COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition de M. Jean GERMAIN, sénateur-maire de Tours,
2 avril 2013

La ville de Tours entretient de bons rapports avec la SNCF et RFF, même s'il reste parfois difficile de savoir qui dirige. La SNCF s'est peu à peu ouverte, surtout ces cinq dernières années. Elle est aujourd'hui plus proche des préoccupations des voyageurs. Toutefois, la ville continue à avoir plusieurs interlocuteurs : la filiale « Gares & Connexions », la direction nationale « grandes lignes ». En effet, le TGV relève de la compétence de la direction nationale de la SNCF, tandis que les TER relèvent de la direction régionale SNCF et de la région. De manière générale, l'on constate une multiplication des structures. Une simplification est nécessaire du côté de la SNCF : dans chaque discussion interviennent RFF, la SNCF et la direction régionale Centre.

La communauté d'agglomération et la SNCF travaillent ensemble, en partenariat avec la région Centre sur le tram-train. Derrière ce projet se pose la question des compétences de financement. La communauté d'agglomération finance les tramways desservant la gare. Les trams et les trains fonctionnent sur deux réseaux différents. Dès lors, des gares d'échange sont prévues. La mise en place de ce tram-train a également nécessité le renforcement du pont sur le Loiret afin qu'il puisse résister au passage des trains.

En outre, la SNCF entretient également des relations avec la communauté d'agglomération de Tours via sa filiale Keolis, laquelle est chargée, par délégation de service public, des bus et des trams à Tours.

L'agglomération a également participé à une politique de réhabilitation des logements, menée en partenariat avec la filiale logement de la SNCF.

La ligne de TGV Bordeaux-Paris passant par Tours a été construite grâce à un partenariat public-privé avec Vinci. La ligne de conduite lors de cette construction était claire : si les collectivités refusaient de participer au financement de la ligne, alors il n'y aurait pas d'arrêt du TGV. Il s'agit d'une vision du service public un peu particulière.

En revanche, aucun progrès n'a été fait sur la question de la navette ferroviaire entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps. C'est un sujet très ancien. Il ne s'agit pas de navettes régionales, car elle dessert des grandes lignes.

En ce qui concerne la billettique unique, la question de la répartition de la charge se pose. Actuellement, le billet est distribué dans le même lieu, mais pas encore au même guichet. En outre, le périmètre du syndicat des transports est différent de celui de l'agglomération. En effet, certaines communes sont membres du syndicat de transport mais pas de l'agglomération. Or, à partir du 1 er janvier 2014, le transport en commun deviendra une compétence de l'agglomération.

Beaucoup de progrès ont été faits dans les relations avec RFF. Toutefois, certains points sont encore à améliorer : ainsi pour les travaux sur les voies, seules les entreprises agréées par la SNCF peuvent travailler. Or, elles sont 40% plus chères. En outre, la notion de durée n'est pas la même pour la SNCF et pour RFF que pour les collectivités. Ainsi, RFF peut programmer des travaux qui ne commenceront que plusieurs mois voire un à deux ans plus tard, ce qui ne correspond pas au temps politique. Enfin, la répercussion des travaux, dont la période et les horaires sont imposés à la ville, sur les horaires des trains dont les TGV (TGV à horaires décalés) est facturée à la ville de façon non négociable.

La présence de la SNCF est substantielle à Tours, notamment du fait des ateliers SNCF, lesquels n'ont bénéficié d'aucune aide économique directe. Beaucoup d'ateliers sont en friche. Il s'agit là d'un bâti exceptionnel. L'entretien du tram de la CA de Tours se fait dans des ateliers à part.

La présence culturelle de la SNCF à Tours est non négligeable, dans la mesure où la ligne Paris-Saint-Pierre-des-Corps est l'une des premières lignes de SNCF construites. Il s'agissait au départ d'une ligne privée. À Tours, la SNCF est actionnaire de l'opéra et de l'orchestre symphonique. En outre, elle participe à la modernisation sociale. Elle dispose d'une association culturelle et sportive.

Enfin, la SNCF est également présente dans le conseil de développement et dans la vie politique municipale : lors de ces dix-huit dernières années, il y avait toujours un cheminot dans le conseil municipal. La SNCF est l'un des principaux employeurs de la ville.

Il n'y a pas aujourd'hui de problèmes d'extension. La question majeure est plutôt celle de la revitalisation, de la réanimation et de l'entretien.

Enfin, sur le fret, la SNCF estime que le volume des commandes n'est pas suffisant.

A udition de M. Jean-Paul DENANOT,
président du conseil régional du Limousin,
10 avril 2013

La SNCF et la région ont de fait des relations conventionnelles. La région est autorité organisatrice des transports et la SNCF est l'opérateur. Toutefois, il est difficile à le faire respecter dans les faits puisque la SNCF a tendance à s'ériger en autorité organisatrice des transports. Ce n'est pas nouveau, mais cela pose un problème de gouvernance. En effet, souvent la région est mise devant le fait accompli. Dès lors, dans le cas de la négociation de la dernière convention TER, la région s'est fait accompagner par un cabinet spécialisé allemand, ce qui a permis de prendre conscience des pratiques de la SNCF.

La région Limousin est la première région à avoir renégocié sa convention TER. La confiance entre la SNCF et la région a pu être rétablie par le développement de la régionalisation de la SNCF en Limousin, laquelle a conduit à un renforcement des pouvoirs du directeur régional SNCF. Les décisions sur les TER se prennent désormais au niveau régional. Il est nécessaire que le directeur régional prenne toutes ses responsabilités. Or, il n'est pas sûr qu'il le souhaite. La renégociation de la convention s'est mal engagée en raison du manque de transparence de la part de la SNCF sur ces coûts. Au début des négociations, son devis se résumait en trois lignes.

M. Denanot reste persuadé qu'une partie des activités SNCF est couverte par les activités TER. En effet, si la SNCF fait des bénéfices, ce n'est pas sur son activité TGV, mais sur les TER. Il faut que chacun soit dans son rôle. Dès lors, il est nécessaire de définir un cahier des charges et que l'opérateur réponde à ce dernier. En cas d'ouverture à la concurrence, les choses seraient différentes, notamment sur les coûts. La région n'a pas d'intérêt à mettre la SNCF hors-jeu, mais la concurrence va engendrer un nouveau rapport de force.

La convention TER prévoit que le risque industriel est supporté par la SNCF. En outre, la SNCF a la possibilité de faire des bénéfices supplémentaires en cas de hausse de la fréquentation. Des malus ont également été mis en place en cas de qualité déficiente.

Beaucoup de présidents de conseils régionaux dénoncent les hausses de participations régionales demandées par la SNCF, d'autant plus que ces collectivités ne bénéficient d'aucune ressource fiscale.

À l'Association des régions de France, le dossier est suivi par M. Auxiette. Toutefois, il n'y a pas de débat sur la mise en place d'un service de conseil car les calendriers de négociation varient beaucoup tout comme les particularités régionales à prendre en compte.

En ce qui concerne la région Limousin, c'est le service des transports qui assure le suivi du dossier. Il a voulu être plus présent dans le contrôle. En effet, dans la convention TER précédente, c'est la SNCF seule qui apportait la preuve de la fréquentation. Le service des transports de la région a mis en place une brigade de comptage, chargée de vérifier le respect des horaires, la fréquentation et le confort. Il n'est pas possible de laisser l'opérateur en autocontrôle. Toutefois, l'introduction de la région dans le contrôle du service proposé par la SNCF a été difficile à mettre en place et a rencontré une forte opposition chez les cheminots.

La SNCF n'a jamais vraiment admis la régionalisation des transports. C'est ce qui explique ces difficultés au sujet du transport. Mais si elle souhaite survivre à l'ouverture de la concurrence. Elle doit donc être plus transparente.

En ce qui concerne le fret, selon M. Denanot, il n'y a pas de volonté politique de la SNCF de le développer, en raison de très fortes contraintes sociales. En effet, le temps hebdomadaire des cheminots fret est de 28 heures. Si l'on veut un véritable transport modal, il faut faire en sorte que le fret soit, semble-t-il, moins coûteux. Pour reprendre un cas qui concerne le Limousin, il y a dans le Lot une entreprise qui fait du stockage à Brive. Entre les deux villes existe une voie ferrée désaffectée qui pourrait convenir au fret. Toutefois, elle nécessite une remise à niveau de l'état des rails. En ce qui concerne cette voie ferrée, la région est prête à faire un effort sur l'infrastructure pour montrer que ce projet est viable.

3 régions sont pénalisées du fait d'infrastructures obsolètes en raison de rail à double champignon : Midi-Pyrénées, l'Auvergne et le Limousin. Le plan rail est élaboré par RFF. Il fait l'état des lieux. Chacune des trois régions gère son propre territoire. Seul RFF a une vision globale.

RFF et la SNCF ne jouent pas un rôle péréquateur : certains territoires sont très bien desservis, d'autres sont délaissés, notamment en ce qui concerne les services ruraux. Ce qui est aujourd'hui privilégié pour le conseil régional du Limousin, c'est d'avoir la capitale régionale rattachée à la grande vitesse.

Trois niveaux de services ferroviaires doivent être distingués :

ï la grande vitesse pour relier les capitales régionales entre elles et rendre possible une ouverture sur l'Europe ;

ï les lignes d'équilibre du territoire ;

ï les lignes TER.

Ces trois niveaux doivent être complémentaires. Et à cela s'ajoutent les autres autorités organisatrices des transports. C'est pourquoi, il est nécessaire de mettre en place un schéma régional global, qui n'existe pas aujourd'hui.

En ce qui concerne une billetterie unique sur l'ensemble de la région, la difficulté réside en la volonté des départements à conserver leur pouvoir d'initiative en matière de transports interurbains.

Enfin, il est nécessaire d'accroitre l'autonomie fiscale des régions.

Deux solutions existent pour financer le ferroviaire qui pèsent sur les budgets régionaux et de manière plus générale sur les transports :

ï un élargissement de la taxe transport, à condition qu'elle porte sur la totalité du territoire et soit ajoutée à la taxe des agglomérations ;

ï une taxe à caractère écologique, comme la taxe carbone par exemple.

A udition de M. Alain EVEN, président de « CESER de France »,
17 avril 2013

CESER de France n'a pas d'éléments d'analyse qui concernent directement le thème de « la SNCF et la décentralisation ». En revanche, un travail a été réalisé sur le sujet de la décentralisation et un constat a pu être dressé. Il ressort unanimement du processus décentralisateur un progrès incontestable illustré par la régionalisation ferroviaire. Le transfert de la compétence ferroviaire vers les régions a eu notamment pour conséquence une augmentation du flux de voyageurs et une amélioration de la qualité du service rendu.

CESER s'interroge aujourd'hui sur les limites des régions à pouvoir répondre à ces services de transport.

Les relations entre les collectivités territoriales et la SNCF sont particulières. Celles-ci ne sont pas toujours harmonieuses et se heurtent parfois à deux problèmes. Le premier renvoie à la question des tarifs dont l'essentiel du coût est supporté par les finances régionales, et le second se rapporte à la question des horaires. Cette problématique se retrouve soit dans les négociations, souvent difficiles, entre les régions et la SNCF où est évoqué également le sujet relatif à la régularité des trains ; soit dans les relations entre TER et LGV où l'on note finalement que les horaires ne sont pas toujours adaptés. Les relations ne sont, par conséquent, pas toujours concertées entre la SNCF et la région, et l'on constate même un manque d'information de l'opérateur envers les institutions régionales. Ainsi, en cas de travaux sur les lignes, la SNCF procède unilatéralement, sans aucune concertation avec les régions, à des modifications d'horaires.

D'autre part, au sujet du fret, l'insatisfaction est grande car les réformes successives ont été sans résultat et la question du fret continue encore aujourd'hui à se poser. De plus, la difficulté à trouver une place pour les opérateurs de proximité aux côtés de la SNCF est réellement présente. De même, lorsqu'il advient pour la SNCF d'être en charge du fret, les coûts sont très élevés et la régularité de cette activité est quasi inexistante. D'ailleurs, c'est la question liée à l'absence de régularité dans le réseau de fret qui est la plus décriée. En outre, la contrainte de la gestion du personnel doit également être prise en considération.

Certains estiment que la libéralisation du secteur faciliterait le service du fret. On distingue toutefois deux types de concurrence : d'une part, la concurrence des petits opérateurs de proximité et d'autre part, la concurrence qui a lieu au sein de l'Union européenne. Toutefois le développement de la concurrence posera la question de l'occupation des sillons et celle de la cohabitation entre le transport de personnes et le fret. En France, on a délaissé le fret pour privilégier le service de transport de voyageurs.

Par ailleurs, compte tenu des contraintes budgétaires avec lesquelles les régions doivent désormais s'accorder, il y a une incertitude sur le fait que ces dernières soient capables de répondre, dans un futur proche, aux attentes en matière de transport de voyageurs.

En ce qui concerne la carte multimodale, celle-ci n'est pas encore bien développée sur l'ensemble du territoire. Elle constitue un outil très utile, sachant que les usagers supportent mal la multiplicité des opérateurs.

Dans la renégociation des contrats entre les régions et la SNCF, les CESER émettent un avis qui peut prendre la forme d'un avis critique ou de réserve. Cependant, en raison de la diversité du réseau TER en matière de régularité, il est difficile pour les CESER d'avoir un avis général sur la situation (par exemple, on observe une certaine régularité du réseau TER dans la région Bretagne à la différence de la région PACA, ou encore certaines régions se considèrent très mal desservies, comme la région Centre).

D'autre part, la perspective de donner plus d'autonomie aux directeurs régionaux SNCF dans leurs négociations avec les régions est une question qui agite l'opérateur historique. Depuis deux ou trois ans, il y a une réflexion nationale qui porte sur la possibilité d'accorder une plus grande liberté à ces directeurs ; un ensemble de décisions doit être pris au niveau local (horaires, cadencement). Une relation de proximité doit voir le jour entre le directeur régional et la région. Cette réflexion n'est pas propre à la SNCF : elle a lieu dans toutes les anciennes grandes entreprises publiques.

Le CESER peut être également sollicité lors de l'aménagement des gares ou sur la question du foncier notamment lorsque l'on est confronté à une absence de foncier disponible et une saturation des abords de la gare comme à Lyon. Il participe à des travaux prospectifs. Il est également consulté en cas de contentieux.

La composition des CESER explique la diversité des positions des conseillers. Tout d'abord, il peut y avoir des personnes qui sont clairement mobilisées sur la question du transport ferroviaire car elles portent en elles cette culture syndicale. Puis, d'autres personnes qui se situent sur une mobilité plus lointaine ou s'attachent au secteur du fret. C'est le cas notamment des représentants des entreprises. Enfin, certains abordent cette problématique par le prisme de l'environnement.

Les CESER s'intéressent ainsi à trois sujets en particulier : la régularité, la fréquence (plus que la vitesse) et la sûreté dans les transports notamment dans le Sud-Est. Néanmoins, chacune de ses approches sera différente du fait d'une diversité française certaine. Ce qui rend encore plus indispensable une approche décentralisée de la question des transports.

Audition de Mme Marie-France BEAUFILS,
sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps,
17 avril 2013

Le train est arrivé à Saint-Pierre-des-Corps en 1846, avec la mise en service de la ligne Paris-Orléans. En effet, à l'époque Tours a refusé la traversée de sur son territoire. L'arrivée du train va marquer le début de l'industrialisation autour du centre ferroviaire, à partir de la fin du XIX e et du début du XX e siècle. Les ateliers de réparation du matériel ferroviaire y sont installés. En 1920, une grande grève dans ces ateliers conduit à les faire passer sous le giron d'une entreprise privée, bien que la SNCF reste propriétaire des bâtiments et du matériel. En 1979, ils sont menacés de fermeture. Aujourd'hui, la SNCF en est à nouveau gestionnaire et 1 000 salariés y sont employés, après avoir obtenu la réintégration des ateliers, le 1 er janvier 1983, grâce à l'intervention du Ministre des Transports, Charles Fiterman

Saint-Pierre-des-Corps ne dispose pas d'un centre d'apprentissage, mais une école de formation à la conduite avec un simulateur existe.

En plus des ateliers, il y avait autrefois un magasin général permettant d'obtenir les matériels nécessaires à la maintenance et à la réparation dans les ateliers pour la grande région SNCF. Le magasin a cessé son activité il y a 10-15 ans. Depuis peu, les bâtiments sont devenus la propriété de la ville. Une discussion est en cours avec la communauté d'agglomération sur la création d'une société publique locale.

En ce qui concerne les logements SNCF, les premiers ont été construits par l'immobilière des chemins de fer pour les cheminots. Une fois à la retraite, les cheminots devaient les quitter. Quand l'entreprise s'est transformée en société anonyme, elle a permis aux cheminots de demeurer dans ces logements, même une fois retraités. En outre, elle a également autorisé d'autres personnes que des cheminots à s'y installer, ce qui a conduit à introduire de la mixité socio-professionnelle dans ces quartiers. Quant à la SNCF, elle a commencé à privilégier un instrument visant à aider les cheminots à la construction d'un logement individuel. Elle n'a bénéficié d'aucune subvention de la ville. Toutefois, la caisse des dépôts est intervenue et la ville apporte sa garantie pour les emprunts.

Pendant longtemps, la SNCF a géré seule ces logements. Les échanges avec les collectivités territoriales se limitaient à la recherche de terrains de construction.

La SNCF a entrepris seule des travaux de réhabilitation il y a une trentaine d'années.

En outre, quand la SNCF est redevenue gestionnaire des ateliers, cela a conduit à une forte venue de cheminots et donc un besoin supplémentaire de logements. L'immobilière des Chemins de fer (ICF), filiale logement de la SNCF, s'est lancée dans une nouvelle vague de construction. Mais la fermeture de Vitry et la venue des cheminots de ce centre SNCF à Saint-Pierre-des-Corps a conduit à une pénurie de logements cheminots, signalés par ces derniers à la mairie.

L'ouverture du dialogue de la SNCF avec la ville correspond à la décision de lancer le TGV atlantique en 1982-1983, ligne qui a été la dernière à bénéficier d'un financement de l'État. Aucune construction de nouvelle gare n'était prévue par la SNCF. La ville a alors élaboré un programme de « quartier gare » dans le cadre du projet « banlieue de 1989 », ce qui a piqué au vif l'architecte SNCF et a entraîné la mise en place d'un échange sur la construction de la future gare entre la ville et la SNCF. La SNCF a pris la maîtrise d'ouvrage sur la gare, la ville celle sur l'accès à la gare. C'est également la première convention entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps pour la réalisation de cette accessibilité à la gare. Pour la première fois, une réflexion sur l'organisation de l'espace autour du voyageur a eu lieu. Afin de financer les travaux de la gare, une surtaxe temporaire sur les billets SNCF a été instaurée sur Tours et sur Saint-Pierre-des-Corps. Perçue pendant dix ans, elle a constitué une ressource importante.

La présence de la SNCF a un impact fort sur la vie de la ville. La ville est gérée par les élus communistes depuis 1919, qui sont, à l'époque, des employés du Paris-Orléans pour 80 % d'entre eux . En 1971, elle s'est ouverte aux socialistes.

Sur le plan culturel, les syndicats sont très présents dans les ateliers de réparation. Le comité d'entreprise est très sensible à la formation artistique et le cinéma sera longtemps une activité dominante. Avec l'affaiblissement du comité d'entreprise SNCF, il ne dispose plus des mêmes capacités.

Avec la nouvelle organisation (création de RFF aux côtés de la SNCF), le directeur régional a mis du temps à trouver ses marques. La filialisation à l'intérieur de la SNCF crée un éclatement et le directeur régional n'a pas la capacité de coordonner ces différentes filiales.

Le responsable régional fret dispose de peu de moyens pour gérer les propositions qu'il va pouvoir faire aux entreprises. Il ne peut ni fixer les coûts, ni les plans de transport. Il doit solliciter à chaque fois la direction nationale tant pour des questions relatives aux matériels que celles relatives aux sillons, mais également aux prix proposés.

Les petites et moyennes entreprises ont beaucoup de difficultés pour utiliser le fret. La commune a tout fait pour garder les embranchements particuliers afin de faciliter l'accès au fret. Mais la SNCF ne répond pas aux attentes des entreprises. Les prix proposés sont démesurés. La concurrence a en fait repris des trains entiers de fret, mais ne s'intéresse aucunement aux wagons isolés. Le précédent gouvernement avait poussé à la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité. Ces derniers n'ont pas vu le jour en raison d'un manque de rentabilité.

En ce qui concerne le transport de voyageurs, 12 000 voyageurs empruntent la gare de Saint-Pierre-des-Corps, dont 5000 abonnés quotidiens. La SNCF a mis en place le cadencement. Pour nous, cela conduit à une disparition des navettes entre la gare de Tours et de celle de Saint-Pierre-des-Corps.

Des discussions sont en outre en cours sur le stationnement aux abords de la gare. Un groupe de travail réunissant, aux côtés de la ville, le préfet, le conseil régional, le conseil général, le syndicat des transports, la SNCF et RFF a été mis en place. Il a fallu intégrer les autorités urbaines d'organisation des transports car le projet de déplacement urbain est en cours d'élaboration et la complémentarité entre modes de transport est décisive.

Depuis plusieurs années (1999), des négociations sont en cours pour mettre en place un titre unique de transport. Toutefois, le principal obstacle est la réunion de différentes autorités de transports avec des équilibres financiers différents.

Les relations avec la région sont plus modestes que celles que peut avoir Tours. En effet, la plupart des TER sont à Tours. Le TER est d'ailleurs un grand succès. Les négociations entre la région et la SNCF sont un peu vives. La région ne veut pas gérer la gare de Saint-Pierre-des-Corps, car il s'agit d'une gare essentiellement nationale. La ville souhaite pour sa part que la région soit associée aux décisions, les choix régionaux concernant la gare de St Pierre pouvant impacter ceux que la ville est amenée à faire.

Le conseil régional a, de son côté, fait des efforts pour améliorer la desserte de Saint-Pierre-des-Corps. Les voies ont été remises à niveau, et certaines voies ont été électrifiées (Tours/Vierzon).

Audition de M. François PATRIAT,
président du conseil régional de Bourgogne,
17 avril 2013

Dans le cadre de la transformation du secteur des transports, la décentralisation du transport ferroviaire de voyageurs en 2002 a été un franc succès économique et social. Ce transfert s'est traduit par une nette amélioration du service à l'usager et une hausse de la fréquentation.

Dans la région Bourgogne, l'âge des TER est passé de 35 à 15 ans. Ils constituent un partenaire à part entière de toutes les formes de déplacement, qu'ils soient épisodiques, pour le loisir ou encore pour le travail. Il existe également des relations urbaines avec plusieurs types d'échanges modaux qui permettent aux personnes de prendre plusieurs modes de transport grâce à une carte unique, « mobigo ». Le nombre des desserts a été accru, y compris en milieu rural. En outre, la région Bourgogne a décidé, de manière pionnière de mettre en place le cadencement. Enfin, des tarifs préférentiels ont été mis en place, à l'instar du trajet Dijon-Paris pour 15 euros, lesquels connaissent un franc succès.

En général, l'on constate un satisfecit des voyageurs en matière de service de transport. Toutefois, les usagers expriment leur insatisfaction sur plusieurs points : l'exactitude des trains (horaires) et leur cadencement dont le coût a d'ailleurs fortement augmenté pour la région Bourgogne ; le problème d'accessibilité aux gares avec les parkings ou la billetterie ; le mauvais état des voies ; l'annulation une demi-heure avant l'heure prévue d'un train sans raison, ou encore les retards qui sont d'ailleurs assez courants. C'est donc la question de la qualité du service qui est posée.

D'un point de vue des relations SNCF-Région Bourgogne, la convention signée entre la région Bourgogne et l'opérateur historique date de 2007 et a été renégociée en 2012. Un cabinet d'expertise a aidé la région notamment lors de la renégociation des abattements et la question de la réduction des trains. Quant à l'ARF, celle-ci n'est pas intervenue dans la procédure de renégociation. Pourtant, l'Association pourrait avoir un rôle de conseil, de support pour la renégociation de ce type de conventions. Cependant, elle a du mal à remplir ce rôle car il y a un dysfonctionnement dans le suivi des décisions, d'autant plus que chaque convention est différente. À titre d'exemple, la participation des régions au financement des retraites des cheminots varie fortement : certaines ne participent pas, d'autres financent entièrement le surcoût. Il serait opportun que ce soit l'ARF qui soit chargée de cette négociation.

La charge financière pour exercer la compétence transport est passée de 95 à 155 millions d'euros entre 2004 et 2012 du fait du partage de responsabilités entre les deux entités, SNCF et la région Bourgogne. Aujourd'hui, il y a une stabilisation du coût à hauteur de 155 millions d'euros, auquel s'ajoute le paiement du matériel. Mais la région a le sentiment que la SNCF lui demande de prendre tout en charge et constate que la société tend parfois à lui soumettre des propositions alléchantes (notamment en ce qui concerne les prestations relatives au cadencement) qu'elle ne peut pas honorer, faute de moyens. La région Bourgogne a dû financer les changements du fait de la mise en place du cadencement, alors que la région Centre, pour la même prestation, n'a rien eu à payer.

L'irrégularité et la saturation des trains sont d'autres problématiques qui résultent de la question du transport de voyageurs. L'une des conséquences directes de la surcharge des trains est la perte d'argent pour la région et la SNCF. Des propositions d'augmentation de l'offre ont été faites pour la régulariser.

Depuis la présidence de M. Gallois, la prise en compte du rôle des régions est croissante. Le président de la SNCF, Guillaume Pépy, donne raison aux régions qui, pour lui, ont le droit d'exprimer leur insatisfaction dans leurs relations avec l'opérateur SNCF. En revanche, il n'y donne jamais suite.

D'autre part, il y a une volonté d'optimiser l'outil « TER » tout en maîtrisant le capital social. Guillaume Pépy a une bonne vision globale, il est réactif et a fixé des solutions à cet effet. Mais il se heurte au problème de la divergence des intérêts en ce qui concerne les dessertes, les interconnexions.

Le président du conseil régional de Bourgogne, M. François Patriat, considère davantage que ce sont les TGV qui financent le TER et non l'inverse car les premiers sont saturés et les seconds sont déficitaires. L'État et les collectivités territoriales payent 70% du billet TER. Le principal handicap est le coût des péages.

Les régions ont aujourd'hui à leur charge le TER, mais financent de plus en plus les intercités et les TGV. Qui plus est, chaque année, le prix du financement des TGV ne cesse d'augmenter. Par ce constat, la région Bourgogne a alors décidé de diminuer sa participation dans le cadre du financement des TGV.

Mais la région Bourgogne continue d'investir dans certaines lignes, notamment en finançant leur électrification. Elle dispose d'un plan régional d'investissement ferroviaire dont l'objectif est de dynamiser les lignes rentables. En parallèle, la région se doit de fermer les lignes qui sont déficitaires mais M. Patriat souligne le manque de volonté et de courage pour pouvoir le faire. De plus, la région ne souhaite pas financer les intercités.

La région aide financièrement les villes lors de la construction et de l'aménagement des pôles multimodaux. Elle participe également aux financements des lignes à grande vitesse ainsi qu'à l'étude de faisabilité. Le financement demandé varie fortement selon les régions : ainsi pour la LGV Rhin-Rhône, la région Alsace finance à hauteur de 100 millions d'euros, la région Bourgogne à hauteur de 240 millions et la région Franche-Comté à hauteur de 200 millions d'euros.

Sur le plan de la fiscalité locale, les régions perçoivent une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Le produit de l'impôt doit leur permettre de financer une partie du TER. Mais cette taxe vise les carburants à moteur, alors que le développement des TER incite les usagers à privilégier le train à la voiture pour leurs déplacements. Ce qui engendre une perte de recettes pour les régions, lesquelles, selon les termes de M. Patriat, « creusent leur propre tombe ».

Le train doit tendre à être attractif pour inciter les personnes à utiliser le transport ferroviaire. Pour cela, il faut créer des pôles d'échanges multimodaux, des parkings, mais cela requiert des investissements importants.

Audition de M. André MARCON, président de CCI France,
25avril 2013

Intervenants :

- M. André MARCON , président de CCI France et président de la CCI de Région Auvergne

- M. Christophe HAUSBERG , chef de projet Transport et Logistique - CCI France

La situation actuelle de la SNCF et de RFF ne permet pas une pleine responsabilité de chacun des acteurs. Pour CCI France, il est nécessaire d'aller au terme de la séparation entre le transporteur et le gestionnaire de l'infrastructure : RFF doit avoir l'ensemble des compétences relatives à l'infrastructure. En effet, actuellement, la SNCF est dans une culture de domination. Si le projet de holding regroupant ces deux entités voit le jour, comme le projet de loi ferroviaire le prévoit, il est nécessaire que chacune des deux entités bénéficient d'une réelle autonomie et indépendance. CCI France souhaite la mise en place d'un « nouveau RFF » compétent en matière d'aménagement des voies (à savoir le foncier, les installations terminales embranchées (ITE) et les cours de marchandises) et d'infrastructures des gares.

Les chambres de commerce et d'industrie travaillent beaucoup avec RFF, que ce soit sur les infrastructures, le fret ferroviaire ou les opérateurs ferroviaires de proximité.

Le fret ferroviaire a préoccupé les CCI jusqu'en 2004/2005 car il s'est produit un retrait de l'offre du fret sur les territoires. Elles se sont beaucoup investies sur cette question, et ont également été beaucoup interpelées à ce sujet.

En ce qui concerne les relations avec la SNCF, notamment sur les TGV, les CCI ont de nombreux reproches à faire. En effet, on leur a fait miroiter des avancées et des perspectives de développement des territoires avec l'arrivée du TGV. Or, au final, la qualité du service s'est dégradée, et beaucoup de territoires regrettent les trains « corail ». Parmi les principaux points de débat, l'on peut citer les changements des horaires de passage des trains qui s'est fait sans aucune consultation, ni visibilité. De manière plus générale, CCI France est en faveur de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

D'autre part, les directeurs régionaux SNCF et RFF constituent les interlocuteurs des CCI. Toutefois, du côté de RFF, les directions régionales et nationales ne tiennent pas toujours le même discours : le discours national n'est parfois pas assumé au niveau régional. Quant à la SNCF, il y a une incapacité à nouer un dialogue avec le transporteur.

La SNCF continue à agir comme un partenaire dominant car elle a toujours du mal à accepter qu'elle n'est plus la seule à gérer le transport ferroviaire. Cependant, si l'on veut favoriser un meilleur fonctionnement du secteur ferroviaire, il faut aller vers une coordination entre les différents opérateurs.

De surcroît, CCI France regrette le manque de coordination. En matière d'intermodalité, beaucoup de dysfonctionnements existent : ainsi au Puy, la gare routière est à 500 mètres de la gare SNCF, à Clermont-Ferrand, le tram ne dessert pas la gare. Quant à la gare de Lyon Saint-Exupéry qui est situé à 20 minutes du centre-ville par le tram , elle est très peu desservie par des trains.

Le développement de cartes multimodales est l'avenir. Certes cela nécessite de prendre en compte certaines difficultés, comme la facturation. Mais le métro de Tokyo, où 6 ou 7 compagnies différentes circulent, a bien réussi à mettre en place une billettique unique. Il n'existe pas actuellement un service de conseil au niveau national sur la billettique unique. Toutefois, les CCI cherchent a sensibilisé les PME (petites et moyennes entreprises) et les TPE (très petites entreprises) à faire usage du numérique car il y a indéniablement un manque de culture du numérique dans ces structures.

Aujourd'hui, les préoccupations des chefs d'entreprise en ce qui concerne les TER touchent à la rigidité du système, laquelle renvoie à un problème de gestion du personnel. Ainsi, avec le cadencement, la fréquence des trains est la même que l'on soit en heure creuse ou en heure de pointe. Cette culture de la rigidité se retrouve également dans la gestion du trafic. L'une des solutions envisagées serait la mise en concurrence.

Concernant le fret, certaines entreprises pourraient y avoir recours. En effet, le transport ferroviaire des marchandises peut véhiculer une image marketing intéressante pour l'entreprise. En outre, beaucoup d'entreprises ne travaillent pas en flux tendus et peuvent constituer des stocks. Mais, le transport ferroviaire de marchandises doit pouvoir se faire à un coût raisonnable, et doit être fiable et flexible. C'est ce que permettait notamment le wagon isolé. Or, l'abandon de cette politique a conduit les entreprises à recourir au transport routier. La France souffre de ne pas avoir fait la « révolution technologique » durant ces dix dernières années. Afin d'améliorer l'organisation du système ferroviaire, l'une des propositions qui a été faite vise à la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité (OFP). Sur cette question, le comportement de la SNCF est paradoxal puisqu'elle réclame l'institution de ces opérateurs et en même temps, elle fait tout pour limiter la formation d'entreprises réellement indépendantes. Il est nécessaire d'instaurer de la flexibilité, de redonner une place au fer dans le transport des marchandises et expliquer aux entreprises les avantages qu'elles pourraient tirer du ferroviaire. L'un des problèmes réside également dans le fait que la SNCF s'estime propriétaire de la réglementation. Ainsi, il n'est pas possible de s'en éloigner. Le surcoût des normes de sécurité est cinq fois plus important qu'en Allemagne. Or, l'on ne peut pas dire qu'il existe une suspicion d'insécurité en Allemagne. Lorsque l'on souhaite, en France, faire des travaux sur une ligne de fret, c'est automatiquement la SNCF qui est en charge des travaux. Une application de standards européens serait un gage de simplicité et de réduction des coûts. Il est nécessaire de mettre fin au monopole de la SNCF sur le transport, la régulation et la réparation des voies. La STRMTG est en charge de la sécurité pour les métros ou les remontées mécaniques. Elle pourrait être également sollicitée pour le transport ferroviaire. Les capacités pour faire autrement existent. La loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) permet à RFF pour le fret de faire appel à un prestataire autre que la SNCF, mais dans ce cas c'est le directeur régional RFF qui assume la sécurité. Or, certains directeurs régionaux refusent de la prendre.

En outre, il est nécessaire d'avoir recours à des audits indépendants pour chiffrer les coûts de rénovation : ces derniers permettent de réduire fortement les coûts. Ainsi, pour le projet proxirail de 300 km en région Centre, la SNCF avait chiffré le coût à 150 millions d'euros. RFF a fait un audit contradictoire, lequel évaluait les coûts à 95 millions d'euros. La région disposait de 40 millions d'euros.

Les problèmes qu'a rencontrés la zone d'activité de la plaine de l'Ain située au nord de Lyon témoignent des difficultés rencontrées par les entreprises dans les relations avec la SNCF en matière de fret. Cette zone d'activité représente 400 000 tonnes de fret. Toutefois, en 2009, les chargeurs ne pouvaient pas recourir à l'entreprise de leur choix car c'est la SNCF qui était en charge du dernier kilomètre. Le syndicat a décidé de racheter le dernier kilomètre et de passer par une mise en concurrence. Au final, c'est la SNCF qui a remporté le marché, mais les coûts de maintenance sont beaucoup plus faibles.

En Auvergne, la chambre de commerce et d'industrie a mis en place, en associant les transporteurs routiers, un opérateur ferroviaire de proximité. La SNCF a essayé de faire avorter cette tentative en introduisant son propre transporteur routier qui ne coopérait pas avec les autres.

CCI France est en faveur d'un transfert des lignes aux régions. Toutefois, aujourd'hui, on est dans une dynamique inverse où l'on fait payer aux régions les wagons.

CCI France croit au fret. En décembre, une manifestation importante en Nord-Pas de Calais consistant à expliquer aux entreprises ce qu'elles pouvaient tirer du fret a été faite. Face au succès de cette manifestation, un tour de France ferroviaire a été décidé.

A udition de M. Pierrick MASSIOT,
président du conseil régional de Bretagne, à Rennes, 26 avril 2013

Le dialogue avec la SNCF est parfois très compliqué. La région est autorité organisatrice des transports depuis la loi SRU. La convention TER signée avec la SNCF pour la période 2007-2013 ressemble à une délégation de service public. Elle définit les missions, établit les relations financières. La SNCF perçoit les recettes ainsi qu'une compensation d'équilibre. Deux dérogations par rapport à une délégation de service public existent toutefois : il n'y a pas de mise en concurrence et le risque recette est partagé.

La SNCF a mis en place une filiale, « Gares & Connexions », qui travaille avec le conseil régional dans deux domaines : en matière de TER et dans l'investissement dans les gares. Il existe en région Bretagne 10 pôles d'échange multimodaux.

Toutefois, « Gares & Connexions » souffre d'un défaut de transparence et d'indépendance vis-à-vis de la SNCF. Ainsi, la direction générale de la SNCF continue à avoir la main mise sur les discussions relatives aux gares malgré l'existence de cette filiale. En outre, il y a une confusion permanente entre le personnel de « Gares & Connexions » et celui de la SNCF.

Un point de tension entre la région Bretagne et la SNCF est la question de la rémunération du capital : dans les co-investissements pour les TER réalisés par « Gares & Connexions », la rémunération du capital demandée à la Région est de 9%. Or, aucune justification expliquant les modalités permettant d'atteindre une telle rémunération n'est donnée.

Un autre élément négatif dans les relations avec la SNCF est la mise à disposition de surface dans les gares. En effet, cette dernière se fait pour la Région aux mêmes tarifs que pour d'autres demandeurs, alors que la Région a participé au financement et à la rénovation de la gare. La Région est la seule collectivité à ne pas bénéficier de retombées fiscales du fait d'une réhabilitation du quartier gare. En effet, l'amélioration et l'extension des surfaces d'habitat autour de gares représentent une augmentation de la taxe fiscale pour les communes et les départements, mais rien pour la Région.

Enfin, en matière de foncier, la direction régionale SNCF dispose de très peu de pouvoirs. Il est nécessaire de passer systématiquement par les services parisiens.

En Bretagne la desserte du territoire s'appuie historiquement sur une complémentarité entre le TGV et le TER. La Région joue le jeu pour conforter cette complémentarité et la SNCF ouvre l'accès aux TGV pour les voyageurs du TER.

Il faut reconnaître cependant que le développement de ce service complémentaire entraîne parfois une baisse de la fréquentation du nombre de voyageurs des TER qui peut conduire à une augmentation de la subvention d'équilibre.

Cela a été le cas lors de l'électrification de la ligne Rennes - Saint Malo. La région a participé à hauteur de 40 millions d'euros au cofinancement de cette opération. Cela a permis de faire venir le TGV jusqu'à Saint-Malo. La diminution consécutive du nombre de voyageurs TER sur la ligne Rennes Saint Malo a provoqué une diminution des recettes annuelles de 500 000 euros que la région a dû compenser dans la cadre de la subvention d'équilibre.

En matière de fret, la région soutient des tentatives de diversification, d'autant plus que la future ligne TGV qui sera construite entre Laval et Rennes permettra de libérer des voies. Une initiative de fret a été mise en place par la SICA de Saint-Pol-de-Léon à ses frais. Il s'agit de la création de l'opérateur privé de transports combinés Combiwest. Cet opérateur a rencontré des difficultés au démarrage, en raison des obstacles posés par la SNCF et RFF pour leur attribuer des sillons.

La région Bretagne a mis en place une carte billettique régionale unique nommée Korrigo. Cette carte a été initialement mise en place en lien entre la Région et Rennes métropole, avant d'être étendue à la totalité du réseau TER de Bretagne, en collaboration avec certaines agglomérations et les services de transports en commun départementaux. Le projet objectif est le développement du payement sans contact.

La direction des transports de la Région est organisée en deux services. Tout d'abord, le SMOT gère les questions liées à la mobilité et aux transports : TER, rénovation des gares TER en dehors des pôles d'échanges multimodaux, soit 126 points d'arrêt. Deuxièmement, la SASLOG est en charge de l'accessibilité, de la stratégie et de la logistique. Il porte le projet d'infrastructures fret, pilote avec la SNCF les pôles d'échange multimodaux.

En ce qui concerne le contrôle des activités SNCF, la convention prévoit un contrôle de la qualité, de la régularité et de l'exécution du service, avec un système de bonus-malus. En outre, la région bénéficie d'un droit d'audit et la SNCF doit remettre un rapport d'activité annuel.

Dans les faits, ce contrôle est beaucoup plus difficile à réaliser dans la mesure où la SCNF considère qu'elle n'a pas à ouvrir ses livres de comptes et à livrer ces informations. Quant à la mise en place d'un audit, les cabinets extérieurs n'y arrivent qu'avec difficultés en raison de la très grande opacité. En outre la convention ne permet pas de maîtriser l'évolution des charges d'exploitation ce qui ne manque pas d'être inquiétant. Ceci débouche sur une augmentation de la subvention d'équilibre. Enfin, d'une convention à l'autre, la SNCF fait évoluer ses règles comptables internes comme elle le souhaite sans aucune discussion avec la Région, ce qui contribue à l'opacité.

Le directeur régional s'exprime en principe pour toutes les branches SNCF, mais dans les faits, il ne parle que pour les TER. La nouvelle organisation envisagée à titre expérimental en Bretagne et dans le Limousin vise à lui donner une compétence plus large mais elle est difficile à mettre en place.

Les régions ont beaucoup investi dans les TER : on estime à un milliard d'euros ce que paient les régions au titre de la subvention d'équilibre (80 millions d'euros par an pour la Bretagne). En outre, ce sont les régions qui financent à 100% les rames. Depuis 2002 la région Bretagne a renouvelé le matériel roulant à hauteur de 450 millions d'euros. De nouvelles commandes pour un montant de 200 millions d'euros sont d'ailleurs en cours portant sur 17 rames à deux étages. La croissance de la fréquentation TER est en effet de 10% par an, ce qui est supérieur à ce qui se passe dans d'autres régions. Or, il n'existe aucune ressource pour accompagner ce développement avec la suppression de la taxe professionnelle. Il est à noter que la mise en place de l'IFER en remplacement de la taxe professionnelle a permis à la SNCF de faire des économies.

Le Conseil régional de Bretagne revendique donc la mise en place de nouvelles ressources dynamiques pour le financement du TER. Par exemple un versement transport, pas seulement interstitiel, car ce dernier ne rapporterait que 400 millions d'euros. La solution pourrait constituer en la mise en place d'une taxation additionnelle de 0,2%. Sur la métropole Rennaise, le versement transport est de 1,8% par ticket de bus. Il passerait à 2%. L'instauration d'un versement transport régional interstitiel et additionnel permettrait de récupérer 800 millions d'euros. La surtaxe locale temporaire, pour sa part, est difficile à mettre en place pour plusieurs raisons. Or, pour les entreprises, elle est incitative : elle est temporaire et est levée en contrepartie d'investissement.

Dans le cadre de la TIPP Grenelle, il a été alloué à la Bretagne la possibilité de prélever 35 millions d'euros par an, ce qui doit lui permettre de rembourser un emprunt de 700 millions d'euros destiné à financer la LGV Bretagne - Pays de la Loire. Dans le même temps a été allouée aux Pays de la Loire la possibilité de prélever 45 millions d'euros, alors que cette région ne doit financer que 90 millions d'euros de LGV. Ainsi la distribution de la TIPP Grenelle ne prend pas en compte les besoins des régions.

En outre, depuis le transfert aux régions de la compétence TER la compensation versée par l'État n'a pas pris en compte les hausses de fréquentation du TER. Ainsi, la compensation de l'État pour la région Bretagne est de 60 millions d'euros, alors que la Région verse à la SNCF 90 millions d'euros au titre de la subvention d'équilibre.

Sur la question de savoir si les TER financent les TGV, on peut constater que la SNCF utilise les ressources de sa branche « proximités », qui englobe les TER, pour assurer ses équilibres de gestion.

Sur le financement des retraites des cheminots, de grandes diversités existent entre les régions sur le contenu des conventions. L'ARF devrait négocier pour toutes les régions une clause générale en ce qui concerne les retraites des cheminots.

Il est souhaitable que la SNCF s'adapte pour éviter d'être menée à mal par l'ouverture à la concurrence du transport voyageur envisagée par la Commission européenne en 2019.

Synthèse réalisée par la SNCF des auditions de
MM. Claude SOLARD, Philippe CHARLOT et Jean-Philippe DUPONT,
12 mars, 24 et 26 avril 2013

Organisation des directions régionales

Le directeur régional SNCF a une double mission : d'une part, il est le représentant de l'entreprise. À ce titre, c'est lui qui intervient devant la presse ou devant les instances judiciaires au nom de la SNCF. Il est également l'interlocuteur référent des collectivités territoriales sur sa région. D'autre part, il est le directeur de l'activité TER. Il est donc pleinement responsable de cette activité. En revanche, dans le domaine du fret ou de l'infrastructure, le directeur régional n'a pas la compétence de directeur d'activité. Toutefois, il est l'interface entre les élus et les activités SNCF autres que TER.

Le directeur régional SNCF dispose d'un pouvoir quasi-total sur le service régional de voyageurs au sens de la SNCF, le conseil régional définissant l'offre. Le directeur régional décide des moyens qu'il souhaite affecter au TER, en fonction de la convention qui a été signée avec le conseil régional. En revanche, pour les autres activités, ce sont les directions nationales qui affectent les ressources. Ainsi, aujourd'hui, l'ensemble des personnels « infrastructures » et « fret » ne dépendent pas directement du directeur régional, il y a interaction avec les directions centrales de l'entreprise.

La démarche de régionalisation engagée par SNCF

Aujourd'hui, la SNCF souhaite donner plus de responsabilités aux directeurs régionaux afin qu'ils disposent des leviers pour assurer l'ensemble de l'exploitation ferroviaire des TER. Cela nécessite de trouver un équilibre entre d'une part, la volonté de décentralisation de la SCNF et, d'autre part, le fonctionnement intégré de l'entreprise pour un certain nombre de missions.

Relations SNCF et conseils régionaux

En matière de TER, les relations entre la SNCF et le conseil régional autorité organisatrice sont régies par la convention TER : le conseil régional définit les dessertes et supporte le différentiel entre les recettes et les coûts. Compte tenu de la restriction des budgets des conseils régionaux, les élus attendent davantage de précision sur ce qui leur est facturé pour le TER. Pour cela, la SNCF travaille à la transformation de sa comptabilité d'administration en comptabilité d'entreprise. En effet, la spécificité des comptes régionaux réside dans le fait que certains coûts sont calculés par le biais d'une clé de répartition et non sur la base des coûts réels.

La direction régionale SNCF Limousin a mis en place un système comptable qui permet d'isoler chaque charge. Le budget 2013 a été construit selon les besoins nécessaires à l'exécution du contrat. Cette approche sera étendue aux autres régions en tenant compte de leurs propres spécificités. De son côté, la direction régionale SNCF Bretagne a établi pour la première fois cette année, à la demande du conseil régional, des comptes de ligne. Cette démarche sera généralisée dans les autres régions.

Les contentieux entre la SNCF et les conseils régionaux sont de deux ordres :

ï les contentieux relatifs aux clauses de paysage (les changements de législation peuvent avoir des répercussions financières sur les contrats). C'est la SNCF qui en est à l'origine.

ï les contentieux relatifs à la qualité de service et aux moyens mis en place par la SNCF pour remplir les obligations prévues dans la convention TER. Ce sont les conseils régionaux qui en sont à l'origine.

Parmi les autres motifs de relations entre la SNCF et les conseils régionaux, il faut citer notamment la rénovation des gares ou, en Bretagne par exemple, le prolongement de la LGV entre Le Mans et Rennes.

Existe-il un système de péréquation interne à la SNCF ?

Il n'existe pas de système de péréquation entre les différentes activités TER régionales ou entre l'activité TER et l'activité TGV. En effet, les coûts directs sont affectés à chaque activité et le seront de plus en plus (se reporter au paragraphe « régionalisation » supra). Pour les productions liées, les coûts sont affectés à chaque activité en fonction de règles de gestion communiquées aux régions de France.

Tarification SNCF

La SNCF ne décide pas de la tarification. Celle-ci est composée de deux strates : la première, nationale, est homologuée par l'Etat. En cas d'application de tarifs sociaux, l'Etat compense le manque à gagner. La seconde, locale, est sous la responsabilité du conseil régional.

Les régions souhaitent aujourd'hui une plus grande liberté tarifaire, avec la suppression de ces deux strates, ce qui permettrait de dynamiser les recettes régionales. Il faut en effet rappeler que l'usager ne supporte en moyenne que 28% du coût du TER, le reste étant à la charge du conseil régional.

Fret - wagon isolé

Plusieurs raisons expliquent le redimensionnement de l'offre de wagon isolé et les difficultés du fret ferroviaire (transformé en multi-lots/multi-clients) :

Le fret ferroviaire est pertinent sur des trajets massifiés, de longue distance. Pour les trajets courts, le camion sera toujours plus avantageux que le train.

L'existence de ports ou d'aéroports de dimension internationale contribue à l'essor ou non du fret ferroviaire. Ce n'est le cas ni en Bretagne ni en Limousin.

La coexistence sur les mêmes tronçons de réseau, de trains marchandises et de trains voyageurs est compliquée compte tenu des vitesses de circulation différentes.

Relations entre la SNCF et les collectivités territoriales autres que les conseils régionaux

Dans le domaine des transports

Une meilleure coordination entre les différents niveaux d'autorités organisatrices est aujourd'hui nécessaire, afin d'optimiser les dépenses des collectivités publiques en matière de transport.

La création d'un chef de file dans le domaine des transports, qui serait la région, permettrait une meilleure utilisation des fonds publics, par exemple en évitant la concurrence entre certains services TER proposés par les régions et certains autocars départementaux, qui assurent les mêmes dessertes. Si la notion de chef de file n'était pas retenue par la loi, il pourrait être envisagé, comme cela a été le cas en Corse par exemple, la création de SEM ou de syndicats mixtes permettant à tous les acteurs en matière de transports collectifs d'être réunis dans une même instance. Ainsi, en Corse, une SEM a été créée regroupant la région, les deux départements et les communautés d'agglomérations de Bastia et d'Ajaccio.

Une meilleure coordination entre les différents niveaux de collectivités permettrait en outre de proposer une offre multimodale accompagnée d'une tarification adéquate. Des initiatives existent ponctuellement dans certaines régions. Ainsi, en Bretagne, la carte Korrigo a été mise en place. Proposant aujourd'hui des tarifs juxtaposés, elle a vocation à instaurer à l'avenir une tarification intégrée permettant en outre d'accéder à des services autres que le transport. En Limousin, un premier essai concluant a été mené en Corrèze, entre les villes de Brive et de Tulle. Ce projet de multimodalité a également intégré des opérateurs routiers extérieurs à la SNCF. À Limoges, si la tentative s'est soldée par un échec, une centrale de mobilité (mobilimousin) a toutefois été mise en place. Elle permet de bâtir un itinéraire en intégrant les horaires de l'ensemble des services de transports urbains. Cette centrale est cofinancée par la région, le département et les villes.

Dans les autres domaines

Dans le domaine foncier

Les relations des directions régionales SNCF avec les communes relèvent principalement des questions foncières.

Le foncier est un sujet important pour les communes, d'autant qu'il présente souvent la particularité d'une multiplicité de propriétaires pour un même terrain. La réforme du système ferroviaire, qui prévoit notamment la mise en place du Gestionnaire Unifié d'Infrastructure (GIU) devrait faciliter les choses sur le champ de la responsabilité opérationnelle. Dès à présent, les services s'occupant du foncier à la SNCF et chez RFF se coordonnent pour traiter des cas concrets.

Dans le domaine d'aménagement du territoire

Les relations entre les communes et la SNCF peuvent concerner l'accès au réseau TGV et son impact en termes économique et d'attractivité des territoires. En effet, l'arrivée du TGV entraîne de grands changements : modifications des dessertes et des fréquences, du statut de la gare. Les élus et le monde économique doivent se préparer à l'arrivée du TGV comme par exemple, en Bretagne au sein des clubs TGV. Ces clubs visent à favoriser les échanges entre les responsables politiques et économiques autour de plusieurs thèmes : attractivité économique, enseignement et recherche, tourisme, nouveaux services.

Dans le domaine sociétal

À travers sa fondation, SNCF soutient les associations locales qui oeuvrent en faveur de la lutte contre l'illettrisme ou encore qui contribuent à créer des liens intergénérationnels. Par ailleurs en favorisant la diversité de ses recrutements, en sollicitant des chantiers d'insertion pour réaliser certains travaux ou en accueillant des TIG, SNCF contribue à créer du lien dans les territoires. Enfin, pour favoriser une plus grande proximité des services publics auprès des populations les plus fragiles SNCF est un partenaire actif des PIMMS (6 en Bretagne).

Aspects sociaux

Les travaux de Francis Grignon sur l'ouverture à la concurrence des TER ont souligné la nécessité d'une évolution du cadre social. C'est également l'une des conclusions des Assises du ferroviaire. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé, dans le cadre de la réforme ferroviaire qu'il prépare, qu'il fallait bâtir un cadre social commun à l'ensemble des entreprises ferroviaires. Ce cadre social sera défini à la fois par un décret socle posant les règles principales communes au secteur ferroviaire, et sur une convention collective à négocier, qui s'appliquera à toutes les entreprises de la branche.

Audition de M. DELEBARRE, sénateur-maire de Dunkerque,
président de la communauté urbaine de Dunkerque,
11 juin 2013

La région Nord-Pas de Calais était autrefois vouée à voir affecter à son réseau les trains les plus anciens. En effet, cette région se caractérise par sa très forte densité de population : les gares étant peu éloignées les unes des autres, un matériel ancien n'étant plus capable de rouler à pleine vitesse n'était pas vu comme problématique par la SNCF, dans la mesure où le train n'avait pas le temps d'accélérer à pleine puissance du fait de la courte distance entre deux arrêts. Or, la vétusté du matériel donnait une image négative du TER. Puis, lorsque M. Pierre MAUROY est devenu président du Conseil régional, il a estimé qu'il fallait engager un projet de rénovation du matériel du transport ferroviaire. Pour cela, la région a mis en place un système original : elle a emprunté l'argent puis l'a mis à disposition de la SNCF, laquelle a ensuite procédé par appel d'offre. La région avait un double objectif : d'une part rénover les rames afin d'améliorer l'image de la région, et d'autre part, relancer l'économie de la région, cette dernière disposant d'entreprises de construction de rames sur son territoire. Ce sont d'ailleurs des entreprises de la région qui ont remporté l'appel d'offres. La région Nord-Pas de Calais est la première région à avoir entrepris cette démarche.

La compétence transport est particulièrement importante pour les régions, car il s'agit d'un de leur axe d'intervention historique. Au début, les choses étaient simples, la SNCF faisait fonctionner les trains. Puis, la politique européenne a contribué à complexifier l'organisation. La SNCF a alors été contrainte de séparer les infrastructures du fonctionnement. Pour les régions, cette opération a ouvert la voie à la complexité. La SNCF et RFF sont devenus deux interlocuteurs. Par ailleurs, ces deux organismes ont mis un temps historique à savoir de quoi ils étaient responsables. Ils ont du séparer le patrimoine, les activités ferroviaires, rendant ainsi l'organisation incompréhensible.

Aujourd'hui, l'on a un système où il est difficile de cerner ce qu'est réellement la SNCF. En effet, on distingue plusieurs entités et activités avec le transport de voyageurs et le fret, RFF et la SNCF, Gares & Connexions (une sorte de promoteur immobilier), mais encore Espace ferroviaire (qui a vocation à valoriser le foncier et à apporter une aide dans l'articulation entre les projets urbains et le territoire ferroviaire), etc. L'inconvénient de ces différents ensembles réside dans le fait qu'aucun n'a la même logique de fonctionnement : soit ils s'inscrivent dans une logique concurrentielle, c'est-à-dire une logique de marché à travers la recherche de gains à plus ou moins court terme ; soit ils tendent à être dans une logique de moyen ou long terme avec pour objectif l'aménagement du territoire. Ainsi, les régions doivent faire face à une série d'interlocuteurs dont la logique et la cohérence entre eux ne sont pas toujours assurées. La SNCF gagnerait beaucoup à pouvoir désigner un pilote devant les collectivités territoriales qui aurait autorité pour faire avancer un projet.

À titre d'exemple, la côte belge est aménagée avec une liaison tramway mais pas au Nord-Pas de Calais. L'idée est de créer un lien avec la dernière agglomération de cette région, comme cela existait auparavant. La région souhaitait donc engager la réouverture de cette liaison avec la Belgique mais cette démarche s'est annoncée très difficile en raison des négociations trop complexes entretenues entre la SNCF, RFF et la région.

De même, il n'existait pas de liaison ferroviaire entre Dunkerque et Lille. À l'horizon de 2015, la région Nord-Pas de Calais envisage d'ouvrir une voie ferrée entre Calais et Dunkerque. Cette réalisation a été fortement ralentie en raison de négociations toujours difficiles entre les différents acteurs, bien que chacun reconnaissait la nécessité d'un tel projet. Ce projet coûte près de 100 millions d'euros, financé pour 1/3 par la région. La communauté de Dunkerque participe au projet à hauteur de 5 millions d'euros. Ni la SNCF, ni RFF ne participe financièrement au projet.

Il devient nécessaire de mettre en oeuvre des règles pour alléger ce genre de situation. De plus, il conviendrait de désigner un véritable correspondant pour négocier avec une vraie autorité. Pour cela, il faut préciser le rôle de chef de file de la région sous réserve qu'elle soit volontaire, et dans le respect des départements et des villes.

Par ailleurs, pour M. Delebarre, il serait utile que les régions puissent construire leurs propres rames dans leurs propres usines.

Dans tous les cas, le transport de voyageurs dans la région Nord-Pas de Calais est un succès et en même temps un enjeu important. Il peut également être souligné que plus aucune agglomération, aujourd'hui, ne peut se désintéresser de la gare et des voies ferrées car les gares constituent de véritables pôles multimodaux avec la présence d'une multitude de moyens de transport (bus, tram, etc.) qui convergent vers la gare. Il est donc essentiel pour les collectivités locales d'aménager les alentours de la gare. L'emprise au sol du ferroviaire est très importante, dans certains cas, la moitié des voies ne sont plus utilisées. Par conséquent, la gare est incontestablement un lieu à valoriser. Un problème se pose, toutefois, lorsqu'il est question de la disponibilité des terrains. Ils relèvent de la propriété publique mais aujourd'hui, ils font l'objet de marchandages. Il est rare que la SNCF décide de mettre à disposition ses terrains ou de les céder pour « un euro symbolique ». L'État et les régions payent ainsi véritablement les emprises. Qui plus est, la SNCF n'estime pas que l'aménagement de ses terrains relève de son devoir. Il en est de même d'ailleurs pour la question de la billettique unique entre le bus et le train ou le tram et le train. Il faut sans cesse négocier avec la SNCF et rien ne l'oblige à répondre favorablement à la demande des collectivités locales.

Chaque responsable d'une collectivité territoriale appelle à ce que la SNCF et RFF soient recentrés sur chacune de leurs attributions pour plus de transparence de l'organisation. Dans la région Nord-Pas de Calais, le schéma directeur du transport ferroviaire, en cours d'achèvement, est un outil qui permet de clarifier les compétences entre RFF et la SNCF et ainsi de savoir ce qui dépend de l'un et de l'autre.

Pour M. Delebarre, le fait de clarifier la notion de chef de file de la région peut favoriser l'unicité du monde de la SNCF. Mais également cela peut faciliter l'organisation des discussions pour les collectivités territoriales à condition que la région laisse sa place à l'autorité territoriale.

La région a acquis au fil des années un véritable savoir-faire dans les négociations avec la SNCF. Par exemple, en ce qui concerne la liaison ferroviaire Calais - Dunkerque qui était à réaliser, la région s'est jointe à la discussion aux côtés notamment de la communauté urbaine et elle a su apporter ici une vraie pratique.

L'organisation de l'ARF semble un peu légère puisqu'il n'y a pas de service conseil, au sein de cette association, qui viendrait appuyer les discussions. Toutefois, il ne faut pas l'envisager comme un service conseil unique national. Il appartient à chaque région se doter dans ses équipes d'un certain nombre de personnes qui soient capables de contribuer à ces missions.

Pour conduire des négociations avec les collectivités territoriales en matière de transport, RFF et la SNCF doivent se pourvoir de pilotes dans leurs services capables de négocier. Il est intéressant de noter que le n°2 des services transport de la région Nord-Pas de Calais vient de la SNCF, ce qui permet une meilleure compréhension réciproque. Il faut faire entrer une culture de la décentralisation dans l'entreprise SNCF et tendre vers une unité de l'interlocuteur. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, on a toujours oeuvré à l'interpénétration de la nature des services qui a permis de favoriser les relations.

Lors d'une réunion des directeurs régionaux SNCF, M. Guillaume Pépy avait convié M. Delebarre pour discuter de la structure nationale de la SNCF. En matière de fonctionnement social, comme les relations commençaient à s'intensifier entre les régions et la SNCF du fait qu'elles s'intéressaient de plus en plus au transport ferroviaire, M. Delebarre avait mis en garde l'entreprise publique. Il soulignait qu'un jour, eu égard aux engagements de la SNCF envers les régions, une clause évoquerait l'indifférence des régions pour les grèves SNCF. Chaque région veut que ses TER fonctionnent. Par conséquent, si une grève a lieu dans le sud-ouest, les régions ne voudront pas le déclenchement d'une grève générale. Cela doit rester un problème de la SNCF qui n'aura pas su gérer le sud-ouest, et non pas celui des régions. Pour éviter cette situation, M. Delebarre recommandait à la SNCF de décentraliser son organisation sociale. M. Delebarre est porteur d'un TER qui doit fonctionner et s'améliorer chaque jour et qui soit de bonne qualité, qui comprend le service rendu, la ponctualité et le coût. Les grèves sont une atteinte à l'égalité et à l'unité du service public.

En matière de fret dans la région Nord-Pas de Calais, M. Delebarre relève une incompétence de la SNCF. Un problème qui freine le développement du fret est l'incapacité de la SNCF à faire du « porte à porte ». La SNCF sait faire du « gare à gare » mais le « porte à porte » est plus difficile car il requiert une coordination en fin d'itinéraire entre le transport ferroviaire et le transport routier. De plus, le fret c'est également du « bout à bout », ce qui exige des liaisons transversales performantes et une organisation de la SNCF fiable. Afin de relancer la politique du wagon isolé, la France se doit, un jour, de trouver le courage de réglementer le transport par camion.

Enfin, en ce qui concerne le port de Dunkerque, l'autorité représentative du port est la direction du port. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, il s'agit de la présidente du Conseil de direction du port. C'est un port autonome dont l'organisation est composée d'un directoire et d'un conseil de surveillance. Pour parvenir aux quais, il existe des voies ferroviaires qui apportent la marchandise jusqu'au bateau. Il y a deux ans, la région a relancé l'appel d'offre de la gestion des voies ferroviaires sur le port. Jusqu'à présent, la gestion faisait l'objet d'un marché passé avec la SNCF, mais le nouveau marché a été remporté par Eurotunnel. Cet évènement a été une réelle épreuve pour la SNCF.

A udition de la CFTC secteur ferroviaire, MM. Philippe GONÇALVÈS, Jean-Claude THOMAS et Alain DEBRAULT,
12 juin 2013

Les relations entre les collectivités territoriales et la SNCF ont beaucoup évolué depuis 2002, mais il est possible de mieux faire. Les régions participent de plus en plus au financement du transport ferroviaire, alors qu'au même moment leurs ressources diminuent, notamment du fait de la baisse de la dotation générale de décentralisation. Or, la SNCF est encore dominée par une culture du monopole. Elle a dû apprendre à dialoguer avec les collectivités territoriales, et à avoir un interlocuteur qui pose des questions et la contredit. Les collectivités territoriales pour leur part veulent avoir un interlocuteur qui peut répondre à leurs questions, d'où la nécessité de mieux former les directeurs régionaux SNCF.

La SNCF doit également revoir son système de calcul des coûts, savoir expliquer chaque euro dépensé. Elle est en train d'y venir. Actuellement, elle applique dans 80% des cas une somme forfaitaire. Or cette forfaitisation est mal comprise. Toutefois, selon la CFTC, un calcul au vrai coût donnerait une facture supérieure. Les raisons de l'augmentation des coûts d'exploitation sont diverses : coût du personnel, utilisation de nouvelles techniques d'entretien, augmentation des prix de l'énergie qui représente 20% des coûts. Les syndicats ont toujours voulu comprendre la ventilation des coûts, mais n'y sont jamais parvenus. Selon la CFTC, le résultat de la branche TER est positif, mais il est difficile de le justifier. La nomenclature FC12K est souvent accusée d'être la cause de cette opacité.

La complexité de l'organisation de la SNCF est aujourd'hui une gêne. Dans les années 1980, les agents étaient multitâches. Aujourd'hui, du fait de l'organisation par métier, chacun est cantonné dans un nombre limité de tâches et, de plus, ne sait plus ce que fait le voisin, ce qui pose des problèmes en termes de communication entre agents. Aujourd'hui, les cheminots sont affectés à une activité : ils sont partagés d'une part entre activité fret et d'autre part activité voyageur. Mais au sein même de l'activité voyageur, certains sont uniquement affectés au TER, ce qui entraîne une perte de flexibilité - impossibilité pour un cheminot conducteur de locomotive de fret ou de train intercités de remplacer un collègue conducteur de TER alors que le train attend pour partir -, mais également une perte de compétence : en effet, les habilitations pour conduire un type de locomotive ne sont plus valables si le conducteur ne conduit pas ce type d'engin pendant six mois.

Du fait de l'organisation par activité, les collectivités n'ont pas d'interlocuteur unique, ce qui favorise une recentralisation. On constate toutefois une évolution au sein des directions régionales de la SNCF et celles de RFF. Elles commencent à mieux dialoguer entre elles.

En ce qui concerne la négociation des conventions TER, le syndicat peut avoir un poids. Le CESER joue également un rôle important dans la mesure où il est un lieu de synergie et de convergence. Il apporte un éclairage nouveau et permet de baisser les tensions pouvant exister entre la SNCF et la région.

En ce qui concerne la billettique unique, la région Lorraine a commencé à la mettre en place en 2007. Fin 2014, la moitié des AOT de la région l'utiliseront. La répartition financière se fait au prorata. Un versement transport de 0,2% - dans le cadre de la mise en place d'un syndicat mixte des transports - pourrait voir le jour et serait estimé à environ 28 millions d'euros. Toutefois, un versement transport à l'échelle régionale nécessite de trouver un accord avec notamment les grandes agglomérations qui ont elles-mêmes déjà institué un versement transport. À Nancy et à Metz, il est déjà à 1,5%. Il passerait alors à 1,7%.

Si un chef de file est mis en place, il aura seulement un rôle de coordination. En effet, la jurisprudence du conseil constitutionnel interdit d'avoir un chef de file avec des compétences décisionnelles.

Sur le fret, la CFTC dénonce l'absence de volonté politique. Il y a eu 6 plans en vingt ans pour un résultat nul, car l'activité fret ne cesse de perdre de l'argent, et le transport routier de marchandises de grignoter des parts. La CFTC regrette en outre que l'on ne prenne pas le temps de tirer les leçons des plans pris ou des paquets ferroviaires adoptés avant de faire de nouvelles propositions. Par ailleurs, le fret ne pourra pas fonctionner tant que le trafic diffus sera abandonné. Il est également nécessaire de développer les infrastructures (saturation du trafic entre Dijon et Lyon, ou encore disparition des installations terminales embranchées des entreprises par exemple).

Enfin en ce qui concerne le personnel, les revendications de la CFTC porte sur trois points : l'intégration des primes dans le calcul de la retraite, le respect du repos périodique ainsi qu'une stabilisation : en effet, les conditions de travail sont en constante évolution. Par ailleurs, la CFTC souhaite qu'en cas de changement d'exploitant de la ligne, les contrats de travail soient transférés au repreneur. C'est la seule façon d'éviter tout dumping.

Audition de M. Jacques AUXIETTE, président de la Commission infrastructures et transports de l'ARF, président de la région
Pays-de-la-Loire, chargé d'un rapport sur le rôle des régions
dans la future organisation ferroviaire,
12 juin 2013

L'organisation du secteur ferroviaire autour d'un pôle unique doit permettre « la réunion de la famille cheminote » selon les mots du ministre en charge des transports. Elle vise à une rationalisation de la gestion des infrastructures. En effet RFF emploie 1500 personnes principalement des cadres, tandis que la branche SNCF Infra emploie 35 000 cheminots qui travaillent sous la tutelle de la SNCF mais pour RFF avec tous les problèmes de refacturation que cela peut poser. Les 15 000 personnes travaillant à la direction de la circulation ferroviaire dans l'entreprise SNCF ne doivent pas non plus être oubliées. Au final, ce sont 50 000 cheminots de la SNCF qui travaillent pour RFF. En réalité, la création de RFF avait pour principal objectif en 1997 d'isoler la dette. Elle est d'aujourd'hui de 33 milliards d'euros et devrait atteindre 60 milliards d'euros en 2020.

Pour Jacques Auxiette, le gestionnaire d'infrastructure unifié devrait posséder l'ensemble du patrimoine ferroviaire, y compris les gares, à l'exception des trains. Ce système s'inspire du modèle anglais où l'infrastructure est aujourd'hui portée par la nation. En effet, il est essentiel que la politique retrouve toute sa place en matière ferroviaire. Un premier pas a été fait avec les trains d'équilibre du territoire où l'Etat est devenu AOT. Ce système doit également permettre aux autres exploitants d'accéder au réseau. Enfin, le GIU doit favoriser et contribuer à la construction d'un grand réseau européen. Les 55 000 cheminots de la SNCF travaillant pour RFF seraient intégrés dans le GIU, qui serait l'employeur.

Juridiquement, le statut des cheminots est confirmé. La mobilité sous condition est également garantie entre les différentes structures.

La structure actuelle « en peigne » de la SNCF a été faite au nom de la perspective d'ouverture. Or, cela entraîne une absence totale de mutualisation et un surcoût considérable. Ainsi, un conducteur de fret ne peut pas remplacer un collègue absent sur une locomotive TER. En outre, cette organisation en peigne ne permet pas une prise de décision au niveau régional. Paradoxalement, les directeurs régionaux disposaient de plus de compétences auparavant. S'il n'est pas possible de mettre en place 22 SNCF sur le territoire métropolitain et ainsi la fonction centrale de la SNCF doit être préservée, aussi bien le futur GIU que la SNCF doivent disposer d'interlocuteurs régionaux ou interrégionaux disposant d'un vrai pouvoir de décision. Bien sûr, la direction régionale de la SNCF et celle de RFF doivent être séparées pour des raisons de compatibilité avec le droit européen.

Aujourd'hui, il n'y a aucune convention régionale entre RFF et les régions. Ainsi, le président du conseil régional de Rhône-Alpes ne connait ni l'état du réseau ferroviaire sur son territoire ni les montants nécessaires pour entretenir ce réseau.

La complexité de la SNCF est également due au nombre de ses filiales. M. Auxiette estime ce nombre à 900.

Les régions ont versé à la SNCF en 2011 4,2 milliards d'euros dans le cadre des transports ferroviaires. Sur la question des bénéfices de SNCF sur l'activité TER, il est impossible d'avoir les chiffres réels. Mais, il est sûr que le dossier TER n'est pas déficitaire.

Le coût des conventions TER augmente chaque année. L'inflation mécanique des coûts telle que prévue par ces conventions est de 3 à 4 % par an en raison des hausses des péages RFF, la hausse des frais de personnel, en progression de 2,5% par an et la hausse des coûts de l'énergie. Or les régions ont très peu de fiscalité propre (moins de 13% d'autonomie fiscale). Aussi, pour garder leurs budgets à l'équilibre, elles doivent baisser l'offre, que ce soit en qualité ou en quantité. Plusieurs contentieux sont actuellement devant les tribunaux administratifs. Jusqu'à présent, toutes les régions ont gagné sur les contentieux liés aux retraites. Récemment, la SNCF demandait à la région Pays-de-la-Loire 3,6 millions d'euros afin de compenser l'augmentation de la taxation de cette entreprise du fait du remplacement de la taxe professionnelle par la CVAE. La SNCF demandait ainsi à la région de prendre en charge ce surplus fiscal.

Un autre enjeu financier est l'investissement de la branche « Gares & Connexions » dans la rénovation d'une gare. En effet, elle demande automatiquement un retour sur investissement de 9,3%, et pour toute explication les collectivités territoriales ont pour réponse qu'il s'agit du modèle économique de la SNCF.

L'on constate une interpénétration entre les collectivités territoriales et le secteur ferroviaire. Du fait du monopole de l'expertise SNCF dans le domaine ferroviaire, un certain nombre d'agents des régions viennent de SNCF. Cette proportion tend toutefois à se réduire.

Enfin, en ce qui concerne la mise en place d'un versement transport régional, la question de la mise en place de celui-ci se pose au sein des périmètres de transports urbains (VT additionnel) et en dehors de ces périmètres (VT interstitiel). En effet, les agglomérations ont déjà un versement transport élevé et plaident un versement transport interstitiel. Toutefois, cette contribution ne rapporterait rien. De plus, cette hypothèse peut sembler manquer de logique, car le train transporte majoritairement des personnes d'agglomération en agglomération et au sein des périmètres des aires urbaines.

Une taxe sur les moyens de communication est une idée intéressante.

A udition de MM. Alain PROUVENQ, Cyrille RENEAUD
et Dominique LAUNAY, Fédération CGT des Cheminots,
18 juin 2013

Pour la CGT, l'organisation du secteur public ferroviaire français s'est de toute évidence complexifiée au fil des années et manque cruellement d'unité.

La création de RFF en 1997 a acté la séparation institutionnelle entre le gestionnaire d'infrastructure ferroviaire (RFF) et l'entreprise ferroviaire historique (SNCF). Cependant, la scission de ces deux entités, dont l'objectif était en réalité de cantonner la dette, s'est soldée par un échec. En effet, le montage complexe issu de la loi de 1997, qui fait de RFF et SNCF deux EPIC indépendants, a créé des dysfonctionnements. La dette qui devait s'affaiblir n'a cessé de croître et cette séparation, aujourd'hui discréditée, a engendré la création d'interfaces qui se sont révélées très coûteuses, dénuées de toute cohésion sociale et de cohérence économique. Toutefois la CGT exprime des doutes quant à la solution consistant, pour simplifier la situation, à créer un GIU, car dans le fait, cela revient à créer un EPIC supplémentaire chapeautant les deux existants.

Dans les années 70-80, la SNCF avait orienté son activité de manière privilégiée vers le fret. Puis, les années 80-90 ont été celles de la consécration du TGV. C'est pourquoi, au moment où la loi de 1997 prévoyait un transfert aux régions des TER, on se trouvait dans une situation de délaissement du transport de proximité quotidien. Au début du transfert de ces nouvelles compétences aux régions, la CGT s'interrogeait sur une potentielle rupture avec un service national, jusqu'alors géré par l'État, par l'octroi de cette compétence à des régions de richesses différentes. Elle craignait une « balkanisation » du service TER. Finalement, ce transfert de compétence s'est avéré être une forme de solidarité territoriale. Il a été un succès pour la qualité du service : + 43% de l'offre, +30% de voyageurs.

La CGT souligne toutefois que le TER a été victime de son succès du fait notamment d'infrastructures à bout de souffle comme l'a relevées le rapport de l'école polytechnique de Lausanne. De là se trouve l'une des sources des tensions entre la SNCF et les régions. En effet, il y a une demande accrue des régions en matière de transport, qui s'investissent d'ailleurs beaucoup en la matière. Mais elles sont confrontées à un matériel vétuste, qu'elles rénovent d'ailleurs à leur frais, lequel circule sur des voies dégradées ce qui ne permet pas aux TER de rouler à leur pleine vitesse. De plus, à travers l'élaboration des politiques publiques, les régions se sont vues attribuer de plus en plus de compétences sans avoir pourtant les ressources adaptées pour exercer au mieux leurs compétences. Elles sont aujourd'hui soumises à des choix difficiles en termes de budget. Or, de l'autre côté, la SNCF est passée à partir du milieu des années 2000 d'une politique d'entreprise publique nationale à une entreprise de business international. Dès lors, les premières conventions TER qui étaient basées sur la coopération et la confiance sont devenues sources de conflit : chacune des deux entités tente de tirer profit de cette activité ferroviaire lors de la négociation de la convention. D'un côté, la SNCF veut être rémunérée le mieux possible pour les services qu'elle fournit, de l'autre côté, les régions souhaitent freiner les coûts en constante augmentation, tout en améliorant la qualité du service. À titre d'exemple, la SNCF demande cette année à la région Champagne-Ardenne, dans un avenant, 9 millions d'euros annuels supplémentaires par rapport à ce qui était prévu dans la convention pluriannuelle. La SNCF justifie ce montant par l'augmentation de la TVA et du coût de l'énergie. De son côté, la région cherche à réduire au maximum ces coûts supplémentaires. Ce conflit entre la SNCF et la région a des répercussions en interne : suppression du contrôleur dans le train, fermeture de guichets dans les petites gares, etc.

À l'heure actuelle, Guillaume Pépy, président de la SNCF, met davantage l'accent sur le développement de l'entreprise dans le monde pour en faire, à l'avenir, une entreprise aussi importante que la Deutsch Bahn AG. Mais cette priorité l'amène donc à délaisser la politique ferroviaire française qui a besoin pourtant d'être réaménagée face à son manque de pertinence.

La CGT réclame l'unité du système ferroviaire. À titre d'exemple, il est impératif de trouver une coordination entre les travaux nécessaires - 1000 km de voies sont rénovés chaque année - et le service que doit assurer le transporteur. De ce fait, si l'on ne parvient pas à trouver une certaine cohésion entre RFF et la SNCF, ce sont les cheminots et les usagers qui continueront à pâtir de cette situation.

L'organisation syndicale a oeuvré à l'élaboration d'une proposition du rapprochement de la SNCF et de RFF dans le cadre d'une réflexion générale sur le système ferroviaire. L'Union européenne impose deux choses : d'une part, la séparation comptable stricte entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur ferroviaire et, d'autre part, la neutralité dans l'attribution des sillons.

Dans le premier cas, la CGT estime que le cloisonnement en termes de comptabilité est imposé. Néanmoins, cette séparation comptable doit impérativement s'accompagner d'une production plus mutualisée, par des systèmes de refacturation par exemple. Dans le second cas, la CGT propose la mise en place d'un service spécifique qui serait en charge de la répartition équitable des sillons. La DGITM pourrait assurer ce service.

La CGT regrette que M. Guillaume Pépy et la direction SNCF soient allés aussi loin dans la séparation des activités du ferroviaire car cette dernière est une source incontestable de dysfonctionnements et de gaspillages tant financiers qu'humains. Ces mêmes dysfonctionnements sont d'ailleurs en partie à l'origine des problèmes rencontrés par les AOT. On se retrouve en effet dans des situations ubuesques, comme en Bretagne où les conducteurs de cette région sont capables de conduire tout type de train mais se voient interdire la conduite d'intercités, car ils appartiennent à la branche TER. Cet exemple est la preuve du cloisonnement au plus proche de la production. Ainsi, la mutualisation de la production serait sans nul doute un gain d'efficacité et d'économie.

En ce qui concerne les directeurs régionaux RFF et SNCF, ces derniers n'ont aucun levier d'action disponible pour répondre à une modification du « Plan Travaux et Transport ». L'impossibilité pour ces directeurs d'intervenir ne serait-ce qu'en matière de travaux est contre-productive. À titre d'exemple, lors des travaux suite à l'éboulement sur la ligne entre Morlaix Brest, le directeur régional n'avait aucun pouvoir sur les agents de production intervenant sur le chantier. La CGT considère pourtant qu'il serait indispensable de doter ces directeurs d'un pouvoir décisionnel et transversal. Mais cette possibilité d'évolution se heurte à un refus catégorique des directions centrales. On se contente donc aujourd'hui d'un directeur régional qui est un « directeur TER », lequel compose avec les seuls moyens liés au TER. Or, il n'est pas concevable de donner un véritable pouvoir aux régions en matière de transport, sans prévoir, en face d'elles, des interlocuteurs - en l'occurrence les directeurs régionaux - qui ne disposent pas d'un réel pouvoir. Il est nécessaire de faire comprendre aux directions centrales que déléguer plus de prérogatives au bénéfice des directeurs régionaux ne correspond pas à une destitution de pouvoir à leurs dépens.

Par ailleurs, une autre situation est contestée par la CGT. Elle concerne une règle édictée par l'organisation centrale de la SNCF pour le fret qui consiste à ce que les conducteurs et les locomotives soient attribués à une catégorie précise de produits. Ainsi, on retrouve une direction dédiée aux produits chimiques, une autre aux produits céréaliers, ou encore une direction vouée au transport de voitures. Concrètement, ce système aboutit à obliger un conducteur qui a amené à l'aller un chargement de céréales à remonter à vide, alors qu'un convoi de transport de voitures est en attente d'une locomotive pour l'amener à la même destination. Pour mettre un terme à cette pratique, la CGT vote en faveur de la création d'établissements multi-activités en vue de promouvoir la mutualisation des hommes et des activités.

En matière de fret, la SNCF a été conçue à l'origine pour organiser le transport de marchandises. C'est le coeur de métier pour l'opérateur historique. L'ouverture du fret à la concurrence a été vue, à l'origine, comme un moyen de dynamiser le réseau. Or, au final, le transport de marchandises a chuté, 9 000 emplois ont été supprimés et le déficit fret de la SNCF s'accroît un peu plus chaque année (il est deux fois supérieur au chiffre d'affaire). Les élus du comité central d'entreprise de toutes les organisations syndicales ont d'ailleurs déposé un droit d'alerte économique. Concrètement, l'ouverture du fret s'est traduite par l'apparition d'une vingtaine d'opérateurs. La SNCF détient 70% du marché, les filiales de la SNCF en détiennent 15% et les opérateurs privés sans aucun lien avec la SNCF comme ECR ou Europorte en détiennent également 15%. Les entreprises privées ont cherché à capter les trains les plus rentables, c'est-à-dire les trains dits « complets ». Face à cette perte de marché, la SNCF a abandonné en partie sa politique dite du « wagon isolé ». Or les wagons isolés représentent 80% du transport. En effet, la SNCF en perdant des marges sur le transport de masse, refuse de financer les wagons isolés. La SNCF n'est d'ailleurs plus du tout présente en Bretagne. C'est ECR qui a récupéré le marché fret.

La question du coût des cheminots pour expliquer les pertes de marché de la SNCF est à relativiser. En effet, la main d'oeuvre ne représente que 6% du prix d'un train. Même si la SNCF prétend être plus chère de 30%, dans les faits, le surcoût n'est que de 2%. La CGT s'est engagée dans la négociation avec l'UTPF d'une convention collective. La SNCF a refusé d'y participer. L'UTP l'a tiré a minima, et au final, selon la CGT, elle ne la respecte pas.

Enfin, la CGT déplore que les centres de formation de proximité du matériel aient été supprimés. Aujourd'hui, le pilotage est redevenu national avec la présence d'un unique centre au Mans. Pourtant une formation locale permettrait au personnel d'avoir une connaissance précise de la région dans laquelle il était amené à travailler, à participer au développement économique, ce qui, au final, fidélisait le personnel à l'entreprise.

Compte rendu de l'audition rédigé par la SNCF
de M. Pierre BLAYAU, ancien directeur général de SNCF Geodis,
ancien président-directeur général de Geodis,
président du conseil de surveillance d'Areva,
25 juin 2013

M. Blayau précise la notion de « fret » par rapport à l'expression « transport ferroviaire de marchandises » : le fret étant l'objet, le transport ferroviaire de marchandises constitue l'un des modes de transport du fret.

Le droit européen a conduit en 2006 à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de marchandises à l'international. Dès lors, le transport ferroviaire de marchandises est devenu une activité marchande, concurrentielle. Ainsi, depuis 6-7 ans, l'activité opérée par SNCF dans ce secteur dépend de la règle de l'offre et de la demande et ne constitue donc pas un service public.

Lorsque l'on s'intéresse à la place du transport ferroviaire de marchandises en France, deux éléments doivent être pris en considération :

ï d'une part, le partage des parts du marché ferroviaire entre les opérateurs ferroviaires, c'est-à-dire entre SNCF et ses concurrents ;

ï d'autre part, l'attractivité du mode routier.

SNCF a perdu de nombreux clients au profit de la concurrence ferroviaire en raison de la difficulté qu'elle avait à assurer l'équilibre entre qualité de service / prix. Les nouveaux entrants ont réussi à démontrer leur aptitude à délivrer un meilleur service, grâce à un avantage en matière réglementaire. En effet, les nouveaux acteurs ferroviaires ont une organisation différente de celle de SNCF laquelle est construite autour de ce que l'on appelle le RH77 (qui prévoit les temps de repos, les temps de reprise de poste, etc.).

Bruxelles a opéré une pression importante sur SNCF depuis 2006, lui imposant d'opérer en pleine transparence de concurrence et la contraignant à ne pas perdre de l'argent dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises. Cette pression a ensuite été relayée par l'Autorité de la concurrence française qui, en 2008, a diligenté une enquête sur les pratiques de SNCF et qui a prononcé, il y a quelques mois, une pénalité à son encontre pour pratiques anticoncurrentielles de l'ordre de 60 millions d'euros. L'Autorité lui a rappelé une exigence qui n'est autre qu'une règle de marché : outre le fait que SNCF doit appliquer les règles de la concurrence, elle ne doit pas offrir aux chargeurs des services qui ne seraient pas facturés au prix de revient.

Récemment, c'est l'ARAF qui est intervenue auprès de SNCF sur les sujets du transport ferroviaire de marchandises, afin d'extraire les comptes spécifiques de chaque activité du transport ferroviaire de marchandises de Fret SNCF.

À cela s'ajoute l'évolution économique du pays : crise économique, désindustrialisation du pays, difficulté de la France à maintenir des industries lourdes, etc. De ce fait, l'intérêt pour le transport ferroviaire de marchandises a baissé au fur et à mesure que les produits transportés en France relevaient de moins en moins des produits traditionnellement transportés par train. Ainsi, le contexte économique a fait que les marchandises qui étaient éligibles au train disparaissaient progressivement ou bien rencontraient des problèmes de quantité ou de volume. Ce fut le cas pour le charbon, l'acier, les matériaux de construction, les automobiles. Le mode de transport qui est aujourd'hui dominant en France est la route.

En France, 80 % des marchandises sont transportées sur moins de 300 kilomètres. On se retrouve donc dans des situations où l'on ne peut pas remplacer des camions par des trains sur cette distance. Aujourd'hui, du fait des contraintes qui émergent de la concurrence et du nouveau contexte économique, le train ne parvient pas à capter le trafic. Il capte des trafics lourds, c'est-à-dire des trafics massifs, de long courrier, de transit. À l'inverse, la route capte des trafics de proximité, de distribution, de fret léger. En outre, le train ne constitue pas le mode de transport le plus souple. On l'observe lorsqu'il est envisagé de bâtir un convoi ou bien d'élaborer un plan de transport ferroviaire : un certain nombre de conditions doivent être obligatoirement réunies.

Plus généralement, et cela concerne tous les opérateurs, les contraintes pesant sur l'infrastructure doivent être prises en compte : suite au rapport de l'École polytechnique de Lausanne, notifiant le très grand retard dans la rénovation du réseau français, les infrastructures ont fait l'objet d'un plan de régénération massif. À cela, a été ajouté un vaste programme de lignes nouvelles qui, actuellement, est revu à la baisse à l'initiative du rapport de la commission Mobilité 21 sur le SNIT. Par conséquent, la France dispose d'un réseau qui est saturé par les voyageurs le jour et les travaux la nuit. Donc, la disponibilité des infrastructures pour le transport de marchandises est relativement faible.

Dans ce contexte, les perspectives du transport ferroviaire de marchandises semblent particulièrement pessimistes. Les volumes transportés et facturés aux chargeurs ont atteints un niveau relativement bas. Le camion restant dominant, les espoirs de report modal ont été déçus.

Deux éléments permettraient de relancer le transport ferroviaire de marchandises en France :

ï encadrer le transport de marchandises par camion ;

ï réserver des infrastructures ferroviaires au transport de marchandises.

En ce qui concerne le premier élément, les gouvernements successifs, quelle que soit leur orientation politique, ont une certaine timidité dans ce domaine puisque face à une rébellion des routiers, ils sont relativement fragiles. En effet, il faut savoir que dans notre économie, le transport routier de marchandises emploie environ 300 000 salariés contre 10 000 pour le transport ferroviaire de marchandises. Ainsi, lorsque les représentants de la profession routière menacent de bloquer des routes, le péage de la Gravelle en Bretagne par exemple, ces derniers auront de toute évidence beaucoup plus de poids que les cheminots.

En ce qui concerne les infrastructures, la Commission européenne met en place 9 corridors européens, dont seulement trois passent par la France, les autres traversant de bout en bout l'Allemagne, l'Italie, les Balkans.

La saturation du réseau et les difficultés économiques des chargeurs sont un frein à une hausse des trafics du transport ferroviaire de marchandises.

Il faut rappeler que le transport ferroviaire de marchandises est pertinent sur de la longue distance, pour des trafics importants et réguliers, ainsi que par des trains longs. La longueur des trains français de marchandises est passée de 750 à 850 mètres sur quelques axes et on tend aujourd'hui à atteindre les 1 000 mètres pour les prochaines années. Le modèle américain, quant à lui, arbore des trains qui font 3 500 mètres de longueur. Dans tous les cas, ces conditions permettraient à l'activité de transport ferroviaire de marchandises d'acquérir davantage en pertinence.

Eu égard à l'état de ses infrastructures, à sa configuration et à sa vitalité, la France n'est pas un territoire qui accueille favorablement le transport ferroviaire de marchandises. Certes, la comparaison entre le transport ferroviaire actuel de marchandises et celui d'il y a trente ans montre une forte baisse. Cependant, dans les années antérieures, on transportait de l'acier, du charbon et on disposait encore d'industries prospères, ce qui n'est plus exactement le cas de nos jours, même s'il existe des voies de progrès.

Le transport ferroviaire de marchandises et la décentralisation sont deux notions totalement antinomiques. Pour le chargeur, le transport ferroviaire de marchandises n'a de sens par rapport au routier que sur longue distance en termes de prix de marché. Les trafics interrégionaux ou intra régionaux, sauf à être très spécialisés, sont peu présents. Il existe une ligne Le Havre-Cognac en combiné rail-route, qui fonctionne assez bien car on dessert le pays du Cognac pour des exportations internationales au départ du Havre. Il peut donc arriver que l'on ait à un certain moment des opérations très locales qui correspondent à un besoin économique précis.

Par ailleurs, il peut y avoir des initiatives des pouvoirs publics mais qui sont subventionnées. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une activité marchande. Les initiatives nationales ou régionales de soutien doivent s'assurer de respecter le droit européen. À ce titre, des décisions ont été prises dans le respect de la réglementation communautaire qui visent notamment les autoroutes ferroviaires. L'autoroute ferroviaire alpine a été la première à être construite entre Aiton et Orbassano avec une extension possible Gevrey-Turin. Cette dernière, qui fonctionne d'ailleurs très bien avec une forte circulation de trains, reste toutefois subordonnée à l'autorisation de Bruxelles. Elle n'est donc qu'une expérimentation validée par Bruxelles.

L'opérateur Lorry Rail, filiale du groupe SNCF, transporte régulièrement des semi-remorques et quelques conteneurs sur l'autoroute ferroviaire qui relie la frontière espagnole près de Perpignan (Le Boulou) et le Luxembourg (Bettembourg). Cette autoroute a vu le jour sous l'auspice de la Caisse des dépôts, puis SNCF Geodis a repris la majorité des parts de l'activité de Lorry Rail et a réussi à trouver l'équilibre d'exploitation.

Il existe également l'autoroute de la mer reliant le port de Nantes Saint-Nazaire et le port espagnol Gijon. Elle est encore aujourd'hui subventionnée mais fonctionne bien et a des perspectives favorables d'évolution.

La société Combiwest, au départ portée par la Sica de Saint-Pol de Léon, prospère puisqu'elle entreprend de réaliser des extensions au-delà de Vénissieux vers Marseille. Le Conseil régional de Bretagne la subventionne soit au travers de financements d'infrastructures d'embranchement, soit d'achat de conteneurs ou de wagons. Cependant, il faut préciser à nouveau que ce type d'entreprise ne s'inscrit pas dans une économie marchande car elle bénéficie d'une subvention. De ce fait, les problématiques relatives au transport ferroviaire de marchandises dans les régions, que l'on retrouve à travers les opérateurs ferroviaires de proximité, consistent à savoir, d'une part, comment les élus locaux apprécient l'intérêt général ou régional au regard de ce mode de transport et, d'autre part, comment ils justifient leur investissement ou leur subventionnement au regard du droit européen. En effet, il n'est pas exclu que l'entreprise bénéficiaire de la subvention soit contrainte de la rembourser si Bruxelles considère qu'il s'agit d'une aide d'État.

Pour résumer, le transport ferroviaire de marchandises a toute sa place en France. Il constitue un trafic de longue distance sur de grands axes. Par conséquent, il n'a que peu de liens avec la décentralisation. À partir du moment où l'on souhaite réanimer, au sein d'une région et dans un cadre décentralisé, une activité de transport ferroviaire de marchandises, cela ne peut s'envisager que par le biais de subventions. Cependant, cette manoeuvre ne répond en aucun cas aux critères de l'économie de marché.

En Italie, au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Belgique ou aux Pays-Bas, le transport ferroviaire de marchandises est déficitaire. Le seul pays où finalement il y a une animation d'un tissu ferroviaire avec à la fois des opérateurs nationaux et des opérateurs régionaux est l'Allemagne. La concurrence est apparue très tôt, il y a déjà une douzaine d'années, dans l'État fédéral allemand. Ce dernier compte environ 300 opérateurs ferroviaires dont un certain nombre qui sont mineurs.

Par ailleurs, l'Allemagne est un pays différent de la France. Il est à l'origine un pays industriel beaucoup plus solide que la France puisque la valeur industrielle au mètre carré est cinq fois supérieure à celle de l'Hexagone. De plus, c'est un tissu industriel « en carré » en connexion directe avec des ports très actifs (les ports du Nord, les ports du Benelux). La France souffre d'une mauvaise configuration de son territoire. En effet, elle est coupée en deux le long d'une ligne allant du Havre à Marseille. À l'Est, on perçoit une activité industrielle qui peut être intense selon les périodes, notamment en ce qui concerne l'artère Nord-est, tandis qu'à l'Ouest on constate une activité industrielle moins attractive. De plus, sur le plan géographique en comparaison avec l'Allemagne, il y a une sorte de centralisation en Île-de-France où ne peut circuler aucun train de marchandises. En effet, demeurent des débats incessants avec les communes du Bourget et Drancy au sujet du stockage des matières dangereuses ou de l'évacuation du port du Havre directement sur Valenton en passant par les noeuds ferroviaires de Mantes-la-Jolie et de Rouen très utilisés par les voyageurs.

Qui plus est, il existe des noeuds ferroviaires localisés par exemple à Dijon ou à Lyon. Des projets de contournement, comme celui de l'agglomération lyonnaise, sont prévus. D'autre part, il y a la descente du couloir rhodanien qui est une sorte de sillon encastré constitué de deux rives : l'une à droite réservée au transport ferroviaire de marchandises et l'autre à gauche affectée au transport de voyageurs. Toutefois, aujourd'hui, on constate une certaine pression des élus de la région Rhône-Alpes afin que soit libérés quelques sillons sur la rive droite dans l'espoir de faire passer des trains de voyageurs.

Enfin, il faut préciser que les entreprises de transport ferroviaire de marchandises allemandes, nationales ou régionales, ne gagnent pas beaucoup d'argent.

À l'époque, sous l'égide de la région Auvergne, le préfet avait souhaité organiser dans cette région peu industrialisée, la recherche de wagons isolés pour les massifier. La CRCI s'est alors associée avec des opérateurs essentiellement routiers. Une société s'est engagée en particulier sur ce sujet et avait souhaité monter un opérateur ferroviaire de proximité. Finalement, cela s'est soldé par un échec. Toutefois, avec l'intervention des acteurs locaux, nous avons réussi à organiser une opération visant à opérer des trains combinés entre Gerzat (plateforme de Clermont-Ferrand) et Le Havre. Une fois par semaine, il y a un train combiné, qui transporte des marchandises autrefois transportées exclusivement par camion. Depuis peu, le premier train a été opéré entre Gerzat et Fos. Ainsi, grâce à une initiative comme celle-ci, certes l'objectif d'origine qui était de récolter des wagons isolés n'a pas été atteint, mais on a pu mettre en place un train qui oriente les flux de combiné de l'Auvergne vers Le Havre et un autre train vers Marseille. D'un point de vue financier, SNCF Geodis détient 15% du capital de l'entreprise. L'entreprise a eu des difficultés à monter des flux. De plus, quelques problèmes de gouvernance se sont posés entre les routiers eux-mêmes. Concernant cette opération, il n'y avait eu aucun projet de financement public, hormis une participation de l'État pour l'élaboration d'études de flux. Enfin, la région est intervenue dans le cadre de ses compétences en matière de formation des personnels.

Il existe d'autres OFP, notamment celui du Morvan qui s'appelle CFR. Ce dernier ayant perdu beaucoup d'argent, a fini par trouver un nouvel acquéreur qui est un commissionnaire de transport belge. Celui-ci possède une entreprise, Eurorail, qui fait essentiellement des flux régionaux et interrégionaux. Cette même entreprise s'est constituée en reprenant des flux déjà existants à SNCF Geodis. TPCF, autre opérateur issu de la région Languedoc-Roussillon, est une association oeuvrant au départ dans le tourisme amateur et qui a souhaité faire du transport ferroviaire de marchandises sur quelques wagons.

Pour conclure, il y a bien une place pour le transport ferroviaire de marchandises : le transport combiné rail-route, les opérations de ferroutage, le transport sur longue distance, le transport de transit, les trains longs. Pour trouver la juste place du transport ferroviaire de marchandises, il faut accepter les règles du jeu. Doit également être admise l'idée qu'il faille entreprendre des réformes, notamment en abaissant les charges. Par ailleurs, il existe des voies possibles comme le transport combiné interportuaire, le combiné terrestre, les autoroutes ferroviaires (alpine, atlantique). Mais, du point de vue de SNCF Geodis, cette place ne peut déterminer les règles économiques et ne peut se construire que dans le respect de la réglementation émanant de Bruxelles. Soit on fait le choix de s'écarter des règles et on décide alors de continuer à subventionner au risque d'être condamné pour aide abusive, soit on prend la résolution de règlementer le transport routier.

Audition de M. Jacques CHAUVINEAU, président de l'association OFP,
25 juin 2013

Jacques Chauvineau a participé au lancement du concept de TER. Il a notamment accompagné Hubert Haenel sur son rapport consacré à la régionalisation du transport ferroviaire. La SNCF, à l'époque, ainsi que les syndicats au début, étaient très hostiles à cette idée. En effet, pour la SNCF de l'époque, elle se considérait mieux placer que les élus pour savoir ce qu'il fallait faire. Quant aux syndicats, ils craignaient un éclatement de la SNCF.

En ce qui concerne le fret, la situation actuelle est alarmante. L'on constate un effondrement du fret, alors que dans d'autres pays ce dernier a été réhabilité. L'idée qui est aujourd'hui véhiculée en France est que le fret n'est plus pertinent en raison de la désindustrialisation. En effet, le succès du fret dans les années 60 s'expliquait par les Trente Glorieuses : des trains entiers d'acier, de charbon, de produits chimiques ou de granulats circulaient en France. Ces trains entiers étaient générateurs de marge, ce qui permettait un lotissement sur d'autres trajets. Il y avait donc un maillage complexe, et une qualité qui était bonne.

À la sortie des Trente Glorieuses, la rentabilité des trains entiers a commencé à s'effriter, due à la chute de production de charbon, et le recours à des oléoducs pour transporter le pétrole. En outre, le réseau routier et notamment les autoroutes se sont développés. La culture de la SNCF a commencé à se réorienter vers le transport de voyageurs : elle s'est tout d'abord engagée dans une rénovation du train corail qui connaissait un déficit dans la qualité de l'offre. Enfin, le début du TGV a entraîné un basculement. La réponse a été la reconcentration du fret, les directeurs régionaux étant considérés comme responsables des rendements du fret trop bas. Les nouveaux dirigeants ont petit à petit abandonné les trafics non rentables. Or dans un réseau, même lorsqu'on enlève un trafic, des coûts subsistent. L'arrivée de la concurrence en matière de transport de marchandises a été accusée d'être la cause de la chute du fret. Mais elle n'est pas la seule responsable. Par faute d'analyse et d'anticipation, la concurrence a pu gagner des marchés de trains entiers. La chute de marge que cela a entraîné à la SNCF a conduit à un effondrement du système, et a eu des conséquences drastiques sur le lotissement.

Aux Etats-Unis, l'apparition des shortliners (qui a inspiré les opérateurs ferroviaires de proximité en France) est due au déficit financier rencontré par les Class One (les grandes entreprises de transport ferroviaire de marchandises). Ces dernières ont externalisé les dessertes terminales. Les petites sociétés se sont mises à chercher du trafic, ce qui a permis une réimplantation commerciale du ferroviaire. M. Chauvineau a découvert ce système en 1992, lorsqu'il a été envoyé pour une mission de haut niveau aux Etats-Unis et au Canada. Il en est revenu avec l'idée qu'il fallait faire la même chose en France. C'est ce qui a sous-tendu la création de FVLI. Toutefois, ce projet a été détourné de son objectif car il a été monté en prévoyant une organisation centrale qui dicterait en local la position à avoir.

Des opérateurs ferroviaires de proximité ont vu le jour en France dans la Nièvre, en Pays cathare, dans le port de la Rochelle, en Champagne Ardennes et en Midi-Pyrénées. Ils peuvent apporter plusieurs choses à un territoire. Premièrement, ils apportent une présence logistique et commerciale dans les territoires. En effet, aujourd'hui, les entreprises sont très déçues du service proposé par Géodis, les chargeurs ne croient plus au ferroviaire, en raison notamment des prix trop élevés. Toutefois, l'enjeu énergétique et de développement durable est très présent dans le tissu économique. Les entreprises seraient prêtes à entrer dans des réflexions logistiques qui donneraient une place au ferroviaire dans une optique de diminution de leur impact carbone. Ainsi, dans la Nièvre, les entreprises Effage et Laffarge sont entrées au capital de l'opérateur ferroviaire de proximité. En outre, l'opérateur ferroviaire de proximité, en ayant une sédentarisation des moyens et des hommes va donner une flexibilité et une adaptabilité que ne possèdent pas un système centralisé. Aujourd'hui, il n'y a aucune difficulté pour louer des wagons ou des locomotives. Enfin, cela permet un abaissement des coûts, car ce sont les derniers kilomètres qui coûtent les plus chers.

La mise en place d'un opérateur ferroviaire de proximité entraîne des synergies. La question des infrastructures, et notamment des installations terminales embranchées est essentielle. Or les lignes du réseau capillaire qui ne servent pas au transport de voyageurs, sont en train de disparaître. A titre d'exemple, en 2010, il y a eu un déraillement sur une ligne desservant une carrière près de Clamecy du fait d'un défaut d'entretien. Le coût de la remise en état a été de 17 millions d'euros. Les opérateurs ferroviaires de proximité doivent être vus comme des laboratoires. D'ailleurs, à l'avenir, il serait plus juste de parler d'opérateurs logistiques et ferroviaires de proximité. En effet, ils savent faire du transport mixte, combinant des transports en train et par la route.

Un autre apport des OFP est qu'ils attirent des acteurs externes au monde ferroviaire. En effet, les routiers cherchent à mutualiser les flux. Il y a ainsi un intéressement du transporteur routier au ferroviaire et inversement. Là est peut-être la clé d'une mutation du transport ferroviaire de marchandises. Ces opérateurs ont une vraie culture de petite et moyenne entreprise.

Lorsqu'en 2005, le rapport de M. Chauvineau sur les opérateurs ferroviaires de proximité a été présenté, la direction de la SNCF y était favorable sous trois conditions :

• les OFP doivent être contrôlés par la SNCF ;

• l'organisation doit être centralisée ;

• ils ne doivent pas faire du démarchage auprès de clients potentiels.

En ce qui concerne le transport ferroviaire de voyageurs, dans les années 1980, la SNCF s'est focalisée sur le TGV. En témoigne un slogan non retenu de l'époque : « le train a disparu, il a été remplacé par le TGV ». Le développement du TER a commencé en région Nord-Pas de Calais. Dès les années 1975, elle s'est intéressée à cette question via son premier schéma régional d'infrastructures. A l'époque de la loi dite « LOTI », la possibilité d'une convention entre la SNCF et la région a été ouverte. C'était l'époque des michelines et des omnibus. Les premières conventions avec les régions ont été signées à la marge, c'est-à-dire sans transfert financier. Ce montage conventionnel leur a permis d'entrer dans le système du transport ferroviaire. En 1983, l'idée marketing du TER a été lancée. Il s'agissait avant tout d'un travail de communication. Le mot TER est apparu en 1985, au moment où la SNCF connaissait une crise suite à l'échec du système de réservation SOCRATE et où une mission était confiée à Hubert Haenel sur la régionalisation. Hubert Haenel a émis le principe d'une AOT et d'un financement pour les régions. Il s'agissait de leur permettre de diriger le transport ferroviaire de proximité. Ce rapport a été recueilli de manière mitigée par la SNCF. Quant aux syndicats, après une réticence initiale, ils ont adhéré au projet lorsqu'ils ont vu l'arrivée des nouvelles rames.

Une régionalisation du fret s'inspirant de celle du TER n'est pas possible. Mais le fret nécessite une appropriation par le réseau économique. La région doit seulement intervenir comme relais, via sa compétence en matière de développement économique.

En ce qui concerne la réforme ferroviaire, il est nécessaire de réunir l'ensemble des structures s'occupant du réseau. Toutefois, la solution choisie avec une structure de tête est une usine à conflit et à bureaucrates.

Enfin, le réseau doit s'inscrire dans le grand réseau européen.

Contribution de M. Jacques CHAUVINEAU :
Réforme ferroviaire et décentralisation

Le rail a marqué nos territoires, notre Histoire, celle du mouvement ouvrier. Une culture d'entreprise s'est forgée au sein de la SNCF mixant conflictualité et connivence. Technostructure et syndicats partagent une culture centralisatrice « à la française », exacerbée, et la conviction d'être les détenteurs de la légitimité ferroviaire de la Nation.

Construction européenne, mondialisation des échanges, importance du rôle des ports, position géopolitique de la France, exigence de développement territorial, enjeux écologique et énergétique, cette donne nouvelle, complexe, met un terme à l'ère du rail hexagonal, unipolaire et centralisé. Elle ouvre de nouveaux champs de développement.

Depuis deux décennies, tous les gouvernements se sont dérobés à cette échéance.

C'est pourtant à l'Etat stratège, aux Régions et aux représentants de la Nation, non à l'opérateur national, de décider de la stratégie ferroviaire de la France au sein de l'Europe : réhabilitation du fret en voie d'abandon rapide, remise en état et modernisation des infrastructures non TGV, réhabilitation des InterCités, second souffle du TER, ouverture au pluralisme européen et aux initiatives fret décentralisées.

C'est dans ce cadre que doit être pensée une nouvelle étape de décentralisation impulsée par la puissance publique, ouvrant aux Régions et aux acteurs locaux la possibilité d'avoir prise sur le potentiel ferroviaire de leur territoire.

Décentralisation et relance du fret

L'économie actuelle génère une part croissante d'envois diversifiés et dispersés. Les territoires et les entreprises subissent le désengagement ferroviaire de SNCF Geodis et le report de ces envois sur la route, au motif de leur non-rentabilité dans l'organisation actuelle. Cette stratégie présentée au sein du groupe comme celle du « moindre mal » est associée à un comportement hostile à toute solution ferroviaire alternative, très perceptible du terrain. Ceci conduit à la déconnection d'entreprises et de Régions de l'Europe ferroviaire, et à des inégalités territoriales redoutables pour l'économie et l'emploi. Le silence politique sur ce recul du rail le cautionne de facto, alors qu'il n'a rien d'inéluctable. Une réorientation stratégique du fret s'impose d'urgence. Elle doit comporter deux volets complémentaires.

Le premier consiste à remettre en état et à moderniser le réseau, mais une modernisation en rupture avec les pratiques qui, depuis plus de deux décennies, font l'impasse sur le fret et ses évolutions. Ce volet technique, associé à l'introduction massive des technologies de l'information, à la modernisation des trains fret et des modalités d'accès au réseau, génèrera de la capacité, de la fiabilité et de la productivité.

Il doit être complété par un deuxième volet, organisationnel, consistant à introduire une présence fret décentralisée, territoriale et portuaire, commerciale et logistique, dotée de l'adaptabilité locale qui manque au rail français. Ce sont les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP), organisations locales indépendantes en mesure de détecter les trafics, de rechercher et susciter des synergies entre ces trafics et entre chargeurs pour les mutualiser, d'augmenter la charge des trains et la productivité des moyens. A défaut le premier volet technique échouera comme ont échoués tous les plans de relance du passé.

Cette approche décentralisée du fret est une révolution culturelle pour le rail français, alors qu'elle est banale en Allemagne, en Suède, en Amérique du Nord. Elle implique une réévaluation des installations ferroviaires territoriales et portuaires au regard de leurs potentialités locales : plateformes, embranchements privés, lignes capillaires, autant d'accès potentiels des territoires à l'Europe ferroviaire, des accès revalorisables par des initiatives décentralisées de type OFP. Cette réévaluation doit se faire, territoire par territoire, à l'initiative des acteurs économiques, des professionnels de la logistique et des Régions, avec l'appui de RFF local. Elle ne peut s'engager que sous l'impulsion de l'Etat donnant le signal politique d'une réorientation du fret. À défaut, non sans raison, les Régions y verront un moyen de transfert d'une part des charges de réseau.

Décentralisation : vers la réhabilitation des « TET »

Les utilisateurs de ces services, mal-aimés de l'offre voyageurs, assurés avec des matériels de près de 40 ans, parfois « relookés », vivent le décalage avec les TGV et TER. Pourtant des Intercités modernes, comme dans d'autres pays, atteignant la vitesse de 160, voire 200 km/h, à l'aménagement conçu pour un temps à bord pouvant être long, offriraient une alternative compétitive à la voiture. Ils développeraient les liens entre les Régions et ouvriraient la perspective d'un marché européen pour un matériel innovant.

L'Etat est l'autorité organisatrice théorique des TET. Il ne peut rendre ce rôle effectif sans s'appuyer sur les Régions. Il y a urgence d'action. L'enjeu doit être abordé, avec les Régions, sous l'angle du service offert, et non de l'évaluation du montant de la contribution publique, nombre de lignes pouvant devenir rentables. L'Etat doit s'impliquer dans un plan d'expérimentation, ligne par ligne, avec les Régions concernées. Des managers de ligne, au profil entrepreneurial, pourraient dynamiser ce créneau, les modalités juridiques de gestion de la ligne étant adaptées au cas par cas.

Décentralisation et second souffle du TER

Le TER est un succès populaire à l'actif des Régions. Sa dérive financière, aggravée par les contraintes économiques, conduit les Régions à une impasse. Les principales victimes en seront les utilisateurs.

Il ne faut pas renouveler l'impréparation de la SNCF à la concurrence fret qui a des effets désastreux. L'idée libérale naïve que la concurrence suffira à faire baisser les coûts de la SNCF conduira à des désillusions. Un benchmarking européen à l'initiative des Régions pourrait élucider les raisons du coût élevé des TER en France et ouvrir un plan d'action concerté avec la SNCF, avant l'arrivée effective de la concurrence.

Les Régions devraient être dotées d'un pouvoir de coordination pour un maillage intermodal fin des territoires. Des managers de ligne, proches du terrain, dotés d'une réelle autonomie et d'un pouvoir de proposition pourraient être généralisés.

Pour une décentralisation en appui à une réforme politique et innovante

Nous vivons une époque charnière dans l'Histoire du rail français et européen. Le pluralisme ferroviaire européen est en marche. Tous les réseaux nationaux sont appelés à s'ouvrir. Tous les opérateurs nationaux sont appelés à sortir de leur réseau fondateur.

Les ingrédients d'une authentique approche social-démocrate sont en place conciliant les valeurs humanistes du rail et son ouverture à des acteurs diversifiés. Elle implique que l'Etat ose rompre avec l'illusion, entretenue, que le recentrage autour de la SNCF serait l'avenir du rail français. L'Europe va vers un transport intermodal, fait de concurrence et d'un réseau multipolaire de partenariats diversifiés. L'opérateur national doit être réorienté en conséquence, conquérir des positions en Europe et, pour cela, s'appuyer sur les territoires et des partenariats diversifiés.

Le rail entre dans une ère nouvelle. Le Gouvernement ne peut faire l'économie d'un discours politique clair sur la politique ferroviaire dont la France a besoin : développement de toutes les activités, avec priorité au sauvetage du fret, décentralisation, ouverture au pluralisme européen. Le tout porté par une réforme simple, mais stratégique, affirmant une présence publique renforcée, clarifiée, incontestable : RFF unifié, SNCF, ARAF.

La décentralisation n'est pas un simple appendice à cette réforme. C'est un enjeu stratégique, politique, qui ouvre la possibilité d'initiatives ferroviaires des acteurs locaux mettant le potentiel ferroviaire local au service de « leur » territoire. Elle peut alors redonner au rail les racines territoriales qu'il a perdu et l'enrichir de nouvelles pratiques créatrices d'entreprises et d'emplois, au service du développement durable.

Elle ne réussira qu'associée à une réorientation suffisamment claire et crédible, portée par l'Etat, de la politique ferroviaire française, de nature à libérer l'initiative des acteurs locaux et des Régions. Les Parlementaires, les Régions, au carrefour des atouts du rail français, de ses insuffisances, des attentes nouvelles, ont un rôle important à jouer.

A udition de MM. Patrick LAME et Sylvain PAPILLAUD,
représentants de la fédération FO cheminots,
16 septembre 2013

Dans les années 1990 s'est développée l'idée dogmatique que la concurrence allait entraîner une baisse des coûts. La France a fait le choix de procéder à une séparation structurelle entre l'infrastructure ferroviaire et l'opérateur, alors que le droit européen ne demandait qu'une séparation comptable. Toutefois, la seule séparation comptable n'est pas la solution à tous les problèmes de la SNCF, comme le montre le fret.

Le projet actuel de réforme des structures SNCF et RFF ne constitue pas un véritable rapprochement entre ces deux entités. La fédération FO cheminots n'est pas opposée à une réunification au sein d'une même entité du réseau et de l'opérateur. D'ailleurs, le rapport de Sir Mac Nulty commandé par la commission européenne a jugé qu'au Royaume-Uni, il était nécessaire de réintégrer certaines franchises. Elle pousse ainsi au retour à un certain monopole. Toutefois, dans le rapprochement proposé par la réforme, on passerait de deux à trois entreprises. En outre, RFF est constitué de 1 500 salariés tandis que la nouvelle entité compterait 50 000 cheminots. Or, l'on ne sait pas encore comment un équilibre à l'intérieur de la nouvelle structure va être trouvé. Le risque de tension sociale est fort, notamment en raison des menaces pouvant peser sur le statut et la réglementation du travail. La réforme ne fait que déporter les rigidités existant entre la SNCF et RFF, sans régler la question des 40 milliards d'euros de dette. Or cette réforme n'a de sens que si elle permet une synergie efficace. Aujourd'hui, le seul schéma efficace semble être celui existant avant 1997 qu'il est juridiquement possible de remettre en place. En effet, la séparation RFF SNCF n'a pas pour origine une obligation européenne, mais visait notamment à isoler la dette. Or, il existe aujourd'hui un risque d'explosion si la dette continue à galoper.

L'ouverture à la concurrence n'est pas de nature à faire baisser les coûts et peut avoir des répercussions pour les emplois. C'est ce qu'a montré l'exemple du secteur des télécommunications. L'ARCEP estime ainsi une perte d'emplois représentant 8% du secteur. Il en est de même dans le secteur de l'énergie. L'ouverture à la concurrence n'a pas créé une émulation. En matière ferroviaire, le risque est encore plus grand, notamment en termes de sécurité ferroviaire. En effet, le secteur ferroviaire se caractérise par le fait que la main d'oeuvre est coûteuse. Dès lors se posent les questions du financement et de la capacité à supporter ces coûts. Pour les TER et les trains d'équilibre du territoire, le financement se répercuterait sur l'usager et le contribuable.

En ce qui concerne l'accélération du rythme de rénovation des voies par RFF, il est important de souligner que si l'on constate un doublement du nombre de kilomètres rénovés ces dernières années, ces 1 000 kilomètres ne représentent qu'une très petite partie du réseau. À ce rythme, les lignes les plus récentes ne seront rénovées que dans 28 ans. Or, la rénovation des voies représente un coût considérable. C'est pourquoi, la performance économique ne peut être le seul paramètre pris en compte. En 2019, le transport de voyageurs pourrait être ouvert aux entreprises privées. RFF sera-t-il capable de projeter le prix des péages pour rembourser les 40 milliards d'euros de dette ? A contrario, pour le transport routier, le coût réel n'est pas imputé sur les entreprises de transport.

L'organisation de la SNCF par activité a conduit à considérer le train comme un produit, ce qui a pesé sur l'identité cheminote. On a assigné aux TER des objectifs de performance économique. Cette activité se voit désormais facturer par la SNCF, par exemple, toute intervention de la SUGE. Peut alors se poser la question pour les TER de savoir jusqu'à quel point peut se dégrader l'équilibre économique pour assurer la sécurité. L'inverse est malheureusement également vrai. La gestion par activité a conduit à consacrer le personnel uniquement à cette activité. La gestion par branche traduit cette gestion par activité qui a conduit, pour les cheminots, à une dégradation d'appartenance à un corps social. Conséquence directe de cette gestion par activité, le directeur régional SNCF a moins de pouvoirs qu'auparavant, du fait de la perte de cohérence dans l'organisation de la SNCF. Or, c'était le directeur de région qui était le garant de la coexistence du système. Aujourd'hui, le directeur de région est un interlocuteur, le représentant de la direction d'entreprise.

FO n'était au départ pas favorable à la régionalisation des TER. D'une part, il critiquait la complexité dans la prise de décision, et d'autre part, l'engagement pris de retour d'expérience après l'expérimentation dans les régions pionnières n'a pas été respecté. Ce bilan n'a jamais été fait. En outre, l'on a constaté la suppression d'un nombre important d'arrêts.

En ce qui concerne le fret, l'ouverture à la concurrence n'a pas entraîné une baisse des prix, ni de création d'emplois. Au contraire certains ont été supprimés. C'est notamment le cas à Cerbère où ECR a repris le marché. 50 à 60 postes de cheminots ont été supprimés, et l'entreprise ECR a préféré recourir à des salariés espagnols dans des conditions contraires au droit Français. Le développement du fret pose la question du financement. L'une des pistes pourrait être un financement par la route. Mais, l'on constate qu'en même temps que l'on prônait le développement du fret ferroviaire pour des raisons écologiques, la circulation des camions de 44 tonnes a été autorisée.

A udition de MM. Francis DIANOUX et Julien TROCCAZ,
représentants de la fédération Sud-Rail Solidaires,
2 octobre 2013

L'histoire du chemin de fer français est marquée par une forte centralisation. L'une des conséquences de ce centralisme est que le transport de proximité a été maltraité. Aujourd'hui, il s'agit d'éviter la création de frontières à l'intérieur du système ferroviaire français. Un équilibre doit être trouvé entre centralisation et décentralisation dans un souci d'efficacité.

Par ailleurs, derrière le terme décentralisation, la direction de la SNCF met en place un système inacceptable.

L'histoire du chemin ferré a montré que donner tous les pouvoirs à l'État ne fonctionne pas. Le renforcement des relations entre la SNCF et les élus locaux qui sont plus proches des citoyens parait être une bonne chose. Toutefois, on a construit les relations entre les autorités organisatrices de transport et la SNCF sur des bases marchandes pour les TER, par la mise en place de délégations de service public. Ce n'est pas la meilleure solution. L'augmentation du nombre de pages à chaque nouvelle génération de convention ainsi que la mise en place des notions de pénalités financières ou de primes sont la preuve de cette relation principalement marchande.

L'avantage d'un EPIC est qu'il permet d'être inventif quant à sa forme et son fonctionnement. En effet, il n'est pas soumis au code du commerce. Pour passer d'une logique marchande à une logique de service public, des réformes sont nécessaires. L'État ne peut être le seul patron. Aujourd'hui, il se comporte comme un actionnaire qui a laissé faire et se contentant de récupérer ses dividendes. Avec le rôle qu'elles jouent dans les territoires, il faut que les régions soient mieux représentées au conseil d'administration, au côté des usagers et des syndicats.

En matière de transparence des coûts, les perspectives d'ouverture à la concurrence ont entraîné une certaine méfiance voire défiance envers le reporting financier. Cela provient en grande partie du rapport marchand : les coûts sont au coeur de la concurrence, dès lors, il est nécessaire de les cacher. Certaines régions ont alors recours à des cabinets proches de la concurrence pour auditer les coûts. En outre, une ligne s'inscrit dans un système, le coût ne peut être isolé ligne à ligne. La région constitue un cadre plus adapté.

Parmi les points incontournables des conventions TER, l'on peut citer les garanties relatives au statut social. En outre, Sud Rail souligne les incompréhensions des élus vis-à-vis des frais généraux. Il est nécessaire de mieux les expliquer. C'est également une des raisons qui plaident pour une présence renforcée des régions au conseil d'administration de la SNCF. Une partie de frais généraux est due à l'ingénierie ferroviaire. Il est nécessaire, pour conserver les compétences, de faire de la formation continue. Cela rentre dans les frais généraux. Or certains vice-présidents en charge des transports ne veulent pas l'entendre.

Sur la comptabilité, Sud Rail souligne que la SNCF a fait le choix de privilégier les outils permettant de mettre en place une comptabilité aux normes IFRS. Pour cela elle a abandonné toute velléité de comptabilité analytique qui existait pourtant autrefois. Or cela entraîne des surcoûts. En outre, deux comptabilités doivent être tenues, car loi oblige un EPIC à tenir des comptes répondant aux normes françaises.

En ce qui concerne le directeur régional, la direction actuelle a affaibli les pouvoirs du directeur régional SNCF. Il y a une dizaine d'années, la direction régionale avait autorité sur tous les services de la SNCF. Or, l'on constate une perte progressive de pouvoir en 2007-2008, qui s'est renforcée au 1 er janvier 2010 puisque l'infrastructure (circulation, maintenance et travaux d'ingénierie) est sortie du giron de l'autorité du directeur régional. En outre, l'on constate un changement dans les profils de recrutement. Auparavant, il s'agissait principalement de cadres dirigeants qui étaient des ingénieurs ferroviaires. Aujourd'hui, ce sont plutôt des profils portés sur le marketing et la communication. Cela correspond aussi à l'évolution des missions du directeur régional : en effet, aujourd'hui, il est le porte-parole de la SNCF et négocie les conventions.

La situation du fret est catastrophique. La SNCF l'a abandonné. Aujourd'hui, le fret ferroviaire transporte 30 milliards de tonnes/km. Il en transportait 50 milliards il y a encore quelques années. En absence d'une politique de transport volontariste, le fret ferroviaire n'est pas dans le marché à l'exception de niches. En outre, la perte de part de marché sur certaines niches ne permet plus de financer les pertes. Cela se traduit concrètement par des pertes de compétence pour les agents. Ainsi en gare de triage, l'on constate une perte des connaissances nécessaires au mécanisme fin du lotissement. Or, un OFP ne peut pas marcher sans lotissement.

La relance du fret local nécessite deux conditions : d'une part, avoir la garantie du fonctionnement des infrastructures mises en veilleuse il y a quelques années ; d'autre part, renforcer les compétences métiers. Le fret local nécessite des plans de transport plus sophistiqués, une bonne correspondance dans les hubs. Or aujourd'hui, les horairistes ont été formés beaucoup trop rapidement et n'ont plus les moyens de réaliser ce travail complexe. Il y a eu des tentatives de modernisation, mais cela a été un échec.

En matière de financement, la fédération sud-rail est très réticente à un financement par liberté tarifaire.

Le transport ferroviaire local demande une maîtrise technique et sécuritaire plus sophistiquée que le tram et le métro. L'ouverture à la concurrence des TER peut avoir un effet de déstabilisation. L'ingénierie ferroviaire ne doit pas être oubliée.

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