C. L'ÉVOLUTION DU PARTENARIAT POUR LA DÉMOCRATIE CONCERNANT LE CONSEIL NATIONAL PALESTINIEN

En octobre 2011, le Conseil national palestinien est devenu le second parlement à se voir octroyer le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée. Deux ans plus tard, l'Assemblée a dressé un premier bilan des développements en Palestine intervenus depuis cette date. Elle a salué le plein usage fait par la délégation palestinienne de la possibilité qui lui avait alors été ouverte de participer aux travaux de l'Assemblée et a proposé une réévaluation de ce partenariat dans un délai de deux ans.

La commission sur l'égalité et la non-discrimination a insisté, quant à elle, sur la nécessité de prendre sans attendre des mesures concrètes pour éradiquer les violences faites aux femmes.

Si quelques retards ont été pris dans les réformes programmées, ils s'expliquent selon le rapport, par l'occupation israélienne et la scission avec Gaza qui empêchent la mise en oeuvre pleine et entière de l'État de droit et le bon fonctionnement du système judiciaire.

Ces raisons ont été soulignées par M. François Rochebloine (Loire - UDI) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, en accordant au Conseil national palestinien le statut de partenaire pour la démocratie, notre Assemblée accomplissait, il y a un peu plus de trois ans, un geste doublement significatif : elle offrait à la réalité politique de la Palestine un nouveau lieu de dialogue avec l'Europe ; elle affirmait sa foi dans la capacité de contagion des valeurs communes qui fondent la vie démocratique en Europe.

Notre rapporteur indique clairement que son intention a bien été de nous proposer un bilan de cette initiative, et donc d'évaluer dans quelle mesure les objectifs du partenariat pour la démocratie ont été atteints, ou du moins approchés.

Il rappelle les engagements pris par le Conseil national palestinien, qui constituent autant de reprises de principes depuis longtemps formulés par le Conseil de l'Europe. On constate, en lisant son rapport, que les autorités qu'il a rencontrées se sont employées à faire référence à ces engagements et à mettre en valeur les efforts accomplis pour y faire face.

Il indique que ses interlocuteurs palestiniens ont souvent mis en avant le conflit avec Israël pour justifier les retards pris ou les manquements constatés dans l'application des réformes souhaitées par le Conseil de l'Europe. Sans doute y a-t-il quelque chose d'automatique et de convenu dans une telle justification. Mais on ne peut nier que l'évolution actuelle des relations entre Israël et la Palestine, dans le contexte troublé que connaît généralement le monde arabe, n'est pas de nature à faciliter la réalisation concrète de réformes dont la progression nécessite, dans des zones plus « calmes », un minimum de stabilité.

La poursuite du partenariat pour la démocratie n'est pas facile à envisager dans une conjoncture caractérisée, selon le rapporteur lui-même, par « l'inexistence actuelle d'un pouvoir législatif effectif à l'origine d'un grave déséquilibre dans les structures étatiques palestiniennes ». On sait aussi que les relations entre le Président de l'Autorité nationale palestinienne et son Premier ministre ne sont pas excellentes. Enfin, la dissociation de l'assiette territoriale de l'Autorité nationale palestinienne entre deux zones séparées à la fois par la géographie et par les dissensions internes au sein des forces politiques palestiniennes n'est pas de nature à faciliter l'édification d'une société politique au sens où nous entendons ce terme en Occident.

D'ailleurs, les négociations entre le Hamas et le Fatah ne semblent pas devoir déboucher, à une échéance très proche, sur la constitution d'un gouvernement d'union nationale, lequel permettrait pourtant de renforcer la cohésion de la société palestinienne et la capacité de l'Autorité nationale palestinienne à se faire entendre sur la scène internationale comme dans les négociations bilatérales.

Le rapporteur a certainement présents à l'esprit tous ces faits quand il conclut à l'impossibilité pratique pour les Palestiniens de conduire un certain nombre des réformes auxquelles ils ont donné leur assentiment de principe. Cependant, il affirme la nécessité de poursuivre la coopération déjà engagée, notamment le partenariat pour la démocratie mis en oeuvre par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il a raison : il ne faut rompre aucun des liens qui peuvent permettre, à une échéance plus ou moins rapprochée, la mise en place progressive d'institutions véritablement démocratiques en Palestine, même si, pour le moment, les possibilités concrètes de voir des développements positifs demeurent, hélas !, très limitées. »

Mme Brigitte Allain (Dordogne - GE) a insisté sur le rôle profondément perturbateur de l'occupation israélienne :

« Monsieur le rapporteur, vous évoquez dans votre projet de résolution le fait que l'occupation israélienne n'a pas permis au Conseil national palestinien de respecter tous ses engagements. Il convient de rappeler avec force que ce contexte crée des difficultés qui sont incompatibles avec l'émergence d'une démocratie.

Le mur qui sépare depuis plus de dix ans Israël et les territoires occupés en est le symbole le plus insolent. Déclaré illégal par la Cour internationale de justice de La Haye le 9 juillet 2004, il constitue une violation inacceptable du droit international. Il représente 60 000 hectares de terres fertiles et une centaine de puits, auxquels s'ajoutent des sites de forage importants. Fait accompli pour l'avenir, le mur aggrave considérablement les conditions de vie et de travail des Palestiniens. Ses principales victimes sont les paysans expropriés, souvent séparés d'une partie de leur exploitation ; les commerçants situés de l'autre côté d'al-Ram déplorent une baisse de 30 % à 50 % de leur chiffre d'affaires ; les médecins et infirmiers ne peuvent plus travailler à Jérusalem. Certains habitants risquent de perdre leur logement. De nombreux étudiants et travailleurs doivent faire preuve d'une grande patience chaque jour pour passer les checkpoints et autres obstacles improbables. Cette situation humanitaire déjà difficile a été aggravée par la crise politique en Égypte, avec la fermeture de tunnels qui permettaient à la population de survivre.

Alors, comment espérer la mise en place d'une réelle démocratie sur ces terres où les droits humains sont bafoués ? Tout à l'heure, à propos du racisme, on a parlé de crime contre l'humanité. Comment accepter les crimes perpétrés par l'État d'Israël à l'encontre de peuples vivant dans un état de guerre perpétuelle ? L'implication de l'Union européenne par l'intermédiaire du soutien des entreprises d'armement doit être dénoncée.

Heureusement, des espoirs nous sont permis ; ils émanent d'actes courageux des peuples en résistance qui s'expriment chaque automne lorsque des boucliers humains venant du monde entier - parmi lesquels on compte des centaines de volontaires israéliens - permettent aux paysans palestiniens de récolter leurs olives ou de replanter des arbres. Ils agissent ainsi pour un changement possible et pour l'émergence d'un vivre ensemble indispensable pour que la démocratie se développe sur ces terres. L'exemple de la nation arc-en-ciel qui a émergé en Afrique du Sud à la fin de l'Apartheid nous prouve que les murs peuvent tomber, même en Palestine. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a appelé l'Assemblée à davantage de bienveillance eu égard aux circonstances particulièrement difficiles auxquelles doit faire face le peuple palestinien :

« Je remercie Tiny Kox pour ce rapport et je salue nos collègues palestiniens, et parmi eux le président du Conseil législatif palestinien, ou du moins ce qu'il reste de ce dernier.

Monsieur Schennach a eu raison de rappeler que les élections de 2006 ont été observées par la communauté internationale et que leurs résultats n'ont pas été reconnus. Nous portons par conséquent un peu la responsabilité des divisions qui existent aujourd'hui et nous sommes excessifs quand nous appelons à la réconciliation, à des élections et à la formation d'un gouvernement d'unité nationale. Certes, ce sont les objectifs qu'il faut atteindre, mais nous ne devons pas oublier le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui.

L'ONU a donné un nom à la Palestine et le statut d'État non membre, mais la Palestine reste un État virtuel, celui d'un peuple hors sol et occupé. La Cour internationale de justice a déclaré illégal le blocus israélien. Il y a en Cisjordanie 60 check points permanents, 410 check points volants, 436 obstacles physiques, 100 types de permis de circuler différents, 250 colonies, 500 000 colons, et des murs, des murs... Ajoutons l'annexion de Jérusalem Est et la volonté, affirmée au mois de décembre, d'annexer la vallée du Jourdain - c'est-à-dire 9 à 15 kilomètres de terres agricoles, un espace touristique, une zone où le foncier a un prix, 80 000 Palestiniens et 950 colons...

Je voudrais dire à nos amis israéliens que je reconnais leur existence et leur besoin de sécurité, mais celui-ci ne légitime pas tout. J'éprouve donc une certaine gêne, Monsieur le rapporteur, devant la disproportion entre la situation dramatique du peuple palestinien et nos exigences légitimes, lesquelles doivent être adaptées à la nature de la situation.

J'ai lu le courrier de nos amis palestiniens : non, nos exigences ne sont pas injustes, elles sont légitimes. Je souhaite et je pense que les Palestiniens arriveront au bout du processus engagé avec le partenariat pour la démocratie. Mais, de notre côté, faisons preuve de davantage de bienveillance ! »

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