IV. L'AFRIQUE AU COEUR D'UNE REDISTRIBUTION DES CARTES ENTRE ANCIENNES PUISSANCES COLONIALES ET NOUVELLES PUISSANCES ÉMERGENTES

La percée des émergents et des nouvelles puissances intermédiaires en Afrique illustre la place que ces pays ont acquise dans la première décennie du XXI e siècle au sein de l'économie mondiale.

Quand on évoque le basculement de la richesse vers le Sud, on en voit précisément les résultats en Afrique où les entreprises indiennes et chinoises, comme leurs États respectifs, ont des capacités de financement qui aujourd'hui font défaut aux pays occidentaux et à leurs entreprises.

Comme nous l'a dit Lionel Zinsou, président de PAI partners, société d'investissement, « la pénétration des marchés africains exige aujourd'hui des stratégies panafricaines avec des investissements que les entreprises françaises n'ont pas en ce moment les moyens de se payer ».

A l'origine de ce processus, on trouve un différentiel de croissance qui perdure. Les chiffres en témoignent : alors que les pays de l'OCDE représentaient 62 % de l'économie mondiale en 1990, on prévoit que leur part tombera à 43 % d'ici à 2030, les 57 % restants revenant aux pays émergents et en développement.

Il n'est toutefois pas nécessaire de regarder l'avenir pour prendre la mesure de ce basculement.

En 2008, alors même que la crise économique frappait, le PIB augmentait de 5,6 % dans les pays en développement, mais de seulement 0,5 % dans les pays développés de l'OCDE.

Dans un avenir prévisible, les pays émergents devraient continuer à connaître une croissance bien plus forte que leurs homologues occidentaux.

Forts de cette dynamique économique, les pays émergents s'imposent en Afrique comme ailleurs dans le monde. Pour des pays comme la Chine, il s'agit en outre de trouver des relais de croissance au cas où la croissance chinoise s'essoufflerait.

Des liens se tissent entre les pays du « Sud » en contournant les puissances économiques traditionnelles d'Europe et d'Amérique du Nord. Cela offre de nouvelles opportunités aux pays africains. Et c'est indéniablement un nouveau défi pour les pays occidentaux, en général, et pour l'Europe et la France, en particulier.

Se jouent là, sur le continent africain, non seulement, à l'évidence, des opportunités économiques dont les pays occidentaux en panne de croissance ont besoin, mais également une partie de leur influence dans le choix des Africains sur les modèles d'organisation politique et de développement économique.

Regardons de plus près les motivations communes de cette ruée sur le continent noir pour en mesurer la dimension politique. Que vont chercher ces nouveaux acteurs en Afrique ?

A. APPROVISIONNEMENT CONTRE INFRASTRUCTURES : DES MOTIVATIONS D'ABORD ÉCONOMIQUES

Les nouveaux partenaires des Etats africains importent comme par le passé des produits agricoles : café, cacao, coton, bois, noix de cajou, arachide, banane, et des minerais et métaux rares ou précieux dont les puissances industrialisées ont besoin : platine, chrome, manganèse, cobalt, vanadium, cassitérite et uranium.

Mais c'est au premier chef le pétrole africain qui attise les plus grandes convoitises.

L'Afrique subsaharienne assure respectivement 27 % et 21 % des importations chinoises et indiennes de pétrole et 70 % des importations brésiliennes.

Dans le même temps, entre 2000 et 2007, la part du continent africain dans les importations pétrolières des États-Unis est passée de 14,6 % à 19,4 % alors que celle du Moyen-Orient se réduisait de 22,6 % à 16,1 %.

Qu'ils soient nouveaux ou traditionnels les partenaires des pays africains viennent en premier lieu s'assurer une source d'approvisionnement en hydrocarbure alternative au Moyen-Orient.

Cet approvisionnement est vital pour les économies en croissance des pays émergents, et en particulier pour la Chine et l'Inde qui n'ont, contrairement aux États-Unis, pas de ressources propres.

Importations de pétrole africain par les puissances émergentes

S'agissant des minerais, le décollage économique des émergents a accru leurs besoins et, de ce fait, leurs importations.

Ainsi entre 2001 et 2010, la part des puissances émergentes dans les importations mondiales de minerais est passée de 18 % à plus de 52 %.

Cette situation s'explique par la faiblesse de leur production nationale qui les rend particulièrement dépendants de leurs importations de minerais. Ainsi les pays africains assurent 98 % de la consommation chinoise de cobalt, 97 % de chrome, 94 % de platine, 84 % de cuivre, 78 % de manganèse.

Cette dépendance est particulièrement forte pour la Chine qui assure ainsi en Afrique un approvisionnement vital pour son industrie.

Selon les données Chelem (CEPII), la part de la Chine dans les exportations africaines de produits miniers a par ailleurs augmenté de 7 % à 39 % entre 2000 et 2009, celle de l'Inde de 2 % à 5 %. Au cours de la même période, la part de l'Union européenne a été ramenée de 47 % à 26 %.

L'intérêt des puissances étrangères pour les ressources pétrolières et minières explique ainsi la géographie de leurs investissements : l'Afrique du Sud, l'Angola et le Soudan sont les trois principaux partenaires de la Chine en Afrique, tandis que le Nigeria est le premier partenaire commercial de l'Inde sur le continent.

Les partenaires émergents et les pays occidentaux se disputent l'accès aux ressources naturelles, mais un examen plus détaillé des flux commerciaux et d'investissement dans d'autres secteurs met en lumière des complémentarités géographiques.

Les partenaires traditionnels sont plus présents dans l'Afrique du Nord et de l'Ouest, alors que les nouvelles puissances sont plus visibles en Afrique centrale, orientale et australe.

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