C. LA MISE EN oeUVRE DU MÉMORANDUM D'ACCORD ENTRE LE CONSEIL DE L'EUROPE ET L'UNION EUROPÉENNE

La commission des questions politiques et de la démocratie appuie le renforcement du partenariat entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et se réjouit du dialogue politique accru, des programmes conjoints de coopération plus durables et de la coopération juridique approfondie entre les deux organisations, dans un esprit de responsabilités partagées.

Elle demande à toutes les parties d'agir promptement et de manière constructive pour conclure les négociations et achever le processus de ratification afin de permettre une adhésion rapide de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme.

Enfin, le rapport aborde un certain nombre de recommandations à l'Union européenne, ainsi qu'au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et aux dirigeants de l'Assemblée parlementaire, en vue de poursuivre la construction d'un espace commun de protection des droits de l'Homme, de garantir la cohérence et la complémentarité des normes et le suivi de leur application.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SRC) , s'exprimant au nom du groupe SOC , a rappelé que, le 18 décembre 2014, la Cour de justice de l'Union européenne avait estimé que le cadre qui lui était soumis pour l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme était insuffisamment protecteur de l'autonomie de l'ordre juridique communautaire et avait marqué son opposition à l'adhésion dans les conditions proposées. Il a toutefois considéré que l'avis de la Cour dessinait en filigrane les conditions dans lesquelles un cadre d'adhésion amendé pourrait rencontrer l'assentiment des juges de Luxembourg. Il a insisté sur l'enjeu majeur du débat qui consiste à prévenir le risque réel d'interprétations divergentes entre les Cours de Luxembourg et de Strasbourg et donc d'une Europe à deux vitesses en matière de droits de l'Homme et a appelé de ses voeux la coopération du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Il a estimé qu'en dépit des progrès réalisés depuis l'adoption du Mémorandum en 2007, il restait du chemin à parcourir pour établir un cadre européen unique et compréhensible sur les droits de l'Homme. Selon lui, la complémentarité et la cohérence des normes de protection des droits de l'Homme requièrent de rapprocher davantage encore les travaux du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne et a évoqué à ce titre la possibilité pour l'Union de rejoindre le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), de participer aux activités de la Commission de Venise ou de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). Il a également appelé le Conseil de l'Europe à s'interroger sur les moyens trop limités alloués à la Cour européenne des droits de l'Homme et à les réévaluer.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) a formé le voeu que le Mémorandum de 2007 ait un impact concret. Il a rappelé qu'au cours de ses deux années de présidence, il avait tout fait pour privilégier les relations entre l'Union européenne, le Parlement européen, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Conseil de l'Europe, et s'est réjoui de ce que M. Martin Schultz s'était exprimé devant l'Assemblée parlementaire, ce qui avait contribué à sensibiliser les députés européens aux activités du Conseil de l'Europe et de son Assemblée. Il a toutefois mis en évidence d'importantes disparités de ressources, le budget de la Cour de justice de l'Union européenne s'élevant à 355 millions d'euros, soit un montant supérieur au budget global de Conseil de l'Europe qui est de 315 millions. Il a également estimé que l'Union européenne et le Conseil de l'Europe devraient travailler de façon davantage coordonnée, par exemple sur la politique de voisinage et d'élargissement sur laquelle la valeur ajoutée du Conseil de l'Europe est évidente. Enfin, il a estimé qu'il fallait aller au-delà des échanges politiques à haut niveau et que le relais devait être pris au niveau administratif pour avancer concrètement.

Mme Nicole Duranton (Eure - UMP) s'est félicitée de ce que le Mémorandum d'accord de 2007 était venu rompre l'indifférence, pour ne pas dire la méfiance, qui avait trop longtemps caractérisé les relations entre les deux principales organisations européennes. Elle a estimé que lorsque l'Union européenne avait adopté une Charte des droits fondamentaux et s'était dotée d'une Agence des droits fondamentaux, elle avait paru faire doublon et dénier au Conseil de l'Europe son expertise sur ce qui constitue son coeur de métier et sa raison d'être. Elle a indiqué que la reconnaissance du Conseil de l'Europe comme référence européenne en matière de droits de l'Homme, de primauté du droit et de démocratie avait permis d'apaiser certaines inquiétudes à Strasbourg. Elle a estimé que, si ces évolutions étaient favorables, le rapprochement et la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne devaient éviter deux écueils : le premier est la précipitation, illustrée par l'optimisme excessif de certains quant aux conditions de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme, qui n'a plus lieu d'être depuis l'avis très critique rendu le 18 décembre 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne ; le second écueil à éviter, à l'inverse, est l'effacement, voire l'abandon des spécificités du Conseil de l'Europe, la disproportion des moyens entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe comportant des risques d'instrumentalisation du second par la première, mais le Conseil de l'Europe ne doit pas devenir une agence de l'Union européenne. Elle a également considéré que, dans le conflit en Ukraine, l'Union n'avait sans doute pas suffisamment tiré profit de la bonne connaissance par le Conseil de l'Europe à la fois de l'Ukraine et de la Russie, et que, si Bruxelles avait mieux pris en compte les travaux du Conseil de l'Europe dans son approche du dossier ukrainien, bien des erreurs d'analyse auraient pu être évitées.

Mme Marie-Jo Zimmermann (Moselle - UMP) a rappelé que le Conseil de l'Europe, institué en 1949, avait donné à l'Union européenne, dont la création ne remonte qu'à 1957, son drapeau et beaucoup d'idées, mais a fait observer que, désormais, le Conseil était désespérément en quête de reconnaissance et de soutien de l'Union. Elle a mentionné l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 décembre 2014 qui, selon elle, a porté un coup d'arrêt très sérieux à l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle s'est inquiétée de ce que la construction d'un espace commun de protection des droits de l'Homme apparaissait comme un objectif de plus en plus lointain. Elle a noté l'existence de progrès indéniables, mais a estimé que la réalité restait celle d'une dépendance croissante du Conseil de l'Europe à l'égard de l'Union à un moment où les États membres se désengageaient du Conseil. Elle a mis en évidence le risque que, s'appuyant sur la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice de l'Union européenne développe une jurisprudence de plus en plus autonome en matière des droits de l'Homme et que le Conseil de l'Europe se transforme en un sous-traitant de l'Union, avec guère plus d'influence qu'une ONG. Elle a appelé à développer les atouts réels du Conseil de l'Europe, qu'il s'agisse par exemple du Comité européen pour la prévention de la torture ou de la Commission de Venise.

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