D. UN BUDGET EUROPÉEN BEAUCOUP TROP LIMITÉ

Le montant du budget est trop faible pour servir une véritable ambition européenne. Le poids prédominant des contributions nationales bloque toute évolution vers un budget plus conséquent.

1. Une atteinte à la crédibilité de l'Union européenne

Le budget européen s'est élevé, en 2013, à 150,9 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 1,13 % du PIB de l'UE, et à 132,8 milliards d'euros en crédits de paiement (0,99 % du PIB de l'UE). Ce montant est comparable à celui d'un État européen de taille moyenne. On se trouve dans la situation paradoxale dans laquelle des compétences de l'Union ont été renforcées au fil des traités successifs, mais avec un budget européen qui est resté limité autour de 1 % du PIB.

Le Conseil européen de février 2013 a prévu, pour le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020, un plafond des dépenses à 960 milliards d'euros (Md€) en crédits d'engagement, soit 1 % du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne. Le total des crédits de paiement (CP) est de 908 Md€, soit 0,95 % du RNB. En juillet 2013, le Parlement européen a donné son consentement de principe à un accord politique dégagé avec les États membres qui répond à ses demandes concernant la flexibilité dans l'utilisation des montants et une révision du CFP à mi-parcours.

Une telle situation porte atteinte à la crédibilité de l'Europe et ne permet pas de pratiquer une politique de relance au travers de différents secteurs tels que la recherche, les infrastructures de transport, la transition énergétique, etc...

En témoigne le plan de relance européen : pour l'essentiel, ce plan a procédé du cumul de 27 plans nationaux ; sur un total de 200 milliards d'euros, 170 sont issus des budgets des États membres, 30 de l'Union européenne, dont 25 par le biais de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), et 5 seulement du budget européen, répartis sur 2009 et 2010. Il a fallu une succession de réunions du Conseil européen pour que l'Europe parvienne à apporter des réponses crédibles de nature à arrêter la spéculation.

Un montant significativement plus élevé serait aussi nécessaire pour renforcer les solidarités territoriales dans l'espace européen et permettre au budget de l'Union d'exercer les fonctions budgétaires classiques (allocation, redistribution et stabilisation).

En pratiquant une telle limitation du budget européen, les chefs d'États et de gouvernements n'ont fait que transposer à ce niveau leurs politiques nationales de réduction des déficits. C'est oublier que ce qui était normal au niveau national, compte tenu des niveaux d'endettement des États, ne l'était pas au niveau européen puisque l'Europe, privée du droit d'emprunter, n'était pas endettée. C'est donc à ce niveau que la politique de relance aurait dû prendre tout son sens.

2. Le poids prédominant des contributions nationales

Le poids prédominant des contributions nationales dans le financement du budget européen constitue un obstacle manifeste à son éventuelle progression dans un contexte marqué par les fortes contraintes pesant sur les budgets nationaux. La part des ressources propres authentiques dans le budget de l'Europe n'a cessé de diminuer ; elle ne représente plus aujourd'hui que 14 % du budget total. Comme votre rapporteur avait déjà eu l'occasion de le relever 10 ( * ) , cette renationalisation des ressources du budget présente de nombreux inconvénients qui mettent en danger le projet européen : la généralisation du raisonnement du « juste retour », qui occulte les avantages intrinsèques du niveau européen (gain du marché unique, de l'intégration européenne, des synergies créées et des économies d'échelle) ; l'instauration de rabais au bénéfice de plusieurs pays dont le Royaume-Uni, qui ont beaucoup perdu de leur légitimité ; un nationalisme budgétaire au moment où la crise exige que l'Europe accélère son intégration et se dote de nouveaux moyens.

C'est pourquoi votre rapporteur avait préconisé plusieurs mesures : augmenter sensiblement la part des ressources propres dans les recettes du budget de l'Union (objectif 60 %) ; réformer les « rabais » ; faire passer le budget de l'Union de 1 % du RNB à 2 % d'ici 2020, sans dépenses nouvelles, en transférant certaines d'entre elles du niveau national au niveau européen.

Une telle réforme permettrait une relance de la croissance et de l'emploi au seul niveau pertinent, c'est-à-dire au niveau où il n'existe pas d'endettement. Elle allègerait la contribution de chaque État qui pourrait ainsi réduire plus facilement sa dette souveraine. Elle conférerait plus d'efficacité aux investissements effectués à un niveau où peuvent être organisées de nouvelles synergies et économies d'échelle.


* 10 Rapport d'information n° 385 (2011-2012) de M. Pierre Bernard-Reymond : « Les ressources propres : un nouveau test de la capacité de l'Union européenne à se réinventer ».

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