B. LA COMPLEXITE ET LES LIMITES DU REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AUX SERVICES D'AIDE À DOMICILE

1. Les différents modes d'intervention auprès des usagers

Une même prestation peut être délivrée selon trois modes d'intervention distincts.

On parle de gré à gré lorsque l'intervenant est directement salarié par la personne chez qui il vient travailler. L'activité est exercée en mode prestataire lorsque le bénéficiaire n'est pas employeur mais simple usager d'un service délivré par une personne salariée d'une association, d'une entreprise ou d'un CCAS. Il existe enfin un dispositif intermédiaire dans lequel le bénéficiaire est employeur de l'intervenant mais se voit déchargé d'un certain nombre de formalités administratives par la structure d'aide à domicile : c'est le mode mandataire .

Selon des données de la Drees, 37 % des aides à domicile interviennent exclusivement en mode prestataire et 24 % d'entre eux travaillent uniquement en emploi direct 16 ( * ) . Les autres sont régis par le mode mandataire ou cumulent différents types de contrats. Les salariés travaillant en qualité de prestataire d'un service d'aide à domicile interviennent chez un nombre plus élevé de bénéficiaires que les salariés en emploi direct.

La coexistence de ces trois modes d'intervention n'est pas sans conséquences. Une heure de gré à gré étant moins onéreuse qu'une heure en mode prestataire, cette modalité d'intervention est parfois privilégiée par les personnes les plus dépendantes qui, dans le cadre d'un plan d'aide par définition fermé, ont besoin d'un grand nombre d'heures d'intervention. Mais le gré à gré emporte pour le bénéficiaire, du fait de son statut d'employeur, des responsabilités que n'impose pas le fait d'être simple usager d'un service d'aide à domicile.

Les salariés sont également placés dans des situations différentes. Outre qu'ils sont régis par des conventions collectives distinctes, leur environnement de travail varie considérablement : si le gré à gré permet probablement une plus grande liberté d'organisation, l'encadrement qu'apporte une structure d'aide à domicile peut être particulièrement appréciable s'agissant de métiers caractérisés par une grande solitude d'exercice et par la confrontation à des situations humaines difficiles.

2. La coexistence de deux procédures de création des services d'aide à domicile

Depuis une ordonnance du 1 er décembre 2005 coexistent deux types de régimes juridiques applicables aux services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) 17 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles, la création de services d'aide et d'accompagnement à domicile est en effet soumise, soit à la procédure d'autorisation applicable à l'ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux, soit à la délivrance d'un agrément . Si le code de l'action sociale et des familles pose le principe selon lequel l'autorisation vaut agrément, l'équivalence n'est pas totale puisque l'agrément ne vaut pas autorisation.

Le droit d'option entre autorisation et agrément

article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles

« La création, la transformation et l'extension des services d'aide et d'accompagnement à domicile mentionnés aux 1°, 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 sont soumises, à la demande de l'organisme gestionnaire :

1° Soit à l'autorisation prévue à la présente section ;

2° Soit à l'agrément prévu à l'article L. 7232-1 du code du travail.

Les services auxquels un agrément est délivré en vertu du 2° sont tenus de conclure un contrat dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa de l'article L. 342-2. Les dispositions des articles L. 311-3 et L. 311-4 relatives au livret d'accueil et de l'article L. 331-1 leur sont applicables. Les conditions et les délais dans lesquels sont applicables à ces services les dispositions de l'article L. 312-8 sont fixés par décret.

Les services mentionnés au premier alinéa peuvent, même en l'absence d'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. »

Depuis la loi précitée du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, l'autorisation est délivrée par le président du conseil général pour une durée de quinze ans si l'existence de la structure est compatible avec les besoins identifiés dans la planification départementale des services sociaux et médico-sociaux.

Autrefois structurée autour des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale (Crosms), la procédure d'autorisation s'effectue, depuis la loi « HPST » du 21 juillet 2009, dans le cadre d'une procédure d'appel à projets , comme pour l'ensemble du secteur médico-social 18 ( * ) .

Règles générales applicables à la procédure d'autorisation

article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles

I. - Les projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 ainsi que les projets de lieux de vie et d'accueil sont autorisés par les autorités compétentes en vertu de l'article L. 313-3.

Lorsque les projets font appel partiellement ou intégralement à des financements publics, ces autorités délivrent l'autorisation après avis d'une commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social qui associe des représentants des usagers. L'avis de cette dernière n'est toutefois pas requis en cas d'extension inférieure à un seuil. Une partie des appels à projets doit être réservée à la présentation de projets expérimentaux ou innovants répondant à un cahier des charges allégé. Les financements publics mentionnés au présent alinéa s'entendent de ceux qu'apportent directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, les personnes morales de droit public ou les organismes de sécurité sociale en vue de supporter en tout ou partie des dépenses de fonctionnement. [...] »

article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles

« L'autorisation est accordée si le projet :

1° Est compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma d'organisation sociale et médico-sociale dont il relève [...] ;

2° Satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues par le présent code et prévoit les démarches d'évaluation et les systèmes d'information respectivement prévus aux articles L. 312-8 et L. 312-9 ;

3° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions fixées par décret, par les autorités qui délivrent l'autorisation, sauf en ce qui concerne les projets visés au II de l'article L. 313-1-1 ;

4° Est compatible, lorsqu'il en relève, avec le programme interdépartemental mentionné à l'article L. 312-5-1 , et présente un coût de fonctionnement en année pleine compatible avec le montant des dotations mentionnées, selon le cas, aux articles L. 312-5-2, L. 313-8, L. 314-3, L. 314-3-2 et L. 314-4, au titre de l'exercice au cours duquel prend effet cette autorisation.

L'autorisation fixe l'exercice au cours de laquelle elle prend effet.

L'autorisation, ou son renouvellement, peuvent être assortis de conditions particulières imposées dans l'intérêt des personnes accueillies.

Pour les projets ne relevant pas de financements publics, l'autorisation est accordée si le projet satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues au présent code, et prévoit les démarches d'évaluation. »

Jusqu'à la publication de deux décrets du 20 septembre 2011 19 ( * ) , pris en application de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce et à l'artisanat 20 ( * ) , coexistaient deux types d'agréments, mis en place en 1991 : l'agrément simple, facultatif, ouvrait droit à un certain nombre d'avantages fiscaux et sociaux ; l'agrément qualité était quant à lui obligatoire pour qu'une structure soit autorisée à développer des activités destinées aux publics fragiles.

Les décrets du 20 septembre 2011 ont substitué à l'agrément simple une procédure de déclaration tandis que l'agrément qualité est devenu l'agrément. La simplification ainsi opérée porte principalement sur la procédure de déclaration : alors que l'agrément simple était délivré à l'issue d'un délai de deux mois pour une durée limitée à cinq ans renouvelables, la déclaration doit désormais être enregistrée par les services du ministère du travail dans un délai de huit jours et est valable sans limitation de durée.

L'agrément, quant à lui, continue d'être accordé par les unités territoriales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) pour une durée de cinq ans . Le conseil général rend un avis au moment de la délivrance de l'agrément.

La procédure d'agrément

article L. 7232-1 du code du travail

Toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce les activités de service à la personne mentionnées ci-dessous est soumise à agrément délivré par l'autorité compétente suivant des critères de qualité :

1° La garde d'enfants au-dessous d'une limite d'âge fixée par arrêté conjoint du ministre de l'emploi et du ministre chargé de la famille ;

2° Les activités relevant du 2° de l'article L. 7231-1, à l'exception des activités dont la liste est définie par décret et qui ne mettent pas en cause la sécurité des personnes.

article L. 7232-1-1 du code du travail

« A condition qu'elle exerce son activité à titre exclusif, toute personne morale ou entreprise individuelle qui souhaite bénéficier des 1° et 2° de l'article L. 7233-2 et de l'article L. 7233-3 déclare son activité auprès de l'autorité compétente dans des conditions et selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. »

article L. 7232-2 du code du travail

« Les personnes morales ou les entreprises individuelles d'un service d'aide à domicile, agréées en application des dispositions de l'article L. 7231-1, peuvent déposer une demande d'autorisation de créer un établissement ou un service dont l'activité relève du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sans que leur agrément au titre de la présente section soit remis en cause de ce seul fait. »

article L. 7232-5 du code du travail

« L'exigence de qualité nécessaire à l'intervention de toute personne morale ou entreprise individuelle mentionnée aux articles L. 7232-1 et L. 7232-1-2 est équivalente à celle requise pour les mêmes publics par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. »

Le code du travail et celui de l'action sociale et des familles posent le principe d'une équivalence entre les exigences de qualité applicables aux structures agréées et aux services autorisés . Cependant, la fréquence et les modalités selon lesquelles celle-ci est évaluée varient.

Les organismes agréés doivent répondre aux règles fixées par un cahier des charges défini par arrêté 21 ( * ) . Organisées autour de 70 items, ces règles portent notamment sur la production des prestations, l'organisation et le fonctionnement interne des structures ainsi que sur les obligations spécifiques au mode mandataire. La conformité aux critères fixés par le cahier des charges est vérifiée tous les cinq ans, dans le cadre d'une évaluation externe, par un organisme habilité par l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Lorsqu'ils ont choisi de procéder volontairement à une certification, les services agréés peuvent, sous certaines conditions fixées à l'article D. 347-3 du code de l'action sociale et des familles, être dispensés de l'évaluation externe 22 ( * ) .

Les services d'aide à domicile autorisés sont quant à eux soumis aux règles de droit commun applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. Ils doivent par conséquent procéder à une évaluation interne tous les cinq ans ainsi qu'à deux évaluations externes durant leur période d'autorisation.

3. Des modalités de tarification variables, globalement insuffisantes pour couvrir les coûts supportés par les structures
a) Un mode de tarification source de disparités importantes entre les départements et les structures

Le droit d'option entre autorisation et agrément emporte des conséquences en termes de tarification.

La délivrance d'une autorisation conduit à la mise en place d'une tarification administrée , définie dans le cadre d'une négociation budgétaire annuelle entre le conseil général et la structure. Décrite par le code de l'action sociale et des familles, la procédure tarifaire doit théoriquement conduire à la fixation d'un tarif horaire distinct selon le degré de qualification des intervenants (aides ou employés à domicile, auxiliaires de vie sociale et aides médico-psychologiques, techniciens d'intervention sociale et familiale et auxiliaires de puériculture) 23 ( * ) .

Pour les services agréés, le tarif est fixé librement au moment de la signature du contrat entre la structures prestataire et la personne aidée . Son évolution est ensuite encadrée, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fixant chaque année par arrêté un taux d'évolution du prix des prestations contractuelles. Ce taux doit tenir compte de l'évolution des salaires et du coût des services 24 ( * ) . Pour l'année 2014, l'augmentation a été arrêtée à 1 % 25 ( * ) .

Lorsqu'un service agréé intervient au titre de l'APA, une partie du coût est prise en charge par le conseil général sur la base d'un tarif de référence défini par celui-ci. Une circulaire du 1 er décembre 2008 demande aux conseils généraux d'appliquer un tarif de prise en charge égal à la moyenne des tarifs des services autorisés.

Les interventions extra-légales financées par les caisses d'assurance vieillesse au titre de leurs missions d'action sociale auprès des retraités les moins dépendants sont financées sur la base d'un tarif défini au niveau national et par conséquent identique sur l'ensemble du territoire. En 2013, le tarif horaire fixé par la Cnav s'élevait à 19,40 euros. Un ticket modérateur compris entre 10 % et 73 % du tarif et fonction des revenus de la personne retraitée est laissé à la charge de celle-ci.

Les tarifs applicables aux aides humaines attribuées au titre de la PCH ont été définis par un arrêté du 28 décembre 2005 26 ( * ) . En cas de recours à l'emploi direct, le tarif est égal à 130 % du salaire horaire brut sans ancienneté d'une assistante de vie pour personne dépendante de niveau 3, au sens de la convention collective des salariés du particulier employeur, soit 12,39 euros de l'heure au 1 er janvier 2014. Il est majoré de 10 % en cas de recours à un service mandataire (13,63 euros). La tarification des services prestataires autorisés est fixée par le président du conseil général selon les modalités définies précédemment. Les services agréés sont tarifés, soit sur la base du prix fixé par convention entre le conseil général et le service, soit à hauteur de 170 % du salaire horaire brut d'une auxiliaire de vie ayant moins d'un an d'ancienneté (17,59 euros).

b) Un niveau des tarifs globalement insuffisant

L'ensemble des auditions et des déplacements réalisés par vos rapporteurs les conduisent à dresser le constat d'une grande variabilité des tarifs entre les départements . Ceux-ci sont en moyenne compris dans une fourchette allant de 17 à 25 euros. Une telle situation est source d'inégalités entre les services mais également entre les usagers, selon leur territoire de résidence.

A la variabilité des tarifs s'ajoute leur faible niveau général. Selon une étude menée par la Cnav pour l'année 2010, près de 60 % des conseils généraux appliquaient cette année-là aux services autorisés une tarification moyenne inférieure à celle de la Cnav. S'agissant des services agréés, le tarif de référence qui leur est appliqué est inférieur au tarif national fixé par la Cnav dans 65 % des cas.

Si aucune étude nationale de coûts ne permet d'avoir une appréciation précise des charges supportées par les services, il ressort des auditions que le tarif idéal qui permettrait d'assurer l'équilibre financier des structures est bien plus élevé que celui pratiqué par la Cnav et donc par la moyenne des conseils généraux.

Cette situation nuit à la qualité du service rendu ainsi qu'aux salariés, notamment en décourageant les efforts de formation et de professionnalisation réalisés par les services.

Dans un contexte où le reste à charge pèse fortement sur les bénéficiaires et influe sur leurs comportements, toute augmentation isolée des tarifs peut cependant se traduire par une diminution du nombre d'heures réalisées et conduire, paradoxalement, à renforcer la dégradation de la situation financière des structures.


* 16 Drees, « Les conditions de travail des aides à domicile en 2008 », Dossiers solidarité et santé, n° 30, 2012.

* 17 Ordonnance n° 2005 -1477 du 1er décembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux.

* 18 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 19 Décrets n° 2011-1132 et n° 2011-1133 du 20 septembre 2011 modifiant certaines dispositions du code du travail relatives au chèque emploi-services universel et aux services à la personne.

* 20 Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.

* 21 Arrêté du 26 décembre 2011 fixant le cahier des charges prévu à l'article R. 7232-7 du code du travail.

* 22 L'article D. 347-3 prévoit, entre autres conditions, que le champ de la certification couvre l'ensemble de l'activité d'aide et d'accompagnement à domicile.

* 23 Articles D. 314-130 à D. 314-136 du code de l'action sociale et des familles.

* 24 Article L. 347-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 25 Arrêté du 26 décembre 2011 relatif aux prix des prestations de certains services d'aide et d'accompagnement à domicile.

* 26 Arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

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