5. Le « pays du matin calme » en Afrique.

A l'instar de la Chine ou de la Russie, la présence sud-coréenne en Afrique est peu connue mais ancienne.

Suite à la guerre de Corée, le continent devient le théâtre de la concurrence diplomatique qui oppose Séoul à Pyongyang. Désireuse de circonscrire l'influence de sa rivale sur le continent, la Corée du Sud envoie donc des missions de bonne volonté au Libéria, en Libye, en Tunisie, au Ghana et au Soudan à partir de janvier 1960.

Mais c'est véritablement au tournant des années 2000 que la Corée du Sud s'intègre à ce que certains commentateurs appellent « la ruée africaine ». En effet, en 2006, le Président Roh Moh-hyun annonce l'« initiative pour le développement en Afrique », point de départ du renouveau diplomatique sud-coréen en direction de l'Afrique.

Trois raisons expliquent l'importance du continent pour Séoul. D'abord, l'ouverture commerciale à l'Afrique permettra à la Corée du sud de doubler son PIB par habitant de 20 000 à 40 000 dollars. Ensuite, Le soutien apporté aux pays en développement aidera la Corée du Sud à asseoir son statut au sein de la communauté internationale et facilitera à long terme les relations avec les partenaires africains. Enfin, Le potentiel de croissance du continent et le rôle de marché alternatif qu'il présente sont des facteurs clés en cas de stagnation économique de la Chine.

Afin de mettre en place cette stratégie, le gouvernement coréen a entrepris une série d'actions multilatérales. Six mois avant le Sommet sino-africain de Pékin, Séoul a accueilli, en avril 2006, la première Conférence ministérielle de coopération économique entre la Corée du Sud et les pays africains (KOAFEC) co-organisée par le gouvernement sud-coréen et la Banque africaine de développement (BAD). En 2008, à l'occasion de la deuxième KOAFEC, le ministre des finances sud-coréen a affirmé la volonté de son pays de s'engager dans une « coopération gagnant-gagnant pour promouvoir le développement durable » et « contribuer au développement de l'Afrique ». La 4 e rencontre qui s'est tenue en octobre 2012 a mis l'accent sur la thématique de la « croissance inclusive ».

Une percée sélective

La Corée du Sud met également en place des relations diplomatiques bilatérales de façon sélective. Ainsi quatre représentants ont été choisis pour chaque sous-région : l'Afrique du Sud pour l'Afrique australe, le Ghana en Afrique occidentale, le Kenya en Afrique orientale et la RDC en Afrique centrale. C'est autour de ces pays que Séoul souhaite concentrer son effort diplomatique afin de s'implanter durablement sur le continent.

Cette diplomatie bilatérale menée au plus haut niveau de l'Etat vise à préserver en priorité la coopération dans le domaine énergétique. La Corée du sud est en effet très dépendante à l'importation de telles ressources : en 2010 elle était le 7 e consommateur mondial de pétrole et dépend actuellement du Moyen-Orient pour 82 % de sa consommation. Elle est également le deuxième plus grand importateur de gaz naturel liquéfié, après le Japon.

Cette vulnérabilité, conjuguée aux instabilités régionales qui menacent le Moyen-Orient, a conduit Séoul à réfléchir à la sécurisation et à la diversification de ses importations. Plusieurs compagnies sud-coréennes ont ainsi obtenu des contrats d'exploitations dans des pays africains : Samsung a conclu un accord avec le Gabon pour construire une raffinerie à Port Gentil, dont le coût est estimé à un milliard de dollars, opérationnelle en 2016. SK group a signé un accord de d'investissement de 5,5 milliards de dollars avec une firme nigériane dans les secteurs pétrolier, gazier et logistique.

Le groupe sud-coréen a également des intérêts pétroliers en Algérie, en Côte d'Ivoire et en Guinée équatoriale. Enfin la compagnie Korea National Oil Corporation est présente sur le continent depuis les années 1990. Après avoir mené des opérations en Libye (bloc Elephant NC174), elle exploite plusieurs blocs dans l'offshore nigérian et vient de signer un accord de partenariat avec la compagnie nationale sud-africaine PetroSA qui concerne les secteurs du pétrole et du gaz en Afrique du Sud et dans d'autres pays du continent.

Les projets se multiplient également dans le domaine minier : Daewoo International a accéléré ses efforts pour se développer sur le continent : présente au Nigéria depuis 1975 elle a ouvert de nouvelles filiales en 2011 au Cameroun et en RDC. Elle exploite la mine Ambatovy à Madagascar qui abrite l'une des plus grandes réserves de nickel latéritique au monde. Des projets miniers en Ethiopie et en RDC sont également en cours et concernent l'extraction de cuivre. Le géant mondial de l'acier Posco a conclu des accords avec des firmes australiennes et suisses afin d'exploiter des mines au Cameroun et au Zimbabwe.

La décennie 2000 se caractérise ensuite par une intensification des échanges commerciaux entre l'Afrique et la Corée du Sud : d'un montant global de 6,4 milliards de dollars en 2000 contre 11,5 en 2005, ils s'élèvent à 22,2 milliards en 2011 grâce aux efforts de Séoul. L'objectif sud-coréen est désormais clair : atteindre le chiffre de 80 milliards de dollars en 2020.

La structure de ces échanges est des plus classiques : Séoul exporte principalement des machines, des équipements de transports, des produits manufacturés et des produits chimiques tandis qu'elle importe majoritairement des matières premières. On retrouve ici une dynamique commerciale tout à fait comparable à celle qui lie l'Afrique à ses partenaires traditionnels.

Concernant l'aide au développement, le gouvernement sud-coréen a affirmé en novembre 2012 sa volonté d'élargir significativement son soutien aux pays africains. L'aide au développement est octroyée par la Korea International Cooperation Agency (KOICA) qui possède des bureaux régionaux en Ethiopie, au Nigéria, au Ghana, au Rwanda, au Mozambique, en Ouganda, au Cameroun, en RDC, au Kenya, en Egypte, au Maroc, au Sénégal, en Tanzanie, en Algérie et en Tunisie. Selon les chiffres de la KOICA,  en 2009, 19 % du budget dédié à la coopération était destiné à l'Afrique.

L'Afrique semble donc être un atout, voire un outil de cette stratégie, pour Séoul qui bénéficie d'une image globale très positive auprès des populations africaines. Cependant, l'implantation croissante du « pays du matin calme » en Afrique n'est pas exempte de troubles : c'est l'activité d'une des compagnies sud-coréennes qui a été à l'origine de la crise politique qui secoue Madagascar.

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