Annexe V : AIRES DE GRAND PASSAGE DES GENS DU VOYAGE

14 e législature

Question orale sans débat n° 0814S de M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 12/06/2014 - page 1355

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de M. le ministre de l'Intérieur sur la mise en place et la gestion des aires de grand passage des gens du voyage.

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage qui impose l'élaboration d'un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, approuvé par le préfet de département et le président du conseil général, après avis des communes concernées et de la commission consultative départementale des gens du voyage, dispose précisément que les communes de plus de 5 000 habitants doivent individuellement participer à l'accueil des gens du voyage, en créant des aires d'accueil sur leur ban communal.

Cependant, concernant les aires de grand passage, ce texte ne précise pas le titulaire de l'obligation de création et d'entretien de ces dernières. Des interrogations majeures subsistent sur le fonctionnement et le financement des infrastructures, l'entretien de ces aires et l'assainissement.

Il en découle, comme dans le département du Haut-Rhin, de nombreuses situations de blocage. En effet, dans ce département , l'État a décidé de mettre en place deux aires de grand passage, l'une au nord du département et l'autre au sud. Or, à l'heure actuelle, aucune de ces deux aires n'est en capacité d'accueillir les gens du voyage, n'étant pas convenablement aménagées.

Ainsi, étant donnée la situation actuelle, les communes haut-rhinoises doivent faire face à des installations de gens du voyage qui ne sont aucunement préparées, ni organisées, sur des terrains non appropriés. La mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage n'étant pas effective, les communes ne peuvent refuser ces installations et se retrouvent seules devant le fait accompli.

Aussi, alors que les aires de grand passage pourraient relever, tant pour leur réalisation que pour leur fonctionnement, de la responsabilité de l'État et du département, s'appuyant sur la solidarité des collectivités locales, il souhaite connaître les mesures précises que le Gouvernement envisage d'adopter pour, enfin, débloquer de nombreuses situations qui ne cessent de mettre en difficulté et de « prendre en otages » les maires.

Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale, publiée dans le JO Sénat du 23/07/2014 - page 6578

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d'État, la loi du 5 juillet 2000, qui impose l'élaboration d'un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, schéma approuvé par le préfet de département et le président du conseil général, après avis des communes concernées et de la commission départementale consultative des gens du voyage, traite clairement des aires communales. Toutefois, concernant les aires dites de» grand passage », ce texte ne précise pas clairement le titulaire de l'obligation de création et d'entretien de ces dernières. Des interrogations majeures subsistent ainsi sur le fonctionnement et le financement des infrastructures, l'entretien de ces aires et l'assainissement.

Il en découle, notamment dans mon département du Haut-Rhin, de nombreuses situations de blocage consécutives à l'absence d'aménagement d'aires. Personne ne voulant» se mouiller » dans ce dossier sensible, la non mise en oeuvre du schéma engendre des situations intolérables d'installations sauvages de groupes de gens du voyage, le plus souvent sur des terrains de football, parfois au centre du village ou dans les prés, laissant les maires démunis et la population dans l'incompréhension et la colère.

Par exemple, dans mon département, si le schéma départemental d'accueil des gens du voyage a été adopté à la fin de l'année 2012, validant la mise en place de deux aires de grand passage, l'une au nord du département et l'autre au sud, il n'est toujours pas mis en oeuvre, et nous sommes depuis deux ans dans une situation qui ne cesse de se dégrader.

N'étant pas en conformité avec la loi, nous ne pouvons nous opposer aux arrivées de ces groupes qui « font leur loi » et font monter la pression chez les maires, lesquels se trouvent seuls devant le fait accompli.

Dans le souci d'accompagner au mieux les maires, notre agglomération, Mulhouse Alsace agglomération, que je préside, a même pris l'initiative de cofinancer l'an dernier un poste de médiateur de gens du voyage, avec la préfecture, pour anticiper et préparer, poste qui couvre la totalité du département. Et si, cette année, nous arrivons à mettre d'autres partenaires autour de la table pour cofinancer ce poste, notamment l'agglomération de Colmar, il n'en demeure pas moins qu'aucune institution ne souhaite s'engager fortement dans ce dossier, car personne ne se sent concerné, souhaitant éviter de porter cette compétence.

Si l'an dernier M. le préfet du Haut-Rhin avait réquisitionné des terrains, cette année cela n'a pas suffi, certains de ses arrêtés ayant été annulés par le tribunal administratif, car les aires décidées ne sont pas encore aménagées. Exploitant ce point faible en toute connaissance de cause, les groupes se sont présentés plus déterminés et nombreux que jamais.

Nous avons même fait jouer la solidarité entre maires, car nous ne voulions pas jouer à un petit jeu stérile en renvoyant la balle au préfet. Nous sommes confrontés à un problème de société, nous avons le devoir d'être solidaires. Au sein de notre agglomération, nous avons donc essayé d'imaginer l'aménagement a minima d'un certain nombre de terrains de façon décente et acceptable afin d'éviter d'être mis en permanence sous pression à cause de l'absence d'un terrain déterminé, adapté et aménagé, sur telle ou telle commune.

Nous nous sommes donc « mouillés », engagés et, croyez-moi, il a fallu pour cela que chacun fasse un effort et prenne sur lui, notamment vis-à-vis de la population. Bref, nous avons joué le jeu entre maires pour définir entre nous, parfois in extremis , et, souvent, cela n'a pas suffi, des terrains susceptibles de pouvoir accueillir un groupe ou deux pour une période de quelques semaines.

Je ne compte plus les collègues maires qui me font remonter leur exaspération de devoir gérer non seulement l'arrivée intempestive de ces groupes, ce qui n'est pas toujours facile, mais aussi la population locale, laquelle, parfois, hausse le ton et sort les fourches, sans oublier, évidemment, la dimension financière. En effet, pour ces installations, qui paient les pots cassés ? Les communes ! Et même si certaines intercommunalités, comme la nôtre, viennent en soutien, le message est maintenant un message de ras-le-bol.

Et je ne parle même pas de la problématique de la sanction de ces comportements illicites : l'amende encourue en cas de stationnement illicite est-elle souvent appliquée ? Quelles suites sont données aux plaintes déposées par les communes ou les particuliers pour les dégradations, quand on ne peut identifier l'auteur des faits dans un tel groupe ? Tout cela est intolérable et crée une situation d'exaspération.

Ainsi, alors que les aires de grand passage pourraient relever, tant pour leur réalisation que pour leur fonctionnement, de la responsabilité partagée de l'État et du département, en s'appuyant sur la solidarité des collectivités locales, et pourquoi pas par le biais des intercommunalités ou encore au travers d'associations départementales de maires, je souhaite connaître les mesures précises que le Gouvernement envisage d'adopter pour identifier clairement le ou les titulaires de cette compétence, et enfin permettre de débloquer ces trop nombreuses situations de crise qui ne cessent de mettre en difficulté et de prendre en otage les communes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, la loi du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage impose aux communes de plus de 5 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale qui exercent la compétence « aménagement, entretien et gestion des aires d'accueil » une obligation d'organisation de l'accueil des gens du voyage sur leurs territoires respectifs dès qu'ils sont inscrits au schéma départemental.

Les aires de grand passage sont définies par la combinaison des articles 1 er et 4 de la loi du 5 juillet 2000 . En effet, l'article 1 er dispose notamment que le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l'État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.

L'article 4 précise, lui, que les aires de grand passage sont destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l'occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements. C'est dans ces conditions que l'obligation de création et d'entretien des aires de grand passage s'impose, comme vous l'avez dit, aux collectivités territoriales.

S'agissant de votre département du Haut-Rhin, le schéma départemental d'accueil des gens du voyage révisé - approuvé par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général en date du 6 mai 2013 - prévoit deux aires de grand passage , une au nord du département et une au sud, sans toutefois préciser un calendrier de réalisation ni les collectivités concernées par cette obligation.

À ce jour, comme vous l'avez souligné, aucune aire de grand passage n'a été réalisée dans ce département . Malgré de nombreuses réunions et la mise en place d'un médiateur, l'État et le conseil général n'ont pas réussi à trouver de solutions concrètes avec les maires et les présidents d'intercommunalités.

Cette situation oblige le préfet du Haut-Rhin à réquisitionner chaque année deux terrains appartenant à l'État , ces réquisitions faisant systématiquement l'objet de recours de la part des collectivités concernées devant le juge administratif.

Lors de la dernière réunion de la commission départementale consultative d'accueil des gens du voyage, le 9 juillet dernier, le préfet, le conseil général, les communautés d'agglomération de Colmar et de Mulhouse, l'association des maires et les représentants de l'association « Action Grand Passage » ont collégialement décidé de relancer le groupe de travail permettant d'identifier les terrains susceptibles d'accueillir les grands passages et de proposer quatre terrains à la commission avant la fin de l'année 2014. Ces quatre terrains, en accord avec l'ensemble des acteurs concernés, dont les maires, seront inscrits dans le schéma départemental et équipés conformément à la réglementation applicable.

Sur ce sujet, le Gouvernement entend soutenir les évolutions législatives nécessaires, notamment la proposition de loi n° 1610 relative au statut, à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, qui prévoit en particulier de transférer aux communautés d'agglomération et aux communautés de communes les compétences en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires permanentes d'accueil et des aires de grand passage , lesquelles auront la responsabilité de déterminer la commune en charge de l'aire de grand passage.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez répondu en partie à ma question. Vous devez savoir, même s'il s'agit d'un point accessoire, que les recours qui nous gênent le plus aujourd'hui sont les recours des groupes de gens du voyage contre les décisions préfectorales et non les recours des communes. Espérons que la solution retenue des quatre terrains va marcher ; espérons également que les modifications législatives iront vers plus de clarté. Il ne s'agit pas simplement de faire porter la responsabilité aux intercommunalités - comme je l'ai dit, nous sommes en train de nous impliquer. À un moment donné, il faut tout de même que, à l'échelon départemental, une autorité puisse s'exprimer.

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