CONCLUSION GÉNÉRALE

La DILA, créée en 2010, résulte d'une décision de modernisation et de rationalisation des services publics. Cette réforme, qui est consolidée chaque jour par le renforcement des liens fonctionnels entre les deux anciennes directions, peut être considérée comme une réussite.

En effet, nul ne met en doute les complémentarités entre les activités de deux anciennes directions et la fusion a sans doute facilité la diminution des effectifs observée depuis 2010.

Néanmoins, la DILA se trouve aujourd'hui confrontée à un nouveau défi, celui du numérique. Le développement d'Internet a des conséquences sur l'ensemble de ses activités : les activités d'édition doivent être repensées dans le cadre de l'émergence du « livre numérique » ; la diffusion légale est d'autant plus performante qu'elle est large et donc visible sur Internet ; les renseignements administratifs et les possibilités d'accéder à des démarches en ligne permettent une modernisation ambitieuse de l'administration.

Il ne s'agit pas d'une simple adaptation, mais d'une véritable mutation de la DILA, nécessitant une redéfinition du cadre d'exercice de ses missions mais aussi de ses métiers.

Pour mener à bien ce chantier, la DILA doit accélérer le rythme de sa modernisation . À défaut, elle risque de « rater » le virage du numérique.

Son positionnement interministériel (la DILA étant rattachée aux services du Premier ministre) doit faire de la DILA une direction « support », au service des autres administrations, susceptible notamment de les conseiller.

C'est donc une nouvelle mutation, tout aussi conséquente que la fusion, qu'il convient aujourd'hui de mener. La tâche du prochain directeur sera donc de relever ce défi, l'avenir de la DILA étant en jeu.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 1 er juillet 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur la direction de l'information légale et administrative (DILA).

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » . - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les conclusions de mon contrôle budgétaire de cette année, qui a porté sur la direction de l'information légale et administrative, la DILA.

Cette dernière, créée en 2010, résulte de la fusion de la direction des Journaux officiels (JO) et de la direction de la Documentation française. Ainsi, dès 2003, la Cour des comptes a souligné « l'étroite complémentarité » de certaines des activités des deux directions.

En outre, la même année, François Marc, alors rapporteur spécial du compte de commerce de la Documentation française, a mené un contrôle sur la Documentation française qui concluait à la nécessité « d'envisager de nouvelles coopérations entre la Documentation française et les Journaux officiels » et de « procéder à des économies d'échelle pour les opérations de renouvellement de l'outil de production ».

La prise en compte de ces observations par l'administration a conduit à la création, en 2007, du budget annexe « Publications officielles et informations administratives », regroupant les crédits des deux directions.

Il a encore fallu deux années, de 2008 à 2010, pour préparer leur fusion, avec en particulier la mise en commun des services de soutien.

Il faut noter que selon la DILA, cette période a permis de « négocier un aménagement des conditions d'emploi avec la direction du budget et la direction générale de l'administration et de la fonction publique pour rapprocher les niveaux de rémunérations des agents ».

Ainsi, les économies de masse salariale réalisées grâce à la fusion ont été en partie utilisées pour financer la convergence des rémunérations en trois ans. Entre 2009 et 2012, les effectifs de la DILA ont diminué de 91 équivalents temps plein travaillé (ETPT) permettant de réaliser une économie de l'ordre de 4,5 millions d'euros sur trois ans. La convergence des rémunérations, grâce à la mise en place d'une indemnité de modernisation des métiers, a bénéficié d'une enveloppe totale de 2,14 millions d'euros. Aujourd'hui, d'un point de vue opérationnel, la fusion peut être considérée comme une réussite.

Quelles sont les missions de la DILA ? Fruit de son histoire, elles sont diverses et fixées par un décret de 2010.

Tout d'abord, la DILA garantit l'accès au droit et offre aux citoyens des informations sur leurs droits et obligations et sur les démarches administratives qu'ils doivent effectuer. À ce titre, la DILA gère notamment les sites Internet « Legifrance », « Mon service public » ou « Vie publique ». Il s'agit des activités de service public effectuées à titre gratuit par la DILA.

Ensuite, la DILA exerce une mission - également de service public - mais qui lui procure des recettes : il s'agit de la publication des informations contribuant à la transparence de la vie associative, économique et financière.

Enfin, la DILA doit éditer et diffuser des publications de vulgarisation relatives aux politiques et au débat publics. Cette activité est également supposée lui apporter des recettes grâce à la vente des ouvrages.

Dans toutes ces activités, la DILA « s'appuie » sur la société anonyme de composition et d'impression des journaux officiels (la SACIJO), qui compte 200 salariés, pour effectuer ses travaux d'impression. Je reviendrai plus tard sur le rôle de cette société.

Chaque année depuis sa création, le budget annexe dégage un excédent, qui est reversé au budget général. Ainsi, en 2013, cet excédent est de 26 millions d'euros, les recettes s'élevant à 201 millions d'euros et les dépenses à 175 millions d'euros.

La part des recettes relatives à la publication des annonces légales est prépondérante - elles représentent 94 % des recettes en 2013, soit 188 millions d'euros - et en progression de 5 points par rapport à 2010.

Or la plupart de ces recettes sont liées à des obligations légales de publicité des entreprises ou des collectivités : ainsi, les informations légales de certaines catégories de sociétés doivent être publiées au bulletin des annonces légales obligatoires (BALO). À partir de certains seuils, les appels à la concurrence en matière de marchés publics sont obligatoirement publiés au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) ; enfin, certaines informations relatives à la vie des entreprises doivent être publiées au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

Les autres recettes de la DILA sont atones, en particulier les ventes de publications et d'abonnement (7,5 millions d'euros) ou les prestations et travaux d'édition de la DILA (2,9 millions d'euros).

S'agissant des dépenses, elles sont relativement stables, à hauteur de 175 millions d'euros en 2013, soit une hausse de 1,3 % depuis 2007 à périmètre courant.

Elles sont également en « recomposition » depuis 2010 : en particulier, la baisse des dépenses relatives à l'activité d'édition et d'information administrative est compensée par la monté en puissance du pilotage et de la modernisation des activités numériques. Cette évolution montre que la DILA a entrepris sa modernisation.

Cependant, les dépenses totales de personnel, comprenant à la fois le personnel de la DILA et celui de la SACIJO s'avèrent particulièrement importantes, puisqu'elles représentent en 2013 plus de 60 % du budget de la DILA (soit 115 millions d'euros).

Comme vous le comprenez à l'issue de cette présentation, les métiers et les missions de la DILA doivent aujourd'hui évoluer très rapidement, afin de s'adapter à la révolution numérique.

Or, en 2010, afin que la DILA dispose d'un outil d'impression plus performant et polyvalent, il a été décidé d'investir dans l'achat d'une rotative, opérationnelle en 2013, pour un coût de 10 millions d'euros.

Aussi, à l'issue de ce contrôle, je souhaiterais vous faire part d'une observation et formuler plusieurs recommandations.

J'observe que le directeur de la DILA a quitté ses fonctions le 30 avril dernier. À ce jour, aucun successeur n'a été désigné. Or, cette désignation est capitale pour une institution devant prendre un virage au moins aussi stratégique que le projet, réussi, de la fusion.

Le choix d'un tel directeur est difficile et nécessairement long, mais il ne faudrait pas que cette absence dure trop longtemps et je souhaiterais qu'il soit nommé avant la fin du mois de juillet.

Par ailleurs, et c'est ma première proposition, dans la mesure où le JO papier n'a plus aujourd'hui que 3 129 abonnés, contre 64 726 abonnés au sommaire du JO électronique, il me semble indispensable de confirmer, par une déclaration officielle, l'intention d'arrêter l'impression du JO papier à la fin de l'année 2016. À ce stade, il ne s'agit que d'une perspective probable, mais non officiellement actée. Il appartiendra donc au nouveau directeur de prendre cette décision et d'en tirer toutes les conséquences.

En outre, la mission prioritaire du nouveau directeur sera d'accélérer le rythme du changement. Je recommande que soit rapidement prise une décision claire concernant l'avenir des activités d'édition et d'impression. Plus précisément, la question de l'utilisation de la rotative, amortie sur huit ans, soit en 2021, devra être réglée. Le cas échéant, le nouveau directeur devra déterminer les moyens de donner un second souffle aux activités d'impression et d'édition publique. Pour faciliter cette prise de décision, il est d'ailleurs urgent que la DILA se dote d'une comptabilité analytique fine, permettant de mesurer la compétitivité de ses différentes activités. En effet, plus rien ne justifie aujourd'hui que l'État dispose d'une imprimerie sans valeur ajoutée par rapport à un imprimeur privé. De plus, l'arrêt du JO papier et la réorientation des missions de la DILA vers le numérique justifient que les relations avec la SACIJO soient redéfinies.

En 2013, 43 millions d'euros ont été consacrés au financement des dépenses de personnel de la SACIJO, qui utilise le matériel mis à disposition par la DILA, son unique client. La SACIJO, régie par le statut de la presse parisienne, comprend aujourd'hui 200 salariés, occupés non seulement à des activités d'impression mais aussi de composition ou d'édition ; la moitié des effectifs, tout en gardant son statut, a été mise à disposition de la DILA. Les tâches aujourd'hui effectuées par les salariés de la SACIJO devraient être prises en charge par le personnel de la DILA.

Enfin, j'ai pu observer que l'équipe de direction - au sens large, y compris l'autorité de tutelle, composée d'un personnel de qualité et de haut niveau - est tout à fait consciente de la nécessité de réorienter les missions de la DILA vers le numérique, mais aussi des difficultés et des risques d'une telle opération.

Ainsi, tout en réduisant ses effectifs, la DILA met en avant sa gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) et les efforts de formation déployés pour accompagner le personnel dans cette transformation tout en continuant à garantir un bon niveau de service.

Il faut également saluer de belles réussites en matière de services numériques : c'est le cas notamment de Legifrance, exemple unique - et modèle envié - dans le monde ! De même, la fréquentation du site « Mon service public » a augmenté de 70 millions à 218 millions de visites par an entre 2010 et 2013.

Le projet stratégique qu'a défini la DILA pour les années 2014 à 2017 me paraît être le bon : il mise sur le numérique et le rôle résolument interministériel de la DILA, au service des administrations.

Fusionner les deux directions, en 2010, était risqué mais nécessaire. Aujourd'hui, de nouveau, la DILA doit prendre des risques : le choix du nouveau directeur s'avérera crucial puisqu'il devra conduire le changement à un rythme accéléré. Je vous remercie de votre attention.

M. François Marc , rapporteur général . - Je remercie Philippe Dominati de nous avoir dressé le tableau de la situation présente de la DILA et de nous avoir rappelé qu'une belle rotative à 10 millions d'euros est faite pour tourner, comme l'indique d'ailleurs le signifiant du mot « rotative ». Je souhaite comme lui que l'on puisse trouver les débouchés nécessaires et une activité permettant d'amortir l'investissement en huit ans, avec l'efficacité espérée.

Je me réjouis également de constater à travers vos propos que la fusion a été un succès. À l'époque où j'étais rapporteur spécial, la fusion se préparait, mais des questions se posaient sur ses modalités et les économies que l'on pouvait en attendre. À l'heure où l'on parle tant en France de fusions et des économies en découlant, cette fusion de la Documentation française et des JO a-t-elle débouché sur des économies substantielles ? Peut-on identifier les gains issus de cette opération ?

M. Philippe Marini , président . - Vous a-t-il été possible d'étudier dans quelles conditions la décision de commander cette rotative a été prise ? En effet, il semble bien qu'elle ait été actée sans une visibilité suffisante. Qui a été en mesure de porter un regard stratégique au moment où un investissement physique aussi substantiel, notamment par rapport au volume d'activité du service public, était décidé ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Tout d'abord, en ce qui concerne la fusion, je crois que l'on peut dire que, globalement, cela a été une réussite. Les économies sont diverses et variées, notamment issues de l'outil principal qu'est la rotative. Par exemple, l'ancienne rotative nécessitait une dizaine de postes, contre six pour la nouvelle. En outre, la nouvelle rotative peut faire de la couleur, ce qui n'était pas le cas de l'ancienne. Des économies d'échelles ont donc été effectivement réalisées.

Deuxièmement, la fusion a permis de faire cohabiter des mondes différents, à savoir la Documentation française, le JO et le statut de la presse parisienne. La SACIJO n'est en réalité que le réceptacle de l'action syndicale, et ce n'est que pour garantir la paix sociale qu'une relation, en réalité assez fictive, a été nouée entre la direction de la DILA et la SACIJO, se traduisant notamment par la réalisation d'économies d'échelles en termes de personnel.

Toutefois, le changement s'accélère et c'est pourquoi que je pense que nous sommes à l'aube d'un second virage. Actuellement, deux tiers des salariés employés le sont dans l'impression et l'édition. L'ancien directeur de la DILA s'est efforcé de trouver des débouchés avec l'aide des services du Premier ministre dont la DILA dépend. Une circulaire a ainsi été éditée pour essayer d'en faire l'éditeur public de référence et inciter les ministères à travailler avec elle, de façon à favoriser l'utilisation de la rotative. Toutefois, mon sentiment est que cette action s'est avérée limitée dans ses résultats.

La DILA rencontre des difficultés pour trouver un marché et asseoir sa compétitivité ; elle doit résolument basculer, comme toute cette profession, dans le numérique.

Je m'interroge également sur le fait de savoir si la DILA doit continuer à relever d'un budget annexe. En effet, ce dernier n'est motivé que par les recettes « garanties » provenant des annonces légales. Sans doute pourrait-on évoluer vers une autre forme de gestion budgétaire de l'organisme.

Pour répondre au Président, c'est le Secrétariat général du Gouvernement qui pilote depuis longtemps la nécessité pour l'État de disposer d'un outil performant d'impression. C'était sa préoccupation au moment de la fusion.

La DILA va devoir prendre ce virage et réussir cette mutation dans un délai beaucoup plus court que ce qui était prévu initialement au-delà de la durée des huit ans sur la rotative.

M. Philippe Marini , président . - Je pense que le rapport est extrêmement utile pour bien prendre conscience de tous ces enjeux. Il conviendrait de demander au nouveau directeur de la DILA de proposer un plan de réduction de l'activité et de reconversion de l'outil, compte tenu de l'évolution du contexte technologique. C'est une mission assurément difficile.

Peut-être aussi pourrait-on s'interroger sur le paiement des annonces légales puisqu'en définitive près de 200 millions d'euros relèvent en réalité d'une taxe. En effet, nous n'avons pas le choix, nous sommes contraints d'avoir recours à ces moyens de diffusion légale.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - J'ai le sentiment que ces annonces légales ne perdurent que pour assurer la survivance d'une activité qui risque de devenir obsolète dans peu de temps. Mais la mutation demande des reclassements, des formations, d'autres compétences, et c'est pour cela qu'elle est difficile.

M. Philippe Marini , président . - Près de 200 millions d'euros pour les annonces légales, c'est tout de même un montant important...

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - On voit également que les recettes de l'ancienne Documentation française sont minimes. Les impressions couleur ne représentent d'ailleurs que 113 millions de pages contre 224 millions pour le noir et blanc.

À l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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