III. LE POINT DE VUE D'UNE ASSOCIATION REPRÉSENTATIVE DES GENS DU VOYAGE

La Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les tsiganes et les gens du voyage (FNASAT) , qui regroupe plus de 80 associations et organisations, considère que la « loi Besson » a marqué un progrès notable dans l'accueil des gens du voyage par les communes, mais souligne le caractère incomplet et inégal de son application. Ce texte présente également quelques éléments négatifs.

Ses représentants estiment que, sur les 42 000 places en aires d'accueil et de grand passage inscrites dans les schémas départementaux, seules environ 50 % ont été réalisées 21 ( * ) .

Un bilan quantitatif réaliste suppose de distinguer les aires :

- inscrites au schéma départemental ;

- réalisées par les collectivités territoriales ;

- ouvertes ;

- conventionnées, c'est-à-dire pouvant fonctionner selon une convention de gestion.

Les rapporteurs ont constaté que ces éléments chiffrés étaient disponibles dans les préfectures départementales, mais qu'aucune structure n'était chargée de leur compilation au niveau national, ce qui prive la « loi Besson » d'indicateurs concrets d'application.

Plus largement, la FNASAT déplore à juste titre (rejoignant ainsi le constat de la Cour des comptes 22 ( * ) ), l'absence de structure nationale chargée des gens du voyage, et réclame l'instauration d'un observatoire national, seul à même de recenser les aires existantes, d'identifier les besoins non satisfaits et d'impulser à partir de ce bilan une politique volontariste requise.

Le décret du 20 mai 2015 relatif à la Commission nationale consultative des gens du voyage 23 ( * ) , qui réorganise cette commission, créée en 1992, et en confie le secrétariat au délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement (DIHAL) pourrait permettre de remédier à cette carence. Les tâches confiées au DIAHL excèdent cependant largement les difficultés spécifiques aux gens du voyage.

Le bilan de l'application de la « loi Besson » est également très variable selon les territoires, selon la FNASAT, point de vue partagé par la Cour des comptes, dans les pages 51 et 52 de son rapport thématique :

« Le taux de réalisation moyen des aires d'accueil (52 %) masque de très fortes disparités territoriales.

Les taux de réalisation sont élevés, voire très élevés (supérieurs à 70 %), dans la moitié ouest du territoire (à l'exception de l'Aquitaine) et dans les régions du centre de la France : 93 % en Basse-Normandie, 87 % en Bretagne, 83 % en Poitou-Charentes, 73 % dans les Pays-de-la-Loire, 71 % dans le Limousin, 75 % en Auvergne et 70 % en région Centre.

Six régions ont un taux de réalisation plus proche de la moyenne nationale (plus ou moins 10 points) : Alsace (60 %), Haute-Normandie (58 %), Rhône-Alpes (56 %), Champagne-Ardenne (55 %), Aquitaine (46 %), Nord-Pas-de-Calais (42 %) et Lorraine (41 %).

Cependant, le taux de réalisation est particulièrement faible dans certaines régions : il est de 24 % en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, 30 % en Ile-de-France, 30 % dans le Languedoc-Roussillon et 35 % en Picardie.

Au terme de la durée couverte par le schéma des Bouches-du-Rhône, seules les trois réhabilitations d'aires existantes prescrites par le schéma ont été réalisées (aires de Saint-Menet, de Martigues et d'Aubagne) et se sont de surcroît accompagnées, pour deux d'entre elles, d'une diminution du nombre de places ; ainsi, l'offre dans le département n'est que de 165 places d'accueil, soit 9 places de moins qu'avant l'entrée en vigueur de la loi.

Ces disparités territoriales sont d'autant plus problématiques qu'une partie des départements ayant de faibles taux de réalisation sont aussi ceux où les besoins identifiés en places d'aires d'accueil sont les plus importants. »

• Taux de réalisation des aires d'accueil dans les dix départements dont l'obligation (nombre de places à créer) est la plus importante

Département

Nombre de places
en aires d'accueil prévues

Taux
de réalisation

Nord

3 200

41 % 24 ( * )

Alpes-Maritimes

1 190

8 %

Gironde

1 142

49 %

Essonne

1 137

35 %

Pas-de-Calais

1 113

47 % 1

Bouches-du-Rhône

1 070

16 %

Val-d'Oise

1 035

26 %

Seine-et-Marne

988

56 %

Haute-Garonne

962

56 %

Isère

867

49 %

Source : Cour des comptes, d'après le bilan au 31 décembre 2010 de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (ministère chargé du logement)

Le taux de réalisation des places en aires d'accueil est inférieur à 50 % dans huit de ces départements sur dix, et inférieur à 30 % dans trois d'entre eux.

Indépendamment de son inégale réalisation, La FNASAT estime que la « loi Besson » a négligé la diversité des modes d'habitat des gens du voyage 25 ( * ) , et a réduit la liberté de circuler découlant de l'arrêt du Conseil d'État de 1986 « commune de Lille », qui obligeait toute commune, quel que soit son nombre d'habitants, à avoir un terrain aménagé pour accueilli des caravanes.

La sous-estimation des besoins de stationnement des gens du voyage, ajoutée à la sous-réalisation des schémas départementaux, conduit à la congestion de certaines aires d'accueil, appropriées par des familles qui y stationnent à l'année, de peur de ne pas trouver de places ailleurs. Ces aires sont transformées, de fait, en terrains familiaux. L'aménagement d'aires plus nombreuses instaurerait une fluidité bénéfique tant aux gens du voyage qu'aux communes les accueillant.

Enfin, ni les tarifs, ni les règlements intérieurs pratiqués par les sociétés gestionnaires des aires ne sont encadrés, ce qui peut conduire à des abus. L'instauration d'un référentiel national serait particulièrement opportune.

Le prix de l'électricité fournie sur les aires d'accueil est ainsi beaucoup plus élevé (16 à 18 centimes le KW/h) que dans le reste du réseau (environ 8 centimes), a une explication technique : l'alimentation des caravanes exige une forte puissance, pour des durées ponctuelles, ce que ne permet pas d'accéder à des tarifs modérés. Il faudrait donc qu'EDF soit saisie de ce problème pour étudier la possibilité d'une tarification adaptée aux gens du voyage.


* 21 Le rapport thématique de la Cour des comptes confirme, page 50, ce décompte pessimiste, mais au 31 décembre 2010 : « Seules 52 % des places prévues en aires d'accueil (21 450 places réparties entre 919 aires d'accueil) et 29,4 % des aires de grand passage (103) avaient été réalisées.

* 22 Rapport thématique 2012 : I-III : « une insuffisante coordination nationale interministérielle ».

* 23 Voir annexe IV.

* 24 Selon le préfet et le conseil général du Nord, le taux de réalisation est de 50 %, et selon le conseil général du Pas-de-Calais, le taux de réalisation est de 57 %.

* 25 Cf. les observations faites dans le département de l'Essonne.

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