement des autorités responsables du transport) en a présenté une version.

Après s'être référé au Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe (MIE) et avoir plaidé la cause d'un financement européen des lignes de transit européen, il en vient au versement transport « aujourd'hui confiné aux périmètres de transport urbain. Il ne serait pas anormal qu'on puisse le percevoir, à un taux modulé ou inférieur dans les zones interstitielles. Je ne comprendrai jamais comment on peut justifier qu'une entreprise, à l'intérieur d'un PTU, paye un maximum de 2% de la masse salariale et, 2 kilomètres plus loin, juste à l'extérieur du PTU, qu'une autre, éventuellement concurrente, ne paye rien ! Même en termes d'aménagement du territoire, ce n'est pas bon, certaines zones d'activité, à l'extérieur des PTU ayant du mal à se remplir. Ce sont précisément celles qui sont à l'extérieur qui sont les plus difficiles à desservir par les transports publics. 88 ( * ) »

Dans la conjoncture économique et financière actuelle, l'idée d'un versement transport ferroviaire régional, malgré toute sa logique, a fort peu de chance de voir le jour d'autant plus qu'elle risque de compliquer les relations entre les régions et les entités urbaines.

Une autre idée consiste à inventorier d'autres assiettes se rapportant d'une manière générale aux communications.

L'ARF a évoqué la taxe d'aménagement du territoire actuellement acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroute. Nous pourrions citer comme assiette possible le numérique et d'une manière générale les communications, les réseaux.

Lors de son audition, Pierrick Massiot, président de la région Bretagne, a fait un juste constat : « la région est la seule collectivité à ne pas bénéficier de retombées fiscales du fait d'une réhabilitation du quartier gare. En effet, l'amélioration et l'extension des surfaces d'habitat autour des gares représentent une augmentation de la taxe fiscale pour les communes et les départements, mais rien pour la région. »

Si cette idée était retenue, il faudrait trouver une clé de répartition mais nous entendons déjà l'objection des maires concernés : les cofinancements que les autorités ferroviaires nous imposent tiennent lieu de partage anticipé de la plus-value apportée89 ( * ).

Pour sa part, Gilles Savary reprend l'idée d'un versement transport additionnel, l'affectation aux régions de la taxe poids lourds, le basculement intégral aux régions d'une recette d'État...

Il aborde également la politique tarifaire qui doit permettre de mieux cibler les publics : la liberté tarifaire régionale (tout en étant respectueuse des tarifs sociaux nationaux) devrait bénéficier d'un consensus.

Connaissant les priorités financières et fiscales de l'État, l'absence d'autonomie fiscale des régions, nous estimons qu'un dialogue entre l'État et les régions doit se nouer pour décider d'une meilleure répartition des ressources fiscales, d'un meilleur usage de l'intermodalité.

C'est tout le sens que nous donnons au contrat de solidarité et de responsabilité dont l'idée a semblé chère au Président de la République.


* 82 Avec raison, Jacques Auxiette déclare : « La dette du gestionnaire d'infrastructures, aujourd'hui Réseau Ferré de France, est un facteur récurrent d'inquiétudes pour l'avenir du secteur. » Il cite une déclaration de Bernard Pons, ministre de l'Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, devant l'Assemblée nationale le 4 février 1997 : « l'État s'engage à rembourser, via Réseau Ferré de France, l'ensemble de la dette de l'infrastructure de la SNCF ». op. cité page 28.

* 83 Rapport cité page 19.

* 84 Rapport cité page 19. Ce dispositif arrive à échéance fin 2013. Il importe que l'Etat se mobilise pour conserver cette recette.

* 85 » Pour les trajets interrégionaux et les trajets en correspondance avec les services nationaux, un tarif de référence doit pouvoir perdurer en l'absence d'accord tarifaire particulier, de sorte que les voyageurs puissent continuer d'effectuer ces trajets facilement. » , rapport cité page 20.

* 86 Rapport cité page 21.

* 87 Rapport cité page 54, Philippe Duron, député-maire de Caen, président de la Commission « Mobilité 21 » a remis le 27 juin 2013 au ministre des Transports - qui l'avait mandaté - un rapport « Pour un Schéma National de Mobilité Durable » : « La conservation et l'amélioration de l'existant doit être la priorité en matière d'investissements. L'audit Rivier de 2005 nous a fait prendre conscience que le réseau ferroviaire est en train de se déliter, ce qui explique certains ralentissements à 60km/heure, 30 km/heure ; voire 10 km/heure dans les Ardennes... alors que les trains neufs qui roulent sur ces lignes peuvent aller jusqu'à 150 km/heure. » (Phillipe Duron, devant la Commission du développement durable du Sénat, le 2 juillet 2013, page 9049).

* 88 Compte rendu de la commission des Finances du Sénat, le 26 septembre 2012, page 9391.

* 89 Que penser de l'idée d'une surtaxe locale temporaire ? Elle est temporaire et levée en contrepartie d'un investissement. Sa mise en place crée des différences géographiques injustes.

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