D. LES MESURES DE RÉTORSION DE LA RUSSIE

Dès janvier 2014 , soit avant le déclenchement de la crise ukrainienne, la Russie avait décidé un embargo sur les importations de porcs . Il s'agissait surtout pour les autorités russes de protéger les intérêts de la filière porcine nationale.

L'embargo russe sur le porc

Le porc est la première production et consommation animale en Europe. La France représente 10 % du marché européen. C'est une production très ouverte sur l'extérieur. Il y a énormément d'échanges car les consommateurs ne consomment pas les mêmes produits. La Russie représente pour l'Europe et la France un très gros marché pour les exportations d'abats et de graisses. En temps ordinaires, 700 000 tonnes sont exportées vers la Russie, dont 10 % par la France.

C'est donc un marché stratégique, mais fragile, comme toutes les productions animales, sujettes aux maladies. En 2006, un cas de peste porcine, dite africaine, est apparu sur un sanglier, en Russie, et l'Europe a alors décidé de suspendre les importations de porcs russes, car c'est une maladie très contagieuse. En janvier 2013, deux autres cas ont été signalés, toujours sur des sangliers, en Lituanie et en Pologne, et la Russie a décrété, à son tour, un embargo sur les abats et les graisses de porc européen.

Nous sommes en janvier 2013, et il s'agit alors d'un embargo sanitaire. En janvier 2014, l'embargo se généralise à la plupart des importations alimentaires, et au porc en particulier. Il s'agit cette fois d'un embargo politique sur les animaux, même si les abats et graisses relèvent du premier embargo. L'impact est immédiat avec une baisse de 15 % du prix du porc depuis un an.

Source : Communication de Mme Pascale Gruny lors de la réunion de la commission des affaires européennes du Sénat du 10 mars 2015

Le 7 août 2014 et pour une durée d'un an, la Russie a pris plusieurs mesures qui, elles, sont directement des mesures de représailles aux sanctions européennes. Elle a ainsi mis en place un embargo concernant le boeuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait et produits laitiers, les légumes et les fruits en provenance des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie, du Canada et de la Norvège. Ces restrictions ont été étendues le 21 octobre suivant aux abats, farines animales, lard et autres produits dérivés du porc et des poulets au motif de problèmes sanitaires (infection microbienne) .

Selon des informations obtenues auprès de Auchan Russie, le commerce en Russie aurait davantage souffert de ces mesures de rétorsion russes que des sanctions, même si la situation diffère selon les secteurs. Plusieurs mois ont parfois été nécessaires pour s'adapter à la nouvelle donne. Ce fut le cas dans le secteur des fruits et légumes, où les importateurs ont dû trouver de nouveaux fournisseurs, en Turquie, en Asie centrale, en Iran, voire en Amérique latine, au détriment des producteurs européens et avec une sensible augmentation des prix. Il est probable que la levée des sanctions ne se traduira pas par un retour à la situation antérieure, contrairement à ce qui devrait se passer pour le marché des fromages frais, beaucoup plus spécifique et centré sur quelques fournisseurs, français en particulier.

Le marché des poissons frais a également été très touché, notamment celui des poissons de l'Atlantique. Le doublement du prix du saumon a entraîné une chute de la consommation, qui a eu un impact aussi sur le commerce avec la Norvège. Certes, la consommation de poissons d'élevage russes a pris en partie le relais, mais ces produits sont de moindre qualité.

Les exportations agricoles de l'Union européenne vers la Russie en baisse

La Russie est restée le troisième plus important importateur de produits agro-alimentaires de l'UE sur la période août-novembre 2014, en dépit de l'embargo russe sur les produits agricoles de l'UE, selon des nouvelles statistiques dévoilées vendredi 30 janvier par la Commission européenne.

Ces statistiques montrent aussi que les agriculteurs européens ont réussi parfois à trouver de nouveaux débouchés. Le total des exportations agro-alimentaires de l'UE durant la période août-novembre 2014 a augmenté de 1,7 % (à 42,3 milliards d'euros) par rapport à la même période en 2013, malgré la baisse des exportations agro-alimentaires vers la Russie (- 36%, soit un total en valeur de 2,6 milliards d'euros en août-novembre 2014, contre 4,1 milliards en août-novembre 2013). [...]

Malgré l'évolution positive des exportations agro-alimentaires UE, tous les États membres n'ont pas connu une hausse durant la période août-novembre 2014. Une diminution modérée (inférieure à 10 %) a été enregistrée en France, en Allemagne, au Danemark, en Grèce, en Lituanie, en Pologne, en Slovaquie, en Roumanie et en Slovénie, mais une baisse beaucoup plus importante a été constatée en Finlande (- 32 %) et en Estonie (- 22 %).

Les produits dont les exportations vers la Russie ont chuté le plus sont ceux visés par l'embargo russe (essentiellement le porc, le boeuf et la viande de volaille, les produits laitiers et les fruits et légumes). Pour tous ces produits, les exportations vers la Russie après l'entrée en vigueur de l'embargo ont été suspendues (le taux de diminution varie entre 90 % et 100 %).

Toutefois, les pertes réelles dépendent beaucoup de la possibilité de trouver d'autres marchés. Il est intéressant d'examiner l'évolution des exportations totales pour toutes les catégories de produits interdits. En comparant la période août-novembre 2014 à la même période en 2013, les plus fortes baisses de la valeur totale des exportations de l'UE ont été enregistrées pour les produits laitiers (- 19,4 % pour les fromages, - 9,5 % pour le beurre), les fruits (- 10,2 %) et les légumes (- 13,5 %). Cela a été en partie compensé par une valeur accrue pour l'exportation de préparations à base de fruits et légumes. En ce qui concerne les viandes, la baisse des exportations totales semble être moins sévère (- 1 % pour le porc).

Les données montrent aussi que les États membres les plus touchés par l'embargo russe sont : la Lituanie (41 % des produits), la Pologne et la Finlande (19 %), l'Estonie (18 %), le Luxembourg (12 %) et Chypre (11 %). Cependant, en termes de valeur, le classement est légèrement différent : après la Lituanie (922 millions d'euros) et la Pologne (840 millions), les pays qui affichent les plus grandes pertes sont l'Allemagne (594 millions) et les Pays-Bas (523 millions). Mais cela ne donne pas d'indication sur les pertes effectives, car cela dépend de la capacité des pays à trouver de nouveaux marchés.

Source : Agence Europe n° 11 243 du 31 janvier 2015

Il est délicat d'anticiper ce que sera la situation après la levée des sanctions. L'Europe dispose toutefois d'un atout important qui tient à la bonne réputation auprès de la population russe de ses produits , contrairement à ceux importés de Chine que les Russes n'apprécient que modérément.

Paradoxalement, les sanctions et contre-sanctions ont pu aussi constituer une opportunité pour la Russie. C'est le cas, par exemple, de l'industrie agro-alimentaire russe qui doit faire face aux restrictions sur les produits d'origine européenne, mais qui a encore besoin des technologies européennes.

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