N° 504

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 mai 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le statut avancé de la Jordanie auprès de l' Union européenne ,

Par M. Simon SUTOUR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM.  Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

AVANT-PROPOS

La dixième session plénière de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée, qui s'est tenue sur les bords de la Mer morte les 8 et 9 février 2014, a permis de mettre en lumière les liens qui unissent la Jordanie et l'Union européenne depuis 1977. Le Royaume hachémite, qui comme le Maroc bénéficie du statut avancé auprès de l'Union européenne, constitue un partenaire clé dans une région marquée par le conflit israélo-palestinien depuis des décennies et, plus récemment, par la guerre civile en Syrie.

C'est à l'aune de ces événements mais aussi du « printemps arabe », que les relations entre l'Union européenne et la Jordanie ont évolué ces dernières années, avec, en filigrane, l'objectif élevé de renforcer l'adhésion du pays aux valeurs démocratiques, mais aussi de juguler la crise économique et la dépendance énergétique et hydraulique qui l'affectent.

L'éclairage porté sur la coopération entre l'Union européenne et les pays du Maghreb ne doit pas occulter ce partenariat original au sein d'une région souvent résumée à un « terrain de jeu » militaire américain ou à une « chasse gardée » des pétromonarchies du Golfe. Il doit notamment permettre au Royaume hachémite d'avancer sur des projets concrets.

Le présent rapport vient compléter le document publié par la commission des affaires européennes en octobre 2013 sur la politique méditerranéenne de l'Union européenne et sa déclinaison au Maroc et en Tunisie.

La Jordanie en quelques chiffres

Superficie : 92 300 km 2

Population : 6 388 000 habitants (hors réfugiés syriens)

Indice de fécondité : 3,5 enfants par femme

Densité : 71,9 habitants au km 2

PIB (2012) : 22,35 milliards d'euros

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (2011) :

- Agriculture : 4,5 %

- Industrie : 30,8 %

- Services : 64,7 %

PIB par habitant en SPA (2012) : 3 497 euros 1 ( * )

Taux de croissance (2012) : 2,7 %

Solde budgétaire (2012) : - 8,2 %

Taux d'endettement (2012) : 75 ,5 % du PIB

Taux d'inflation (2012) : 4,8 %

Taux de chômage (2012) : 12,5 %

Principaux clients : États-Unis, Irak, Inde, Arabie Saoudite, Liban

Principaux fournisseurs : Arabie Saoudite, Chine, USA, Italie, Allemagne

I. UN PARTENARIAT AVEC L'UNION EUROPÉENNE EN CONSTANTE ÉVOLUTION

Mis en place dès 1977, le partenariat entre l'Union européenne et la Jordanie a débouché sur l'octroi du statut avancé au royaume hachémite en 2010. Le « printemps arabe » et la guerre civile en Syrie ont, par la suite, contribué à redéfinir et majorer les contours de l'aide accordée à Amman.

A. DE L'ASSOCIATION AU STATUT AVANCÉ

1. Un changement progressif de statut...

Le premier accord de coopération entre la Jordanie et la Communauté européenne remonte à 1977, avant que le pays ne bénéficie à partir de 1995 du programme MEDA. L'Union européenne a, dans le même temps, consacré d'importantes ressources financières afin que le partenariat avec la Jordanie puisse atteindre ses objectifs. 500 millions d'euros ont ainsi été versés durant cette période au titre de l'assistance financière de l'Union.

Deuxième étape de cette coopération, l'accord d'association entre l'Union européenne et le Royaume hachémite de Jordanie, négocié en 1997, est entré en vigueur en mai 2002. Il constitue la base juridique des relations entre Bruxelles et Amman et vise à la fois à favoriser le dialogue politique, la libéralisation progressive du commerce et la promotion de la coopération dans un large éventail de secteurs.

À partir de 2000, le programme MEDA II a été axé sur la mise en oeuvre de l'accord d'association tout en aidant la Jordanie à faire face à différents défis socio-économiques et institutionnels. Le Programme indicatif national (PIN) 2002-2004 pour la Jordanie avait ainsi pour priorité le renforcement des échanges commerciaux et le soutien aux réformes économiques, le développement des ressources humaines et le renforcement du pluralisme, de la société civile et l'État de droit. Le PIN 2005-2006 était, quant à lui, concentré sur l'amélioration des conditions de vie et le développement des infrastructures.

Un nouveau cap a été franchi avec l'adoption, en juin 2005 du premier plan d'action Union européenne - Jordanie, censé contribuer au développement des relations bilatérales en ouvrant la voie à plusieurs initiatives de l'Union européenne. Celui-ci a facilité l'octroi en octobre 2010 du statut de partenaire avancé à la Jordanie. Seul le Maroc bénéficiait jusqu'alors d'un tel statut. Un nouveau plan d'action Union européenne - Jordanie d'une durée de cinq ans a été dans le même temps mis en place.

2. ... et une augmentation concomitante des financements européens

Cette évolution institutionnelle des relations entre Bruxelles et Amman s'inscrit, par ailleurs, dans le contexte de la réforme du financement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne et du lancement en 2007 de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). L'Instrument européen de voisinage et de partenariat est le principal mécanisme financier par lequel l'aide est accordée à la Jordanie, sur une base bilatérale ou régionale. Deux programmes indicatifs nationaux ont défini les priorités de la coopération financière Union européenne - Jordanie pour les périodes 2007-2010 et 2011-2013.

L'assistance financière de l'Union européenne en faveur de la Jordanie dans le cadre du PIN 2007-2010 a été de 265 millions d'euros. Elle s'est concentrée sur quatre objectifs prioritaires:

- le renforcement des institutions et la stabilité financière (130 millions d'euros) ;

- le développement du commerce, de l'entreprise et des investissements (63 millions d'euros) ;

- la durabilité du processus de croissance (55 millions d'euros) ;

- la réforme politique et la bonne gouvernance (17 millions d'euros).

Pour la période 2011-2013, la dotation européenne s'est élevée à 223 millions d'euros en vue de soutenir la Jordanie dans les domaines suivants :

- la durabilité du processus de croissance (93 millions d'euros) ;

- la démocratie, les droits de l'Homme, les médias et la justice (45 millions d'euros) ;

- la mise en oeuvre du plan d'action (45 millions d'euros) ;

- le développement du commerce, de l'entreprise et des investissements (40 millions d'euros).

Outre les projets bilatéraux financés par l'IEVP, la Jordanie est également éligible à des fonds supplémentaires au titre des programmes thématiques et d'autres instruments de l'Union européenne , notamment l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme et le soutien aux acteurs non-étatiques et autorités locales dans le développement. Plus de 30 projets sont actuellement mis en oeuvre en Jordanie au titre de ces deux instruments thématiques.

La Jordanie bénéficie également des avantages du programme Erasmus Mundus , lequel vise à améliorer la mobilité et la coopération avec l'Union européenne dans le domaine de l'enseignement supérieur, ainsi que de ceux du programme Tempus , qui soutient la modernisation de l'enseignement supérieur.

Enfin, l'Union européenne a accordé à la Jordanie, en octobre 2013, une aide macro-financière de 180 millions d'euros sous la forme d'un prêt à moyen terme. Celui-ci devrait être versé en deux temps en 2014 : 80 millions d'euros au premier trimestre puis 100 cinq mois plus tard. Le Mémorandum d'accord insiste sur quatre priorités :

- la mise en place d'une nouvelle loi fiscale, dotée de la plus grande progressivité possible ;

- l'ouverture à de nouveaux secteurs de la loi sur l'investissement ;

- la mise en place de meures compensatrices au sein de la loi sur la sécurité sociale, compte tenu de la suppression d'un certain nombre de subventions ;

- la mise en place d'un bureau d'audit dans le cadre des mesures de gestion budgétaire mises en place.

Cette aide conditionnée reste cependant délicate à mettre en oeuvre compte tenu des décisions politiques difficiles qu'elle implique en matière de libéralisation des secteurs de l'eau et de l'électricité jusque-là fortement subventionnés. La Banque européenne d'investissement a, de son côté, octroyé un prêt de 5 millions d'euros destiné à un fond de capital-investissement en faveur des PME.

À l'initiative de l'Union européenne, la Jordanie est devenue, fin 2011, membre de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement qui a ouvert un bureau à Amman le 25 avril 2012. Celle-ci a investi 30 millions de dollars (21,6 millions d'euros) dans le système bancaire jordanien et octroyé un prêt de 150 millions de dollars (108,1 millions d'euros) destiné à la construction d'une centrale électrique. La Jordanie a obtenu le statut de pays d'opération le 4 novembre 2013 qui permet aux acteurs publics et privés jordaniens de bénéficier des financements de la Banque.

3. Les jumelages : matérialisation de la coopération entre l'Union européenne et la Jordanie

En octobre 2002, l'Union européenne et la Jordanie ont signé le premier Programme de soutien à l'accord d'association (20 millions d'euros). L'accord visait à améliorer les capacités institutionnelles de l'administration jordanienne afin qu'elle puisse traiter de tous les aspects de l'accord d'association. Six projets de jumelage ont démarré dans les domaines suivants : sécurité des aliments, phytosanitaires, normalisation et métrologie, douanes et Bureau de l'Audit.

Un deuxième programme d'appui à l'accord d'association a été conclu en octobre 2005 (15 millions d'euros). Quatre projets de jumelage ont démarré dans les domaines suivants: renforcement des capacités pour le Centre National de Recherche sur l'Énergie nationale, sécurité/lutte contre le terrorisme, réforme pénitentiaire et environnement.

Un troisième programme a été signé en 2009 avec une enveloppe budgétaire de 10 millions d'euros. En vertu de ce programme, cinq projets de jumelage ont démarré dans les domaines suivants : agriculture, télécommunications, évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels, système des cadastres et renforcement des capacités de la gendarmerie. Un quatrième programme similaire d'une valeur de 20 millions d'euros a été signé en 2011.

Deux jumelages entre les gendarmeries française et jordanienne ont ainsi pu être mis en place. Le second, en partenariat avec la Suède, a officiellement démarré le 15 janvier 2014. Il bénéficie d'une subvention européenne de 1,1 million d'euros et doit, au terme d'une formation de 15 mois, permettre de faire émerger une force répondant aux standards européens, respectant l'État de droit et les droits de l'Homme. Composée de 25 000 hommes, la gendarmerie jordanienne contribue à la préservation de l'ordre public, à la protection des infrastructures critiques ainsi qu'à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Elle participe également à des opérations de maintien de la paix des Nations unies.

La France pilote également un jumelage européen de soutien à l'institut de sécurité routière jordanien, dont le lancement est intervenu le 22 janvier 2014. Financé à hauteur de 950 000 euros par l'Union européenne, il devrait s'étaler sur quinze mois et fait également intervenir des experts autrichiens et suédois. La sécurité routière constitue une priorité en Jordanie compte tenu du nombre élevé d'accidents : 120 000 chaque année, soit 800 morts et 15 000 blessés.

Un accord de jumelage a été signé le 11 décembre 2012 entre les Cours de cassation française et jordanienne. Le 1 er jumelage européen dans le domaine des télécommunications piloté par la France a, de son côté, été clôturé en septembre 2013. Lancé en octobre 2011 et doté d'un financement de 1,4 million d'euros, il avait pour ambition de rapprocher le cadre réglementaire des communications électroniques jordanien de celui de l'Union européenne. Il visait notamment à préparer la migration vers la télévision numérique ou à appréhender la gestion de la signature électronique. L'Espagne et l'Italie étaient également associées à ce dispositif.


* 1 Exprimé en standard de pouvoir d'achat, c'est à dire corrigé des effets de change et de prix.

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