VII. INDE

Q1/- Les monnaies virtuelles ont-elles fait l'objet de débats, de travaux (rapports, auditions publiques, etc.), de prises de position publiques ou politiques ? Avez-vous identifié des réflexions en cours sur le sujet ? Des think-tanks sont-ils actifs sur le sujet ?

En Inde, il existe des débats sur les monnaies virtuelles, en dépit de leur faible pénétration sur le marché local (en particulier, l'Inde représenterait à ce jour 1 % du marché mondial du bitcoin ; de 30 000 à 50 000 Indiens seraient en possession de cette monnaie virtuelle).

Ces débats ont surtout émergé à la suite des forts mouvements de baisse du « cours » du bitcoin par rapport au dollar, depuis la fin de l'année 2013. En décembre dernier, la banque centrale indienne (la RBI) a mis en garde les utilisateurs de monnaies virtuelles contre les risques qu'ils encourent.

Le gouvernement indien, qui, comme la RBI, est sensible à la question de la protection du consommateur, s'est également publiquement interrogé sur le rôle actuel ou potentiel des monnaies virtuelles dans le financement d'activités illégales voire criminelles. Dans le cas du bitcoin en particulier, en raison du caractère anonyme des transactions (les utilisateurs sont repérés par une adresse électronique composée de 34 caractères et non par leur identités civiles), cette monnaie virtuelle peut être utilisée pour contourner les règles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Une enquête serait en cours sur deux plateformes ( BuySellBitCo.in et Rbitco.in ), depuis décembre 2013.

Des conférences sont organisées de façon sporadique à travers le pays, souvent à l'initiative des plateformes d'échanges.

Q2/- Les autorités publiques se sont-elles montrées plutôt favorables ou circonspectes sur les monnaies virtuelles, notamment le bitcoin ?

L'approche des autorités est ambivalente, qu'il s'agisse des autorités monétaires ou budgétaires.

La RBI, soucieuse de protéger le consommateur, a insisté sur les risques liés à la détention de bitcoins , mais n'a pas interdit ou limité les échanges.

De son côté, le gouvernement, qui s'est inquiété des risques de financement d'activités criminelles (cf. supra), a, dans le même temps, regretté le manque à gagner pour les finances publiques de la non taxation des transactions réalisées en monnaies virtuelles, et, en particulier, en bitcoins .

Q3/- Certains acteurs des monnaies virtuelles mènent-ils un travail de lobbying auprès des institutions publiques (administrations, Parlement, régulateurs) ? Si oui, quels sont les arguments mis en avant ? Quelles sont leurs demandes ?

L'organisation à but non lucratif « Bitcoin Alliance India » s'est donnée trois objectifs : mettre fin aux incompréhensions concernant la monnaie, aider les entrepreneurs à développer la monnaie cryptographique et, enfin, proposer un cadre de régulation de la monnaie. Cette organisation a été fondée en janvier 2014, dans le sillage de la conférence tenue en décembre dernier à Bangalore (« Global Bitcoin Conference ») à l'initiative de la plateforme Coinmonk .

C'est à notre connaissance la seule structure susceptible de représenter la « communauté » des utilisateurs de bitcoins . Trop jeune, elle ne disposerait que de très peu de relais auprès des administrations, du Parlement ou des régulateurs.

Cette structure ne met pas en avant de motivations spécifiques indiennes pour justifier de l'utilisation du bitcoin . Pour Philippe Herlin, professeur de finance au CNAM et auteur de « La révolution du bitcoin et des monnaies complémentaires, une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? », l'Inde pourrait devenir une place forte du bitcoin dans les prochaines années : en plus de présenter des « avantages » bien connus d'interopérabilité des opérations de paiements et d'absence de taxes ou de commissions sur les opérations d'achat ou de revente, le bitcoin pourrait devenir une valeur refuge en Inde, au même titre que l'or, dans un contexte local marqué par la dépréciation de la roupie et par une inflation élevée.

Q4/- Les monnaies virtuelles font-elles l'objet d'une définition légale ? Des évolutions légales ou règlementaires sont-elles envisagées ? Si oui, préciser les principales dispositions.

Les monnaies virtuelles ne font pas l'objet d'une définition légale en Inde.

Q5/- Les régulateurs sont-ils intervenus pour encadrer l'utilisation des monnaies virtuelles ? Les plateformes dédiées à l'utilisation de ces monnaies sont-elles soumises à des obligations spécifiques ?

L'utilisation des monnaies virtuelles n'est pas encadrée. Mais les questionnements tant de la RBI que Ministère des Finances ont suffi à produire des effets visibles sur le « marché » :

BuySellBitCo.in , la principale plateforme indienne de transactions de la monnaie virtuelle, a suspendu ses activités le 27 décembre 2013. Cette plateforme, dirigée par Mahim Gupta, est surveillée par les services du gouvernement en raison d'importantes transactions suspectes (quelques 1000 transactions impliquant 400 individus, pour un total de plusieurs centaines de milliers de dollars). Officiellement, la plateforme a annoncé qu'elle souhaitait protéger ses utilisateurs « tant que le cadre réglementaire des monnaies virtuelles ne sera pas défini plus clairement en Inde ». Jusqu'à sa fermeture, elle enregistrait presque 200 000 dollars de transactions par mois.

Le lancement du Laxmicoin , une monnaie virtuelle proprement indienne (Laxmi est la déesse de la fortune chez les Hindous), a été retardé depuis les mises en garde de la Banque centrale. Son créateur, Mitts Daki, a lui aussi déclaré être dans l'attente d'un éclaircissement concernant la réglementation de la devise et son approbation par la RBI. La différence entre le Laxmicoin et le bitcoin est floue à ce stade.

Q6/- Les administrations fiscales ont-elles pris position sur la nature des monnaies virtuelles et, partant, sur les conséquences fiscales qui y sont attachées ?

L' Income Tax Department envisagerait de taxer les échanges réalisés à partir de ce type de monnaies. Selon cette direction du Ministère des Finances, cette taxe permettrait de limiter l'évasion fiscale. Pour évaluer l'impact d'une telle mesure, des bases de données sur les transactions effectuées en bitcoins ont été récupérées par l'administration fiscale indienne (notamment auprès de la start-up CoinMonk Ventures ). Un tel projet nécessite cependant au préalable une reconnaissance juridique de la devise (à l'instar de ce qui existerait en Allemagne).

Q7/- Les autorités publiques ont-elles entrepris des actions d'information ou de prévention vis-à-vis des épargnants ou des consommateurs ?

À l'exception de la communication de la RBI, aucune action n'a été entreprise.

Q8/- Constate-t-on une progression des investissements (publics ou privés) en matière de monnaies virtuelles ?

Aucun n'investissement significatif en matière de monnaies virtuelles n'a été relevé en dehors de la création de sites de commerce en ligne. À titre d'illustrations, HighKart.com accepte uniquement les bitcoins comme moyen de paiements. Ce site propose l'achat de nombreux biens marchands dans différents secteurs (habillement, biens électroménagers, biens électroniques, bijouterie). Sa rentabilité n'est pas connue.

Commentaires éventuels :

Le gouvernement indien semble se pencher vers une réglementation calquée sur celle des États-Unis, réglementation qui accepte le bitcoin comme moyen de paiement mais qui s'attache en parallèle à combattre l'utilisation du réseau à des fins criminelles (blanchiment d'argent, trafic de stupéfiants).

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