IV. UNILATÉRALITÉ ET NÉGOCIATION

Si le temps est souvent considéré comme une donnée exogène sur laquelle il n'est pas possible d'intervenir, force est de constater que le système normatif français l'influence.

A. LES INCIDENCES NORMATIVES

1. Le rôle de l'État

L'intervention de l'État est multiple. En matière scolaire, c'est la loi et le décret qui fixent le déroulement de l'année scolaire et l'alternance entre les périodes de classe et celles de vacances. En effet, l'article L. 521-1 du code de l'éducation précise que « l'année scolaire comporte trente-six semaines au moins réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes. Un calendrier scolaire national est arrêté par le ministre chargé de l'Éducation pour une période de trois années. Il peut être adapté, dans des conditions fixées par décret, pour tenir compte des situations locales ». L'arrêté du 21 janvier 2014 fixe le calendrier scolaire des années 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017. Or, le déroulement de l'année scolaire a des répercussions sur l'ensemble de la société, qu'il s'agisse des dates privilégiées par les salariés pour prendre leurs congés, des périodes de forte influence chez les professionnels du secteur touristique ou encore de la variation des horaires de transports publics ou des horaires d'ouverture des magasins pour tenir compte de l'affluence. Par décret est également déterminé le nombre d'heures de cours par semaine pour les écoles primaires et maternelles, ainsi que le nombre d'heures maximal par jour et par demi-journée. Quant à l'organisation de la semaine, elle est déterminée par le directeur académique des services de l'Éducation nationale, par délégation du recteur (article D. 521-11 du code de l'éducation).

Le temps économique, pour sa part, est fortement influencé par la loi. C'est elle qui détermine le temps de travail hebdomadaire maximal. L'article L. 3121-10 du code du travail fixe à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail effective. L'article L. 3121-33 du même code détermine le temps de pause minimal ainsi que les durées de travail quotidienne et hebdomadaire maximales de travail.

C'est également la loi qui détermine le nombre de jours de congés dont peut bénéficier le salarié (article L. 3141-3 du code du travail).

En outre, ce code définit également un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures ainsi qu'un jour de repos hebdomadaire qui, « dans l'intérêt des salariés, est donné le dimanche » (article L. 3132-3). Toutefois, de nombreuses dérogations existent, lesquelles peuvent être de droit, temporaires ou conventionnelles.

2. Les pouvoirs du maire

Le maire définit les horaires d'ouverture des services municipaux, dans le respect du code du travail. Bien que ses pouvoirs soient limités, il peut intervenir sur les horaires en matière éducative et économique.

Dans le domaine scolaire, le maire peut, après avis de l'autorité administrative responsable, modifier les horaires d'entrée et de sortie des établissements d'enseignement en raison de circonstances locales (art. L. 521--3 du code de l'éducation). Par ailleurs, la commune ou l'EPCI peut transmettre au directeur académique des services de l'Éducation nationale un projet d'organisation de la semaine scolaire. Celle-ci, dans chaque école du département, ne peut être arrêtée par les services de l'État qu'après avis du maire ou du président de l'EPCI (art. D. 521-11 du code de l'éducation).

En matière économique, traditionnellement, le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police, a le soin de « réglementer la fermeture annuelle des boulangeries, lorsque cette fermeture est rendue nécessaire pour l'application de la législation sur les congés payés, après consultation des organisations patronales et ouvrières, de manière à assurer le ravitaillement de la population » (art. L. 2212--2 du code général des collectivités territoriales).

Il peut également, en application de ses pouvoirs de police et en tant que garant de la tranquillité publique, prendre un arrêté municipal interdisant l'ouverture d'un commerce la nuit :

- si celui-ci entraîne des nuisances sonores trop importantes ;

- dans la mesure où il n'existe pas d'autres moyens moins contraignants pour arriver au même résultat ;

- dans la mesure où l'arrêté municipal n'a pas un caractère général et absolu.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé légal l'arrêté municipal d'un maire visant à interdire la vente, de 22 heures à 6 heures du matin, par une boulangerie-croissanterie, afin de lutter contre le bruit provoqué par l'afflux des clients au cours de la nuit 43 ( * ) . Des arrêtés similaires ont été pris concernant la fermeture d'un débit de boisson ou d'une station-service vendant des boissons alcoolisées la nuit, en raison des troubles à l'ordre public qu'ils engendraient (cambriolages, violences, tapage nocturne troublant la tranquillité publique).

Mais le maire dispose également de compétences en ce qui concerne l'ouverture des commerces le dimanche : il peut autoriser une ouverture dans la limite de cinq dimanches par an (art. L. 3132-26 du code du travail). Au-delà de cette action directe, une demande du maire est nécessaire dans le cadre de la mise en place de deux autres dérogations dominicales :

- il peut demander le classement de sa commune en commune d'intérêt touristique et thermale ou la définition d'une zone d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente. Dans les zones qui sont déterminées par le préfet après « avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu'elles existent » , les établissements de vente au détail peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel (art. L. 3132-5 du code du travail) ;

- dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants, le conseil municipal peut demander au préfet la délimitation d'un périmètre d'usage de consommation exceptionnel.

Enfin, dans les agglomérations, le maire peut limiter la vitesse de circulation en dessous de celles qui prévalent normalement, comme le prévoit l'article R. 413-1 du code de la route. Toutefois, ces restrictions doivent être motivées par le maire par « des motifs propres à sa localité ». Il doit donc le justifier par des circonstances locales.

Ces références normatives de l'État et du maire n'empêchent pas le recours à l'accord contractuel, à la négociation, au dialogue précédemment cités, à l'animation d'une transversalité nécessaire à la prise en compte d'attentes.


* 43 Conseil d'État, M. Cazorla, 7 juillet 1993, n°139329.

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