B. LE CADRE EUROPÉEN

Le Traité Euratom de 1957 aurait pu être la base d'une politique européenne de sûreté nucléaire. Pourtant aucun encadrement européen de la sûreté nucléaire n'a vu le jour avant la Directive de 2009. On peut signaler une directive du Conseil 96/29/Euratom du 13 mai 1996 qui prévoit que les États membres sont tenus de soumettre à un régime de déclaration et d'autorisation préalable certaines pratiques présentant un risque dû aux rayonnements ionisants et de veiller à la radioprotection de la population en situation normale. En outre, à cause de l'accident de Tchernobyl de 1986, lors de la préparation de l'adhésion des pays de l'Europe centrale et orientale, l'Union européenne a veillé à faire de la sûreté nucléaire un critère d'adhésion. Mais le cadre européen ne sera posé qu'en 2009.

C. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE

Il y a une explication à cette situation : les États membres considéraient que la sûreté ne relevait pas du champ du Traité, parce que seule la protection sanitaire, et donc la radioprotection, était mentionnée. Ce verrou a néanmoins sauté à la suite d'un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 10 décembre 2002. La Cour y considère qu'« il ne convient pas d'opérer, pour délimiter les compétences de la Communauté, une distinction artificielle entre la protection sanitaire de la population et la sûreté des sources de radiations ionisantes ».

Immédiatement après, la Commission proposa un « paquet nucléaire » qui traitait à la fois de la gestion des déchets, du démantèlement des centrales et de la sûreté et qui reconnaissait à la Commission européenne un rôle important. Trop ambitieux, ce projet heurta des États qui avaient jusque-là bloqué toutes les initiatives analogues. Ce fut un échec et le projet fut retiré en 2004.

Cet épisode illustre bien que le cas de la sûreté nucléaire ne fait pas exception et qu'il est emblématique du tempo très progressif de la construction européenne .

D. LA COOPÉRATION DES EXPLOITANTS ET L'ÉMERGENCE D'UN PÔLE DES AUTORITÉS DE SÛRETÉ

Dès 1989, les exploitants d'installations nucléaires à travers le monde se sont réunis au sein de la « World Association of Nuclear Operators » ( WANO ). Les normes de l'AIEA font de l'exploitant ou de l'opérateur le premier responsable de la sûreté. L'association WANO est particulièrement active puisque des revues par les pairs sur site sont organisées régulièrement dans ce cadre. D'autres enceintes d'opérateurs existent, telles que l'« Institute of nuclear power operations » (INPO) américain ou la « European nuclear installations safety standards » (ENISS).

À mesure que des autorités de sûreté nucléaire ont été créées dans certains États, celles-ci aussi ont mis en place des enceintes informelles d'échanges et en 1999, les autorités de sûreté d'Europe de l'ouest ont créé l'association « Western european nuclear regulators » ( WENRA ).

Les premiers travaux de WENRA ont porté sur l'évaluation de la sûreté des réacteurs et l'organisation du contrôle de la sûreté dans les pays candidats à l'Union européenne. Son rapport remis en 2000 à la Commission européenne est à l'origine de la décision de l'Union de soumettre l'adhésion de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale à la programmation de la fermeture de certains de leurs réacteurs.

Le second grand chantier de WENRA a été d'élaborer en commun des niveaux de référence sur la sûreté nucléaire. Un peu plus de 300 niveaux de référence ou « Reference levels » ont été adoptés en 2007. Toutes les autorités de sûreté se sont engagées à les transposer avant fin 2010. Un rapport de transposition a d'ailleurs été examiné en 2010 dont le bilan est très positif. On comprend que la question de la sûreté nucléaire n'avait pas attendu l'intervention de Bruxelles pour être traitée avec toute l'attention requise.

WENRA qui comportait dix membres à l'origine, dont la Suisse, s'est ensuite élargie aux autorités de sûreté des nouveaux États membres. Elle compte aujourd'hui 17 membres et 8 observateurs, parmi lesquels les autorités de sûreté autrichienne, russe et ukrainienne.

Ce succès a créé les conditions du retour des États membres de l'Union européenne autour de la table de négociation après l'échec du paquet nucléaire en 2004. À la suite des conclusions du Conseil européen des 8 et 9 mars 2007, le Conseil a adopté la décision n° 2007/530 Euratom du 17 juillet 2007 créant le groupe européen de haut niveau sur la sûreté nucléaire et la gestion des déchets.

Ce groupe est appelé « Groupement européen des autorités nationales de sûreté nucléaire » ou ENSREG . Il a été à l'initiative de la directive de 2009.

En résumé, la répartition des rôles est aujourd'hui la suivante : WENRA a la charge du travail technique et l'ENSREG joue un rôle politique de conseiller de la Commission européenne sur les questions de sûreté nucléaire. Du fait de la composition quasi identique de ces deux organisations, la seconde sert de passerelle aux travaux de la première. À la différence de WENRA, l'ENSREG est composé uniquement de représentants nationaux des 27 États membres compétents en matière de sûreté nucléaire et d'un représentant de la Commission européenne qui en assure le secrétariat. Les chefs d'autorité de sûreté nationale y siègent en tant que représentants de leur gouvernement respectif. Ils peuvent donc recevoir des instructions de leurs gouvernements, à l'inverse de ce qui se passe au sein de WENRA.

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