CONCLUSION

« La filière nucléaire est une filière d'avenir pour notre pays » a déclaré le Premier ministre Manuel Valls lors d'une visite réalisée dans une forge d'Areva au Creusot le 20 juin 2014 ; de même, la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique national est au coeur du débat sur la transition énergétique.

Si la part de l'énergie nucléaire doit être réduite de 75 % à 50 % en 2025, elle restera très importante et le parc nucléaire français n'en demeurera pas moins l'un des tout premiers au monde.

Aussi ce débat implique-t-il la prise en compte de la sûreté des réacteurs électronucléaires actuels et futurs.

L'élaboration de la stratégie nationale de transition énergétique offre l'opportunité de renforcer - sous la vigilance du Parlement - le dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et d'assurer à ce dispositif des moyens financiers pérennes à un niveau garantissant son efficience.

Le débat sur la transition énergétique doit être l'occasion de refondre le système de financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire .

Alors que l'État connait de fortes contraintes budgétaires, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) voient leurs charges croître, en raison des enjeux sans précédent auxquels ils doivent faire face.

Un accroissement significatif et pérenne de leurs moyens financiers et humains s'avère nécessaire , faute de quoi, dans les trois prochaines années, des choix stratégiques devront être faits.

Les choix de l'ASN pourraient alors se concentrer sur les activités de contrôle de la sûreté des installations existantes, au détriment des projets nouveaux porteurs d'avenir, et ceux de l'IRSN risqueraient de privilégier les activités d'expertise au détriment des programmes de recherche.

Or, sans innovation technologique et sans efforts de recherche scientifique, la sûreté nucléaire cesse d'avancer.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 juin 2014 sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Michel Berson, rapporteur spécial, sur le financement de la sûreté nucléaire.

M. Philippe Marini , président . - Nous allons maintenant entendre une communication du rapporteur spécial Michel Berson portant sur le financement de la sûreté nucléaire.

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - La commission des finances m'a confié le soin de réaliser un contrôle budgétaire portant sur le financement de la sûreté nucléaire. Je vais vous livrer les résultats de cet exercice, dans la perspective de la publication d'un rapport d'information. La question du nucléaire a fortement marqué l'actualité récente. Après que le Gouvernement a annoncé son souhait d'allonger la durée de vie des centrales nucléaires, l'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête sur le coût de la filière nucléaire, dont les travaux viennent de s'achever. De même, à la demande de cette commission d'enquête, la Cour des comptes a produit, à la fin du mois de mai, une estimation du coût de production de l'électricité nucléaire, actualisant les données déjà publiées en 2012 sur ce sujet.

Je me suis intéressé, quant à moi, à un sujet beaucoup plus spécifique - marginalement traité dans les travaux précités -, à savoir le financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire. Toutefois, je n'ai traité ni la protection contre les actes de malveillance, ni le nucléaire militaire - qui constituent des problématiques particulières.

Avant toute chose, je voudrais rappeler que la sûreté nucléaire constitue un enjeu sociétal majeur. Même si l'on s'oriente, dans les années à venir, vers une diminution de la part de l'énergie nucléaire dans le bouquet énergétique, il sera toujours nécessaire de s'assurer que le parc d'installations existant, ainsi que la gestion des déchets nucléaires, répondent bien à des normes rigoureuses de sûreté. En outre, au lendemain de l'accident de Fukushima, la demande sociale de sûreté et de transparence s'agissant de l'énergie nucléaire est croissante.

Je rappellerai également que la sûreté nucléaire doit être assurée en premier lieu par les exploitants des installations nucléaires, qui réalisent les investissements en ce domaine. Pour autant, il revient à l'État de définir la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, de mettre en oeuvre les contrôles nécessaires à son application et de garantir, en toute transparence, une information fiable et accessible au public.

Ceci implique donc une intervention des services du ministère de l'écologie, mais également de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ces deux organismes forment le « dispositif dual » sur lequel repose le système français de sûreté nucléaire et de radioprotection, système dont l'efficacité n'est plus à démontrer.

L'ASN - qui constitue, depuis 2006, une autorité administrative indépendante (AAI) - assure le contrôle des activités nucléaires, la délivrance de certaines autorisations ayant trait aux installations nucléaires et l'édiction de prescriptions techniques. L'IRSN - établissement public industrielle et commercial (EPIC) de l'État - est en charge des activités d'expertise et de recherche en matière d'évaluation des risques. Aussi, il assure un appui technique à l'ASN de façon autonome.

Avant de présenter mes conclusions et propositions, je voudrais formuler quelques observations.

Tout d'abord, le financement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection est particulièrement complexe. La loi de finances pour 2000 a institué une taxe sur les installations nucléaires de base - dite « taxe INB » - dont le rendement a atteint près de 580 millions d'euros en 2013. Pour autant, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ne sont pas directement financés par cette taxe : leurs ressources proviennent de dotations inscrites au budget général de l'État, notamment au sein des missions « Écologie, développement et aménagement durables » et « Recherche et enseignement supérieur ». L'enveloppe budgétaire de ces deux entités est évaluée, dans la loi de finances pour 2014, à 261 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 266 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un montant - il faut le souligner - inférieur à 50 % du produit de la « taxe INB » perçue par l'État. Les crédits dédiés à l'ASN et à l'IRSN sont portés par un total de cinq programmes relevant de quatre missions distinctes. En outre, l'IRSN est l'affectataire d'une contribution spécifique versée par les exploitants d'installations nucléaires dont le rendement a atteint 53 millions d'euros en 2013. La consolidation des moyens budgétaires et extrabudgétaires alloués au dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection est donc potentiellement difficile.

Ensuite, le financement de la transparence nucléaire souffre de défauts similaires. Ainsi, le Haut Comité pour la transparence et l'information pour la sûreté nucléaire (HCTISN) bénéficie d'une dotation de la mission « Écologie, développement et aménagements durables » ; cependant, les commissions locales d'information (CLI) - constituées auprès de chaque installation nucléaire - sont financées par les collectivités territoriales et à partir du budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La loi a également prévu que certaines commissions puissent bénéficier d'une partie du produit de la « taxe INB », mais cette possibilité n'a jamais été utilisée par l'État.

Un effort de clarification dans le financement du dispositif de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire s'impose donc, ne serait-ce que pour des raisons de pilotage efficace de ce dispositif et d'accessibilité démocratique.

Cette clarification est d'autant plus nécessaire que les enjeux auxquels seront confrontés l'ASN et l'IRSN dans les années à venir sont de taille et qu'ils vont nécessiter la mobilisation de moyens conséquents. Parmi ces enjeux figurent le contrôle des travaux consécutifs à l'accident de Fukushima, le contrôle de l'entrée en fonctionnement vers 2016 du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville, l'encadrement et le contrôle du vieillissement, comme du démantèlement, des réacteurs électronucléaires, l'encadrement et l'analyse du réexamen de sûreté des installations exploitées par Areva et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations, comme le centre de stockage géologique CIGÉO, le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), ou encore le réacteur Jules Horowitz. Par ailleurs, il sera nécessaire de maintenir une recherche de niveau mondial et de tenir compte d'une demande accrue de transparence aussi bien en France qu'au niveau international.

Ainsi, à terme, eu égard aux enjeux qui viennent d'être cités, les besoins supplémentaires de l'ASN et de l'IRSN approcheraient environ 36 millions d'euros, intégrant la création d'un peu moins de 200 postes budgétaires.

Cet état des lieux étant dressé, j'en viens à mes propositions.

Face à la double nécessité de dégager des moyens de financement supplémentaires au profit de l'ASN et de l'IRSN et de clarifier le système de financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire, je me suis attaché à formuler cinq propositions principales tendant à refonder ce dernier sur la base de trois principes : l'indépendance du contrôle, la rationalisation du financement et la transparence démocratique. Cette refondation vise à conforter le « dispositif dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection, à renforcer les crédits finançant ce dispositif et à placer le système de financement sous le contrôle du Parlement.

Tout d'abord, il me semble nécessaire de faire reposer une partie du financement de l'ASN sur une taxe affectée - que l'on pourrait appeler contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN) -, acquittée par les exploitants d'installations nucléaires, sur le modèle de la contribution actuellement perçue par l'IRSN. Il conviendrait, néanmoins, de prendre garde de ne pas accroître les charges des organismes financés à l'aide de crédits budgétaires, à l'instar du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA).

Il paraît, en effet, justifié que les entreprises exploitant commercialement des installations nucléaires - soit EDF et Areva - puissent apporter une contribution complémentaire au dispositif de sûreté nucléaire dès lors qu'un renforcement des moyens de celui-ci se ferait également à leur profit et éviterait qu'elles ne soient confrontées aux coûts qui pourraient résulter d'un engorgement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). À ce titre, je rappelle que l'arrêt d'un réacteur nucléaire représente un coût de plus d'un million d'euros par jour pour EDF... L'affectation d'une telle taxe nécessiterait, pour des raisons juridiques, de doter l'Autorité de la personnalité morale.

Il s'agit, de cette manière, de renforcer l'indépendance de l'ASN. En effet, cette dernière est, aujourd'hui, exclusivement financée par des dotations budgétaires dont le montant est arrêté, chaque année, sur proposition du Gouvernement. Aussi, du fait de l'article 40 de la Constitution, le Parlement ne dispose que de marges de manoeuvre réduites pour s'opposer, le cas échéant, à une baisse non justifiée de ces dotations. C'est pourquoi, je propose que le Parlement soit chargé de « piloter » le produit de cette taxe - à la différence de la contribution versée à l'IRSN dont le montant est fixé par arrêté ministériel.

Cette taxe garantirait la pérennité des ressources de l'Autorité. Toutefois, parce qu'il ne saurait être question d'affecter une ressource sans contrôle à un organisme, cette taxe devrait être plafonnée, l'excédent de recettes étant reversé au budget général de l'État. Ainsi l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire serait-elle garantie sous le contrôle vigilant du Parlement.

Ensuite, cette nouvelle contribution aurait également vocation à financer les commissions locales d'information (CLI). Elle se substituerait, par conséquent, à l'attribution d'une part du produit de la « taxe INB », qui constitue un mécanisme si complexe qu'il n'a jamais été mis en oeuvre. Les dotations de ces commissions continueraient à être versées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), selon une logique de projet, permettant une allocation raisonnée des moyens.

Il me semble, par ailleurs, que la contribution perçue par l'IRSN devrait être modifiée selon les mêmes principes que cette taxe affectée à l'Autorisé de sûreté nucléaire, qu'il s'agisse de la fixation du montant par le Parlement, du plafonnement, etc.

Dans un souci de simplification et de cohérence, le financement de l'ASN et de l'IRSN reposerait, dès lors, sur une dotation de l'État et une contribution payée par les exploitants d'installations nucléaires.

Au total, ces nouvelles modalités de financement renforceraient l'indépendance du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que les pouvoirs du Parlement, tout en tirant les enseignements utiles des travaux réalisés par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur les taxes affectées.

Afin de permettre au Parlement d'exercer efficacement son droit de regard sur le financement de la sûreté nucléaire, je propose également, d'une part, la création d'une délégation parlementaire à la sûreté et à la transparence nucléaires, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui aurait vocation à rendre un avis, chaque année, sur le financement du dispositif de sûreté nucléaire et, d'autre part, la création d'un « jaune budgétaire » consolidant l'ensemble des ressources attribuées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Ce nouveau document renforcerait la lisibilité politique du financement de la sûreté nucléaire.

Enfin, plus en marge de mon sujet, je souhaiterais que le « choc de simplification » puisse être étendu à la réglementation de la sûreté nucléaire. Dans un contexte où d'importants investissements de sûreté sont demandés aux exploitants d'installations nucléaires, un effort de rationalisation doit être consenti. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire (TSN), la règlementation se complexifie et produit des coûts supplémentaires. Les prescriptions de plus en plus élevées et les exigences de détail ne sont pas toujours en rapport avec le surcroît de sûreté qu'elles devraient engendrer. La réglementation semble se constituer selon un processus incrémental, parfois au mépris de son applicabilité technique : trop de sûreté nucléaire tuerait-elle la sûreté ?

M. Philippe Marini , président . - Merci, Monsieur le rapporteur, pour ce très intéressant exposé, qui m'a rappelé de vieux souvenirs...

Vous avez indiqué que le produit de la « taxe INB » était de l'ordre de 580 millions d'euros par an tandis que le budget de l'IRSN et de l'ASN s'élevait à environ 260 millions d'euros. Pourriez-vous préciser où va la différence entre ces deux sommes ?

Vous avez formulé des propositions claires et constructives sur le rôle du Parlement et les conditions d'affectation d'une taxe à ces deux organismes. Mais, dans le passé, un tel système d'affectation directe existait ; on s'est quelque peu écarté depuis lors, semble-t-il, de la clarté et de la transparence...

Enfin, dans votre esprit, le produit de 580 millions d'euros de la « taxe INB » a-t-il vocation à rester constant ou bien les exigences supplémentaires en termes de sûreté nucléaire devront-elles se traduire en coûts supplémentaires - qui se répercuteront, d'une manière ou d'une autre, sur le coût de l'électricité nucléaire ?

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - La « taxe INB » n'est, à ce jour, pas affectée, conformément au principe d'universalité budgétaire. Elle alimente le budget général à hauteur de 580 millions d'euros.

Pour l'avenir, on pourrait, en théorie, envisager une diminution du produit de cette taxe alimentant les caisses de l'État, par exemple pour compenser l'instauration d'une taxe affectée aux deux opérateurs de la sureté nucléaire. Mais cela ne correspond guère à l'air du temps. La stabilité de ce produit est, à mes yeux, l'hypothèse la plus probable. Au total, les charges reposant sur les exploitants sont donc appelées à augmenter, en liaison avec les sept grands défis dont je vous ai parlé précédemment.

Ma proposition va simplement dans le sens du maintien d'une dotation d'État, à laquelle s'ajouterait l'affectation d'une taxe sous le contrôle du Parlement afin de renforcer l'indépendance de l'ASN et de l'IRSN.

M. Philippe Marini , président . - Ce serait, en quelque sorte, un régime mixte entre le régime passé et le régime actuel.

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Par le passé, le financement passait par des redevances et non par des taxes, ce qui pouvait poser un problème d'indépendance des opérateurs de sûreté à l'égard des acteurs de la filière nucléaire.

M. Philippe Marini , président . - C'est exact. Nous nous rapprocherions plutôt des anciennes taxes parafiscales que « sainte LOLF » est censée avoir abolies mais qui prolifèrent néanmoins...

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Oui, mais l'affectation serait plafonnée dans un souci de responsabilité.

M. Philippe Marini , président . - Si la commission des finances abandonnait cette logique, ce serait à désespérer de tout.

M. Roger Karoutchi . - Michel Berson a parlé de rationalisation, de transparence, d'équilibre ou encore de contrôle en matière de sureté nucléaire. Mais, au-delà, l'ASN est-elle réformable ? Doit-elle être conservée ou bien est-ce l'ensemble du système actuel qu'il convient de changer ? Pour ma part, j'ai le sentiment que tout n'est pas sous contrôle.

M. Edmond Hervé . - Je voudrais pour ma part souligner le rôle des commissions locales d'information (CLI) dans notre dispositif. Il est nécessaire de veiller à la qualité de leurs conditions de travail.

Par ailleurs, notre rapporteur nous a proposé la création d'une délégation parlementaire à la sûreté nucléaire. Les instances actuelles de contrôle seraient-elles insuffisantes ? Pour ma part, je me méfie de la multiplication de tels organismes car il est préférable de pas « énerver » les contrôlés.

M. Philippe Marini , président . - En l'occurrence, cette expression pourrait être prise au sens propre, « vidé de son système nerveux central »...

M. Philippe Dallier . - En définitive, les Français aimeraient savoir si l'ASN a effectivement les moyens d'exercer ses missions. Concrètement, a-t-elle les capacités de vérifier sur le terrain si tout est mis en oeuvre pour que les installations nucléaires fonctionnent dans les meilleures conditions ? Récemment, des militants associatifs ont réussi à s'introduire dans des installations, ce qui peut nous inquiéter : ils n'avaient que des banderoles, mais qu'en serait-il si, un jour, quelqu'un s'approchait aussi près en étant armé d'explosifs ? Certes, un certain nombre de mesures sont d'ores et déjà prises, comme la mise en place de clôtures et de barbelés. L'ASN dispose-t-elle donc bien des moyens de ses contrôles, y compris au plan budgétaire ?

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - En réponse à Roger Karoutchi, j'indiquerais que l'ASN est réformable et doit être réformée pour lui permettre d'exercer les nouvelles missions qui lui incombent. Mais le système de financement actuel ne lui permettra plus de faire face aux défis qui s'imposent à elle, dans un horizon proche - peut-être de deux ou trois ans. Il faut en tout cas garder le caractère dual qui est propre à la France, et s'articule autour de l'ASN, qui joue un rôle de pilote, et de l'IRSN en tant qu'outil d'expertise et de recherche. Il convient néanmoins de proposer une articulation plus fluide permettant à l'ASN et à l'IRSN de fonctionner dans de meilleures conditions, sur le plan de l'organisation et du financement. Notre système dual est reconnu internationalement comme étant particulièrement performant, et a permis de hisser la France aux premiers rangs mondiaux : nous devons conserver la compétitivité de notre filière nucléaire qui est particulièrement élevée. Il n'est pas question de révolutionner un dispositif qui a fait ses preuves.

Edmond Hervé a appelé notre attention sur le caractère essentiel des commissions locales d'information. Je me suis efforcé de réfléchir dans trois domaines : la sûreté nucléaire, la radioprotection et la transparence nucléaire. La transparence n'est pas à négliger et elle constitue aujourd'hui un enjeu sociétal majeur. Il est de la responsabilité du Parlement de traiter cette question. Par conséquent, la création d'une délégation parlementaire exerçant une mission de contrôle permettrait de donner beaucoup plus de lisibilité à un système qui, s'il n'est pas opaque, n'en est pas moins très complexe, le financement étant réparti entre cinq programmes relevant de quatre missions pour des montants qui, somme toute, ne sont pas considérables. Les enjeux budgétaires s'élèvent à 580 millions d'euros si on prend en compte le produit de la « taxe INB », plus de 260 millions d'euros au titre des dotations de l'État et une cinquantaine de millions d'euros pour la taxe spécifique dont bénéficie l'IRSN. C'est pourquoi je propose la mise en place d'une délégation parlementaire couplée à la création d'un « jaune budgétaire ». Une solution, un temps envisagée, aurait été de créer un programme unique, mais cette proposition ne nous est pas apparue viable dans l'immédiat.

Enfin, Philippe Dallier a parlé non de sûreté nucléaire mais de sécurité nucléaire, en faisant mention de tous les actes de malveillance, que ceux-ci soient de nature terroriste ou de simples manifestations intempestives. La sécurité nucléaire relève de la responsabilité des exploitants, qui doivent réaliser les travaux nécessaires, ainsi que de celle de l'État au titre des services de renseignements et des forces de police en charge de l'ordre public autour des installations nucléaires. Il s'agit d'une autre problématique. Concernant la sûreté nucléaire, je peux garantir que l'ASN dispose des moyens intellectuels et techniques nécessaires, notamment via l'IRSN, pour assurer ses missions de pilotage et de contrôle.

Enfin, pour finir, je souhaiterais ajouter qu'alors que la phase préalable au débat sur la transition énergétique arrive à son terme et que les contraintes budgétaires de l'État se renforcent, le moment semble venu de faire franchir une étape au système de financement de la sûreté nucléaire dans notre pays. Si l'ASN et l'IRSN n'enregistrent pas, au cours de trois prochaines années, un accroissement substantiel de leurs ressources pour faire face à leurs missions dont le poids est croissant, des choix devront être faits. Le risque est que les moyens soient concentrés sur la sûreté des installations existantes au détriment des projets nouveaux ; de même, les activités de recherche pourraient être réduites pour compenser une insuffisance de ressources pour abonder les tâches d'expertise.

À l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Michel Berson, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Page mise à jour le

Partager cette page