Rapport d'information n° 641 (2014-2015) de Mmes Élisabeth LAMURE , Annick BILLON , M. Gilbert BOUCHET , Mme Nicole BRICQ et M. Henri CABANEL , fait au nom de la Délégation aux entreprises, déposé le 16 juillet 2015

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N° 641

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 juillet 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif aux déplacements effectués au cours du premier semestre 2015 par la délégation aux entreprises dans six départements à la rencontre d' entrepreneurs ,

Par Mmes Élisabeth LAMURE, Annick BILLON, M. Gilbert BOUCHET, Mme Nicole BRICQ et M. Henri CABANEL,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; M. Martial Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Philippe Dominati, Alain Joyandet, Mme Hermeline Malherbe, M. Jean-Vincent Placé, Mme Sophie Primas, M. Dominique Watrin, vice-présidents ; MM. Gilbert Bouchet, Serge Dassault, Jérôme Durain, Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaires , MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Claude Bérit-Débat, Jacques Bigot, Mme Annick Billon, MM. Jean-Pierre Bosino, Yannick Botrel, Henri Cabanel, Michel Canevet, René Danesi, Francis Delattre, Mmes Jacky Deromedi, Frédérique Espagnac, MM. Michel Forissier, Alain Fouché, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Mmes Bariza Khiari, Valérie Létard, Patricia Morhet-Richaud, MM. Claude Nougein, André Reichardt, Michel Vaspart, Jean-Pierre Vial.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

La Délégation sénatoriale aux entreprises a vu le jour à la fin de l'année 2014, à l'instigation du Président du Sénat, M. Gérard Larcher, qui considérait utile de mieux faire entendre au Sénat la voix des entreprises, lesquelles sont le berceau de la croissance et de l'emploi dans les territoires. Instituée par une décision du Bureau du Sénat du 12 novembre 2014, cette délégation est composée de 42 sénateurs appartenant aux différents groupes politiques du Sénat.

Elle est chargée d'informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à favoriser l'esprit d'entreprise et à simplifier les normes applicables à l'activité économique, en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires.

C'est dans ce but que la délégation va à la rencontre des entrepreneurs qui font vivre nos territoires. Elle inaugure ainsi une nouvelle manière pour le Sénat d'exercer sa mission : aller régulièrement au contact direct du terrain pour nourrir sa réflexion et son activité de législateur à Paris, plutôt qu'entendre au Sénat les représentants institutionnels des acteurs de terrain. Cette démarche participative et ascendante, pour ne pas dire bottom up , participe d'un renouvellement de l'action politique, trop souvent accusée d'être déconnectée des réalités.

Opérationnelle depuis six mois, la délégation s'est déjà rendue dans six départements : la Vendée, la Drôme, le Rhône, l'Hérault, la Seine-et-Marne et le Pas-de-Calais, à l'initiative de plusieurs de ses membres (respectivement Mme Annick Billon, MM. Gilbert Bouchet et Henri Cabanel, Mme Nicole Bricq et M. Dominique Watrin, ainsi que moi-même). Elle s'est aussi rendue à Londres le 13 avril dernier, sur la suggestion de M. Olivier Cadic. Chacun de ces déplacements a sa couleur, mais tous s'organisent généralement autour de la visite de deux ou trois entreprises locales et d'une table ronde réunissant une vingtaine d'entrepreneurs du département, de taille et de secteurs variés. Un questionnaire élaboré par le secrétariat de la Délégation est parallèlement adressé aux entreprises rencontrées afin de faciliter leur réflexion et de leur donner une idée des sujets qui occupent la délégation : il comprend de nombreuses questions, auxquelles les entreprises ne sont absolument pas tenues de répondre intégralement. Certaines nous adressent une réponse écrite, mais la plupart répondent oralement quand leur dirigeant est invité à témoigner des freins et leviers de la croissance de son entreprise devant les membres de la Délégation, qui sont venus les écouter et qui acceptent de ne pas débattre à l'occasion de la rencontre. Cette méthode a permis de recueillir des informations nombreuses et instructives sur la vie d'une centaine d'entreprises françaises, qu'il s'agisse de très petites entreprises (TPE), de moyennes (PME) ou d'entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Les fruits produits par ces déplacements sont significatifs : non seulement, ces déplacements de la Délégation manifestent concrètement aux entreprises l'attention que le Sénat leur porte et son souci de trouver les moyens de faciliter leur développement, ce que les entrepreneurs rencontrés saluent régulièrement ; mais ils permettent également de dresser un premier état des lieux sur le ressenti des entrepreneurs à travers cet échantillon constitué au fil des rencontres, échantillon qui n'est sans doute pas purement représentatif d'un point de vue statistique, mais qui est suffisant pour faire ressortir certains sujets majeurs de préoccupation, qui reviennent comme en écho dans différents coins de France.

Ce sont ces enseignements que ce rapport vient présenter 1 ( * ) . C'est pourquoi il réunit les comptes rendus de chacune des réunions de la Délégation aux entreprises consécutives aux déplacements, au cours desquelles le sénateur qui a eu l'initiative du déplacement a pu en partager les fruits avec ses collègues membres de la Délégation.

En qualité de présidente de la Délégation, j'ai souhaité, dans cet avant-propos, synthétiser les points les plus saillants qui émergent de ces six premiers mois de rencontres de terrain. Plus de détails sur ce que nous avons entendu figurent dans les comptes rendus qui suivent.

« Laissez-nous travailler ! » : ce cri du coeur, c'est celui des premiers entrepreneurs que nous avons rencontrés en Vendée. Mais nous l'avons entendu lors de chacun des déplacements qui ont suivi : chaque entrepreneur, à sa manière, a dénoncé la complexité des règles qui rend leur connaissance et leur application difficiles, d'autant plus que cette complexité se double d'une instabilité chronique. Ce maquis réglementaire mobilise excessivement les entreprises. L'un des entrepreneurs de Seine-et-Marne l'a signifié de manière parlante en nous indiquant que sa semaine commençait le mercredi, c'est à dire que 40 % de son temps est consacré à gérer la partie administrative de son activité. La fiche de paye cristallise cette complexité doublée d'instabilité ; un entrepreneur a d'ailleurs estimé que l'adaptation permanente des fiches de paye à de nouveaux paramètres exige d'un gestionnaire de paye 3 à 4 heures par mois uniquement dédiées à cet aspect. Les obligations administratives augmentent avec la taille de l'entreprise et freinent donc leur croissance. Partout, nous avons pu constater que le seuil des 50 salariés fait l'effet d'un épouvantail (ce qu'a confirmé le mois dernier l'étude que la Délégation a confiée en mars à l'institut de recherche allemand IFO et qui est annexée au présent rapport) : en Vendée, l'un des entrepreneurs a indiqué diriger quatre entreprises de 49 salariés, précisant que « lorsqu'on passe le seuil du 50 ème salarié, il faut en embaucher un 51 ème pour gérer les nouvelles contraintes ! » ; dans l'Hérault, une entreprise de 49 salariés a contourné l'obstacle en en créant une autre de 20 pour les fonctions support ; en Seine-et-Marne, une entreprise en pleine croissance indique qu'elle se retient de franchir le seuil mais pourrait sinon embaucher 20 personnes ; dans le Pas-de-Calais aussi, un chef d'entreprise de 48 salariés déclare : « pour être heureux, restons peu nombreux! ».

A ces obligations s'en ajoutent toujours de nouvelles : la création du compte pénibilité est partout ressentie comme une usine à gaz, particulièrement dans le BTP, et nombreux sont ceux qui craignent son effet repoussoir sur certains métiers déjà peu attractifs.

Outre l'accumulation des obligations sociales, les entreprises déplorent l'inflation des normes de tous ordres qui est particulièrement sensible dans certains secteurs. Dans le domaine de la construction, par exemple, une entreprise du Pas-de-Calais a pris soin de dénombrer les normes à respecter : elle en a dénombré 167 et a indiqué que cela avait un cout économique direct. Selon ses calculs, une construction qui coûtait 720 000 euros en 2010 coûte aujourd'hui 940 000 euros. Ces normes sont perçues comme kafkaïennes : comment justifier les obligations antisismiques là où la terre n'a jamais tremblé? Dans la Drôme, une entreprise a dû surélever de 50 cm son bâtiment, soi-disant en zone inondable... Non seulement ce carcan de normes renchérit la construction, mais il la ralentit : une entreprise de Seine-et-Marne, qui avait deux projets immobiliers parallèles en France et en Allemagne, a vu son bâtiment livré en Allemagne au moment où elle recevait l'autorisation de construire son jumeau en France.

Le poids des normes a aussi été fortement dénoncé dans le secteur de la chimie, que le déplacement dans le Rhône a permis d'approcher : le programme européen REACH (programme réglementaire de gestion des substances chimiques) qui concerne des centaines de substances pour lesquelles il faut déposer des dossiers de certification de conformité, a un coût considérable. Démarré en 2008, il sera clos en 2018, mais l'opération s'étendra ensuite aux polymères : les entreprises ont ainsi le sentiment que le système de réglementation s'autoalimente. Et si l'on rajoute les réglementations administratives françaises (plan de prévention des risques technologiques, plan séisme, sites classés SEVESO), nos entreprises préfèrent parfois renoncer à des activités ou les délocaliser, plutôt que de subir les délais d'obtention des autorisations d'exploitation, souvent incompatibles avec leurs activités. L'entreprise Gazonor, rencontrée dans le Pas-de-Calais, a ainsi dû attendre 3 ans pour obtenir la prolongation de l'autorisation d'exploitation du gaz de mine qui fonde son activité. Elle a fait observer ce paradoxe que constitue la combinaison française d'une frénésie réglementaire et d'une lenteur administrative : ainsi, Gazonor relève que les réglementations environnementales évoluent plus vite que l'avancement des dossiers.

Ce carcan réglementaire étouffe nos entreprises et mobilise chez elles une énergie que nous aurions tous intérêt à voir consacrée à leur croissance. Il coûte cher à la France , de façon directe en alourdissant nos entreprises et en les ralentissant, dans un monde où la vitesse est un facteur décisif de succès - surtout dans les secteurs où le premier qui dépose un brevet a gagné-, mais aussi de façon indirecte, car il dissuade les investissements ou projets qui ont besoin de sécurité et de stabilité pour se réaliser. Dans plusieurs départements (Drôme, Pas-de-Calais...), des filiales de groupes étrangers ont témoigné de la frilosité des investisseurs étrangers qui appréhendent le maquis et l'instabilité fiscale et réglementaire qui caractérisent la France. Le besoin des entreprises a été justement résumé en ces mots : « Qu'on laisse courir les entreprises sans leur accrocher de nouveaux boulets aux pieds! »

En effet, les boulets réglementaires infligés à nos entreprises constituent une vraie distorsion concurrentielle . D'abord sur les marchés internationaux : comme nous l'a fait observer l'entreprise Valrhona que nous avons visitée dans la Drôme, il est indispensable que les exigences administratives soient harmonisées entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères concurrentes. Alors que les entreprises françaises sont confrontées à de nombreuses barrières à l'export et doivent se plier à des exigences normatives de plus en plus complexes, comment comprendre que ne soient pas imposées aux produits importés des règles s'alignant sur les standards européens en matière d'éthique sociale ou environnementale par exemple ? Ensuite, et de manière encore plus choquante, nombre d'entreprises françaises ont témoigné du désavantage concurrentiel qu'elles subissent au sein même du marché unique européen . Ainsi, en Seine-et-Marne, diverses entreprises ont déploré les distorsions de concurrence entre pays européens en matières fiscale et sociale. L'une d'elles, proche du dépôt de bilan, a estimé que la même entreprise que la sienne serait profitable en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni. Des distorsions sont aussi dénoncées en matière d'ouverture des marchés publics, la France apparaissant moins protectrice à l'égard de ses entreprises que d'autres États membres de l'Union européenne (UE). De même, les délais induits par l'excès de normes distinguent-ils le marché français de ses voisins : ainsi, un entrepreneur a indiqué que le délai de délivrance des licences d'exportation était de deux mois en France, contre une semaine en Allemagne, ce qui disqualifie évidemment nos producteurs. De nombreuses voix, notamment dans le Pas-de-Calais, se sont aussi élevées pour dénoncer la tendance française à transposer les normes communautaires de manière maximaliste, notamment en matière de droit de l'environnement ; un entrepreneur de l'Hérault a par exemple évoqué la sur-transposition française des normes européennes s'agissant de l'utilisation de l'ammoniac comme gaz frigorifère. Certains regrettent aussi que la France ne tire pas bénéfice de certaines possibilités utilisées par nos concurrents voisins : ainsi, dans l'Hérault, la cave coopérative que nous avons visitée n'est pas autorisée à établir une déclaration de récolte unique, comme cela se pratique ailleurs en Europe, en Italie notamment, si bien que chaque exploitant parmi la centaine réunis dans cette coopérative est encore astreint à faire une déclaration individuelle. Enfin, nos premiers déplacements à travers la France nous ont permis d'appréhender les distorsions concurrentielles internes à notre pays , en raison d'interprétations divergentes des règles selon les administrations territoriales ou déconcentrées. Il ressort notamment que les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) n'imposent pas les mêmes contraintes aux entreprises en fonction des régions concernées et, même, selon le fonctionnaire en charge du dossier. Ainsi, le maquis de normes constitue-t-il un terreau pour quantité de distorsions concurrentielles qui sont autant de boulets aux pieds préjudiciables à nos entreprises sur l'ensemble des marchés sur lesquels elles évoluent.

Le trop plein ressenti par les entreprises à l'égard du carcan de complexité administrative qui les enserre explique que plusieurs d'entre elles, en divers endroits de France, en viennent à réclamer la fin de toute aide, en échange d'un allègement de leurs charges et d'une simplification de leurs obligations . La myriade existante de subventions, crédits d'impôts, ou exonérations fiscales variées est vue sur le terrain comme une source de tracasseries administratives supplémentaires, chronophages et d'effet modeste. Dans le Pas-de-Calais, une entreprise qui avait intégré une promesse d'aide dans le montage d'un projet, avec l'appui d'un cabinet de consultant spécialisés, a dû constater la disparition de cette aide à la sortie du projet : la promesse d'aide s'est ainsi transformée en coût. Même le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est principalement évoqué pour sa complexité, de nombreuses entreprises faisant valoir qu'il aurait été plus efficace de baisser les charges des entreprises plutôt que de créer un crédit d'impôt qui entraîne un décalage temporel et oblige certaines entreprises à demander un préfinancement. Pour une entreprise de la chimie du Rhône, le produit du CICE est si modeste qu'il est en réalité contrebalancé par la taxe additionnelle sur l'impôt sur les sociétés (outre la contribution exceptionnelle courant jusqu'en 2015). Ainsi, des voix se répondent pour exprimer l'absurdité de la situation. Que ce soit dans le Rhône : « on nous met des taxes, puis on nous redonne des subventions. C'est se compliquer la vie ! », en Seine-et-Marne : « ce qu'on nous prend, on nous le donne avant de nous le reprendre » ou ailleurs, tous les entrepreneurs ont l'impression d'un jeu de dupes, qui nuit à la lisibilité de l'action publique. La plupart sont écoeurés par la complexité des dossiers à remplir et par les contrôles des services fiscaux ou de l'URSSAF qui suivent souvent l'octroi d'une subvention. Certains préfèrent alors renoncer à toute aide. Ainsi, même si le CICE a été obtenu par certains des entrepreneurs présents, l'un a jugé que cela lui avait valu un mois et demi de combat administratif, l'autre a dénoncé le surcoût que cela engendrait pour l'établissement de chaque bulletin de salaire, et un dernier a même indiqué ne pas le solliciter pour éviter de perdre trop de temps et d'énergie. Globalement, les aides sont dénoncées pour leur faible ampleur et le délai de leur versement. Rencontrée dans le Pas-de-Calais, la filiale d'un groupe britannique de chimie a indiqué que la modernisation d'une ligne de production en France avait bénéficié de subventions pour moins de 1 % du montant de l'investissement et versées un an plus tard, quand la modernisation d'un de ses sites américains avait reçu une aide publique à hauteur de 12 % de l'investissement et versée immédiatement. Dans le Rhône, c'est le système d'aides à l'export que certains entrepreneurs ont jugé inefficace.

In fine , il n'est guère que le Crédit Impôt recherche (CIR) qui échappe à la critique relative à l'inefficacité des aides : ainsi, les entrepreneurs du secteur chimie/pharmacie rencontrés dans le Rhône ont insisté sur l'atout décisif que représente le CIR, qui permet qu'un chercheur à Lyon ne coûte pas plus cher qu'un chercheur en Chine pour la même compétence. Malgré tout, l'instruction du CIR, appuyée sur l'expertise de chercheurs sans aucune connaissance de l'entreprise, laisse à désirer, le délai de son versement reste problématique et, surtout, tous dénoncent le contrôle fiscal systématique qui suit l'octroi du CIR.

Si bien qu'il n'a pas été rare que nous entendions sur le terrain des entrepreneurs plaider la suppression de toutes les aides en échange d'un allègement des cotisations sociales, qui continuent de grimper à un niveau qualifié par un entrepreneur de Seine-et-Marne de « désespérant » : l'intéressement est passé de 0 à 20 % en 4 ans, les mutuelles de 0 à 15 %, et le bulletin de salaire fait deux pages. Certains ont été jusqu'à taxer la France de pays « communiste en économie » , en raison de la priorité qu'elle accorde aux bas salaires et à la protection de l'emploi. De même, plusieurs ont jugé la fiscalité étouffante, comme l'entreprise Saint Jean industries, visitée dans le Rhône, qui souligne que le niveau élevé de l'impôt sur les sociétés pénalise la compétitivité des entreprises dans la concurrence internationale. Nombre d'entrepreneurs ont effectivement demandé que l'harmonisation fiscale progresse en Europe et que les impôts frappent plutôt la valeur ajoutée que les salaires ou l'investissement. Plusieurs ont aussi suggéré de ne pas imposer les bénéfices qui sont mis en réserve dans l'entreprise.

A régulièrement été dénoncée la lourdeur de la fiscalité frappant un moment clef de la vie de l'entreprise: la transmission . Ce sujet a été évoqué dès notre premier déplacement, par de nombreux entrepreneurs de Vendée, où l'entrepreneuriat familial est prépondérant -ainsi, les Fonteneau envisagent de constituer une holding de rachat pour faciliter la transmission de leur entreprise de boulangerie industrielle- mais il l'a été également dans la Drôme et aussi dans le Rhône : les frais de mutation dans le cadre d'une cession à titre gratuit ne peuvent pas toujours être avancés par la génération suivante, si bien que de nombreuses entreprises familiales sont vendues prématurément à des sociétés étrangères ou à des grands groupes. Comme l'a indiqué à la délégation l'entreprise Cepovett rencontrée dans le Rhône, aux États-Unis, en revanche, ces frais de mutations ne sont exigibles qu'au moment où les héritiers sortent du pacte d'actionnaires.

S'ajoutant à la complexité réglementaire et à la lourdeur de la fiscalité, c'est aussi l'attitude de l'administration que déplorent les entrepreneurs. En différents endroits de France, ils ont lancé cet appel : « Faites-nous confiance ! » . Ils perçoivent en effet l'administration comme tatillonne à leur égard (une entreprise du Pas-de-Calais témoignait des ennuis que lui faisait l'URSSAF pour la corbeille de fruits qu'elle offrait chaque semaine à son équipe de salariés et que l'URSSAF assimilait à un avantage en nature, une de la Drôme a indiqué avoir dû consacrer 24 heures à la DGCCRF pour avoir oublié un « s » sur une étiquette...). Plusieurs PME font part de leur incompréhension à l'égard du maintien de l'exigence de fourniture de documents papier en doublon des documents électroniques qu'il est permis de produire en réponse aux appels d'offre dématérialisés : pourquoi une signature électronique pourtant certifiée ne suffit-elle pas pour engager une entreprise candidate à un marché public ? Plutôt que confiante a priori , l'administration française semble plus naturellement encline à la suspicion, d'autant plus que les entreprises se développent : en Seine-et-Marne, les deux entreprises que nous avons visitées (Acrelec et JPB Système), exportatrices l'une comme l'autre, ont relevé que les contrôles fiscaux s'étaient paradoxalement multipliés à leur encontre, depuis que la première a reçu en 2013 le prix de l'entrepreneur d'Ile-de-France et depuis que toutes deux ont demandé un remboursement de TVA en tant qu'exportateur. Cette attitude suspicieuse a même été qualifiée de punitive, s'agissant de l'inspection du travail dans le Pas-de-Calais. L'administration est par ailleurs jugée trop frileuse : dans l'Hérault, certains dénoncent une interprétation sclérosante de la loi « littoral » qui mène finalement à la paupérisation de ce dernier ; dans le Rhône, une interprétation trop large du principe de précaution complique l'octroi des autorisations, notamment par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)... À l'unanimité, les entrepreneurs dénoncent la conséquence de ce comportement tatillon, suspicieux ou frileux de l'administration : la lenteur des décisions. Dans la Drôme, une entreprise indiquait qu'un de ses jeunes salariés, embauché cinq mois plus tôt, venait seulement d'obtenir sa carte vitale. La Délégation se souvient aussi de l'entreprise Cougnaud, leader dans la construction modulaire, qu'elle a visitée en Vendée : elle a regretté d'avoir mis deux ans à obtenir le renouvellement d'une certification de la part du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Or cet enjeu de la certification dans la concurrence internationale a été souligné par de nombreuses PME rencontrées. Les entreprises ont ainsi le sentiment que l'administration ne vit pas le même rapport au temps . À titre d'illustration, l'entreprise Gazonor, qui exploite le sous-sol du bassin minier du Pas-de-Calais, n'a pas pu encore obtenir toutes les autorisations qui lui permettraient de débuter son activité de production d'électricité à partir du gaz de mine, alors que l'autorisation de principe a été donnée par une loi de 2006. La mise en oeuvre réglementaire des lois après leur adoption est révélatrice de ce décalage temporel entre la sphère administrative et les entreprises : certaines dispositions prises par des entrepreneurs sur le fondement de nouvelles lois sont ensuite contestées par l'administration fiscale, qui les juge non conformes à l'instruction fiscale prise -avec délai- en application de la loi. De même, il arrive souvent que les décrets d'application sortent trop longtemps après la loi alors qu'ils sont susceptibles de la réorienter, sans parler des décrets qui ne sortent finalement jamais car certaines lois se révèlent inapplicables. Même la procédure du rescrit fiscal, qui offre à l'entreprise l'opportunité de convenir avec l'administration fiscale d'une interprétation des règles afin de prévenir toute contestation ultérieure, présente l'inconvénient d'être trop longue à négocier.

Si les entrepreneurs déplorent le manque de confiance de la part de l'administration, ils le ressentent aussi de la part des banques , tant ils rencontrent de difficultés dans l'accès au crédit. Plusieurs entreprises nous ont ainsi fait part de leurs difficultés à financer leur besoin en fonds de roulement. Mais nombreuses aussi sont celles qui peinent à financer leurs projets. L'entreprise Vignal Artru, que la Délégation a visitée dans la Drôme et à qui l'on doit le groupe motopompe qui fait fonctionner le premier coeur totalement artificiel implanté chez un patient en 2014, lui a confié ne pas trouver auprès des banques les moyens de se financer à moyen terme, alors que les perspectives de croissance de l'activité sont réelles. L'équipementier Saint Jean industries a également déploré que les banques ne jouent pas leur rôle en matière de prêts d'investissements, surtout dans la filière automobile. La frilosité des banques les amène trop souvent à exiger la caution personnelle des entrepreneurs pour financer leurs projets industriels. Ainsi, ce n'est qu'en engageant ses biens personnels que le dirigeant de l'entreprise Les Brasérades, visitée dans l'Hérault, est parvenu à faire passer une étape difficile à son entreprise. Les banquiers présents à la table ronde que la Délégation a organisée dans la Drôme ont expliqué que le modèle économique des banques connaît une profonde transformation depuis la crise: à leurs yeux, la désynchronisation des taux réglementés français par rapport à la réalité économique, la fiscalité jugée confiscatoire et les nouvelles exigences plus strictes en matière de fonds propres occasionnent une baisse du produit net bancaire qui les empêche de financer la reprise. En tout état de cause, les banquiers ont indiqué, à raison, ne pouvoir se substituer au capital-risque, et, comme plusieurs entrepreneurs de différents départements, ils ont déploré que le capital-risque ne soit pas plus développé dans notre pays. Les entrepreneurs rhodaniens du secteur chimie/pharmacie ont particulièrement insisté sur cette problématique du financement de l'innovation : s'ils se sont félicités que notre pays accompagne le démarrage des entreprises, ils ont présenté comme un « parcours du combattant » la course à la levée de fonds pour la phase développement qui suit le stade de la recherche. C'est d'autant plus regrettable que cela conduit souvent à ce que les projets, la valeur et l'emploi soient alors délocalisés, empêchant la constitution d'une filière industrielle : il y a donc là une déperdition évidente des efforts faits par l'État en faveur de l'innovation. Comme l'a souligné une entreprise rhodanienne, le simple fléchage de seulement 1 % des cotisations annuelles de l'assurance-vie représenterait, à lui seul, plus d'un milliard d'euros par an pour soutenir l'innovation dans notre pays. La fiscalité n'incite assurément pas assez les Français à investir dans l'innovation, notamment dans le cadre des Fonds communs de placement innovation (FCPI) ; la fiscalité des plus-values est également préjudiciable à l'investissement dans les entreprises, comme l'a souligné l'entreprise JPB système en Seine-et-Marne.

Finalement, si l'on rapproche le plaidoyer des entreprises pour la suppression des aides et leur besoin insatisfait de financement, il convient d'accorder la plus grande attention à la piste ouverte par une entreprise entendue en Seine-et-Marne : elle jugeait plus précieux de recevoir 2 en prêts que 1 en subvention, tant les prêts sont difficiles à obtenir.

Il faut toutefois noter que, lors de chacun des déplacements de la Délégation, un acteur de financement a été salué : la Banque publique d'investissement . Cette performance est d'autant plus remarquable que la BPI est jeune. Seules certaines entreprises, notamment dans le Rhône, ont exprimé le regret que la BPI ne s'intéresse pas aux projets relativement modestes, jugés trop petits ou pas assez « révolutionnaires » , alors qu'il est impossible de les financer de manière autonome en l'absence de retour sur investissement avant une dizaine d'années.

Les déplacements de la Délégation ont également permis de mettre au jour différents freins à l'emploi sur le territoire . Partout, nous avons entendu les entrepreneurs faire part de leur peur de l'embauche, faute de ne pouvoir débaucher ensuite, ou alors à des coûts rédhibitoires. Une entreprise de l'Hérault a même qualifié le risque prudhommal de « deuxième loterie nationale »! La rigidité du droit du travail , conçue pour protéger le salarié, lui devient préjudiciable en ce qu'elle contrarie l'adaptation des entreprises aux évolutions de marché. Comme l'a résumé une entreprise vendéenne, « la France cherche à préserver des emplois, au lieu de chercher à en créer » . Plusieurs ont appelé à trouver le moyen de permettre aux entreprises de se séparer des collaborateurs les moins performants, en dehors de licenciements pour faute ou de plans sociaux, afin de donner plus de fluidité au marché du travail : « pour que l'eau puisse rentrer, il faut qu'elle puisse sortir », comme nous l'a dit une entreprise drômoise. Certains ont aussi appelé à rallonger la durée du CDD pour apporter plus de souplesse au marché de l'emploi. Le défaut de flexibilité du droit du travail est pareillement déploré en matière de temps de travail : plusieurs ont présenté les 35 heures comme un désavantage compétitif et demandent plus de liberté pour négocier le temps de travail au sein de l'entreprise. En Seine-et-Marne, un dirigeant a suggéré de supprimer les RTT au moins pour les cadres, élément décisif de la compétitivité de l'entreprise. Par ailleurs, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires est souvent vécue par les entreprises comme une perte de souplesse dans l'organisation de leur temps de travail, les salariés étant de fait moins enclins à faire des heures supplémentaires. Enfin, plusieurs ont déploré la concurrence déloyale que représentent les travailleurs détachés, qui ne sont pas soumis à des obligations sociales et fiscales aussi contraignantes et auxquels recourent de nombreuses entreprises concurrentes, notamment dans les zones frontalières, comme le Pas-de-Calais, et plus particulièrement dans les secteurs du transport, du bâtiment ou de l'abattage.

Mais un autre frein majeur à l'emploi, paradoxal dans un pays dont le taux de chômage dépasse les 10 %, a été porté à l'attention de la Délégation dans tous ses déplacements : la pénurie de main d'oeuvre . L'une des entreprises a même indiqué que c'était son premier souci. Ceci tient d'abord à la rareté de certaines compétences techniques . Les entrepreneurs plaident pour développer leurs liens avec les campus et universités pour le recrutement de compétences adaptées à leurs besoins. Certaines des entreprises rencontrées par la Délégation sont même devenues organismes de formation pour satisfaire leurs propres besoins de recrutement ; d'aucunes ont déploré à ce sujet la rigidité de la nouvelle loi qui les oblige à faire un plan de formation, alors qu'elles souhaiteraient pouvoir adapter leur offre en fonction de l'évolution de leurs besoins qui est liée à celle de leurs marchés. La capacité de Pôle Emploi à relayer les besoins en main d'oeuvre des entreprises auprès des demandeurs d'emploi a aussi été mise en doute, plusieurs entrepreneurs regrettant que Pôle emploi ne leur offre pas un interlocuteur dédié. Mais de nombreuses entreprises ont aussi témoigné de la réticence de certaines personnes à l'embauche, qui craignent de perdre un certain confort horaire ou financier. L'entreprise Acrelec, que la délégation a visitée en Seine-et-Marne, a ainsi fait part de ses difficultés à recruter sur des métiers à temps de travail contraint, comme la téléassistance qui exige des permanences. Plusieurs ont témoigné être confrontés au manque d'attractivité du travail par rapport à l'inactivité . Par exemple, l'entreprise textile Cepovett, dans le Rhône, a constaté une pénurie de main d'oeuvre et a dû faire le choix de la délocalisation de la confection : elle a regretté que les demandeurs d'emploi ne soient pas plus incités à reprendre une activité, notamment en cas de cumul du RSA-activité et de la prime pour l'emploi. De nombreuses autres entreprises, par exemple dans le Pas-de-Calais, ont elles aussi témoigné de la préférence des candidats à l'embauche à épuiser d'abord leurs droits aux indemnités chômage avant d'accepter un nouveau contrat. Dans l'Hérault, des entreprises nous ont indiqué que le système d'indemnisation du chômage poussait des salariés saisonniers à plein temps à quitter leur emploi pour ne pas perdre leurs indemnités chômage.

Enfin, dans tous les départements où s'est rendue la Délégation, elle a observé un frein majeur à l'emploi : les entreprises ont dénoncé le manque de souplesse du système de formation en alternance qui les empêche d'y recourir autant que nécessaire. Ce manque de souplesse tient à la fois à la réglementation sur les métiers dangereux qui, de la Vendée à l'Hérault en passant par la Drôme, empêche de faire effectuer certaines tâches aux apprentis et de les former efficacement sur les machines de l'entreprise. Elle tient aussi à la rigidité de l'organisation du temps de travail des apprentis en entreprise, à la quasi impossibilité de rompre le contrat d'apprentissage si le jeune ne fait pas l'affaire, et, plus généralement, au défaut de confiance accordée aux entreprises en France où l'on vise à protéger l'apprenti de l'abus du patron. Enfin, tous les entrepreneurs déplorent le manque de valorisation de l'apprentissage dans le système éducatif, sans doute imputable au défaut de liens entre école et entreprise, ainsi que le manque de reconnaissance des métiers auxquels forme l'apprentissage. La Délégation a ainsi bien identifié l'apprentissage, qui ne progresse pas dans notre pays malgré les milliards d'euros que l'on y consacre chaque année, comme un défi essentiel, tant il peut constituer un instrument décisif d'intégration des jeunes sur le marché de l'emploi. L'une des entreprises rencontrées par la Délégation parle à ce sujet de "faute collective", quand une autre appelle à une révolution dans le domaine de la formation en alternance. La Délégation entend dégager des pistes pour promouvoir l'apprentissage en entreprise à l'occasion de la table ronde qu'elle a décidé, sur le fondement des témoignages convergents recueillis à ce sujet sur le terrain, d'organiser au Sénat le 1 er octobre prochain .

Un dernier sujet ressort des déplacements de terrain de la Délégation : la nécessité d'encourager l'esprit collectif entre entreprises . Cet esprit manque souvent dans les relations PME/grands groupes que nous avons pu appréhender au travers de nos échanges. Ainsi, dans le Rhône comme dans la Drôme, de nombreuses PME sous-traitantes déplorent que leur carnet de commande ne reflète pas les engagements souscrits par des grands groupes signataires du Pacte PME, ces derniers n'hésitant pas à se tourner de plus en plus vers la Chine pour se fournir. Elles constatent aussi qu'en général, les délais de paiement sont d'autant plus longs que les marchés sont de montant important. Un jeune entrepreneur de Seine-et-Marne a d'ailleurs suggéré que soit imposée à tous une facturation électronique normalisée et indépendante des logiciels de gestion, afin d'éviter des ressaisies inutiles et de raccourcir les délais de paiement. En Seine-et-Marne toujours, plusieurs PME-PMI se sont plaintes de leur solitude à l'export : même si elle a pu bénéficier de l'accompagnement de la CCI, l'une des PME présentes a regretté de ne pas avoir été aidée par le grand groupe qui est son principal partenaire pour s'implanter en Chine ; au contraire, ce grand groupe a transféré la technologie en Chine et favorisé la délocalisation là-bas de la production des pièces qu'assure cette PME en France... Il convient donc de veiller à ne pas emmener que les grands groupes à l'étranger et à promouvoir l'esprit collectif qui permet de « chasser en meute ». La délégation a toutefois pu constater dans le Rhône que certains grands groupes contribuent au financement des jeunes pousses et de l'innovation. Ainsi, le groupe Sanofi, à travers sa filiale Sanofi développement, consent des prêts à des PME porteuses de projets : cela représente aujourd'hui 3 millions d'encours auprès de 140 PME. Au-delà de cette aide financière au développement, Sanofi détache sur plusieurs mois des collaborateurs pour apporter directement un appui en compétence aux PME. Consciente de la nécessité d'une telle coopération entre entreprises, la Délégation a été très sensible à la solidarité qui unit certaines entreprises sur le territoire, tout particulièrement dans le Pas-de-Calais où elle a rencontré l'un des 50 clubs d'entreprises qui réunissent 1500 entreprises autour d'Arras et de Douai : ce club, dénommé Tactic, encourage une vingtaine d'entreprises des nouvelles technologies à développer entre elles les courants d'affaire, à mutualiser leur compétences et moyens et à unir leurs efforts pour attirer les talents dans l'Artois.

Au terme de ce premier semestre de déplacements de terrain, la Délégation revient convaincue de la nécessité d'alléger la complexité normative et administrative qui enserre les entreprises, d'asseoir la sécurité de leur environnement réglementaire et fiscal, de simplifier et assouplir le droit du travail au service de l'emploi et de donner à nos entreprises les moyens de se battre à armes égales avec les concurrents, en alignant les charges sociales et fiscales sur nos voisins, notamment allemands, en évitant de sur-transposer les règles européennes et en encourageant une évolution de l'état d'esprit de notre administration. La Délégation a déjà pris en compte ces préoccupations à travers les amendements, que j'ai soumis à son examen et que j'ai déposés en ma qualité de présidente, au projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances et à celui relatif au dialogue social et à l'emploi qui ont été soumis au Sénat au printemps. Elle pourra prendre de nouvelles initiatives parlementaires l'automne prochain en ce sens.

Nous avons aussi entendu l'encouragement des entrepreneurs à penser ensemble l'adoption de la loi et celle des décrets d'application, pour éviter de voter des lois inapplicables. Des études d'impact préalables pourraient y contribuer, ce à quoi la Délégation entend donner suite dès la rentrée en recourant au service d'économistes compétents en ces domaines. Il est temps que le législateur s'inspire de la culture du résultat qui règne dans l'entreprise et qu'il adopte des indicateurs pertinents afin d'étudier l'impact d'une loi en amont d'une part, et d'en évaluer le résultat en aval d'autre part.

Nous retenons enfin l'impératif de valoriser les entreprises qui réussissent. À ce titre, la Délégation compte organiser au Sénat la remise du prix de la Fondation européenne pour la gestion de la qualité ( European Foundation for Quality Management ) ou prix EFQM, qui promeut un cadre méthodologique permettant aux entreprises d'évaluer leur niveau de qualité et de s'améliorer de manière continue. Ce modèle d'autoévaluation a été présenté par l'entreprise Valrhona, que la Délégation a visitée dans la Drôme, comme la clef de sa réussite. D'autres success stories existent assurément et la Délégation espère pouvoir les mettre en avant à cette occasion.

Pour finir, je tiens à remercier ici mes collègues qui ont pris l'initiative de proposer à la Délégation de se déplacer dans leur département d'élection et qui ont largement contribué à la réussite de ces journées hors les murs, ainsi que ceux qui ont participé à ces déplacements. J'exprime aussi, au nom de la Délégation aux entreprises, ma reconnaissance à l'égard des entrepreneurs qui nous ont accueilli sur le site de leur entreprise ou qui ont bien voulu participer aux tables rondes auxquelles nous les avons invités : nous leur savons gré d'avoir joué le jeu de la parole libre et nous savons le prix du temps qu'ils ont ainsi libéré pour dialoguer avec des sénateurs. Nous y voyons la preuve qu'ils espèrent une amélioration du climat dans lequel les entreprises évoluent en France. Nous le recevons aussi comme une marque de confiance dans la capacité du Sénat à contribuer à cette amélioration et donc comme une reconnaissance de l'utilité du Sénat. Nous ferons tout pour ne pas les décevoir, persuadés que ce sont les entreprises qui font la croissance et l'emploi.

Élisabeth LAMURE,

Présidente de la Délégation aux entreprises

COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA DÉLÉGATION AUX ENTREPRISES

A. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 29 JANVIER 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT EN VENDÉE LE 19 JANVIER 2015

Mme Elisabeth Lamure, présidente.- Aujourd'hui nous voulions échanger sur le premier déplacement de la délégation qui s'est tenu, sur proposition de Mme Annick Billon, en Vendée il y a dix jours, en présence de Mme Nicole Bricq, Mme Jacky Deromedi, M. François Aubey ainsi que M. Didier Mandelli, sénateur vendéen, et deux sénateurs des départements voisins MM. Philippe Mouiller et André Trillard. Nous avons été reçus au conseil général à la Roche-sur-Yon par notre collègue M. Bruno Retailleau, qui en est le Président, autour d'une trentaine d'entrepreneurs avec lesquels nous avons pu échanger d'une manière très conviviale et très tonique. Ces discussions ont été particulièrement intéressantes et se sont poursuivies lors du déjeuner avant la visite, dans l'après-midi, de deux entreprises vendéennes.

Nous allons maintenant vous proposer le visionnage d'une vidéo qui a été réalisée lors de ce déplacement.

Visionnage du reportage : http://videos.senat.fr/video/videos/2015/video26848.html

Ce reportage est très fidèle à ce que nous avons pu vivre lors de ce déplacement. Je laisse à présent la parole à Annick Billon pour le compte-rendu du déplacement.

Mme Annick Billon.- Madame la Présidente, mes chers collègues, je voulais à titre introductif préciser que cette journée du 19 janvier a été réalisée en très peu de temps. En effet, ce n'est que fin décembre que la décision a été prise mais grâce à cet esprit vendéen, les chefs d'entreprises se sont très vite mobilisés. Nous avions essayé de toucher un large panel de dirigeants d'entreprises afin d'anticiper les désistements ; toutefois, les quelques trente dirigeants invités ont tenu à se déplacer. Ils étaient extrêmement touchés et heureux d'accueillir les parlementaires et je pense que les collègues de la délégation qui étaient présents lors du déplacement -Mme Nicole Bricq, Mme Jacky Deromedi, M. François Aubey et Mme Élisabeth Lamure- pourront confirmer cette impression.

Comme vous l'avez vu dans le film, il y avait différents dirigeants représentatifs d'entreprises très variées : petites, moyennes ou intermédiaires avec de belles entreprises, leaders sur leur marché. Il y avait aussi des représentants de fédérations de professions telles que la fédération française du bâtiment, le syndicat de métallurgie, la CGPME, ainsi que le Medef. Par ailleurs, divers secteurs industriels étaient représentés : du BTP à la métallurgie en passant par l'agroalimentaire ou la construction navale. Ils ont tous eu à coeur de faire partager leurs expériences.

Pour amorcer la réunion, j'avais travaillé avec APM (Association pour le Progrès du Management) sur un petit film de neuf minutes où l'on avait posé à cinq chefs d'entreprises les questions suivantes : « Quelles sont les trois principales contraintes qui freinent votre développement ? » ainsi que « S'il y avait une mesure à prendre, quelle serait-elle ? ».

Nous avions une contrainte de temps forte puisque nous ne disposions que d'une heure et demie de temps de réunion pour 30 entreprises autour de la table et il s'agissait, bien sûr, que chacun puisse s'exprimer. Le déjeuner qui a suivi nous a donc permis de prolonger la discussion et d'approfondir certains sujets, mais lors de la table ronde, tous les chefs d'entreprises avaient d'ores et déjà pu s'exprimer, de manière brève et percutante.

De cette journée dense, si je ne devais retenir qu'une seule chose, ce serait le cri d'alarme que nous ont envoyé les entrepreneurs : « Laissez-nous travailler, faites-nous confiance ». Ils nous ont également suggéré quelques actions urgentes à mettre en oeuvre : si vous le voulez bien, je vais donc lister les différents points qui ont été évoqués par ces dirigeants d'entreprises.

Les entrepreneurs vendéens ont tous fait part de leur désir de garder cette envie d'entreprendre avant tout, mais ils se demandent actuellement s'ils vont y parvenir. S'ils veulent conserver cette envie de prendre des risques, ils estiment néanmoins que les conditions ne sont pas réunies pour préserver la dynamique qui les pousse à innover et à entreprendre.

Le premier frein à l'activité, selon les entrepreneurs interrogés, serait le manque de flexibilité du marché du travail. L'un des entrepreneurs a eu cette formule : « la France cherche à préserver des emplois, au lieu de chercher à en créer ». Il s'agit de deux choses bien différentes, on cherche à préserver l'emploi alors que certains métiers pourraient peut-être évoluer. Ils ont tous fait part de leur peur d'embaucher faute de ne pouvoir débaucher ensuite, ou alors à des coûts rédhibitoires. Ils ont tenu à rappeler qu'ils ne licenciaient jamais par convenance, mais toujours la mort dans l'âme. L'un d'eux a cité l'exemple du Canada où, depuis une dizaine d'années, il est possible de licencier aussi facilement que le salarié peut démissionner. Il s'y est établi un rapport de force favorable aux salariés. Les entrepreneurs ont aussi été nombreux à dénoncer la rigidité que représentent les seuils sociaux. Je citerai l'un d'eux : « lorsqu'on passe le seuil du 50 ème salarié, il faut en embaucher un 51 ème pour gérer les nouvelles contraintes ! ».

Le deuxième frein que dénoncent les entreprises est le manque de confiance de l'État dans les entreprises ainsi que son poids excessif : la pression administrative va croissant, avec des exigences accrues et de nouvelles obligations. L'un a évalué à 30 % la part de son temps consacrée à gérer des questions administratives, ce qui est autant de temps perdu pour l'innovation et le développement de l'entreprise. Un autre s'est demandé pourquoi il fallait produire les mêmes papiers pour un marché public de 200 000 euros ou de 20 millions d'euros. Un troisième a dénoncé la nouvelle réglementation sur les métiers dangereux qui entrave la formation professionnelle : des jeunes apprentis se voient ainsi interdits d'utiliser les machines-outils (même à l'école) et se contentent de regarder pendant deux ans d'apprentissage ! D'autres, enfin, ont comparé la mise en place du compte pénibilité à une usine à gaz ; certains envisagent même de recruter une personne supplémentaire pour gérer cette nouvelle mesure ! Toutes ces obligations, qu'ils vivent comme des boulets , érodent la compétitivité de leurs entreprises. L'un d'eux a demandé « qu'on laisse courir les entreprises sans leur accrocher de nouveaux boulets aux pieds ».

De surcroît, toutes ces normes et obligations donnent lieu à des contrôles qui viennent encore peser sur les entreprises et faire grossir la sphère publique. L'un des frères Cougnaud a regretté d'avoir mis deux ans à obtenir le renouvellement d'une certification de la part du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Le poids des charges sociales dans le coût du travail a aussi été dénoncé à maintes reprises : les cotisations continuent de grimper, alors même qu'on traite les entreprises de voleurs de baisses de charges.

L'instabilité du cadre réglementaire est un autre frein au développement de nos entreprises selon les entrepreneurs consultés. Non seulement les règles sont toujours plus nombreuses mais de plus elles changent trop souvent. On nous a d'ailleurs dit avec une pointe d'humour « Que les parlementaires craignent d'avoir de trop bonnes idées ! » car c'est à l'entreprise de les assumer sur le terrain. À titre d'exemple, pour ce qui concerne la fiche de paye, l'adaptation permanente à de nouveaux paramètres exige d'un gestionnaire de paye 3 à 4 heures par mois uniquement dédiées à cet aspect, nous a confié un entrepreneur. En matière fiscale aussi, les règles changent constamment : la défiscalisation des heures supplémentaires a été supprimée et le taux de TVA a doublé en deux ans dans certains secteurs. En outre, des dispositions prises par certains entrepreneurs sur le fondement de nouvelles lois sont ensuite contestées par l'administration fiscale, qui les juge non conformes à l'instruction fiscale prise en application de la loi. De même, les entrepreneurs nous disent que les décrets d'application sortent trop longtemps après la loi et sont susceptibles de la réorienter. Si tant est qu'ils sortent un jour car certaines lois inapplicables ne verront jamais leur décret d'application sortir.

Enfin, je voudrais transmettre un dernier cri d'alarme que nous n'aurions pas pu entendre si nous avions rencontré des grands groupes. Il s'agit du coût et de la complexité de la transmission d'entreprise, sujet évoqué par de nombreux entrepreneurs de Vendée, où l'entrepreneuriat familial est prépondérant. Nous l'avons particulièrement vu au travers des deux entreprises visitées l'après-midi : la première, Cougnaud, est dirigée par quatre frères cinquantenaires, qui ont repris l'entreprise fondée par leur père et qui peinent à organiser la transmission à la génération suivante. La seconde, fondée par les Fonteneau, un couple de boulangers, passe progressivement aux mains de leurs enfants, qui n'étaient pas amenés au départ à rejoindre l'entreprise ; cependant la complexité et la fiscalité sont telles qu'ils envisagent de constituer une holding de rachat pour faciliter la transmission.

Pour être complète, j'évoquerai les points positifs qui ont été mis en avant comme la réduction d'ISF pour l'investissement dans les PME. La plupart ont salué le CICE comme une bonne mesure, mais là encore, la complexité du dispositif a été déplorée. Il aurait été plus efficace de baisser les charges que de créer un crédit d'impôt car ce mécanisme entraîne un décalage temporel et oblige certaines entreprises à demander un préfinancement du CICE que les banques facturent à un coût élevé.

J'insiste sur le fait que les chefs d'entreprises avaient à coeur de faire partager leur ressenti dans le cadre d'une discussion vraiment très agréable. Il n'y avait pas de polémique autour de la table ou lors des visites et je crois que le ton constructif des échanges a été ressenti par l'ensemble des personnes présentes.

Ainsi, pour synthétiser, les urgences et les pistes évoquées sont les suivantes :

Revoir les seuils sociaux, alors que les négociations entre syndicats et patronat viennent d'échouer sur le sujet : les entrepreneurs demandent plutôt que soit annulé le seuil de 10, que le seuil de 20 passe à 50, que celui de 50 passe à 100 ;

- Assouplir le code du travail pour faciliter le licenciement et libérer l'embauche, ce qui pourrait conduire à un solde d'emplois positif ;

- Stabiliser l'encadrement législatif et réglementaire français comme européen et développer le rescrit fiscal ;

- Supprimer le compte pénibilité, à tout le moins pour le BTP ;

- Alléger les coûts salariaux et les charges sociales ;

- Simplifier la transmission d'entreprises.

Nous avons retenu l'encouragement des entrepreneurs à penser ensemble l'adoption de la loi et celle des décrets d'application, pour éviter de voter des lois inapplicables. Des études d'impact préalables pourraient y contribuer. Par ailleurs, un examen approfondi pourra être prévu pour analyser la proposition d'introduction d'un régime d'imposition différencié selon le type d'activité (pour taxer différemment l'export) et selon l'affectation des bénéfices -ainsi, les bénéfices mis en réserve pourraient être sortis de l'assiette de l'ISF. Surtout, les entreprises appellent de leurs voeux une stabilité législative dans une logique prévisionnelle : ne pas pouvoir prévoir à un an, à cinq ans, les éventuelles réformes, empêche de se projeter et d'établir un projet pour l'entreprise.

Pour conclure, je rappellerai le cri du coeur des entreprises : « Faites-nous confiance, laissez-nous travailler » .

Je tiens à remercier les sénateurs de la délégation aux entreprises qui se sont déplacés et les sénateurs voisins qui sont venus renforcer la délégation ; il n'est pas toujours très aisé de se déplacer en raison d'agendas très contraints. Nous avons été ravis de vous accueillir pour cette journée.

Mme Élisabeth Lamure.- Merci pour l'accueil en Vendée et pour ce compte rendu très fidèle de ce que nous avons entendu de la part des entreprises. Il n'y a pas de parti pris, les témoignages vous ont été rendus tels qu'ils ont été exprimés. Vous constaterez que ce sont les mêmes idées qui reviennent et qui constituent un socle sur lequel nous souhaiterions pouvoir travailler. Je vous donne maintenant la parole.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.- J'aimerais tout d'abord revenir sur une question d'organisation. Pour m'y être rendue, j'ai pu constater que la Vendée est effectivement une terre extrêmement dynamique sur le terrain des entreprises. Il me semble néanmoins utile de préciser qu'une entreprise n'est pas seulement un chef d'entreprise mais une communauté humaine et qu'une visite d'entreprise est également l'occasion d'écouter les représentants des salariés. En effet, si nous connaissons bien les sujets de préoccupation du patronat, nous avons rarement l'occasion d'écouter ceux des salariés. Il faut donc que cette parole puisse être entendue lors de nos prochaines visites.

D'autre part, je suis étonnée de constater que les sujets qui ont été abordés sont essentiellement d'ordre social. Il me semble que d'autres questions méritent réflexion comme par exemple l'ancienneté du parc productif -19 ans en moyenne en France contre 10 ans en Allemagne. Les dirigeants n'ont-ils pas abordé la question de l'investissement productif et du vieillissement des infrastructures ?

Pour les prochains déplacements, il faudra donc veiller à cibler de nouvelles pistes qui sortent des réflexions traditionnelles du Medef. Sur la question du surplus de normes par exemple, j'attire votre attention sur la création d'emplois qui est le corollaire de la mise en place de ces nouvelles normes. Ainsi, des bureaux comme le groupe SOCOTEC ont créé des milliers d'emplois avec les bureaux d'études qui délivrent les certifications.

M. Jean-Pierre Vial.- Oui, plus il y a d'incendies, plus il faut de pompiers...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.- Non, ce n'est pas cela. J'en veux pour exemple la certification sur la traçabilité qui nous permet d'éviter d'importer des matériaux de moindre qualité et de favoriser les matériaux français. J'admets qu'il y a parfois de trop nombreuses normes, comme dans l'exemple des deux ans d'attente pour un renouvellement de certification, mais je vous rappelle que dans certains cas, ces délais ont permis d'éviter de découvrir des cas de contamination par des matériaux, ultérieurement. Je ne dis pas que tout est parfait mais il faut éviter l'écueil d'une vision monomaniaque du sujet.

Mme Élisabeth Lamure.- Ce que je tenais à dire afin de nous replacer dans l'esprit du déplacement et plus largement de la délégation, c'est que notre objectif est précisément d'entendre les entreprises à travers leurs chefs qui sont légitimes pour répondre à la question qui fonde la mission de la délégation : « Quels sont, selon vous, les freins au développement de votre activité ? » .

Mme Annick Billon .- Je ne peux que reprendre ce que vient d'exposer notre Présidente. Je ne pense pas avoir assisté à une réunion monomaniaque ni à une réunion du Medef. Les entreprises étaient très diverses ce qui offrait un panel de chefs d'entreprises avec des parcours très intéressants individuellement.

Par ailleurs, comme l'a rappelé notre Présidente, l'objectif de cette journée tel qu'il a été défini lors de la réunion du 19 décembre était précisément d'aller à la rencontre des chefs d'entreprises afin de les interroger sur les freins à leur développement. C'est à mon sens ce qui a été fait lors de notre déplacement.

Enfin, concernant les cabinets comme SOCOTEC, certes il y a de plus en plus de normes, de plus en plus de cabinets, d'emplois, mais j'attire votre attention sur le coût que génère cette surenchère. Qui paie la note ? Ce sont les entreprises et les collectivités. On le voit particulièrement dans nos collectivités où la moindre étude coûte 40 000 à 100 000 euros avant même de démarrer un projet. Attention à toutes ces normes !

Mme Nicole Bricq.- Je voudrais pour ma part tirer les enseignements de cette première visite et revenir en particulier sur la question de la sélection des entreprises. Tout d'abord, je vous remercie car, en effet, cette visite a été organisée très rapidement. Il faut être très attentif à la sélection pour avoir un échantillon représentatif : filiales d'entreprises étrangères, filiales de grands groupes, PME familiales, ETI ayant ouvert leur capital, etc., doivent être représentées.

Ma deuxième remarque concerne la teneur des témoignages. Il est vrai que pas un des chefs d'entreprises ne nous a dit que la situation était satisfaisante, ce qui est à mon sens assez logique puisque face à des sénateurs, qui se déplacent de Paris de surcroît, il est bien naturel de se concentrer sur ce qui va mal. Ils nous disent de les laisser travailler, ce à quoi je leur réponds qu'il existe des aides comme le CICE.

Par ailleurs, j'ai été frappée de constater la difficulté rencontrée pour faire connaître les négociations qui interviennent entre organisations patronales et syndicales. Je pense à celles en cours sur les seuils sociaux ou à l'accord intervenu en 2013 sur la flexi-sécurité : personne n'en a parlé autour de la table. Par ailleurs, l'ISF-PME est un dispositif qui coûte très cher aux finances publiques, tout comme le crédit impôt recherche (CIR) ; il me semble dès lors assez normal qu'il y ait des contrôles. Par ailleurs, le rescrit fiscal semble méconnu.

Ce qui m'amène à un dernier point : il faut s'accorder sur l'objectif recherché et poser des questions précises lors des déplacements, par exemple au sujet de l'investissement. Peut-être que des déplacements thématiques nous permettraient d'aller au coeur du sujet.

Enfin, sur la question du point de vue des salariés, je pense que l'on pourrait solliciter l'organisation d'une brève rencontre avec les représentants du personnel pour avoir le point de vue des salariés dans l'entreprise.

Mme Elisabeth Lamure.- Je reviens un instant sur le CIR pour préciser que les entreprises ne se plaignaient nullement du principe du contrôle effectué sur le CIR mais de l'interprétation faite par l'administration fiscale qui les place dans une situation d'insécurité juridique.

M. Dominique Watrin.- Pour ma part, je partage les remarques de Mme Marie-Noëlle Lienemann et la dernière partie de l'allocution de Mme Nicole Bricq. Je suis convaincu que nous avons un problème de méthode et que si nous nous rendons ainsi dans les entreprises, nous allons en permanence entendre les mêmes discours que j'appelle « la litanie de pleurs » du MEDEF. Il faut, lors des prochains déplacements, nous munir d'une feuille de route avec un ou deux sujets précis sur lesquels interroger les entrepreneurs. Lors de la dernière réunion, nous avons évoqué des pistes fortes intéressantes concernant l'innovation, la recherche, la coopération entre entreprises, la question des filières organisées, l'accès au crédit bancaire. Il conviendra néanmoins de faire des choix.

En définitive, cela me semble être un problème de méthodologie couplé à un problème de fond. Je pense que sur les sujets qui seront abordés, il faudra auditionner les salariés car je partage ce qui a été dit par Marie-Noëlle Lienemann, à savoir que l'entreprise n'appartient pas qu'aux entrepreneurs : c'est un lieu de travail, un lieu de vie sociale où le salarié crée de la richesse et nous ne pouvons pas ne pas les entendre, au risque de tomber dans la pensée unique des entrepreneurs.

Mme Élisabeth Lamure.- Très bien. Je tenais seulement à redire que la question qui anime la délégation est très précise et qu'il s'agit bien d'appréhender les freins au développement de l'activité des entreprises, ce qui constitue le coeur de notre mission. C'est pour cela même que nous allons sur le terrain récolter l'information à la source avant de la traduire ensuite par des actes au niveau législatif.

Mme Annick Billon .- Pour ma part, je regrette vraiment que M. Dominique Watrin n'ait pas assisté à cette réunion et je rappelle que cette dernière n'avait absolument rien de clivant. Je ne vois pas où se trouve le problème de méthodologie dans le sens où la feuille de route consistait à interroger les entrepreneurs sur les freins au développement et c'est précisément ce que la délégation a fait en Vendée. Résumer cette journée en Vendée à une réunion du Medef alors que les dirigeants d'entreprises n'avaient aucune posture militante me semble dommage et je regrette vivement que vous n'ayez pu assister à cette journée et rencontrer les chefs d'entreprises qui ont tout simplement exprimé leur bons sens.

M. Olivier Cadic.- Tout d'abord, je vous remercie et vous félicite pour ce film ainsi que pour le compte-rendu qui, en très peu de temps, offre une belle vision du déplacement. Si vous me le permettez, j'aimerais apporter un éclairage extérieur sur certains points du fait de mon statut de chef d'entreprise et de représentant des Français de l'étranger. Par exemple, concernant les charges sociales qui sont fréquemment citées comme un problème en France, je rappellerai simplement les chiffres qui parlent d'eux même : 48 % de charges dans notre pays contre 13 % en Angleterre. Par ailleurs, voici un exemple de feuille de paie réalisée en Angleterre (feuille de taille inférieure à un format A5) qui comporte toutes les informations nécessaires y compris l'impôt sur le revenu prélevé à la source. Pour ce qui a trait à la transmission d'entreprise, je connais bien le problème ayant fondé mon entreprise à 20 ans ; si jamais j'étais victime d'un accident, mon entreprise disparaissait avec moi, mon enfant étant trop jeune et mes salariés, incapables de payer les frais de succession. En Angleterre au contraire, j'ai pu faire un testament pour transmettre mon entreprise à mes cadres afin que l'activité puisse être poursuivie. Enfin, je pense que la question de penser ensemble l'impact de la loi est un élément crucial et j'illustrerai ce point avec un exemple : l'impôt sur le revenu. En France, on paye l'impôt sur le revenu l'année suivant sa perception, avec le risque que le taux d'imposition ait changé entre temps. Transposé à l'entreprise, payer des impôts l'année suivante, de surcroît avec une législation qui change, a un impact certain sur les marges.

Pour en revenir au déplacement en Vendée, je voulais signaler une structure en France qui est plus qu'une entreprise mais un véritable lieu d'innovation adoptant une approche inédite de la façon de vivre l'entreprise : il s'agit du Puy du Fou. Pour la France, c'est un exemple extraordinaire qui mérite d'être valorisé.

Dans la perspective du prochain déplacement, il me semble très important d'insister sur les réponses qui ont pu être apportées outre-Manche aux difficultés soulevées. Je veillerai donc à trouver des personnes qui nous expliquent comment les sujets évoqués y sont vécus. Afin de préparer notre venue au Royaume-Uni, j'aimerais que chaque participant nous indique les atouts et les points faibles du précédent déplacement afin d'ajuster au mieux l'organisation.

Je m'arrête enfin sur les remarques qui ont été faites sur la nécessité de recueillir le point de vue des salariés. Effectivement, la vision du salarié est importante à prendre en compte. Laissez-moi vous donner un exemple qui concerne l'un de mes salariés m'ayant suivi lorsque je suis parti m'installer outre-Manche : ses demandes étaient complètement différentes en France et à Londres ; ses exigences avaient donc changé du fait de son nouvel environnement !

M. Claude Nougein.- Pour ma part, je n'ai pas fait partie du voyage en Vendée, y ayant moi-même emmené une délégation de conseillers généraux de mon département. C'est incontestablement un exemple de réussite économique et l'on y avait beaucoup appris. Je me souviens d'ailleurs qu'à cette époque le taux de chômage y était autour de 3-3,5 %, ce qui était très impressionnant.

Ce que nous avons entendu à travers ce film, nous l'entendrons de nouveau au cours de tous les voyages en province car les difficultés évoquées ne sont pas nouvelles. Il y a évidemment des raisons pour lesquelles la France a presque passé le seuil de 3,5 millions de chômeurs, et beaucoup d'entreprises françaises se vendent aux étrangers, qui n'ont pas nécessairement la même approche que les nationaux. Prenons l'exemple de l'entreprise familiale : elle attend avant de licencier en raison du lien de proximité avec ses salariés, alors que les grands groupes internationaux ou les fonds d'investissement auront moins de scrupules.

Ce que je trouverais intéressant pour la délégation aux entreprises ce n'est pas tant de prendre en charge le dialogue social -nous ne sommes pas la commission des affaires sociales- mais de voir comment l'État peut faire prospérer les entreprises. Je partage pour le reste la conception selon laquelle nos entreprises doivent prospérer pour tout le monde. Cela me paraît être une règle de base.

Par ailleurs, je trouverais pertinent que nous nous penchions sur des pays tels que la Grande-Bretagne ou l'Autriche, qui ont bien réussi et nous montrent des exemples de chefs d'entreprises heureux, qui gagnent de l'argent et qui investissent, des salariés qui sont heureux également et des taux de chômage qui diminuent. Ne serait-il pas intéressant de visiter ces pays ? Si l'on se rend à Londres, par exemple, ce n'est pas pour savoir comment les Français ont réussi à Londres alors qu'ils n'avaient pas réussi à Paris, nous connaissons déjà les avantages de Londres sur Paris sur certains points. Ce qui m'intéresserait davantage serait de nous rendre dans une PME anglaise pour comprendre son fonctionnement sur des points précis : au niveau des charges sociales, de l'impôt sur les sociétés, des règles. Nous désignons toujours les règles européennes comme les éternelles coupables mais dès lors que l'on se rend dans un autre pays, les contraintes semblent avoir disparu. Devant le constat d'un problème en France, il s'agirait plutôt d'examiner l'interprétation française de la règle européenne. On voit bien comment la Cour de Cassation interprète le Code du travail, par exemple.

Mme Élisabeth Lamure.- Merci pour votre contribution précieuse pour nos prochains déplacements.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.- Je n'ai rien contre les entreprises familiales ; ce qui me gêne davantage, c'est que le capital ne soit plus français. Mais un capitalisme familial est toujours mieux qu'un capitalisme volatile.

Je souhaiterais préciser que ma proposition vise à aborder le point de vue des syndicats et des salariés sous un angle économique. Je vous rappelle que dans certains cas, ce sont les syndicats qui ont tiré la sonnette d'alarme pour des entreprises en situation difficile. Enfin, idéologiquement, je ne peux pas valider l'idée que l'entreprise se résume au chef d'entreprise. L'entreprise est une communauté humaine et notre délégation aux entreprises n'est pas une délégation aux chefs d'entreprises.

M. Henri Cabanel.- Je voudrais pour ma part revenir sur la sélection des entreprises car il me semble en effet important de balayer tous les types d'entreprises -SA, EURL, individuelles, familiales, coopératives- afin d'analyser les problèmes spécifiques auxquels elles sont confrontées en fonction de leur statut. Je vous rappelle qu'il y a aujourd'hui 400 000 emplois non pourvus en raison d'une insuffisance de formation ; il serait intéressant de voir ces entreprises qui ont du mal à recruter.

Mme Élisabeth Lamure.- Il est assez difficile de procéder à la sélection des entreprises à notre niveau mais nous avons fait confiance aux représentants départementaux qui nous ont proposé, lors du premier déplacement, un panel représentatif avec des entreprises de tailles et de secteurs très différents. En ce qui concerne la taille, nous avions ciblé les PME et les ETI pour éviter les TPE et les très grands groupes et nous avons pu rencontrer les représentants d'entreprises employant de 12 à 3 300 salariés. Concernant les secteurs, nous avions autour de la table des entreprises relevant d'industries variées telles que l'agroalimentaire, le bâtiment, la construction navale, la mécanique de précision. En revanche, lorsque nous choisirons un thème particulier, nous pourrons, bien entendu, préciser notre souhait.

Mme Nicole Bricq.- Je voudrais faire une observation : autour de la table, il n'y avait pas une entreprise en difficulté et je constate que malgré toutes les contraintes citées, tous les chefs d'entreprise avaient réussi leur développement.

Mme Annick Billon .- Je crois qu'il ne faut pas sous-estimer la pudeur des chefs d'entreprise. Certaines entreprises, par exemple dans le bâtiment, souffrent terriblement. D'autres entreprises très exportatrices, comme le chantier naval OCEA qui exporte 95 % de sa production, sont confrontées au manque de confiance des banques et à leur frilosité pour financer leurs projets. D'ailleurs, si les entreprises ont été si nombreuses à se mobiliser pour assister à cette réunion, c'est qu'elles sont confrontées à de véritables difficultés au quotidien pour avancer, pour se développer.

Mme Élisabeth Lamure.- Au terme de ce tour de table très riche, je vous remercie pour votre participation.

B. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 12 FÉVRIER 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LA DRÔME LE 5 FÉVRIER 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Permettez-moi d'abord de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à Mme Patricia Morhet-Richaud au sein de la délégation aux entreprises. Elle remplace notre collègue Jean-Yves Dussere, récemment décédé.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour tirer les enseignements du second déplacement de la délégation effectué le 6 février dans la Drôme. Nos collègues Henri Cabanel, Olivier Cadic, Jérôme Durain, Gilbert Bouchet m'y accompagnaient.

Notre journée a débuté par la visite d'une très belle entreprise, Valrhona, et s'est poursuivie par une table ronde, avec une trentaine d'entrepreneurs au conseil général de la Drôme où nous avons été reçus par son Président, notre collègue Didier Guillaume. Enfin, nous avons clos ce déplacement par la visite d'une plus petite entreprise spécialisée dans la mécanique de haute précision : Vignal Artru Industries.

Je vous propose, tout d'abord, de visionner une vidéo qui vous donnera un aperçu efficace de ce déplacement dans la Drôme, avant de donner la parole à M. Gilbert Bouchet pour le compte-rendu du déplacement. Comme vous le constaterez, nous avons retrouvé sur certains points les mêmes diagnostics et les mêmes attentes des chefs d'entreprise qu'en Vendée, mais nous avons aussi entendu d'autres échos tout aussi édifiants.

M. Gilbert Bouchet.- Madame la Présidente, mes chers collègues, la délégation aux entreprises s'est rendue dans la Drôme pour son deuxième déplacement il y a une semaine, sur ma suggestion. Comme nous l'a fait valoir le conseil général, où le président Didier Guillaume nous a très aimablement accueillis, la Drôme est un département riche de 50 000 entreprises, réparties dans des secteurs très variés, de l'agriculture à l'industrie. C'est bien sûr une terre de vignobles : nous avons pu l'apprécier grâce à la dégustation offerte par la maison Jaboulet pour agrémenter notre déjeuner au conseil général avec les autorités consulaires, patronales et préfectorales. Mais la Drôme, c'est aussi le premier département « bio » français en surfaces cultivées. Par ailleurs, son socle industriel repose aussi bien sur la métallurgie, le nucléaire et l'agroalimentaire, que sur le cuir ou la mécanique.

Les deux entreprises que nous avons visitées sont une parfaite illustration de cette diversité : Valrhona, chocolatier d'excellence, fournit les plus grands chefs et artisans alors que Vignal Artru, spécialisé en mécanique de haute précision, a concouru à l'élaboration du premier coeur totalement artificiel, implanté en 2014.

La chocolaterie Valrhona est la parfaite illustration d'une « success story » qui a débuté en 1922 et a connu un grand essor depuis les années 1990. Elle fait aujourd'hui presque 60 % de son chiffre d'affaires à l'export ; ses clients sont satisfaits à 70 % ; les 800 salariés aussi sont heureux, puisque c'est sur leur jugement que Valrhona est classée 11 ème au fameux classement « Great place to work ».

M. Grisot, son charismatique directeur général, nous a confié le secret de cette réussite : un processus d'amélioration permanente, une remise en cause de tous les jours, qui fait de l'excellence le socle de son schéma organisationnel. Il nous a rapidement présenté les huit concepts fondamentaux de ce modèle fondé sur un management de qualité. Je les cite brièvement. L'essentiel est de diriger en s'appuyant sur une vision. Pour mieux nous l'expliquer, M. Grisot a cité cette phrase de Saint-Exupéry : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose... Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer ». Mais il faut également savoir « manager » avec souplesse, développer les capacités organisationnelles, soutenir des résultats équilibrés, apporter de la valeur à ses clients, réussir grâce au talent de ses collaborateurs, favoriser la créativité et l'innovation. Enfin, il faut savoir créer un avenir durable. C'est pourquoi Valrhona investit par exemple dans des plantations en Afrique pour s'assurer un approvisionnement de qualité et assumer sa responsabilité sociale et environnementale.

M. Grisot nous a ensuite expliqué que le profit n'était que la conséquence d'une telle organisation de qualité. Il a souligné que la pratique de l'excellence était explicitement prônée tant par l'industrie allemande que par ses dirigeants, sans tabou. C'est pourquoi ce dernier nous a appelés, nous parlementaires, à mieux valoriser les entreprises qui réussissent grâce à des processus fondés sur la qualité. J'espère, Madame la Présidente, que nous saurons répondre à cet appel.

Le dirigeant de Valrhona a également insisté sur la nécessité d'en finir avec l'angélisme en matière d'ouverture commerciale. Sans se plaindre de la mise en place du compte pénibilité en France, il a simplement désiré que les exigences administratives soient harmonisées entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères concurrentes. Alors que les entreprises françaises sont confrontées à de nombreuses barrières à l'export et doivent se plier à des exigences normatives de plus en plus complexes, pourquoi ne pas imposer aux produits importés des règles s'alignant sur les standards européens dans les domaines d'éthique sociale ou environnementale par exemple ? Je pense qu'il y a en effet matière à rendre plus intelligente notre politique commerciale européenne, en exigeant une forme de réciprocité en termes d'ouverture et de normes.

Notre seconde visite nous a permis de rencontrer le dirigeant actuel de Vignal Artru, Laurent Le Portz, ainsi que l'un des fondateurs de l'entreprise, Jean Artru. Ce groupe, qui compte 120 salariés, fabrique des pièces clés pour l'industrie aéronautique ainsi que pour le secteur médical. C'est à lui que l'on doit le groupe motopompe qui fait fonctionner le premier coeur totalement artificiel implanté chez un patient en 2014. Ainsi, les perspectives de croissance de l'activité sont réelles, mais Vignal Artru nous a confié ne pas trouver auprès des banques les moyens de se financer à moyen terme.

Outre l'enjeu du financement, M. Le Portz a tenu à souligner le défi que constitue l'apprentissage en France, qui ne progresse pas malgré les milliards d'euros que l'on y consacre chaque année. Il a regretté que les métiers auxquels l'apprentissage forme soient si mal considérés, alors qu'ils ouvrent à de belles carrières : M. Le Portz a estimé que les compagnons étaient, pour son entreprise, aussi précieux que les ingénieurs, si ce n'est plus. Par ailleurs, les règles auxquelles doivent se soumettre les entreprises d'accueil sont très contraignantes et la formation sur les machines de l'entreprise est remplacée par un enseignement en centre d'apprentissage. À titre de comparaison, les apprentis allemands sont formés à utiliser l'outil de travail au sein même de l'entreprise et l'efficacité de leur système d'apprentissage est un ingrédient clef dans la recette de la réussite économique de l'Allemagne. Il a considéré que cette différence majeure tenait à une vision française visant à protéger l'apprenti de l'abus du patron, et a regretté que l'on fasse si peu confiance aux entreprises. Partant, il a réclamé que l'apprentissage soit rendu aux entreprises. Plusieurs autres chefs d'entreprise rencontrés dans la journée ont également insisté sur le rôle que l'apprentissage pourrait tenir pour améliorer l'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi. Enfin, M. Le Portz a conclu par une confidence qui nous a laissé un goût amer : fort de ses expériences professionnelles à l'étranger, il a estimé qu'il n'avait jamais autant travaillé qu'en France pour si peu de considération et de résultats...

Comme vous le voyez, ces visites d'entreprises nous ont beaucoup appris et ont été utilement complétées par la table ronde durant laquelle nous avons recueilli d'autres témoignages précieux d'une trentaine d'entrepreneurs drômois. Pour ne pas être trop long, je me contenterai de vous indiquer les points saillants de cette table ronde, sans revenir sur le compte pénibilité ou les difficultés de la transmission qui avaient déjà été évoqués au retour de Vendée.

En toile de fond, nous avons entendu le même appel qu'en Vendée : « Laissez-nous travailler ! » . Cet appel s'est décliné de diverses manières mais les entrepreneurs ont été nombreux à dénoncer les tâches administratives, qui accaparent entre 20 % et 30 % de leur temps. L'instabilité réglementaire a encore été pointée du doigt : l'un des chefs d'entreprise a rappelé que la frilosité des investisseurs s'expliquait en grande partie par l'incertitude quant aux règles fiscales et sociales applicables d'ici deux à trois ans ; il a même parlé de « diarrhée administrative », laquelle s'accompagne d'une « boulimie fiscale » afin de financer cette administration pléthorique. Plusieurs ont regretté la lenteur de parution des décrets d'application mais aussi le pouvoir de nuisance de minorités qui bloquent des projets importants. Comme en Vendée, plusieurs chefs d'entreprises ont manifesté leur crainte de l'embauche, qui est perçue comme un risque, le contentieux aux prud'hommes se profilant à l'horizon. L'un a relevé que le nombre de ruptures conventionnelles avait explosé ces derniers mois, ce qui lui semblait témoigner d'une attente des entreprises comme des salariés. Je me souviens de sa formule pour appeler à plus de flexibilité du marché du travail : « Pour que l'eau puisse rentrer, il faut qu'elle puisse sortir ». L'une des personnes présentes a aussi déploré la perte de compétitivité qu'a provoquée la réduction du temps de travail en France, perte qu'elle a estimée à 10 %, au détriment principalement de l'export.

La différence de statuts entre le secteur privé et le secteur public a également été l'objet de discussions. Outre la sécurité de l'emploi, les fonctionnaires bénéficient d'horaires de travail moins lourds que les salariés du privé. L'un des chefs d'entreprise s'est dit accablé par le poids des charges et tenté, à l'instar de tant de jeunes, de se tourner vers l'étranger. Faute de s'attaquer à ce sujet, « ne resteront que les fonctionnaires et les chômeurs, mais qui va les payer ? », s'est-il inquiété.

Concernant les relations entre PME et grands groupes, certaines PME déplorent que les grands groupes se tournent de plus en plus vers la Chine pour se fournir, nonobstant la signature du pacte PME. Surtout, plusieurs petites entreprises ont dénoncé l'allongement des délais de paiement qui pèse sur leur modèle de financement.

Les représentants d'établissements bancaires qui étaient présents ont pour leur part souligné que la banque ne pouvait pas se substituer au capital-risque, même s'ils ont admis que ce dernier n'était pas assez développé dans notre pays. Ils ont aussi insisté sur la profonde transformation que connaît le modèle économique des banques depuis la crise et ont estimé que la baisse du produit net bancaire (PNB) ne leur permettrait pas de financer la reprise à venir. Trois raisons expliqueraient ce phénomène : des taux réglementés français désynchronisés de la réalité économique, une fiscalité jugée confiscatoire, sans oublier les nouvelles exigences plus strictes en matière de fonds propres.

Quelques anecdotes révélatrices du carcan administratif que ressentent les entreprises méritent d'être rapportées : l'une a dû surélever de 50 cm son bâtiment, soi-disant en zone inondable ; l'autre a indiqué avoir passé 24 heures avec la DGCCRF pour avoir oublié un « s » sur une étiquette ; la même indiquait qu'un de ses jeunes salariés, embauché en septembre dernier, venait seulement d'obtenir sa carte vitale, soit 5 mois plus tard. Enfin, l'une des participantes, seule employée de son entreprise qui produit des aliments sans gluten, nous a décrit la complexité du dispositif de remboursement accessible aux patients munis d'une prescription médicale. Le patient doit justifier chaque achat de produit sans gluten et adresser à la CPAM l'original de ses tickets de caisse, ainsi que les étiquettes que l'entreprise productrice a l'obligation d'accoler sur chacun des produits. On peut se demander si le montant remboursé, plafonné à 45 euros par mois, couvre les frais engagés par l'entreprise productrice qui doit coller une étiquette sur chaque produit, peu importe qu'il s'agisse d'une entreprise unipersonnelle, comme c'était le cas en l'espèce, ou d'une entreprise industrielle avec des moyens d'automatiser le processus ; le patient doit créer un nouveau dossier chaque mois ; la CPAM pour sa part subit des frais de traitement desdits dossiers, outre les frais bancaires inhérents au remboursement lui-même. On le voit, la complexité du système heurte le bon sens et pénalise au premier chef les TPE.

En guise de conclusion, je crois que nous devons veiller à faire simple. Pour reprendre l'idée soutenue par notre collègue Olivier Cadic devant les entrepreneurs, il est temps que le législateur s'inspire de la culture du résultat qui règne dans l'entreprise et qu'il adopte des indicateurs pertinents afin d'étudier l'impact d'une loi en amont d'une part, et d'en évaluer le résultat en aval d'autre part. Notre délégation aux entreprises ne pourrait-elle pas promouvoir ce nouveau regard au sein du Sénat ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je vous remercie pour ce compte rendu qui retranscrit parfaitement ce que nous avons entendu et ressenti à l'occasion de ce déplacement dans la Drôme. Je retiendrai en particulier les mots avec lesquels nous avons été accueillis chez Valhrona : « bienvenue dans une entreprise qui va bien ». Cette entreprise est en effet florissante, mais n'oublions pas le message qu'a souhaité nous transmettre son dirigeant : les entreprises qui réussissent ne sont pas assez reconnues. Il revient aussi à notre délégation de mettre en avant leur réussite. Par ailleurs, ce compte rendu a très bien décrit l'atmosphère de la table ronde, durant laquelle chacun a pu exprimer avec spontanéité ce qu'il vivait au quotidien dans son entreprise. Enfin, il était important d'évoquer les conséquences que peuvent avoir tous ces freins à l'activité sur le moral des entrepreneurs, comme l'a souligné le dirigeant de Vignal Artru, qui doit faire face à des difficultés de financement pour développer son activité.

Mme Nicole Bricq.- Je voudrais pour ma part revenir sur deux aspects que j'avais déjà soulevés lors de notre précédente réunion : d'une part, la teneur, d'autre part, l'usage des témoignages récoltés lors de nos déplacements.

Concernant le contenu des témoignages, il me semble que si nous demandons systématiquement aux chefs d'entreprise quels sont les freins au développement de leur activité, ils répondront invariablement en évoquant les mêmes sujets. Ainsi, nous avions déjà entendu le même discours de la part des entrepreneurs vendéens. De surcroît, tous ces points de friction ont déjà été, à de nombreuses reprises, portés à notre connaissance par bon nombre de rapports et de travaux d'expertise. L'imprévisibilité des procédures devant les conseils de prud'hommes par exemple, aura l'occasion d'être débattue dans le cadre de l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité.

Ce qui m'amène à aborder la question de l'usage que nous ferons de ces témoignages. Il me semble que, si nous ne sommes pas en mesure d'apporter des réponses à ces entrepreneurs, alors se posera inévitablement la question du sens et de l'utilité de la délégation aux entreprises. Il me paraît nécessaire et urgent de définir l'usage que l'on entend faire de ces témoignages. Je me félicite que de nombreux chefs d'entreprises se déplacent pour participer aux tables rondes. Ils nous expriment avec beaucoup de clarté leur point de vue et il me semble important, à défaut de pouvoir en débattre, d'être à l'écoute de ces éléments récoltés directement sur le terrain. Mais en restant cantonnés à un simple rôle de « réceptacle » de leurs témoignages, faisons-nous vraiment avancer la cause de ces entreprises ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Afin de clarifier ce dernier point, je préciserai que l'objectif de ces déplacements est bien d'entendre les entreprises de manière à pouvoir faire des propositions concrètes dans le cadre de notre travail législatif. Il ne s'agit pas de débattre avec les entreprises -ce qui serait, au demeurant, inadapté compte tenu de la durée restreinte de ces tables rondes- mais de recueillir les témoignages des entrepreneurs afin de relayer leurs préoccupations à l'occasion de l'examen des différents textes qui nous seront soumis. Concernant la redondance de certains témoignages, il existe immanquablement un socle de sujets communs à tous types d'entreprises. Pour autant, nous avons également détecté des différences et des nuances en fonction du type d'activité ou de la taille de l'entreprise.

M. Gilbert Bouchet.- Si nous continuons à entendre les mêmes demandes de la part des chefs d'entreprises, n'est-ce pas simplement le signe qu'elles sont entièrement justifiées ?

J'aimerais revenir un instant sur la situation du président de Valhrona qui, pour sa part, recherche avant tout de la reconnaissance. Au-delà des obstacles qui brident la croissance de leur activité, les entrepreneurs qui s'efforcent de donner le meilleur d'eux-mêmes attendent plus de considération. Lorsque ce chef d'entreprise a obtenu un prix qui aurait dû lui être décerné par le Président de la République, quelle ne fût pas sa surprise -après avoir été informé que ce serait un ministre, puis finalement un directeur de cabinet qui le lui remettrait- de n'avoir été, en définitive, reçu par aucun d'entre eux. Aux États-Unis, le Président décerne de tels prix aux entrepreneurs méritants, tout comme en Allemagne, la chancelière récompense elle-même les entreprises performantes. En France, on ne leur réserve pas autant d'égards.

M. Michel Canevet.- J'ai, pour ma part, bien noté cet appel à plus de reconnaissance du travail accompli sur le terrain. J'y vois la preuve que le Sénat doit continuer à se rendre auprès des entreprises, à la fois pour appréhender leur situation et pour témoigner de sa considération pour les entrepreneurs. La délégation s'inscrit ainsi dans le cadre des opérations « hors les murs » que mène le Sénat.

En tant que jeune parlementaire, je suis arrivé en espérant contribuer à la simplification de notre droit particulièrement complexe, et notamment lorsqu'il concerne les entreprises. Si ces rencontres nous permettent d'identifier quelques attentes des entrepreneurs, alors je crois que nous aurons contribué à soutenir l'esprit d'initiative dans notre pays, ce qui est absolument nécessaire pour nous aider à sortir de l'ornière.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- C'est tout à fait dans cet état d'esprit qu'entend travailler la délégation. Les entreprises apprécient, je le crois, de voir que les parlementaires se déplacent pour venir prendre leur pouls.

M. Henri Cabanel.- J'ajouterais que réciproquement, il est extrêmement plaisant d'être accueillis dans une entreprise qui clame « bienvenue dans une entreprise qui va bien ». Ces exemples de succès ne sont pas assez connus, pas plus d'ailleurs que les raisons qui permettent de les expliquer. Si nous avons rencontré des dirigeants très compétents et très ambitieux, je tiens également à souligner le sentiment de bien-être qui régnait au sein de l'entreprise et que nous avons pu ressentir. Cet état d'esprit est favorisé par une stratégie de management de proximité. Lors de la visite, par exemple, le président directeur général (PDG) saluait chacun des employés qui lui répondait avec le sourire. Une telle expérience managériale porte ses fruits puisque depuis dix-huit ans, l'entreprise connaît une croissance exponentielle et crée en moyenne une trentaine d'emplois par an. Il existe donc des entreprises qui vont bien et qui ont bâti leur succès sur des méthodes éprouvées. Notre rôle est également de le faire savoir et de les mettre en avant, ce qui constituait une demande claire du chef d'entreprise. À propos du prix que ce dernier n'a jamais reçu, ne pourrions-nous pas prendre l'initiative et le recevoir au Palais du Luxembourg ?

Par ailleurs, j'aimerais revenir sur la simplification du droit. Il est indéniable qu'il reste beaucoup à faire. Néanmoins, je tiens à souligner que certaines actions ont déjà été engagées en ce domaine.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Vous faites bien d'insister sur l'exemple de cette entreprise car cela fait également partie des objectifs de la délégation que de montrer que, dans les territoires, des entreprises réussissent brillamment. Il nous revient d'étudier ensuite les moyens de diffuser ces bonnes pratiques ailleurs. Le président de Valrhona a eu raison de nous interpeller sur le fait qu'on ne valorise pas assez en France les entreprises qui réussissent.

Mme Annick Billon.- Je peux confirmer, pour avoir eu des échos de la part des entrepreneurs vendéens, que les entreprises sont ravies d'accueillir les sénateurs. Néanmoins, j'aimerais insister sur le fait qu'elles attendent aussi un retour de notre part.

Ma remarque suivante se fonde sur un double constat. Alors que les entreprises visitées lors du déplacement dans la Drôme étaient très différentes de celles rencontrées en Vendée, force est de constater que ces entreprises rencontrent les mêmes blocages, tels que le surplus de normes, leur complexité croissante, les difficultés de financement auprès des banques ou l'inadaptation du système actuel d'apprentissage. On aurait pu imaginer que des entreprises si hétérogènes évoqueraient des facteurs de blocage différents. Seule la question des seuils, sur laquelle les entreprises vendéennes avaient spécialement insisté en raison de leur taille plus modeste, a fait l'objet de moins de remarques de la part des entrepreneurs drômois.

Pour conclure, s'il me semble important de continuer nos visites qui apporteront certainement de nouveaux éléments à notre réflexion, il est encore plus crucial de revenir vers les entreprises sollicitées, afin de leur donner des éléments de réponse.

M. Michel Vaspart.- Je rejoins tout à fait mes collègues qui font valoir que la délégation aux entreprises n'a de sens qu'à condition de déboucher sur des mesures concrètes. J'ajoute qu'il sera toujours possible de trouver des entreprises prospères sur des créneaux de niche car elles peuvent dégager de plus fortes marges et par la suite redistribuer leurs résultats. Elles sont dans une situation plus enviable que celles qui sont positionnées sur un marché plus concurrentiel. Or, il s'avère que l'économie française est faite d'une majorité d'entreprises qui, soumises à une concurrence extérieure croissante, rencontrent de réelles difficultés. Un des obstacles parfaitement identifié réside dans l'excès de normes, lois et règlements auxquels doivent se conformer les entreprises. Ce constat est commun à tous les types d'entreprises : TPE, PME commerciales ou artisanales, ETI ou grands groupes. Ainsi, nul n'échappe à cette contrainte, même si les plus grandes entreprises disposent de davantage de moyens pour y faire face. Cela me persuade qu'au-delà de l'écoute apportée aux entrepreneurs lors de nos déplacements, il faut nous attaquer au maquis législatif et réglementaire qui étouffe l'activité des entreprises françaises.

Par ailleurs, je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle les questions soulevées par les entrepreneurs ne seraient que la simple répétition du discours du Mouvement des entreprises de France (Medef). Si les mêmes sujets sont repris par une majeure partie des entreprises rencontrées, c'est que nous sommes collectivement incapables de les traiter depuis des années. Lorsque j'étais à la tête d'une entreprise, j'étais confronté aux mêmes difficultés, et lorsque j'en parlais aux élus locaux, il ne s'agissait en rien de répéter un discours entendu au Medef mais, au contraire, de les avertir sur les contraintes réelles auxquelles mon entreprise devait faire face au quotidien. Soupçonner sans cesse les dirigeants d'entreprises d'une quelconque allégeance au Medef pour se dispenser de traiter des difficultés identifiées de longue date ne me paraît pas à la hauteur des enjeux. Notre économie est au pied du mur et nous n'avons plus de temps pour cela.

M. Henri Cabanel.- Permettez-moi de signaler que Valrhona n'a rien d'une entreprise dont l'activité se déploie sur un marché de niche et, qu'à l'instar de nombreuses entreprises, elle a connu la crise en 2008. En revanche, la différence réside dans l'état d'esprit du dirigeant de Valrhona qui a toujours placé l'équilibre de l'entreprise en tête de ses priorités, alors que d'autres ont préféré la recherche de profits immédiats. Dans cette optique, le dirigeant a privilégié des décisions de long terme comme l'illustre l'exemple suivant : au moment de la crise et alors que tout le monde freinait ses investissements, la direction a précisément décidé d'investir et a fait le pari de l'internationalisation. C'est cette décision courageuse et non l'exploitation d'un marché de niche qui explique la croissance soutenue qu'affiche aujourd'hui l'entreprise.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Nous partageons tous la volonté de porter la parole des entreprises et de la traduire dans des mesures concrètes. C'est ce qui doit piloter l'action de notre délégation. Dans cette perspective, je vous rappelle que la délégation a prévu de se réunir le 19 mars afin d'examiner les propositions d'amendements au projet de loi relatif à la croissance et à l'activité défendu par le ministre Emmanuel Macron. Je rejoins notre collègue Michel Vaspart : il nous incombe de rappeler les contraintes que subissent nos entreprises et qui pèsent lourdement sur leur activité, comme en attestent nos échanges avec les entrepreneurs. Il ne s'agit en rien de relayer un discours préconçu et déconnecté de la réalité sur le terrain. Ainsi, les quelques propositions que nous pourrions faire sur le projet de loi « Macron » devraient faire écho à ce que nous avons entendu sur le terrain.

Mme Annick Billon.- Je propose que la délégation se saisisse plus particulièrement d'un thème et fasse des propositions ciblées. Par exemple, l'apprentissage me paraît un sujet crucial dans la mesure où l'inefficience de notre système a été unanimement dénoncée par les entrepreneurs français, alors que l'efficacité du modèle allemand est reconnue comme une des sources de la vitalité de l'économie outre-Rhin.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je retiens votre suggestion. Le Bureau de la délégation entend faire des propositions sur des sujets de travail à l'issue du premier semestre, à la lumière des enseignements tirés de nos déplacements.

Mme Sophie Primas.- Il me semble judicieux de s'emparer d'un ou deux thèmes de fond. L'apprentissage me paraît, en effet, être un sujet extrêmement important, car il touche à la fois la vie des entreprises et l'accès des jeunes au monde du travail. Par ailleurs, je rejoins notre collègue qui dénonce à juste titre la multitude de petites normes qui gangrènent le quotidien de nos entreprises. Ainsi, se concentrer sur ces petits blocages pour les résoudre pourrait rendre un grand service aux entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Il est vrai que nous avons été parfois surpris par certains témoignages qui nous présentaient des situations à peine concevables ! C'est pourquoi nous avons pris soin de prendre en note chacun des témoignages pour nous aider à bâtir nos propositions.

M. René Danesi.- J'aimerais suggérer à la délégation la visite d'une entreprise allemande installée en France afin de comparer les deux systèmes français et allemand. Nous pourrions interroger nos interlocuteurs sur le type de difficultés qu'ils rencontrent en France et qu'ils ne retrouvent pas outre-Rhin : cette démarche comparative permettrait de cibler les obstacles propres à notre manière de fonctionner. À mon sens, il s'agit essentiellement d'un état d'esprit. J'en veux pour preuve notre système d'apprentissage vers lequel on a dirigé durant de nombreuses années les jeunes pour lesquels aucune autre alternative ne semblait possible. Même en Alsace où l'apprentissage bénéficie d'un statut particulier et est piloté par les chambres de métiers, les entreprises rencontrent les plus grandes difficultés à recruter des jeunes qualifiés, faute d'attractivité du système d'apprentissage.

Ma deuxième observation porte sur la question de l'excès de normes. Nous, parlementaires, sommes les premiers à dénoncer la réglementation à outrance et à imaginer de beaux slogans tels que « pour chaque norme ajoutée, deux normes seront supprimées ». Force est pourtant de constater que nous sommes les spécialistes pour inventer de nouvelles mesures par la multiplication d'amendements, qui sont autant de contraintes supplémentaires pesant sur les entreprises. Voyez les milliers d'amendements examinés dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique ! Pour chaque texte, les spécialistes qui s'expriment sont tentés de vouloir imposer leur point de vue et s'évertuent à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux. J'ai pu constater très récemment que des collègues de tous bords, et en particulier ceux qui se font les chantres de la simplification, font en séance exactement le contraire de ce qu'ils prônent hors de l'hémicycle. Ainsi, du lundi au vendredi on complexifie et, le samedi et le dimanche, on se bat pour la simplification ! Je suis effaré de constater la propension que nous avons à compliquer toutes choses sans jamais nous poser la question du gain pour la société dans son ensemble.

On peut se demander si cette réglementation à outrance est bien nécessaire dans le monde de l'entreprise. En effet, si les dispositions intéressant au premier chef les relations entre particuliers doivent être précises, les entreprises sont parfaitement à même d'organiser leur activité sans qu'il soit besoin de prévoir pour elles l'ensemble des détails touchant à leur coeur de métier. Il me semble plus judicieux de les inciter à prendre de telles mesures plutôt que de les contraindre par des normes toujours plus nombreuses et plus précises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Pour clore cette réunion, je rappellerai simplement que notre prochain déplacement se déroulera dans le département du Rhône le 6 mars prochain. En raison de l'importance qu'y revêt l'industrie de la chimie et de la pharmacie, encore soulignée par l'implantation d'un pôle de compétitivité mondial dans ce domaine, nous avons décidé de réunir les PME et les ETI qui travaillent avec les grands groupes industriels, afin d'orienter les échanges de la matinée sur le fonctionnement des « grappes d'entreprises ». Le déplacement se poursuivra par la visite de deux entreprises très différentes : le groupe Cepovett, leader européen du vêtement de travail, d'une part, le groupe Saint Jean Industries, équipementier travaillant en collaboration avec les plus grands fabricants automobiles, d'autre part.

Enfin, la prochaine réunion de la délégation aura lieu le 19 mars et sera l'occasion de dégager quelques idées fortes de nos déplacements et de répondre aux appels du terrain par la proposition d'amendements au projet de loi « Macron ». À titre d'information, je vous rappelle également que le déplacement suivant, prévu à Londres, se déroulera le 13 avril.

C. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 19 MARS 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE RHÔNE LE 6 MARS 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Mes chers collègues, je vous propose maintenant de présenter le dernier déplacement de la délégation dans le Rhône où j'ai eu l'honneur d'être accompagnée par plusieurs membres de la délégation : Mmes Nicole Bricq et Sophie Primas, MM. Jérôme Durain et Michel Forissier. Notre collègue Catherine di Folco, Sénateur du Rhône, a aussi passé la matinée avec nous à Lyon.

Notre journée a commencé par une table ronde organisée autour d'une vingtaine de PME et d'ETI partenaires de grands groupes, avec l'objectif d'appréhender le fonctionnement d'une grappe d'entreprises dans le secteur de la chimie et de la pharmacie. Les interventions étaient riches et prouvent l'importance d'un environnement favorisant la recherche et l'innovation pour la compétitivité de nos entreprises, à l'instar de Lyon Biopole.

S'agissant d'entreprises très actives en matière de Recherche et Développement, la question du financement est apparue comme une priorité. Les entrepreneurs se félicitent que notre pays offre un « tissu » qui les aide au démarrage des entreprises, tels que le concours OSEO -devenu la BPI-, le fonds unique interministériel (FUI) ou encore les aides des collectivités territoriales (régions, départements). De même, de nombreux outils financiers sont mis à leur disposition dans les premières phases de l'innovation. Le Crédit impôt recherche (CIR) a été unanimement salué comme un élément de compétitivité clef de la recherche française : grâce à lui, la France se hisse au 5 ème rang en termes de coût d'un chercheur alors qu'elle serait au 18 ème rang sans cette incitation fiscale. Un chef d'entreprise nous a ainsi assuré qu'un chercheur à Lyon ne lui coûte pas plus cher qu'un chercheur en Chine pour la même compétence. Il importe donc de pérenniser ce dispositif.

En matière de recherche toujours, si des efforts ont été menés pour rapprocher la recherche universitaire du monde des entreprises, certains intervenants font le constat de la persévérance d'une summa divisio entre ces deux environnements au détriment de l'innovation. Par ailleurs, les dispositifs de soutien à la recherche publique sont parfois préjudiciables à des structures de recherche privées, telles les entreprises de recherche sous contrat concurrencées par les Instituts de recherche technologique (IRT) soutenus par l'État. Dans le même ordre d'idée, les patrons d'ETI estiment que le secteur public ne coopère pas assez. La CNAM, par exemple, refuse de mettre ses données à disposition des laboratoires de recherche, alors qu'elles sont d'une valeur inestimable pour des entreprises qui développeraient des innovations liées à la santé.

Une fois le stade de la recherche passé, la course à la levée de fonds est alors présentée comme un « parcours du combattant » et les chefs d'entreprises regrettent que les dispositifs mis en place pour les aider au démarrage ne soient pas plus efficaces pour les accompagner ensuite dans la phase de croissance ; les rares ETI présentes ont d'ailleurs déploré que beaucoup d'aides soient réservées aux PME. C'est un comble, puisque les projets, la valeur et l'emploi sont alors délocalisés, empêchant la constitution d'une filière industrielle : il y a là une déperdition considérable des efforts faits par l'État en faveur de l'innovation. Un intervenant résumait cette situation : « en France, après la phase de recherche, c'est le no man's land pour développer le produit : il faut retenir les fruits de la recherche ». Et le Président de France Biotech de conclure « la France finance 99 % du parcours, mais à cause de l'absence de financement dans la dernière phase de développement, les plus beaux projets partent à l'étranger ».

Les banques invoquent les nouvelles règles de solvabilité pour justifier leur frilosité dans l'octroi de crédits. De ce point vue, la BPI est vue comme un outil essentiel pour prendre le relai mais les chefs d'entreprises ont le sentiment qu'elle ne s'intéresse pas aux projets relativement modestes, jugés trop petits ou pas assez « révolutionnaires », alors qu'il est impossible de les financer de manière autonome en l'absence de retour sur investissement avant sept, huit, voire douze ans. Enfin, la BPI ne peut, à elle seule, financer tous les projets et le recours au marché est très peu utilisé par les PME et les ETI françaises.

Par ailleurs, la France manque d'outils de financement de longue durée essentiels au développement industriel ou au soutien à l'innovation. Un des entrepreneurs présents rappelait que le fléchage de seulement 1 % des cotisations annuelles de l'assurance-vie représenterait, à lui seul, plus d'un milliard d'euros par an pour soutenir l'innovation dans notre pays. Les Français pourraient être plus incités à investir dans l'innovation, notamment dans le cadre des Fonds communs de placement innovation (FCPI), dont on observe une « décollecte » à cause des plafonds instaurés sur l'impôt sur la fortune : l'investissement dans l'innovation est moins encouragé que celui dans le cinéma (via les SOFICA). On peut se demander si cela est légitime ?

Les grands groupes peuvent aussi contribuer au financement des jeunes pousses et de l'innovation. Ainsi, le groupe Sanofi, à travers sa filiale Sanofi développement, consent des prêts à des PME porteuses de projets : cela représente aujourd'hui 3 millions d'encours auprès de 140 PME. Au-delà de cette aide financière au développement, Sanofi détache sur plusieurs mois des collaborateurs pour apporter directement un appui en compétence aux PME. Par ailleurs, le groupe qui forme plus de 1 400 alternants par an, redirige ces talents vers les PME partenaires qui peinent à recruter du personnel qualifié. Enfin, le groupe mène une mission d'essaimage et accompagne la création d'entreprises par ses anciens collaborateurs.

Ce soutien actif aux PME répond aux engagements pris dans le cadre du Pacte PME, mais de nombreuses PME sous-traitantes déplorent que leur carnet de commande ne reflète pas les engagements du Pacte PME. En effet, les grands groupes qui délocalisent la sous-traitance dans une logique de rationalisation des coûts sont parfois les mêmes que ceux ayant signé en grande pompe le Pacte PME. Les entreprises attendent au contraire des grands groupes qu'ils associent les PME qui offrent qualité de service, réactivité, flexibilité et qui renforcent le tissu industriel local.

Au-delà de l'ancrage territorial des « grappes d'entreprises », les PME ont du mal à trouver un système efficace d'aide à l'export. Encore une fois, les projets en deçà d'une taille critique ne sont pas éligibles aux dispositifs prévus par la Coface et Ubifrance, désormais Business France. Mais plusieurs ont salué le travail exemplaire de la structure rhodanienne Entreprise-Rhône-Alpes-International (ERAI) d'aide à l'export.

Il s'agirait plus généralement d'adapter les mesures et les normes à la réalité économique des petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens d'assumer les lourdeurs administratives qui constituent un obstacle à la compétitivité. L'un a eu cette formule que je trouve assez symptomatique de notre pays : « Plus on fixe de degrés de liberté, moins on peut bouger ». Les intervenants ont encore une fois réclamé plus de simplification et les contraintes sont bien identifiées : excès de normes ; contrôles tatillons et fréquents, notamment des douanes ; ou encore contrôles fiscaux trop nombreux ; complexité de la feuille de paie ; rigidité des licenciements. Ces démarches administratives coûtent cher. Pour le CIR par exemple, la complexité de la constitution du dossier d'octroi du crédit nécessite le recours à un professionnel, sans compter le déclenchement automatique d'un contrôle fiscal pour en vérifier l'utilisation !

Le poids des normes a été dénoncé, précisément dans un secteur, la chimie : le programme européen REACH (programme réglementaire de gestion des substances chimiques) qui concerne des centaines de substances pour lesquelles il faut déposer des dossiers de certification de conformité, a un coût considérable. Démarré en 2008, il sera clos en 2018, mais l'opération s'étendra ensuite aux polymères : les entreprises ont le sentiment que le système de réglementation s'autoalimente. Une interprétation trop large du principe de précaution complique aussi l'octroi des autorisations, notamment par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Et si on rajoute les réglementations administratives françaises (plan de prévention des risques technologiques, plan séisme, sites classés SEVESO), nos entreprises préfèrent parfois renoncer à des activités ou les délocaliser, plutôt que de subir les délais d'obtention des autorisations d'exploitation, souvent incompatibles avec leurs activités. Oui, la lenteur est un poison dans la concurrence internationale où la vitesse est un facteur clé de succès, surtout dans un secteur où le premier qui dépose un brevet a gagné. Même le représentant de l'État, le Préfet Jean-François Carenco a reconnu l'importance de fixer et de respecter les délais pour les prises de décisions administratives.

Cette question de délais a également été soulevée au sujet de la lenteur des décisions de la Direction générale de la Concurrence à Bruxelles : une ETI de la chimie, Kem One, a ainsi dénoncé la paralysie dans laquelle était plongé son marché en raison du projet de fusion des deux leaders européens du domaine, que Bruxelles examine depuis deux ans. Parallèlement, Kem One attend depuis un an une réponse à un dossier d'aides d'État la concernant. Son représentant a fini par poser la question essentielle de la prééminence de la politique communautaire de la concurrence au détriment de toute politique industrielle de l'Europe. C'est selon moi une question politique de premier plan.

En matière de fiscalité, on nous décrit un système quasi kafkaïen : « on nous met des taxes, puis on nous redonne des subventions. C'est se compliquer la vie ! ». D'autant qu'il existe une myriade de subventions, crédits d'impôts, taxes variées dans lesquelles nos start-up se perdent. Un exemple avec le CICE dont le produit est en réalité contrebalancé par la taxe additionnelle sur l'impôt sur les sociétés, outre la contribution exceptionnelle courant jusqu'en 2015. Nous avons reçu une contribution explicite d'une entreprise à ce sujet, et je vous propose de regarder ensemble ce tableau qui récapitule l'évolution des taxes de la société NOVACAP, qui compte 1 240 collaborateurs et plusieurs implantations en Asie.

Vous constaterez que le produit du CICE est absorbé par la taxe additionnelle sur l'impôt société et rend cette mesure inopérante. L'entrepreneur indique que la convention collective de la chimie est « relativement avantageuse » pour ses salariés, ce qui explique le « peu d'impact » du CICE.

En outre, l'évolution d'un bon nombre de taxes locales, dites de production, réduit fortement leur compétitivité. À cela s'ajouterait un nouveau dispositif sur les taxes intérieures (TICC & TICGN) lié aux objectifs de réduction des émissions de CO2, qui vont ajouter une pression supplémentaire de cinq millions d'euros par an pour ce groupe.

En définitive, les chefs d'entreprises attendent des mesures fortes pour restaurer leur compétitivité.

M. Jean-Marc Gabouty.- Il ne faut pas, à mon sens, tirer de généralité à partir d'un cas d'espèce. Le constat de l'absorption de l'avantage tiré du CICE par les autres taxes est propre à la situation de cette entreprise. Par exemple, la taxe additionnelle dépend du résultat de l'entreprise, qui peut varier ; par ailleurs, les taxes locales n'ont pas évolué à ce rythme dans toutes les collectivités.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- En effet, les données qui nous sont présentées reflètent la situation particulière d'une entreprise mais viennent illustrer de manière très concrète l'accumulation de crédits d'impôts et de taxes qui complexifient notre système fiscal. Lors de nos déplacements, les entreprises n'ont eu de cesse de déplorer la surenchère de dispositifs au détriment de leur lisibilité : ce constat est valable pour l'ensemble des entreprises et dépasse le cas d'espèce.

Après cette table-ronde très riche, notre délégation s'est rendue au siège de deux belles entreprises dans le Beaujolais-Val de Saône.

Nous avons d'abord été accueillis par les dirigeants de Cepovett, un groupe textile familial de troisième génération, leader français du vêtement d'image. Vêtements de travail, uniformes, tenues de protection contre les risques professionnels, cette ETI familiale est un bel exemple de réussite qui compte comme clients la RATP, Air France, la SNCF ou encore la Ville de Paris. On reproche souvent aux entreprises de délocaliser leur production pour des raisons de coût du travail. La réalité est plus complexe, comme ici, où les dirigeants ont été confrontés à une pénurie de main d'oeuvre et ont dû faire le choix de la délocalisation de la confection. Les dirigeants regrettaient également que la balance entre le choix du travail ou de l'inactivité ne soit pas plus incitative d'un retour à l'activité, du fait du cumul du RSA-activité et de la prime pour l'emploi.

Les dirigeants de Cepovett ont également attiré notre attention sur le préjudice que l'entreprise subissait du fait de la règlementation du « made in France » . Nous venons d'en parler puisque je vous propose un amendement à ce sujet au projet de loi Macron.

Sans surprise, la complexité administrative a encore une fois été critiquée comme un frein au développement lors de cette visite ; la rigidité du système d'obligation légale fait parfois abstraction des efforts fournis par les entreprises pour s'y conformer : c'est notamment le cas pour l'obligation d'emploi de personne handicapées pour laquelle la volonté de l'entreprise s'est heurtée au manque de candidats ou à la réticence de certains travailleurs de voir reconnaître leur handicap. Il semblerait néanmoins que cette difficulté ne soit pas une généralité, aux dires du Ministre du Travail que j'interrogeais, très récemment, au Sénat à ce sujet. Néanmoins, dans le cas particulier de Cepovett, il ne fait nul doute que le paiement de la taxe vient sanctionner un état de fait que déplore l'entreprise elle-même.

À propos de la fiscalité, la question de transmission des entreprises familiales a été longuement abordée. Les frais de mutation dans le cadre d'une cession à titre gratuit ne pouvant pas toujours être avancés par la génération suivante, de nombreuses entreprises familiales sont vendues prématurément à des sociétés étrangères ou à des grands groupes. Aux États-Unis, en revanche, ces frais de mutations ne sont exigibles qu'au moment où les héritiers sortent du pacte d'actionnaires.

Nous nous sommes ensuite rendus sur le site d'une autre entreprise familiale : Saint-Jean Industries, un équipementier automobile, leader dans le secteur des pièces en aluminium pour moteurs et châssis, grâce à un procédé de fabrication breveté, et qui compte comme clients PSA Peugeot-Citroën, Audi ou encore Jaguar Land Rover. La réussite de cette entreprise tient aux 6 % du chiffre d'affaires qu'elle consacre à l'innovation. Cette entreprise dénonce une fiscalité étouffante, malgré les effets positifs du CIR et du CICE, en raison des charges sociales et du taux élevé de l'impôt sur les sociétés qui pénalisent la compétitivité dans la concurrence internationale ; des financements incertains, en raison de la faiblesse de l'autofinancement et des banques qui ne jouent pas leur rôle en matière de prêts d'investissements, surtout dans la filière automobile ; une administration fiscale décrite comme peu coopérative malgré l'accès au rescrit fiscal ; et enfin des matières premières dont les hausses de prix deviennent problématiques dans la chaîne de production.

Voilà, mes chers collègues, ce que nous pouvions retenir de notre troisième déplacement. Je vous cède la parole pour entendre vos réactions.

Mme Nicole Bricq.- J'ai pour ma part apprécié le fait que la table ronde ait été organisée autour d'entreprises du même secteur, celui de la « biotech », de la pharmacie et de la chimie, emblématique de la région. Ce thème qui fédérait les entreprises nous a permis d'approfondir des questions soulevées lors de nos déplacements précédents, comme celles liées à l'exposition à la compétition internationale. En effet, ces entreprises sont particulièrement sensibles au phénomène bien connu du « chaînon manquant » dans la chaîne de financement, ainsi qu'à la faiblesse du capital-risque en France. Alors que notre pays est en pointe dans le secteur et possède des entreprises très performantes, celles-ci rencontrent de vraies difficultés à croître et à atteindre une taille critique pour être compétitives face à leurs homologues, notamment outre-Atlantique. Les entrepreneurs ont reconnu qu'ils bénéficiaient de nombreuses aides au démarrage, mais qu'ils étaient ensuite confrontés à l'absence d'aides pour accompagner la croissance des entreprises innovantes, aides en revanche proposées par la Californie ou le Massachussetts. Ce déplacement, ciblé sur un secteur précis, a été particulièrement instructif et révélateur d'un des maux français.

Si l'on se penche d'abord sur la question du crédit aux entreprises, j'aimerais attirer votre attention sur les conclusions du rapport du médiateur du crédit qui vient de sortir. Il semblerait, en effet, que les derniers chiffres du crédit aux entreprises soient en voie d'amélioration, ce qui augure peut-être d'une embellie, alors que nous avons entendu les entrepreneurs décrier l'extrême frilosité des banques et s'interroger sur la capacité de la BPI à accompagner tous les projets, y compris les moins audacieux.

Néanmoins, la difficulté d'accès au crédit n'est pas le seul frein à la croissance de nos entreprises. Notre capacité à créer des écosystèmes favorables à la croissance des entreprises reste également insuffisante. La numérisation de l'économie devrait faire évoluer les choses mais la France est en retard sur ce point : plus de la moitié des PME n'ont pas de site internet !

Par ailleurs, nous avons visité deux entreprises, Saint-Jean Industries et Cepovett, qui ont toutes deux su se diversifier et ont compris l'importance de ne pas trop dépendre de quelques gros clients pour assurer leur pérennité. Aujourd'hui leur clientèle est mondiale.

L'équipementier automobile nous a signalé sa difficulté d'accès au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA). J'en ai saisi le cabinet du ministre de l'économie, car il me semble que si nous voulons être efficaces, il nous appartient de faciliter les contacts directement utiles aux entrepreneurs.

Enfin, je tiens à souligner que nous avons été très bien accueillis au Conseil général du Rhône où se tenait la table ronde du matin et que le préfet, M. Jean-François Carenco, qui venait d'être nommé préfet de la région Île-de-France, a pris le temps de venir nous saluer.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Ce déplacement a été instructif. Si certains sujets abordés avaient déjà été évoqués lors de nos déplacements précédents, il ressort de nos échanges une réelle attente des entreprises sur des sujets tels que la simplification du cadre administratif dans lequel elles exercent leurs activités ou l'amélioration du financement de leur développement. En outre, il est apparu que le problème de la rupture dans l'accompagnement du développement des start-up et des entreprises innovantes constituait une préoccupation réelle. Pour poursuivre leur croissance, ces entreprises se tournent alors vers l'étranger : les subventions versées par l'État français, pour accompagner leur démarrage, ont donc été investies en pure perte.

Mme Nicole Bricq.- Le phénomène que vous décrivez n'est pas aussi systématique et ces départs à l'étranger sont souvent motivés par la volonté des dirigeants de vendre leur entreprise pour toucher le produit du travail considérable qu'ils ont fourni.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Certains vendent pour cette raison mais beaucoup d'autres sont contraints de vendre -en Asie ou aux États-Unis notamment- car ils n'ont plus les moyens de se développer en France. Il faudrait faire un effort pour que ces entreprises restent en France.

M. Olivier Cadic.- Nous pouvons faire le constat suivant : en France, on privilégie le « start » au détriment du « up » !

Mme Nicole Bricq.- La région Rhône-Alpes est dynamique et a mis en place des dispositifs pour accompagner les entreprises sur son territoire, en particulier la plateforme « Up Rhône-Alpes » qui accompagne les entreprises à fort potentiel.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Si de nombreux dispositifs existent, il n'en demeure pas moins que les entreprises que nous avons visitées, qui sont de belles entreprises familiales, rencontrent les mêmes difficultés que les autres. En particulier, elles exercent dans des secteurs d'activité tendus et font face à des difficultés de financement.

D. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 21 MAI 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS L'HÉRAULT LE 11 MAI 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Nous nous réunissons aujourd'hui pour évoquer le déplacement de la délégation du 11 mai dernier, dans l'Hérault. M. Henri Cabanel, qui nous accueillait, va faire le compte rendu de cette journée. Mais je vous propose auparavant de visionner une courte vidéo réalisée par Public Sénat et présentant notre visite d'une entreprise d'élevage d'huîtres et de moules de l'étang de Thau.

Visionnage de la vidéo.

M. Henri Cabanel.- Je tiens tout d'abord à remercier Mme la Présidente d'avoir accepté ma proposition de déplacement dans l'Hérault. Je me réjouis de l'intérêt que ce dernier a suscité, puisque nous formions une délégation de 9 membres que je remercie individuellement : MM. François Aubey, Gilbert Bouchet, Michel Canevet, Jérôme Durain, Jean-Pierre Grand, Éric Jeansannetas et Guy-Dominique Kennel. En suivant un canevas déjà bien rodé, nous avons organisé la visite d'entreprises locales et l'échange avec des professionnels représentatifs de la diversité de l'économie du département autour d'une table ronde.

La journée a débuté par la visite d'une cave coopérative et de l'entreprise productrice d'huîtres et de moules de l'étang de Thau dont nous venons de voir des images. Cette PME familiale (8,6 millions de chiffre d'affaires au niveau régional) a su résister à la crise grâce à un développement à l'export et à une reconquête des marchés de proximité.

Afin de dresser un rapide panorama de la coopération viticole au niveau national, il faut préciser que celle-ci représente 84 000 vignerons coopérateurs, un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros et emploie environ 17 500 salariés. Le département de l'Hérault a compté jusqu'à 160 caves coopératives pour une production de 25 millions d'hectolitres au niveau régional. Puis, à la suite de crises successives et en particulier après l'arrachage massif de 200 000 hectares de vignes, l'Hérault compte aujourd'hui 90 coopératives pour une production moyenne de 5,5 millions d'hectolitres, sur une production régionale de 12 millions d'hectolitres.

Ce secteur, historiquement essentiel dans le développement de l'Hérault, garde une place centrale, malgré les mutations très rapides et profondes, puisque c'est certainement la région qui a fait le plus d'efforts de reconversion et de restructuration viticole. J'en veux pour preuve mon exemple personnel. Mon grand-père, qui possédait déjà 12 hectares de cépages traditionnels, les a gardés toute sa carrière. Mon père qui possédait, lui, 16 hectares, a dû en arracher environ 4 ou 5. Pour ma part, j'ai actuellement 28 hectares de vignes et j'en ai arrachés 25. Cela illustre parfaitement l'évolution de la qualité de la vigne par la plantation de cépages dit « améliorateurs ».

Par ailleurs, je voulais souligner que la première cave coopérative viticole en France a vu le jour dans l'Hérault. Cette cave coopérative est née dans les années 1900-1905 et a reçu la visite d'un homme politique célèbre : Jean Jaurès. Les autres caves coopératives ont été construites entre les deux guerres. La cave que nous avons visitée, « les Terroirs de la Voie Domitienne », est la dernière-née, issue du regroupement de 8 coopératives. On y accueille et transforme la production de 300 viticulteurs grâce à un nouvel outil de vinification très performant, que le directeur Boris Calmette nous a présenté en détail.

Si la structure permet de mutualiser la production et les ventes de chaque apporteur au niveau de la coopérative, chacun demeure tenu de procéder à une déclaration individuelle de récolte. Ainsi, nous ne sommes pas allés au bout de la logique coopérative et nous en sommes restés administrativement à une juxtaposition de centaines d'exploitants plutôt qu'à la prise en compte d'un collectif. Une piste intéressante de simplification serait la création d'une déclaration de récolte unique pour l'ensemble de la cave coopérative, comme cela se pratique ailleurs en Europe, en Italie notamment.

La seconde difficulté  que rencontrent les coopératives réside dans leur exclusion des dispositifs d'aide à l'export : en effet, 97 % des vins produits par « les Terroirs de la Voie Domitienne » et des autres caves coopératives de cette région, sont commercialisés en vrac. Or, l'organisation commune de marché prévoit seulement un accompagnement à l'export pour les vins conditionnés. Le choix de positionnement est donc celui de l'agro-industrie et non pas du vin comme produit culturel mais il faut souligner que ce positionnement n'exclut nullement la qualité. En effet, la production est concentrée sur des cépages mondialement connus (Merlot, Syrah, Cabernet pour les rouges et Chardonnay et Sauvignon, pour les blancs) qui ont une forte visibilité à l'extérieur des frontières, comme le prouve le fait que 50 % des échanges de vins internationaux concernent des cépages en vrac. Le bénéfice des aides à l'exportation pour le vrac serait d'autant plus intéressant que les coopératives sont également exclues du champ du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi que du dispositif de suramortissement.

Notre deuxième visite a concerné l'entreprise « Médithau », implantée sur les rives de l'étang de Thau, comme vous avez pu le voir dans le reportage. Cette entreprise familiale depuis trois générations est spécialisée dans la production, la purification et l'expédition des coquillages. Elle a su combiner la poursuite d'une activité traditionnelle et d'une forte capacité d'innovation et d'adaptation au marché.

Son succès est dû en particulier à l'invention d'un nouveau procédé d'élevage des huîtres permettant de reproduire artificiellement le phénomène des marées, absent en Méditerranée. La majeure partie de son chiffre d'affaires (11 millions d'euros) provient de la purification de moules. De plus, « Médithau » a initié une diversification avec le lancement d'une activité touristique sur une barge alimentée par des panneaux photovoltaïques.

Interrogé sur les freins au développement, son dirigeant, M. Tarbouriech, a évoqué des échanges difficiles avec les services de l'État en charge du domaine public maritime, en particulier pour faire respecter ses droits de propriété intellectuelle relatifs aux brevets déposés sur ses inventions. En outre, il a pointé combien le processus d'innovation était difficile, hasardeux et risqué pour une PME, ne disposant pas d'une trésorerie assez importante pour financer pendant 3 ou 4 années les essais et tentatives infructueux qui précèdent nécessairement tout succès. De ce point de vue, il a estimé que, même si le Crédit Impôt Recherche (CIR) était un outil très utile, les délais avant la mise à disposition effective des fonds étaient encore trop longs. Enfin, M. Tarbouriech a été directement confronté aux inquiétudes liées au franchissement du seuil de 50 salariés et a choisi la contorsion : les effectifs de « Médithau » restent à 49 salariés, tandis qu'une deuxième structure embauche 20 salariés supplémentaires pour exercer des fonctions supports.

En visitant « Les Brasérades », notre délégation est allée à la rencontre d'une autre PME familiale d'agroalimentaire qui a su mener à bien une opération ambitieuse de croissance externe pour diversifier sa gamme de produits et sa zone de chalandise. La société distribue ses produits de charcuterie exclusivement dans la grande distribution sur l'ensemble du territoire national, sans se lancer encore dans le marché à l'export.

Pour obtenir une telle couverture, le président directeur général, Guy Dupuis, a racheté en 2007 une entreprise dont le positionnement était très complémentaire de la sienne, d'un point de vue tant géographique que de marché. Il a ainsi doublé ses capacités de production, son chiffre d'affaires -qui s'établit aujourd'hui à 28 millions d'euros- ainsi que son effectif, passé à 160 salariés.

Néanmoins, cette belle opération a été un temps menacée par la conjonction d'un aléa de marché (augmentation de 300 % du prix de la matière première, les boyaux de porc), de la pression exercée par la grande distribution (refusant la répercussion de cette augmentation sur son prix d'achat) et de la frilosité des banques à accorder un prêt. Finalement, ce n'est qu'en engageant ses biens personnels que M. Dupuy est parvenu à faire passer cette étape difficile à son entreprise.

Outre les difficultés d'accès au crédit bancaire, la distorsion de concurrence entre pays de l'Union européenne (UE) affecte directement cette société. En effet, les pays membres de l'UE appliquent avec plus ou moins de souplesse le cadre commun et la France a pour sa part tendance à durcir la réglementation communautaire en y ajoutant des obligations qui n'existent nulle part en Europe. Pour ce qui concerne « les Brasérades », les cahiers des charges en termes de taux de sel ou de présence de bisulfites -composants qui allongent la durée de conservation des produits- sont considérablement plus stricts que dans les pays voisins et les producteurs espagnols ou belges écoulent largement leurs produits en France.

La question de la distorsion de concurrence a également été soulevée lors de la table ronde organisée en dernière partie du déplacement. Elle a réuni 13 chefs d'entreprises ainsi que le préfet de région, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, la trésorière de la chambre des métiers et de l'artisanat du Languedoc-Roussillon et le président de la chambre d'agriculture de l'Hérault.

Il était particulièrement intéressant de noter que, ce qui est qualifié de « concurrence déloyale » par les entrepreneurs, intervient à deux niveaux : entre pays de l'UE d'une part, comme l'illustre la situation des « Brasérades », mais également entre nos territoires. Ainsi, un entrepreneur nous a alertés au sujet du pouvoir d'interprétation des normes des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Il nous expliquait qu'en fonction des régions concernées et selon le fonctionnaire en charge du dossier, les DREAL n'imposaient pas les mêmes contraintes aux entreprises. Ces divergences d'interprétation de la même règle ont également été déplorées lors de notre visite de l'entreprise « Médithau ». Les entrepreneurs ne comprennent pas que l'on fasse le choix d'une règlementation qui les désavantage par rapport à leurs voisins européens ; mais ils acceptent encore moins que la règlementation ne soit pas appliquée de façon uniforme d'une région à l'autre.

Sans surprise pour notre délégation qui rencontre depuis maintenant cinq mois les entreprises, la normalisation excessive a également été critiquée, avec des illustrations très différentes, reflétant la diversité des symptômes observés. À titre d'exemple, une start up ayant créé le « chèque santé » voit l'émission de ses titres bloquée par le ministère de la Santé, en raison d'une question d'interprétation de normes sur la dimension sociale du dispositif. Une seconde illustration en lien avec la situation géographique de l'Hérault, est la dénonciation par plusieurs entreprises du caractère sclérosant de la « loi littoral ». Ils estiment que cette dernière empêche la modernisation des équipements, condition d'une meilleure attractivité de la région et d'une dynamique économique locale essentielle, en particulier pour le secteur agricole. D'aucuns évoquent même une « paupérisation du littoral » en raison d'une application trop stricte de cette loi.

En outre, la question du foncier est également revenue dans les débats. Conserver une surface agricole utile est un véritable enjeu pour le département. D'ailleurs, des sociétés comme « les Terroirs de la Voie Domitienne » misent sur le portage foncier pour encourager l'installation de jeunes agriculteurs. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a d'ailleurs été saluée : elle a permis aux coopératives agricoles d'acquérir des parts sociales de groupements fonciers agricoles (GFA), quelle que soit la localisation du groupement. Le GFA est une société civile adaptée à la transmission de l'exploitation, ce qui est particulièrement important dans un département où 65 % de la population a plus de 55 ans et s'interroge sur le sort qui sera réservé aux terres, notamment lors de la transmission.

Le thème de l'apprentissage a également été abordé de façon récurrente. L'impossibilité de faire effectuer des gestes qualifiés de « pénibles » aux apprentis nous a une fois de plus été rappelée. De même que le constat de l'absence de lien entre école et entreprise, le manque de valorisation des métiers de l'artisanat ou encore la rigidité de l'organisation du temps de travail des apprentis en entreprise. Ces témoignages viennent donc confirmer ce qui a été souvent exprimé par les entrepreneurs au cours des déplacements précédents.

Un autre sujet faisant partie du socle commun à tous les entrepreneurs est celui du financement du capital risque. Les entreprises déplorent le manque de structures spécialisées, dans un contexte où les banques cherchent à minimiser leur risque et ne peuvent donc pas soutenir leur croissance.

Enfin, je me contenterai de citer quelques autres sujets de préoccupations pour les entrepreneurs, parmi lesquels : la complexité du bulletin de salaire, la fiscalité pesant sur le travail et les effets de seuils, notamment en matière d'assurance chômage, qui poussent des salariés saisonniers à plein temps à quitter un emploi pour ne pas perdre leurs indemnités.

Je conclurai en observant que ce déplacement a été utile à double titre : tout d'abord parce qu'il a permis de confirmer les freins à la croissance que les entrepreneurs décrivent à chacune de nos visites, mais aussi parce la particularité de l'Hérault nous a permis d'aborder de nouveaux sujets très importants pour bon nombre de nos entreprises, tels que le foncier ou la distorsion de concurrence normative.

Je suis certain que ces sujets enrichiront nos prochains travaux. Je vous remercie.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je vous remercie pour ce compte rendu bien fourni. Merci aussi de nous avoir accueillis dans l'Hérault, dans ce cadre unique du bassin de Thau. Comme vous l'avez souligné, notre délégation recueille à chacun de ses déplacements des témoignages qui font ressortir un certain nombre de thématiques identiques, ces dernières formant un socle commun de problématiques que rencontrent les entreprises. Néanmoins, chaque rencontre avec les entrepreneurs des territoires visités est également l'occasion de relever des particularités qui sont d'une grande richesse et qui posent de nouvelles questions.

Mme Bariza Khiari.- Je constate à travers ce compte rendu que la situation décrite est globalement similaire à celle qui avait inspiré la loi de modernisation de l'économie de 2008, sur laquelle nous avions travaillé ensemble. Ainsi, les entrepreneurs se heurtent toujours à quatre grands obstacles qui brident leur développement : tout d'abord, les normes et, en particulier, leur application disparate sur l'ensemble du territoire. Deuxièmement, la question des seuils dans les entreprises est récurrente : lorsque l'on entend que certaines entreprises créent des structures autonomes pour contourner le seuil des cinquante salariés, cela ne peut laisser indifférent. Troisièmement, les délais excessifs de perception des aides et leurs conséquences sur la trésorerie des entreprises sont de nouveau pointés du doigt. Enfin, la question de la dépendance économique de nos petites entreprises face à la grande distribution avait été largement abordée lors des discussions dans l'hémicycle.

M. Henri Cabanel.- En ce qui concerne la grande distribution, les exemples des deux entreprises visitées illustrent parfaitement le pouvoir exorbitant de la grande distribution sur la fixation des prix. Si la grande distribution refuse de répercuter les hausses de matières premières sur son prix d'achat, au détriment du producteur, elle s'octroie parallèlement des marges qui font augmenter le prix du bien final, au détriment des consommateurs. Ainsi, le prix d'une huître à la sortie de l'exploitation de « Médithau » est évalué entre 1,50 à 3 euros mais cette même huître est revendue jusqu'à 10 euros au consommateur final. C'est excessif ! Il faut être vigilant sur les intermédiaires qui font augmenter les prix et ne veulent absolument pas baisser leurs marges.

Mme Bariza Khiari.- Partant du constat que ces quatre thèmes reviennent sans cesse, j'aimerais savoir comment la délégation aux entreprises entend traiter ces sujets. En effet, une fois le constat établi, nous sommes attendus sur des propositions concrètes.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Il est évident que les entrepreneurs nous attendent sur des réponses concrètes et c'est ce que la Délégation aux entreprises a commencé à faire en présentant des amendements au projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « Macron ». Je vous rappelle à ce titre que la volonté de la Délégation a été de porter des amendements consensuels afin de ne pas rentrer dans un débat d'affrontement, ce qui explique par exemple que nous ne soyons pas intervenus sur les seuils ; d'autres l'ont fait, même si les effets de seuils sont une réalité indéniable qui nous est régulièrement rappelée par les entrepreneurs. En Vendée, un entrepreneur nous avait confié avoir créé quatre sociétés de 49 personnes. Lors de notre dernier déplacement, le dirigeant d'une des entreprises visitées nous a fait part de son choix de créer une nouvelle structure à partir de 49 personnes, pour éviter les conséquences d'un franchissement de l'effectif de 50 salariés. Il faut bien garder à l'esprit que ces cas ne sont pas isolés et que l'on rencontre ce phénomène dans nombre d'entreprises. Néanmoins, pour le moment, le débat est très politique et demeure clivant. Sans doute aura-t-on l'occasion d'en juger lors des discussions sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, dit « Rebsamen » qui vient prochainement au Sénat. Mais la Délégation aux entreprises a pu collecter de multiples témoignages sur le terrain et les débats pourront être l'occasion de porter la voix des entrepreneurs sur le sujet, sans compter que nous disposerons à ce moment-là des résultats de l'étude comparative France/Allemagne que nous avons confiée à l'Institut de recherche allemand IFO.

Un autre thème répétitif est celui du « carcan administratif ». On retrouve cette idée dans chacun de nos déplacements : lourdeur du bulletin de salaire, complexité des dossiers administratifs, délai d'obtention des autorisations etc. Il nous a semblé indispensable de traiter en priorité de cette question dans le cadre de nos travaux. Je reviendrai tout à l'heure sur la question orale avec débat que j'ai posée au nom de la Délégation et qui sera débattue en séance, le 10 juin. Ce sera l'occasion d'intervenir sur le sujet de la simplification.

M. Michel Vaspart.- Je pense que chacun a sur le terrain les mêmes échos concernant les lourdeurs administratives qui brident les initiatives des entrepreneurs, que ce soit dans l'Hérault, les Côtes d'Armor, ou l'Alsace... Ce carcan administratif concerne l'ensemble du territoire mais au surplus, chaque département peut avoir une interprétation différente de ces textes et certains services de l'État déconcentré font preuve d'un excès de zèle dans l'application des règles. Cette réalité est de moins en moins bien supportée par les entreprises, compte tenu de la conjoncture difficile à laquelle elles sont confrontées depuis la crise.

Par ailleurs, étant sénateur des Côtes d'Armor, je suis confronté, comme l'ensemble des élus du littoral, à la difficulté d'application de la  « loi littoral » que vous avez évoquée. Je tiens d'emblée à être très clair à ce sujet : il n'y a, à ma connaissance, aucun élu, de quelque sensibilité que ce soit, qui ait envie de remettre en cause les avancées de cette loi. Il s'agirait seulement de faire évoluer trois ou quatre dispositifs afin de lever des difficultés juridiques et sécuriser les décisions des élus qui sont amenés à approuver ou refuser des certificats d'urbanisme ou des permis de construire à l'aune de ce texte. Je citerai pour exemple le cas des « dents creuses » ou les contraintes liées à la « continuité de l'urbanisation », à prendre en compte dès lors qu'il s'agit d'implanter une zone d'activité, ce qui aboutit parfois à des situations ubuesques. Pour faire évoluer cette loi, il faut un consensus politique sur les quelques dispositifs qui constituent des verrous afin que les élus du terrain, de droite comme de gauche, aient le courage de demander au Gouvernement leur remise à plat. Leur révision suffirait à lever de nombreux obstacles et à simplifier les situations, sans remettre en cause la loi elle-même.

Mme Annick Billon.- Je n'ai pu me joindre à vous pour ce déplacement et le regrette vivement. Je constate que l'on y retrouve les mêmes remarques que lors des déplacements précédents et relève en outre deux nouveautés : la question de la puissance de la grande distribution, d'une part, et celle du pouvoir discrétionnaire de l'administration conduisant à des distorsions de concurrence entre les territoires, de l'autre. Les élus de terrain font quotidiennement l'expérience du poids de l'administration dans la gestion des projets menés sur nos territoires : là où il fallait trois ans pour mener un projet, il faut désormais compter plus de six ou huit années pour le voir aboutir, soit deux mandats. L'allongement des délais tient essentiellement aux complexités induites par l'interprétation des normes de la part des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), des DREAL ou d'autres organismes de l'État déconcentré.

En revanche, je ne rejoins pas tout à fait mon collègue Michel Vaspart sur la nécessité de revoir la « loi littoral », qui à mon sens, est une bonne loi. À mes yeux, le texte remplit son objectif de protection du littoral et, si tant est que l'on en respecte les dispositions sans les interpréter de manière extensive, la « loi littoral » ne constitue nullement un frein au développement. En revanche, si les DREAL se permettent d'interpréter le texte, comme c'est souvent le cas, alors les dossiers sont ralentis et la loi se mute en un véritable frein au développement. Il faut défendre cette loi qui a permis la préservation de notre littoral. C'est un enjeu majeur. Néanmoins, la vraie question que soulève l'application de cette loi est la suivante : est-ce à l'administration de diriger ou aux politiques ?

M. Olivier Cadic.- Je regrette également de n'avoir pu participer à ce déplacement.

J'étais hier soir à l'Ambassade du Royaume-Uni pour assister à la remise du prix « Graines de boss », un concours de création d'entreprises associé à un programme de mentorat, proposé en partenariat avec M6 depuis 11 ans. De nombreuses start up étaient présentes et la question du financement des entreprises a de nouveau été évoquée. J'ai déjà eu l'occasion d'insister sur le fait qu'en France, on est plus start que up... Cette réalité découle de la façon dont on appréhende le développement de l'entreprise de ce côté de la Manche, et en particulier, à la perception du rôle de la banque dans le financement du risque entrepreneurial. Comme j'ai pu le soutenir lors des débats sur le projet de loi « Macron » -ce qui m'a valu des échanges d'arguments assez forts avec une partie de l'hémicycle-, ce n'est pas aux banques de financer ce risque, et je crois que le ministre de l'Économie partage cet avis. Les banques ne sont pas là pour faire du capital risque car leur modèle ne leur permet pas de prêter sans garantie. Cette situation est source d'un malentendu, entre les entrepreneurs qui se tournent vers les banques pour les financer, et les banques qui ne peuvent satisfaire leurs demandes, faute de garantie de remboursement.

Notre déplacement à Londres nous a permis de réaliser qu'il existe un autre modèle de financement de l'entreprise qui ne dépend pas des banques mais des investisseurs providentiels et des particuliers, ce qui est une vraie évolution. Néanmoins, pour que les entreprises puissent attirer des capitaux, il est nécessaire de revoir de fond en comble notre fiscalité afin de la rendre plus incitative ; il y a là un vrai sujet qu'il nous faut, à mon avis, aborder. Il faut par ailleurs réconcilier les entrepreneurs français avec l'idée d'ouvrir leur capital car cette solution est souvent perçue comme une source supplémentaire d'obligations et de contraintes alors qu'elle ouvre de véritables opportunités de croissance et de développement.

Enfin, les difficultés de trésorerie sont le lot quotidien de nombreuses entreprises, y compris bénéficiaires. Pas plus tard qu'hier, une PME m'expliquait que malgré une situation bénéficiaire exercice après exercice, elle manquait de liquidité de manière chronique, et ce en raison des délais de paiement de ses créanciers. Elle m'apprenait par exemple qu'une entreprise comme EDF la payait à plus de six mois ! Cela fait des décennies que les délais de paiement sont pointés du doigt et le législateur est intervenu sur cette question épineuse. Pourtant les difficultés de trésorerie des entreprises demeurent une réalité sur le terrain.

M. Michel Canevet.- Je remercie notre collègue M. Cabanel pour la qualité de la visite qu'il a organisée et qui nous a permis de constater la dynamique de développement des entreprises héraultaises.

Nous avons pu constater que, malgré l'implication forte des producteurs locaux dans le secteur du tourisme et les potentialités énormes dans ce secteur, un certain nombre de projets sont bloqués par la «loi littoral », qu'il nous faut, à mon sens également, faire évoluer. Certaines dispositions de cette loi freinent l'émergence ou le développement d'activités économiques sur le littoral, alors même que la France possède un atout formidable de développement avec la mer, qu'il serait regrettable de négliger.

Les atouts de la France sont réels et j'ai retenu, depuis notre déplacement outre-Manche au cours duquel les entrepreneurs installés à Londres ont mis l'accent sur un certain nombre de points forts de l'Hexagone en ce qui concerne la culture entrepreneuriale, qu'il fallait rappeler à l'opinion que nous sommes un pays où les initiatives et l'esprit d'entreprise sont bien présents. A l'heure où chacun a le sentiment que des blocages et des contraintes administratives entravent l'esprit d'entreprise, la France reste tout de même dotée d'une réelle volonté entrepreneuriale et ce message à contre-courant des idées reçues doit être porté. Néanmoins, ce type de message n'aura d'échos que si nous pouvons apporter des réponses concrètes aux problématiques que nous avons identifiées comme gangrénant l'activité. Il est temps de se concentrer sur les quelques sujets recueillant l'unanimité des entrepreneurs. Il y a des sujets très simples sur lesquels nous sommes tous d'accord pour agir en tant que sénateurs, afin d'améliorer la vie des entreprises de notre pays, à l'occasion de l'examen des textes de loi. La reconnaissance du Sénat se fera aussi au vu des résultats de ce travail de simplification.

M. René Danesi.- J'aimerais pour ma part revenir sur les différences d'interprétation de la norme par les fonctionnaires. À mon sens, ce phénomène est inévitable. À moins de rendre les règles plus précises et plus directives, ce que nous voulons à tout prix éviter, les administrations déconcentrées auront toujours une latitude d'interprétation. En tant que maire d'une petite commune rurale depuis plus de 40 ans, j'ai eu l'occasion de voir passer beaucoup de fonctionnaires et naturellement, chacun interprète les mêmes textes à sa façon : ce qui était admis 8 jours auparavant ne l'est plus 8 jours après. Néanmoins, auparavant il était toujours possible de faire appel au directeur départemental des finances publiques et dans la large majorité des situations, le bon sens l'emportait. Or, aujourd'hui, les administrations en charge d'interpréter les normes, telles que la DREAL, sont en lien direct avec les ministères et court-circuitent les représentants de l'État dans les territoires, préfets régionaux et départementaux. Ainsi, ces derniers se retrouvent impuissants face au pouvoir d'interprétation de ces administrations. Deux solutions s'offrent alors : d'une part, le gouvernement pourrait faire acte d'autorité et affirmer que les DREAL relèvent des préfets de région ; de toute façon, il n'y aura bientôt plus que 13 interprétations possibles au lieu de 22 actuellement. D'autre part, le gouvernement pourrait lui-même prendre en charge les difficultés liées aux distorsions de concurrence induites par la multitude d'interprétations en indiquant la solution à retenir en cas d'interprétation divergente selon les régions concernées. Dans les deux cas, le politique doit intervenir car si on laisse toute latitude aux administrations, il y aura toujours une interprétation différente de la même norme.

Par ailleurs et pour rester dans la thématique de l'excès de normes, je souhaiterais revenir sur la part de responsabilité respective de l'Union européenne et de la France dans ce phénomène. En effet, il est usuel d'opposer l'origine communautaire des normes pour justifier le fait que l'on ne peut y toucher. Néanmoins, quiconque s'intéresse un peu à la question ne peut manquer de constater que la France a une fâcheuse tendance à durcir la norme européenne, ce que ne font pas nos voisins. On aboutit à une distorsion de concurrence intracommunautaire durement subie par les entreprises françaises. J'en veux pour preuve le sort des abattoirs alsaciens: il y a trente ans, la France a décidé de fermer les plus petits abattoirs en prenant prétexte d'une norme européenne sur les critères de qualité de viande. En réalité, il existait deux normes : l'une, d'origine communautaire, concernait la viande destinée à l'exportation ; l'autre, concernait cette fois les viandes destinées à la consommation locale. Alors que l'Allemagne s'est empressée de distinguer entre les viandes destinées à l'export et à la consommation locale, ce qui lui a permis de préserver ses petits abattoirs, la France a exigé l'application de la norme la plus dure quel que soit le marché de consommation final, ce qui laissa l'Alsace avec un seul abattoir pour toute la région. Quelques années plus tard, le Conseil général du Haut-Rhin a dû financer un abattoir pour permettre aux éleveurs locaux de maintenir leur activité et une étude a été lancée pour rechercher les causes de la disparition des infrastructures existant peu de temps auparavant, étude financée par le même Conseil général. C'est cette étude qui a mis en lumière le durcissement de la norme par la France, alors que la responsabilité avait toujours été rejetée sur Bruxelles.

De même, un apprenti en Allemagne peut monter sur une échelle de 10 mètres, quand, en France, il ne peut pas grimper sur un escabeau. Ce sont pourtant les mêmes directives communautaires qui s'appliquent.

Plus récemment, j'ai de nouveau fait l'expérience des effets pervers et du surcoût liés à ce phénomène de durcissement des normes lorsqu'il a fallu débourser plus d'un million d'euros pour des travaux visant à assurer la délivrance d'une eau contenant moins de 100 nano grammes d'atrazine par litre. En effet, la production de maïs génère de l'atrazine qui se décompose dans les sols et dont on retrouve des traces dans l'eau potable. Le préfet, sous la pression des associations écologiques, a menacé ma commune de devoir distribuer de l'eau minérale à ses habitants s'il s'avérait que l'eau dépassait le seuil des 100 nano grammes d'atrazine. L'eau de ma commune contenant 250 grammes d'atrazine, j'ai dû débourser plus un million d'euros pour me conformer à la règle. Cet investissement important pour une commune de 5 000 habitants, a été cofinancé par le Conseil général et l'Agence générale de l'eau, soit avec les deniers du contribuable. Or, en creusant un peu, il m'est apparu que la norme européenne est en réalité de 400 nano grammes d'atrazine par litre d'eau et la norme mondiale de 2 000 nano grammes ! On peut s'interroger sur la pertinence de cette dépense publique, là où des communes dans des situations identiques de l'autre côté du Rhin n'ont pas eu à dépenser de telles sommes pour répondre aux exigences de la norme communautaire. On a le sentiment que notre pays multiplie les normes qui engendrent des dépenses publiques et au bout du compte, nous devons financer une dette de plus de 1 000 milliards d'euros. À mon sens, des économies substantielles ainsi qu'une vraie simplification pourraient émaner d'une remise à plat de ces normes pour se conformer au standard européen, sans tomber dans l'excès de zèle.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Il est vrai que ce sujet mérite toute notre attention et qu'il serait intéressant de creuser cette question, par exemple à travers une étude nous permettant de voir si nos voisins européens se conforment à la règle européenne ou s'ils vont également plus loin et sur les conséquences de ce phénomène de « surtransposition » sur la compétitivité.

M. Olivier Cadic.- De tels comportements s'observent également dans d'autres pays. Par exemple, j'ai rencontré des Français, dans le secteur de la papeterie, qui doivent se conformer à des exigences différentes selon qu'ils travaillent au Portugal ou en Allemagne alors qu'en principe l'activité est réglementée par la même norme au niveau communautaire. Néanmoins, là où l'administration portugaise ajoute des contraintes tout en prétendant appliquer la norme européenne, l'Allemagne, elle, respecte à la lettre les critères communautaires. Pour éviter cet écueil qui désavantage les entreprises soumises à des normes plus drastiques, nous pourrions, à chaque fois que la règle interne est plus exigeante, demander à l'administration qu'elle justifie le durcissement proposé et qu'elle mette en évidence les avantages et les contraintes, en termes de compétitivité, découlant d'un tel durcissement.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je crois que nous portons également une part de responsabilité dans ce phénomène. Les parlementaires ont aussi ce travers de complexifier inutilement l'environnement légal et réglementaire auquel doivent se conformer les entreprises, ce qui représente des coûts et du temps pour ces dernières et pèse sur leur compétitivité.

Ainsi et pour résumer vos interventions, la Délégation aux entreprises doit désormais passer à une phase plus concrète afin d'être véritablement utile aux entreprises que nous rencontrons depuis le début de l'année. Nous avons eu l'occasion d'intervenir par voie d'amendements au projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. D'autres véhicules législatifs nous permettront de continuer à tenter de traduire dans les textes les besoins des entreprises. Je pense notamment au projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, qui arrive en commission des Affaires sociales le 10 juin et en séance le 22 juin.

Par ailleurs, vous avez été nombreux à désirer interpeller le gouvernement sur la réalité que nous rencontrons sur le terrain et c'est pourquoi nous poserons une question orale qui donnera lieu à un débat, le 10 juin prochain, à 16 heures. Nous interrogerons le ministre Thierry Mandon, chargé de la simplification, sur le bilan d'application de la circulaire de juillet 2013 prévoyant le gel de la réglementation et posant le principe selon lequel, pour chaque texte réglementaire nouveau, une simplification correspondante doit être opérée. Durant une heure de débats, les orateurs des groupes pourront prendre la parole et échanger avec le ministre.

Un rapport tirant les enseignements de notre déplacement à Londres vous sera soumis prochainement. Un rapport de synthèse répertoriant les questions soulevées par les entreprises lors de l'ensemble de nos déplacements dans les territoires, et en particulier à l'occasion des tables rondes, sera également publié par la Délégation aux entreprises ultérieurement.

Enfin, l'étude confiée à l'Institut allemand IFO relative aux effets sur l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne sera publiée au début du mois de juin.

Ce sont autant d'outils concrets qui vont permettre à la délégation d'ancrer son action dans la réalité et de remplir efficacement son rôle de porte-parole des entreprises en relayant ce que nous entendons sur le terrain.

Bien entendu, la Délégation va continuer à rencontrer les entrepreneurs des territoires pour récolter leurs témoignages et je vous rappelle que le prochain déplacement aura lieu le 11 juin en Seine-et-Marne à l'invitation de notre collègue Mme Nicole Bricq. J'ai appris qu'un déplacement à Saint-Nazaire de la commission des affaires économiques se déroulerait le même jour en raison d'un changement d'agenda et priverait certains d'entre vous de la possibilité de participer à ce déplacement, c'est pourquoi je vous informe d'ores et déjà que le déplacement suivant aura lieu le 6 juillet dans le département du Nord-Pas-de-Calais, à l'invitation de notre collègue Dominique Watrin.

La prochaine réunion de la Délégation se déroulera le 18 juin. Elle aura pour ordre du jour le compte rendu du déplacement en Seine-et-Marne ainsi que des propositions d'amendements au projet de loi dit « Rebsamen » que vous pourrez cosigner si vous le souhaitez. Nous avons tâché de retenir des amendements consensuels. De plus, lors de cette réunion, il est prévu d'adopter le rapport thématique sur le déplacement à Londres, établissant un comparatif entre nos deux modèles britannique et français.

Enfin, j'aimerais vous présenter les résultats du questionnaire adressé à tous les Sénateurs pour connaître leur expérience dans les entreprises. Sur les 348 sénateurs interrogés, plus de la moitié ont répondu. Les chiffres qui vous sont présentés ne prennent en compte que les sénateurs ayant répondu à l'enquête. Ainsi, 65 % des sénateurs ont eu ou ont encore une expérience en entreprise contre 35 % n'ayant aucune expérience de l'entreprise. Concernant la répartition des activités effectuées au sein de l'entreprise, les chiffres qui vous sont communiqués tiennent compte d'un éventuel cumul au cours d'une carrière. 19 % des répondants sont ou ont été créateurs ou chefs d'entreprise, 21 % cadres d'entreprise, 9 % salariés d'entreprise et 27 % ont exercé en tant que profession libérale, exploitant agricole ou travailleur indépendant. Les résultats de cette étude sont aussi inattendus qu'intéressants, en ce qu'ils permettent de balayer les contrevérités qui s'attachent au Sénat quant à son rapport à l'entreprise. Contrairement aux idées reçues, beaucoup de sénateurs connaissent l'entreprise, y ont une expérience et peuvent en parler.

M. Henri Cabanel.- J'aimerais profiter de cette occasion pour partager avec vous mon ressenti concernant le travail que la Délégation a entrepris en se déplaçant dans les territoires. Il me semble que les entrepreneurs accueillent cette démarche de manière duale : tout d'abord, cette initiative permet de mettre en lumière et de revaloriser le travail du Sénat. Par ailleurs, les entreprises sont très attentives à la suite qui sera donnée à ces déplacements et aux retombées concrètes de nos actions. Certes, nous ne pourrons pas trouver une solution à toutes les problématiques qui ont été soulevées au cours de nos échanges avec les entrepreneurs, mais nous pouvons, sur certaines, agir dès maintenant et apporter des réponses concrètes aux difficultés qui nous ont été exposées. Il me semble indispensable que nous nous mettions d'accord sur les actions à mener et que nous fixions les objectifs et le calendrier correspondant. Il faut montrer aux entreprises que notre travail porte ses fruits et que la Délégation sait être efficace.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je rejoins en tous points les propos de notre collègue Henri Cabanel. Il est certain que des questions, comme celle de la simplification, nous mettent tous d'accord et guident les actions de la Délégation. Il sera néanmoins plus difficile de trouver un consensus sur d'autres sujets, comme celui des seuils sociaux. C'est également à chacun, à l'occasion des projets de loi, de soutenir individuellement les demandes des entreprises.

Mme Annick Billon.- Je ne peux qu'être d'accord avec l'appel d'Henri Cabanel à nous mettre d'accord sur les sujets qui font consensus pour élaborer un plan d'action. J'aimerais pour ma part ajouter un élément qui tient au retour que nous devons donner aux entrepreneurs à la suite de nos visites. Nous avons d'ores et déjà mené un certain nombre d'actions pour répondre aux demandes des entreprises, je pense notamment aux amendements au projet de loi dit « Macron ». Il faut garder le lien avec les entrepreneurs et partager avec eux le fruit de notre travail, notamment législatif. J'ai, de mon côté, envoyé à chaque entreprise qui était présente à la table ronde, un document reprenant tout ce que le Sénat a modifié dans ce texte. Les entreprises sont curieuses de savoir ce que l'on fait à la suite de nos visites et il nous incombe de les informer sur ce point.

M. Olivier Cadic.- Il est en effet essentiel d'assurer un retour aux entrepreneurs et il me semble qu'il était prévu d'inviter à notre tour les entrepreneurs rencontrés à Londres et dans les territoires pour prolonger la réflexion et faire un comparatif entre leurs expériences .

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Cette piste a été évoquée en effet. Par ailleurs, une forme de rapport d'activité sera publiée au début de l'été pour fournir aux entreprises visitées un premier bilan de notre action et leur montrer les travaux portés par la Délégation sur le plan législatif. Les entreprises doivent savoir que notre action est un triptyque : la visite, l'écoute et l'intervention selon leurs demandes pour améliorer les situations.

E. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 18 JUIN 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT EN SEINE-ET-MARNE LE 11 JUIN 2015

Mme Nicole Bricq.- Je vous remercie d'avoir accepté de proposer à la Délégation ce déplacement en Seine-et-Marne. Je suis heureuse qu'aient pu y participer plusieurs d'entre nous. En effet, mes chers collègues, Mme Lamure et moi-même étions accompagnés de Mme Patricia Morhet-Richaud et de M. Dominique Watrin.

Notre journée a débuté par une table ronde à la Chambre de commerce et d'industrie qui a réuni 17 entrepreneurs. Ils sont venus témoigner des freins et leviers à la croissance de leur entreprise, en insistant -comme de coutume- sur les freins, certains ne craignant pas des propos radicaux.

L'intérêt de cette table ronde était de réunir, à une exception près, des entreprises industrielles, ce qui, pour moi, traduisait un message important : l'Ile-de-France est un territoire productif.

Comme ceux que nous avions déjà rencontrés, ces entrepreneurs ont rappelé leur besoin de prévisibilité, de stabilité et de lisibilité. Ils ont exprimé des craintes à l'égard des seuils, déploré la complexité du droit du travail, les charges sociales, les distorsions concurrentielles entre pays européens (Allemagne, Espagne, Slovaquie), l'accès difficile aux marchés y compris publics, les contrôles fiscaux -trop souvent- consécutifs à l'octroi de crédits d'impôt (CIR, CICE)...

Mais ils constatent aussi des difficultés à recruter, des relations défaillantes avec Pôle Emploi, des déficiences du système d'apprentissage ; ils témoignent également de difficultés à obtenir des soutiens bancaires, même s'ils ne précisent pas pour quel besoin spécifique de financement. En outre, ils peinent à accéder au grand export ; l'une des PME a cité l'exemple de la Chine où le grand groupe qu'elle fournissait a préféré produire sur place plutôt qu'en France.

Des propos radicaux ont même été tenus : « il faut arrêter les subventions, qui sont surtout un nid à complexité et du temps perdu » ; « il reste deux pays soviétiques au monde : la Corée du Nord et la France » ; « la simplification est livresque »...

Cela étant dit, j'ai observé que lors des deux visites, l'une au Nord du département (à ACRELEC, leader sur le marché des bornes digitales) et l'autre au Sud (JPB Système, leader dans l'aéronautique), nous avons pu entendre un autre discours, ancré dans le réel de deux entreprises, véritables success stories basées sur l'innovation, la formation, la croissance (organique et externe), le positionnement sur des marchés porteurs et l'accompagnement des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux.

J'y reviendrai dans les leçons générales à tirer de cette journée pour nos travaux futurs. Le tour de table matinal a relevé des points positifs :

- le rôle utile de la BPI ;

- la reconnaissance portée aux acteurs locaux : mairie, intercommunalités, département, région ;

- le rôle positif de la numérisation, les entrepreneurs ayant conscience des progrès à accomplir dans la robotisation, à laquelle l'un des chefs d'entreprise a attribué un rôle « primordial » ;

- enfin, nous avons eu trois exemples d'entreprises dynamiques ayant fait l'objet de reprise heureuse.

J'ai relevé des demandes et des souhaits auxquels il nous faut être attentif :

- disposer de référents administratifs dédiés ; j'ai noté la satisfaction, à ce sujet, de ceux qui ont obtenu le label d'exportateur agréé par les douanes, et le mécontentement de plusieurs de ne pas avoir de référents dédiés à Pole Emploi ;

- mettre en place la dématérialisation des factures entre entreprises, notamment afin de réduire les délais de paiement ;

- adapter l'État qui doit assumer un rôle d'exemplarité et lui-même se « décongestionner ».

Je tire donc de cette journée quelques leçons générales que je soumets à l'attention de la Délégation :

- quel que soit le sort final de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), il nous faudra veiller à l'accompagnement de proximité : la Région est clairement chef de file en matière d'économie, celle-ci doit être un sujet prioritaire des Conférences Territoriales instituées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ;

- les chefs d'entreprise sont comme tous les Français : ils ne croient qu'à ce qu'ils ressentent concrètement, ils se méfient des annonces. Un plan média, fût-il fort, une loi fût-elle votée, ne seront ressentis que lorsqu'ils se concrétiseront dans la vie de l'entreprise. Voici quelque temps, nous entendions parler lors de nos visites du compte pénibilité ; nous n'avons entendu à ce sujet aucune remarque cette fois-ci, après les annonces faites et le satisfecit donné par les organisations patronales. Nous n'avons pas non plus entendu de référence explicite au nouveau dispositif de suramortissement ; en revanche, quand j'ai interrogé les deux chefs d'entreprise visitées, j'ai eu une réponse enthousiaste, ils présenteront un dossier dans la fenêtre ouverte par le gouvernement ;

- l'apprentissage est un sujet majeur. Il saute aux yeux et aux oreilles que cela ne va pas. Les sommes qui y sont dédiées sont pourtant substantielles, des rapports y ont été pourtant consacrés. Sans doute faut-il les reprendre et faire des propositions précises ;

- je ne prends pas à la légère le cri du coeur d'un participant d'« arrêter les subventions ». Sans doute les contrôles de l'administration et quelquefois les redressements qui ont suivi, le temps qui y est consacré, la complexité des dossiers demandés par l'administration provoquent du ressentiment ; mais il existe des mécanismes qui faciliteraient la vie des entreprises, comme la procédure de rescrit fiscal qui permet préventivement de se mettre d'accord sur l'interprétation de la réglementation, et ils sont peu ou pas connus. Ce cri du coeur attire notre attention de parlementaire sur l'exercice de notre rôle de contrôle et d'évaluation des mesures prises ;

- je relève aussi qu'il y a un ressenti comme quoi le « compte n'y est pas », entre ce qui est donné d'un côté et ce qui est pris ou repris de l'autre. L'un nous a cité le coût de la mutuelle obligatoire : 50 € par salarié, et je retiens aussi le surcoût de l'établissement de la feuille de paie induit par le recours au CICE.

Il conviendrait d'établir des cas-types afin de faire le point du rapport coût / avantages.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Merci beaucoup. Grâce à vous, nous avons visité de belles entreprises. Il serait utile d'emmener des jeunes visiter de telles entreprises industrielles, qui sont modernes et très bien tenues.

Mme Nicole Bricq.- Ce sont en effet de vrais laboratoires !

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je me souviens que nous avions été accueillis dans la Drôme par une entreprise, Valrhona, qui clamait « Bienvenue dans une entreprise qui se porte bien ! ». En Seine-et-Marne, nous avons été très bien accueillis à la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), par ces mots : « Bienvenue dans une CCI qui va mourir ! ».

Mme Nicole Bricq.- En effet, avec mes collègues de tous bords, nous nous sommes battus, pour maintenir une CCI en Seine-et-Marne et dans l'Essonne. Nous avons gagné mais les moyens ne suivent pas. Les CCI de Paris et de Versailles sont très puissantes et ont absorbé d'autres CCI. En Seine-et-Marne, la fusion des deux CCI, du Nord et du Sud du département, a déjà été une épreuve.

La CCI de Seine-et-Marne dispose d'un Centre de formation d'apprentis (CFA) très développé. Il propose des formations à la restauration, et c'est ainsi que nous avons pu y prendre notre repas, préparé et servi par de jeunes apprentis qu'il était réconfortant de rencontrer à cette occasion.

Mme Annick Billon.- Je regrette de ne pas avoir pu participer à ce déplacement en Seine-et-Marne. Je relève un point important : Pôle Emploi devrait être l'interlocuteur privilégié des entreprises.

M. Jean-Marc Gabouty.- En tant qu'entrepreneur, je peux vous dire que je n'ai jamais recruté par Pôle Emploi : l'historique de la création de cet organisme pèse encore sur son fonctionnement ; en outre, les collaborateurs de Pôle Emploi, qui se sont bien adaptés aux métiers tertiaires, ne semblent pas bien connaître les milieux industriels. Par ailleurs, il me paraît naturel que les entrepreneurs rencontrés par la Délégation ne soient pas dans l'anticipation mais témoignent de ce qu'ils vivent, parfois de façon brute. De toute façon, rien de ce qui se profile, avec le compte formation individualisé, le compte pénibilité, la Déclaration Sociale Nominative (DSN), la création de hautes autorités, ou celle de conférences territoriales, ne va vraiment dans le sens de la simplification. La complexification va encore plus vite que la simplification ! Je peux en témoigner : depuis une circulaire de décembre 2014, toute imprimerie doit établir une facture par candidat et par produit. Comme il y a 4 produits et 2 tours pour chacun des 15 candidats, ce sont 120 factures au lieu de 15 qu'il faut désormais établir ! Renseignements pris, il apparaît que cette décision pénalise même la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) du ministère des Finances et les services déconcentrés de l'État : chacun subit une complexité dont nul ne semble être à l'origine !

M. Gilbert Bouchet.- Dans la Drôme, l'entreprise qui nous disait que tout allait bien demandait aussi qu'on la laisse travailler : ne l'oublions pas ! Concernant Pôle Emploi, il faudrait examiner de près son fonctionnement. Je crois qu'il présente aussi des failles dans mon département. Il faudrait comprendre pourquoi les fonds consacrés à Pôle Emploi ne produisent pas le résultat attendu.

Mme Bariza Khiari.- Nous devons en effet assurer ce rôle de contrôle. Je relève aussi l'importance de la question de l'apprentissage. L'exemple allemand, qui combine haut niveau technologique et masse d'apprentis, mérite notre attention. La robotisation en marche va exiger des emplois reposant sur des niveaux de formation élevés : il est donc urgent de développer l'apprentissage.

M. Martial Bourquin.- Je regrette de ne pas pouvoir participer plus assidument aux travaux de la Délégation, en raison de mon implication comme rapporteur de la mission commune d'information sur les PME et la commande publique. Deux points me semblent cruciaux : la robotisation, sur laquelle la France accuse un retard avec le taux le plus faible d'Europe, les marges des entreprises ayant été rongées par le poids financier de l'immobilier d'entreprise, est un facteur décisif de notre compétitivité de demain ; le recrutement doit par ailleurs être facilité, par un triptyque Pôle Emploi/ Région/ Entreprise, où la région ferait de la formation sur mesure pour répondre aux besoins des entreprises.

M. Dominique Watrin.- Cette journée en Seine-et-Marne fut très riche. Je n'ai pas été choqué par les propos parfois abrupts des entrepreneurs. Plusieurs points ressortent à mes yeux : la question de la formation, face à l'érosion des compétences dans certains métiers pointus et au manque d'attractivité de certains métiers ; les délais de paiement ; les freins à l'exportation ; les distorsions infra-européennes, notamment dans les appels d'offre.

M. Jean-Marc Gabouty.- Nous pouvons au moins nous féliciter d'une chose, souvent soulignée : le bon fonctionnement de la Banque Publique d'Investissement (BPI), qui fait le travail des banques.

Mme Nicole Bricq.- En effet. C'est d'autant plus remarquable que la BPI n'a que 18 mois d'activité à son actif. Je reviendrais volontiers sur la question de la régionalisation de Pôle Emploi, que nous avons abordée lors des débats du projet de loi NOTRe : l'axe que nous devons favoriser, effectivement, c'est une convention entre Pôle Emploi et les régions, afin d'élaborer des plans de formation. Pour conclure, je serais tentée d'établir une analogie entre la complexité et la température « ressentie » : finalement, qu'importe la mesure exacte, l'essentiel, et j'en conviens, c'est le ressenti.

F. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 16 JUILLET 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE PAS-DE-CALAIS LE 6 JUILLET 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Mes chers collègues, nous allons commencer notre réunion par le compte rendu du déplacement dans le Pas-de-Calais, lundi 6 juillet.

M. Dominique Watrin.- Madame la Présidente, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté ma proposition de déplacement dans le Pas-de-Calais. Je suis heureux qu'aient pu aussi y participer notre collègue Henri Cabanel et, le matin, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Nous avons commencé la journée par la visite de deux structures très différentes mais très caractéristiques de la vie économique locale. Nous avons été reçus dans la citadelle Vauban d'Arras par Bruno Leblanc, président du club Tac Tic. Ce Club, créé il y a huit mois, regroupe en association 28 entreprises du secteur des technologies de l'information et de la communication.

Parmi les « tacticiens », comme ils s'appellent entre eux, on compte aussi bien des micro-entreprises de deux personnes que des PME diversifiées de plus de 200 salariés. Elles ont toutes fait le constat qu'entre les deux pôles majeurs qu'étaient Paris et Lille, il était très difficile pour les entreprises de l'Artois de se faire connaître par leurs clients potentiels. Le recrutement d'étudiants de bon niveau, issus de master ou d'écoles d'ingénieurs, est aussi très compliqué, car les deux métropoles lilloises et parisiennes attirent et retiennent la main d'oeuvre qualifiée. Pourtant dans un secteur très concurrentiel, ces entreprises font le pari de la coopération, de l'échange, de la recherche de solutions en commun.

Leur objectif est de devenir visible pour les directions générales des entreprises, qui sont souvent victimes « d'hypermétropie » en quelque sorte : elles ne connaissent pas les ressources et les possibilités qui existent dans leur voisinage immédiat et privilégient alors des fournisseurs nationaux ou étrangers plus éloignés. Tout en faisant de leur proximité avec le client un argument, les « tacticiens » disposent de compétences et de ressources certifiées au niveau national ou européen. C'est cet alliage entre proximité et compétence pointue que nous avons pu vérifier en visitant un centre d'hébergement de données, « un data center ». Il garantit des conditions de sécurité optimale, comparables aux géants américains basés au Texas ou dans le Nevada, mais il permet aussi au client d'accéder physiquement à ses données. C'est un atout précieux puisque cette possibilité d'accès n'existe pas pour les clients des grands opérateurs mondiaux. Ce « data center » est installé dans l'ancienne poudrière de la citadelle et représente une belle utilisation d'un lieu historique au service des technologies d'avenir, d'où le joli nom de « poudrière numérique ».

Vis-à-vis des étudiants, le club Tac-Tic organise des présentations des entreprises membres dans les écoles et à l'université d'Artois. Depuis peu, leur approche s'est diversifiée au-delà des étudiants en informatique pour toucher ceux qui suivent des filières de gestion, de graphisme ou technico-commerciale, car elles ont de plus en plus besoin de recruter des jeunes polyvalents, connaissant à la fois le numérique et le métier du client. Les entrepreneurs regrettent d'ailleurs l'absence d'une formation appropriée de commerciaux en informatique.

Une réflexion est également en cours au sein du club pour mutualiser certaines embauches et pour répondre conjointement à des appels d'offres complexes.

Le développement de clubs d'entreprises est une caractéristique très forte du tissu économique local : autour d'Arras et de Douai, 50 clubs sont actifs et rassemblent 1500 entreprises. Un bureau des clubs réunissant les présidents d'associations se réunit régulièrement pour assurer la connexion et travailler au partage et à l'échange de solutions. Un réseau de réseaux très dense s'est ainsi formé et crée des liens entre entrepreneurs, tous secteurs confondus. Le Pas-de-Calais valorise ainsi ses atouts -une vraie culture de la solidarité- mais cette démarche pourrait être utilement diffusée.

La deuxième visite touchait également à un élément essentiel du patrimoine de la région : les mines. La dernière a été fermée en 1990, mais il demeure 600 puits de mine et 100 000 km de galeries dans le Nord et le Pas-de-Calais, qui est encore saturés de gaz de mine, autrement dit de « grisou ». La société Gazonor, dernière filiale cédée en 2007 par Charbonnages de France, assure la capture du gaz et son traitement en vue de sa commercialisation. Elle assume aussi une mission de service public en sécurisant les poches de gaz et en veillant à l'étanchéité des anciens puits remblayés. Gazonor souhaite développer une nouvelle activité de production d'électricité à partir du gaz de mine, comme au Royaume-Uni et en Allemagne. Elle est prête à investir 15 millions d'euros. Cette reconversion est nécessaire pour pallier la fin prévisible à horizon de 10 ans de son activité actuelle, à cause de l'appauvrissement progressif du gaz de mine, de l'arrivée du gaz russe par la Mer du Nord et de l'évolution de la production hollandaise à Groningue.

Ses relations avec les pouvoirs publics, qui lui délivrent les permis d'exploitation minière, sont particulièrement denses. Gazonor s'est plaint de la lenteur du processus d'instruction de son activité de production d'électricité, dont le principe a été arrêté par la loi sur l'énergie de 2006 et qui attend encore une validation européenne. Les procédures d'enquêtes publiques pour les titres miniers sont très lourdes. Il a fallu trois ans pour que soient approuvées les demandes de prolongation d'exploitation déposées en 2012. La dématérialisation de la procédure reste théorique puisque tout doit être doublé par des versions papier : en l'occurrence, il ne s'agit pas de quelques feuillets mais de milliers de pages de documents techniques.

Les réglementations environnementales évoluent très rapidement, beaucoup plus vite que l'avancement des dossiers, ce qui ne sécurise pas les projets industriels de long terme. Une vraie aberration à la fois économique et environnementale doit être relevée : l'autorité de tutelle interdit à Gazonor pour sa future activité de production électrique de valoriser en même temps la chaleur dégagée lors du processus industriel de conversion. Ce n'est pas le cas en Allemagne ! La comparaison avec nos voisins allemands est aussi intéressante parce qu'ils ont classé dès 2001 le grisou comme une énergie verte, ce qui a donné une forte impulsion aux activités post-minières. En France, cette activité est classée en énergie de récupération.

L'activité de Gazonor est aussi freinée par des difficultés avec ses sous-traitants. D'après l'entreprise, les sous-traitants industriels français sont habitués à travailler avec de très grands groupes comme Total. Ils peinent à s'adapter aux demandes spécifiques de clients plus petits qui ne peuvent supporter ni des coûts, ni des délais aussi importants que les grands groupes. C'est pourquoi Gazonor s'est tourné vers des sous-traitants hollandais, qui auraient une vraie culture de la relation-client.

De même, Gazonor collabore difficilement avec les grands établissements publics que sont le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Inéris) : Gazonor est un gros consommateur d'expertise pour trouver des solutions industrielles viables, mais ne peut pas attendre 3 ou 4 ans pour recevoir une étude. C'est pourquoi elle fait appel à des experts belges et allemands plus réactifs et qui répondent mieux à des demandes précises.

En matière de contrôle de l'étanchéité des puits de mine, l'administration compétente est très peu réceptive aux soucis de Gazonor. En effet, l'administration ne se concentre que sur les émanations de surface, mais elle ne s'inquiète pas de la dilution des poches de gaz par infiltration d'air qui menace pourtant la viabilité de l'exploitation. C'est Gazonor qui a commandité elle-même une étude à l'Université de Mons en Belgique pour proposer une solution technique appropriée. Elle n'est toutefois pas libre de l'appliquer de son propre chef, puisqu'elle doit la faire valider par l'administration avant de réaliser un essai grandeur nature. Cela peut prendre encore du temps.

En revanche, la société Gazonor vante les mérites de la BPI. Elle semble offrir un vrai guichet unique polyvalent et elle est capable d'accompagner et de rendre de vrais services, y compris en servant d'intermédiaires avec d'autres établissements bancaires.

Enfin, le dirigeant de Gazonor a regretté que les métiers de l'industrie soient si peu valorisés en France. Il a également reconnu les bienfaits de l'alternance, qui permet d'obtenir du personnel bien formé au cadre spécifique de l'entreprise. Mais il juge que le recours à l'alternance est compliqué pour son entreprise, compte tenu des contraintes spécifiques liées à son activité.

Notre journée s'est achevée par une table ronde avec une vingtaine d'entrepreneurs de l'Artois appartenant à des branches très diverses, des transports au numérique en passant par l'outillage industriel, la chimie, l'énergie et l'agroalimentaire. Les obstacles repérés au cours des précédents déplacements dans d'autres départements se sont retrouvés dans le Pas-de-Calais : problèmes de recrutement, lourdeur des procédures administratives et inflation de normes, « frein » du seuil de 50 salariés, délais de paiement, difficultés d'accès au crédit... Certaines difficultés se présentent de façon plus aiguë qu'ailleurs parce qu'il s'agit d'une région frontalière qui subit directement la concurrence belge, néerlandaise et allemande.

Les entrepreneurs du Pas-de-Calais ont spécifiquement insisté sur les difficultés de recrutement qu'ils rencontrent. Ils les attribuent à des contacts insuffisants entre le système éducatif et l'entreprise, au faible développement de l'apprentissage, aux carences de Pôle Emploi et à un système d'indemnisation du chômage qu'ils jugent inadapté. Ils se sont aussi inquiétés des nouvelles règles en matière de pénibilité : les métiers déjà peu attractifs pourraient être encore plus stigmatisés.

Les entrepreneurs se sont également plaints des divergences d'interprétation de la réglementation d'une région à une autre, « voire d'un inspecteur à l'autre ». L'inspection du travail a été critiquée pour son attitude « punitive » sans qu'elle sache prodiguer de conseils. Le pointillisme de l'URSSAF a été dénoncé par un entrepreneur. Gérer la complexité du droit du travail absorbe une part importante de l'énergie des dirigeants de PME, regrettent plusieurs entrepreneurs.

Certains ont, en revanche, relevé un changement d'approche au sein de l'administration fiscale, plus à l'écoute qu'auparavant. La pratique du rescrit fiscal, intéressante pour sécuriser les entreprises, est malgré tout considérée comme trop longue à négocier. Plus largement, le décalage qui existe entre le législateur et les entreprises dans le rapport au temps a une nouvelle fois été dénoncé.

Toutefois, les principales distorsions de concurrence se situent selon elles au niveau européen. Plusieurs chefs d'entreprises estiment souffrir de concurrence déloyale. Ceci tient à des transpositions en droit français maximalistes par rapport à nos voisins, notamment en matière de droit de l'environnement. Le statut de travailleur détaché a été sévèrement critiqué. Les concurrents flamands, hollandais et allemands dans les secteurs de l'abattage ou des transports n'hésitent pas à recruter jusqu'à 15 % d'intérimaires dans les pays d'Europe de l'Est. Les entrepreneurs demandent à disposer des mêmes armes que leurs concurrents européens.

Les aides et les crédits d'impôt ne paraissent pas des outils adaptés. Une filiale d'un grand groupe britannique de chimie lourde a clairement pointé la différence entre son site français et un de ses sites américains : la modernisation d'une ligne de production en France pour 28 millions d'euros a bénéficié de 200 000 euros de subventions publiques, soit moins de 1 % des coûts, qui ont été versés seulement un an plus tard ; la modernisation du site américain de l'entreprise pour 120 millions de dollars a bénéficié de 15 millions de dollars de l'État d'implantation, soit 12 % de l'investissement, versés immédiatement.

Dans les autres branches d'activités, qui ne nécessitent pas une telle intensité en capital, les entrepreneurs ne veulent plus entendre parler de nouvelles aides, qui sont sources de tracasserie administrative supplémentaire, qui phagocytent le temps qu'ils doivent consacrer à la recherche de clients et qui n'ont que des effets modestes. Plutôt que des aides et des subventions, c'est la baisse des cotisations sociales, la stabilité réglementaire et la possibilité de se battre à armes égales avec leurs concurrents qu'ont réclamées les chefs d'entreprise.

Notre journée a donc été dense. Nous avons pu toucher du doigt plusieurs freins au développement des entreprises dans notre pays, mais je veux retenir la capacité des entreprises du Pas-de-Calais à s'organiser en réseaux et à conjuguer la compétitivité avec la solidarité pour être plus fortes ensemble contre la concurrence internationale et pour se tourner résolument vers l'avenir.

Mme Annick Billon .- Je voudrais d'abord vous prier de m'excuser de ne pas avoir participé à ce déplacement dans le Pas-de-Calais, ce que je regrette d'autant plus que je connais peu ce département. J'ai été très intéressée d'entendre les projets de reconversion des mines, qu'il s'agisse des sites mais aussi des hommes, qui demandent de la souplesse juridique, mais également de la souplesse dans les têtes, ce qui est un facteur décisif d'évolution de notre pays. Je relève aussi l'existence de très nombreux clubs d'entreprises dans le Pas-de-Calais ; il est vrai que le plus souvent, dans les difficultés -et cette région en a connues avec les différents chocs industriels-, les personnes se regroupent et il faut reconnaître que le partage et les échanges sont souvent propices à une amélioration de la situation. Je note enfin qu'en tant que département frontalier, le Pas-de-Calais est confronté à la concurrence déloyale d'entreprises étrangères, que ce soit en matière de main-d'oeuvre ou de produits obéissant à des normes ou taxations différents. L'Europe nous protège mais nous devons rendre les normes plus cohérentes en son sein, sinon nous nous tirons une balle dans le pied.

M. Antoine Karam.- Je regrette également de n'avoir pas pu venir avec vous dans le Pas-de-Calais, tenu de jongler avec les fuseaux horaires et les milliers de kilomètres. J'avais beaucoup apprécié le déplacement à Londres et j'aurais été heureux de pouvoir participer à celui-ci, même si je connais bien ce département et notamment le football-club de Boulogne-sur-Mer. Je voudrais ici réitérer l'invitation aux membres de la Délégation de se rendre en Guyane en 2016 pour y visiter le centre spatial de Kourou mais aussi découvrir les nombreux atouts de la Guyane en matière de pêche, de biodiversité... 50 % de la population de ce département a moins de 23 ans ; son taux de chômage avoisine 25 % et il partage 700 kilomètres de frontière avec le Brésil. Grâce à cette situation très spécifique, la France se trouve assez bien placée en ultra-périphéricité. Nous bénéficions aussi en Guyane d'une antenne du MEDEF particulièrement dynamique et offensive.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Merci mon cher collègue. Votre proposition fait très envie. Nous allons l'étudier et nous renseigner sur la possibilité d'y donner suite.

M. Olivier Cadic.- Ce serait sûrement très intéressant effectivement. Après avoir écouté le compte rendu du déplacement dans le Pas-de-Calais, je relève des similitudes dans ce qui se dit aux quatre coins du territoire. Il est notamment intéressant d'entendre confirmer que l'administration ne partage pas le même rapport au temps que les entreprises. Cela se vérifie même pour ce qui concerne le rescrit fiscal qui semble avoir été évoqué pour la première fois lors de ce récent déplacement. Ceci empêche les entrepreneurs d'avancer au rythme nécessaire. Les échanges que vous avez eus dans le Pas-de-Calais confirment la nécessité de rediscuter du compte pénibilité et des modalités d'indemnisation du chômage. Je note aussi que les entrepreneurs réclament, avec constance, une stabilité des règles plutôt que des subventions. Je me rappelle d'ailleurs qu'au moment de quitter la France, j'avais moi-même déclaré : « je vous interdis de m'aider », parce que je ressentais cette aide comme étouffante. Pour ce qui concerne la concurrence déloyale intra-européenne, je voudrais insister sur le fait qu'il y a encore quelques années, elle prenait un visage encore plus brutal avec les dévaluations sauvages. Cette ère est terminée. Il nous reste à adapter la réglementation européenne de manière à ne pas nous tirer une balle dans le pied, pour reprendre l'expression de ma collègue Annick Billon. Ainsi, concernant les travailleurs détachés, c'est à nous d'adapter notre droit et notre environnement fiscal pour garder l'attractivité de l'emploi local.

Mme Patricia Morhet-Richaud.- Ayant eu beaucoup de plaisir à participer au déplacement en Seine-et-Marne, je regrette de n'avoir pu participer à ce déplacement dans le Pas-de-Calais, surtout après en avoir entendu le compte rendu. J'entends que les entrepreneurs demandent les mêmes armes que leurs concurrents voisins. Ceci doit nous conduire à effectuer un gros travail législatif et à penser l'élaboration des normes en même temps que nos voisins.

M. Dominique Watrin.- Merci pour vos réactions ; à ceux qui n'ont pas pu venir, j'indique qu'il est facile de découvrir le Pas-de-Calais, car il suffit d'une heure de TGV pour rejoindre ce département depuis Paris. J'ai jugé particulièrement intéressant de vous conduire chez Gazonor car son activité est régie par le code minier, qui est très compliqué à réformer...

M. Antoine Karam.- Je connais effectivement la complexité du code minier...

M. Dominique Watrin.- Gazonor a ainsi dû attendre trois ans pour obtenir le renouvellement de son exploitation minière. Ce délai est long, mais, en même temps, il est normal que l'État soit vigilant, d'autant qu'il est déjà arrivé ces dernières années qu'un terril explose. Pour répondre à M. Karam, je voulais lui indiquer qu'outre ses performances sportives, la ville de Boulogne-sur-Mer se distinguait par une activité très dynamique, notamment en matière de pêche.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Jeudi 16 juillet 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Nous voici au terme du premier semestre d'activité de la Délégation aux entreprises. Lors de sa réunion du 21 mai dernier, le bureau de la Délégation a décidé de synthétiser dans un rapport les enseignements que nous pouvons tirer des déplacements que nous avons effectués dans six départements à la rencontre des entrepreneurs. C'est ce rapport que je vous soumets aujourd'hui et que je propose à Mme Annick Billon, M. Gibert Bouchet, Mme Nicole Bricq, M. Henri Cabanel, et M. Dominique Watrin, de signer avec moi puisqu'ils ont chacun été à l'initiative des journées que nous avons passées sur leur terre d'élection.

Ce rapport réunit les comptes rendus qu'ils ont faits devant la Délégation de chacun de ces déplacements en Vendée, dans la Drôme, le Rhône, l'Hérault, la Seine-et-Marne et le Pas-de-Calais. J'ai souhaité faire précéder ces comptes rendus d'un avant-propos. J'y présente le caractère inédit de notre démarche : aller régulièrement au contact direct du terrain pour nourrir notre réflexion et notre activité de législateur à Paris, plutôt qu'entendre au Sénat les représentants institutionnels des entreprises. C'est une nouvelle manière pour le Sénat d'exercer sa mission, à l'heure où l'action politique est trop souvent accusée d'être déconnectée des réalités. J'y présente aussi notre méthodologie : deux-trois visites d'entreprises locales et une table ronde réunissant une vingtaine d'entrepreneurs du département, de taille et de secteurs variés. Un questionnaire est parallèlement adressé aux entreprises que nous rencontrons pour nourrir la réflexion. Certaines nous adressent une réponse écrite ; mais la plupart répondent oralement, quand leur dirigeant est invité à témoigner des freins et leviers de la croissance de son entreprise, devant les membres de la Délégation, qui acceptent de ne pas débattre à l'occasion de la rencontre.

Ces déplacements ont produit des fruits significatifs : non seulement, l'attention que le Sénat manifeste ainsi aux entreprises est saluée par les entrepreneurs; mais nous sommes désormais en mesure de dresser un premier état des lieux sur le ressenti des entrepreneurs. Je voudrais ici résumer les sujets majeurs de préoccupation, qui reviennent comme en écho dans différents coins de France. J'en vois six principaux, qui s'appuient sur le verbatim de nos échanges de terrain ; vous trouverez ces citations dans l'avant-propos du rapport.

D'abord, je garde en mémoire ce cri du coeur qui nous a été lancé en Vendée : « Laissez-nous travailler ». Car nous l'avons régulièrement entendu par la suite. Chaque entrepreneur, à sa manière, a dénoncé la complexité des règles qui rend leur connaissance et leur application difficiles, d'autant plus que cette complexité se double d'une instabilité chronique. La fiche de paye est l'emblème de ce maquis réglementaire. Les obligations administratives augmentent avec la taille de l'entreprise et freinent donc leur croissance. Partout, nous avons pu constater que le seuil des 50 salariés fait l'effet d'un épouvantail ; l'étude que nous avons confiée à l'institut de recherche allemand IFO l'a confirmé le mois dernier et je propose de l'annexer au rapport.

À ces obligations déjà excessives, s'en ajoutent toujours de nouvelles : la création du compte pénibilité est partout ressentie comme une usine à gaz, particulièrement dans le BTP, et nombreux sont ceux qui craignent son effet repoussoir sur certains métiers déjà peu attractifs.

Outre l'accumulation des obligations sociales, les entreprises déplorent l'inflation des normes de tous ordres, surtout dans certains secteurs, comme la construction ou la chimie : les entreprises ont le sentiment que le système de réglementation s'autoalimente. Nos entreprises préfèrent parfois renoncer à des activités ou les délocaliser, plutôt que de subir les délais d'obtention des autorisations d'exploitation, souvent incompatibles avec leurs activités. La France offre ainsi une combinaison paradoxale entre frénésie réglementaire et lenteur administrative.

Ce carcan réglementaire étouffe nos entreprises et mobilise chez elles une énergie que nous aurions tous intérêt à voir consacrée à leur croissance. Il coûte cher à la France, de façon directe en alourdissant nos entreprises, mais aussi de façon indirecte, car il dissuade les projets ou les investissements, notamment étrangers, qui ont besoin de sécurité et de stabilité pour se réaliser.

Secundo , ces boulets réglementaires accrochés aux pieds de nos entreprises constituent une vraie distorsion concurrentielle. D'abord sur les marchés internationaux : il est indispensable que les exigences administratives soient harmonisées entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères concurrentes. Ensuite, au sein même du marché unique européen nos entreprises subissent un désavantage fiscal et social, mais aussi en matière d'ouverture des marchés publics, ou au regard des délais induits par l'excès de normes. Surtout, beaucoup ont dénoncé la tendance française à transposer les normes communautaires de manière maximaliste, notamment en matière de droit de l'environnement. Enfin, nos premiers déplacements nous ont permis d'appréhender les distorsions concurrentielles internes à notre pays, en raison d'interprétations divergentes des règles selon les administrations territoriales ou déconcentrées.

Tertio , le trop plein ressenti par les entreprises à l'égard du carcan administratif explique que plusieurs d'entre elles, en divers endroits de France, en viennent à réclamer la fin de toute aide, en échange d'un allègement de leurs charges et d'une simplification de leurs obligations. La myriade existante de subventions, crédits d'impôts, ou exonérations fiscales est vue sur le terrain comme une source de tracasseries administratives supplémentaires, qui plus est d'effet modeste. Concernant le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), de nombreuses entreprises font valoir qu'il aurait été plus efficace de baisser les charges des entreprises plutôt que de créer un crédit d'impôt qui entraîne un décalage temporel et oblige souvent à demander un préfinancement. Taxer puis redonner des subventions donne l'impression d'un jeu de dupes. La plupart des entrepreneurs sont écoeurés par la complexité des dossiers à remplir et par les contrôles fiscaux ou URSSAF qui suivent souvent l'octroi d'une subvention. In fine , il n'est guère que le Crédit Impôt recherche (CIR) -et encore !- qui échappe à la critique et qui semble efficace. Malgré tout, le délai de son versement reste problématique et, surtout, tous dénoncent le contrôle fiscal systématique qui suit l'octroi du CIR. Si bien qu'il n'a pas été rare que nous entendions sur le terrain des entrepreneurs plaider la suppression de toutes les aides, en échange d'un allègement des cotisations sociales, qui n'en finissent pas de grimper. De même, plusieurs ont jugé la fiscalité étouffante : ils demandent une plus grande harmonisation fiscale en Europe et des impôts frappant plutôt la valeur ajoutée que les salaires ou l'investissement. La fiscalité et la complexité de la transmission ont aussi été dénoncées dans plusieurs départements.

Quatrième point : en différents endroits de France, les entrepreneurs ont lancé cet appel : « Faites-nous confiance ! ». Ils perçoivent en effet l'administration comme tatillonne à leur égard. Plutôt que confiante a priori, l'administration française semble plus naturellement encline à la suspicion, et ce, d'autant plus que les entreprises se développent ! Cette attitude suspicieuse a même été parfois qualifiée de punitive. L'administration est par ailleurs jugée trop frileuse. La conséquence de cette attitude est la lenteur des décisions administratives. La mise en oeuvre réglementaire des lois après leur adoption est révélatrice à cet égard. Certaines dispositions prises par des entrepreneurs sur le fondement de nouvelles lois sont ensuite contestées par l'administration, car parfois, les décrets d'application ou les instructions fiscales, qui sortent trop longtemps après la loi, la réorientent. Il y a même des décrets qui ne sortent jamais car certaines lois se révèlent inapplicables. Même la procédure du rescrit fiscal, qui offre à l'entreprise l'opportunité de convenir avec l'administration fiscale d'une interprétation des règles, présente l'inconvénient d'être trop longue à négocier.

Si les entrepreneurs déplorent le manque de confiance de la part de l'administration, ils le ressentent aussi de la part des banques, la BPI faisant exception, il faut le souligner : ils rencontrent des difficultés dans l'accès au crédit, autant pour financer leur besoin en fonds de roulement que leurs projets. La frilosité des banques les amène trop souvent à exiger la caution personnelle des entrepreneurs pour financer leurs projets industriels. Les banquiers que nous avons rencontrés ont indiqué, à raison, ne pouvoir se substituer au capital-risque, dont tous déplorent qu'il ne soit pas plus développé dans notre pays. Si notre pays accompagne le démarrage des entreprises et l'innovation, il n'en tire pas bénéfice en matière industrielle : la recherche de fonds pour la phase développement conduit souvent à ce que les projets, la valeur et l'emploi soient délocalisés. La fiscalité doit être mise au service de l'innovation et de l'investissement dans les entreprises.

Les déplacements de la Délégation ont également permis de tirer un cinquième enseignement, en ce qui concerne les différents freins à l'emploi sur le territoire. Partout, nous avons entendu les entrepreneurs faire part de leur peur de l'embauche, faute de ne pouvoir débaucher ensuite, ou alors à des coûts rédhibitoires. La rigidité du droit du travail, conçue pour protéger le salarié, lui devient préjudiciable en ce qu'elle contrarie l'adaptation des entreprises aux évolutions de marché. Plusieurs ont appelé à trouver le moyen de permettre aux entreprises de se séparer plus aisément des collaborateurs les moins performants ; d'autres ont préconisé un allongement de la durée du CDD. Une flexibilité plus grande est aussi demandée en matière de temps de travail, en permettant sa négociation au sein de l'entreprise ou en revenant à la défiscalisation des heures supplémentaires. Enfin, plusieurs ont déploré la concurrence déloyale que représentent les travailleurs détachés, qui ne sont pas soumis à des obligations sociales et fiscales aussi contraignantes et auxquels recourent de nombreux concurrents.

Mais un autre frein majeur à l'emploi, paradoxal dans un pays dont le taux de chômage dépasse les 10 %, a été porté à notre attention : la pénurie de main d'oeuvre. Ceci tient d'abord à la rareté de certaines compétences techniques. Les entreprises qui se sont lancées dans la formation voudraient pouvoir adapter leur offre en fonction de l'évolution de leurs besoins qui est liée à celle de leurs marchés. La capacité de Pôle Emploi à relayer les besoins en main d'oeuvre des entreprises auprès des demandeurs d'emploi a aussi été mise en doute, d'autant que Pôle Emploi n'offre pas un interlocuteur dédié aux entreprises. Mais beaucoup ont aussi témoigné de la réticence de certaines personnes à l'embauche, qui craignent de perdre un certain confort horaire ou financier. Des candidats à l'embauche préfèrent ainsi épuiser d'abord leurs droits aux indemnités chômage avant d'accepter un nouveau contrat : le travail manque d'attractivité par rapport à l'inactivité.

Enfin, partout, nous avons observé un frein majeur à l'emploi : le manque de souplesse du système de formation en alternance qui empêche d'y recourir. Cela tient à la fois à la réglementation sur les métiers dangereux qui empêche de former efficacement les apprentis sur les machines de l'entreprise. Mais aussi à la rigidité de l'organisation du temps de travail des apprentis en entreprise, à la quasi impossibilité de rompre le contrat d'apprentissage si le jeune ne fait pas l'affaire, et, plus généralement, au défaut de confiance accordée aux entreprises en France, où l'on vise à protéger l'apprenti de l'abus du patron. Enfin, tous déplorent le manque de valorisation de l'apprentissage dans le système éducatif, et de reconnaissance des métiers auxquels forme l'apprentissage. Nous aurons l'occasion d'y revenir : je vous rappelle que la Délégation organise une table ronde sur l'apprentissage, instrument décisif d'intégration des jeunes sur le marché de l'emploi, le 1er octobre prochain.

Un sixième et dernier sujet ressort des déplacements de terrain de la Délégation : la nécessité d'encourager l'esprit collectif entre entreprises. Cet esprit manque souvent dans les relations PME/grands groupes, qu'il s'agisse de sous-traitance, de délais de paiement ou d'export. Il convient donc de promouvoir l'esprit collectif qui permet de « chasser en meute ». Nous avons toutefois relevé la solidarité qui unit déjà certaines entreprises sur le territoire, tout particulièrement à travers les clubs, nous venons de l'évoquer.

Tous les enseignements de ce premier semestre de déplacements de terrain, nous les avons entendus. Nous les avons déjà pris en compte à travers les amendements déposés aux projets de loi Macron et Rebsamen. Nous prendrons de nouvelles initiatives parlementaires à l'automne prochain en ce sens.

Nous avons aussi entendu l'encouragement des entrepreneurs à penser ensemble l'adoption de la loi et celle des décrets d'application, pour éviter de voter des lois inapplicables. Des études d'impact préalables pourraient y contribuer, ce à quoi la Délégation entend donner suite dès la rentrée en recourant au service d'économistes compétents en ces domaines.

Nous retenons enfin l'impératif de valoriser les entreprises qui réussissent. À ce titre, la Délégation compte organiser au Sénat la remise du prix de la Fondation européenne pour le management par la qualité (EFQM), pour mettre en avant plusieurs success stories .

Pour finir, je tiens à nouveau à remercier mes collègues qui ont pris l'initiative d'accueillir des déplacements dans leur département et nos collègues qui y ont participé.

M. Dominique Watrin.- Il s'agit d'un rapport d'étape. C'est donc un moment important pour la Délégation aux entreprises et il nous a été difficile de pouvoir réagir au projet d'avant-propos de la présidente qui ne nous a été transmis qu'hier. Le choix a été fait d'aller voir les entrepreneurs. Je renouvelle ici les réserves déjà exprimées par rapport à cette démarche qui ne me paraît pas assez objective et investigatrice. Il ne faut donc pas s'étonner de la répétition de certains propos concernant l'inflation des normes ou les contrôles fiscaux, ni de l'exagération de certains autres, comme ceux qualifiant la France de pays « communiste » en économie. Ceci ne sert pas la cause des petites et moyennes entreprises ni ne fait avancer la réflexion. L'avant-propos que vous nous soumettez, Madame la Présidente, a une orientation politique bien marquée. Sans doute est-il utile d'écouter les chefs d'entreprises, mais l'interprétation que vous faites de leurs propos est politique. Nous avons tous intérêt au développement des petites et moyennes entreprises mais nous n'avons pas tous la même vision de l'entreprise, ni la même appréciation des expériences étrangères, notamment britannique. Ceci est normal et sain pour la démocratie.

Vous dénoncez les charges sociales trop élevées ; j'invite d'abord à préférer le mot de « cotisations » à celui de « charges » et je voudrais ensuite souligner que le Pas-de-Calais, qui présente malheureusement un taux de chômage record en France, offre des coûts de production que l'étude menée par Ernst et Young a estimés inférieurs à ceux en vigueur dans le Kent, en Flandre ou en Rhénanie. Vous déplorez les lourdeurs administratives : on ne peut pas les nier mais il faudrait s'interroger sur les possibles pertes de compétences qui ont découlé de la révision générale des politiques publiques. Il ne faut pas non plus tout imputer aux administrations, mais s'interroger sur la façon dont le Gouvernement met en musique les dispositions législatives issues d'amendements parlementaires : par exemple, pour ce qui est de la loi de 2006 qui autorise l'exploitation du gaz à des fins de production d'électricité -et dont Gazonor souhaite bénéficier-, il faut surtout dénoncer le fait que Paris ne réalise pas toujours l'importance des enjeux locaux et ne le fait que sous la pression. Vous évoquez aussi la pénurie de main d'oeuvre et le manque d'attractivité de l'emploi par rapport à l'inactivité. Je reconnais que ces propos ont été tenus par l'un des entrepreneurs que nous avons rencontrés à Arras mais il n'est pas possible de faire de quelques cas isolés une généralité. Il faudrait s'enquérir de la version des salariés eux-mêmes : j'ai ainsi pu apprendre que le candidat à l'embauche n'avait pas été retenu par l'entrepreneur, sans doute en raison de sa participation passée à un mouvement revendicatif d'occupation du site d'une autre entreprise. Concernant les seuils, vous contestez la nécessité des obligations sociales qui s'imposent à l'entreprise lorsqu'elle atteint un effectif de 50 salariés. Outre le fait qu'il ne me paraît pas très civique pour un entrepreneur de créer quatre entreprises de 49 salariés, je ne suis pas choqué par le fait que l'entreprise doive recruter un 51 ème salarié pour gérer les obligations générées par le recrutement du 50 ème , puisqu'elle franchit un cap dans son développement. L'étude menée par l'Institut de recherches allemand IFO, à ce sujet, est contestable. Je crois qu'il faut chercher ailleurs, notamment dans les études un peu plus anciennes de l'INSEE, la raison de la plus petite taille des entreprises françaises par rapport aux entreprises allemandes.

S'agissant de la frilosité des banques, je vous rejoins et je me demande même s'il pourrait utilement être envisagé un remplacement des exonérations de cotisations sociales par des bonifications de prêts. J'admets également que la question de la transmission des PME est un sujet important. Je reconnais aussi que le niveau élevé d'impôt sur les sociétés supporté par les PME représente une difficulté réelle, surtout lorsqu'on sait que les grands groupes ne s'acquittent de cet impôt qu'à hauteur d'un taux de 8 %. Je suggère que le travail de la Délégation se concentre désormais sur des sujets bien identifiés : le recrutement, les délais de paiement, le travail détaché, les dérives du régime des auto-entrepreneurs, l'évaluation du soutien apporté par les banques aux PME et artisans... À ce titre, je salue l'initiative de la table ronde, prévue en octobre, sur l'apprentissage. Pour ce qui concerne le rapport soumis aujourd'hui à notre examen, je suggère que chaque groupe politique puisse y annexer une expression libre. En l'état, je ne souhaite pas être cité comme auteur du rapport que vous nous soumettez parce que je ne me retrouve pas dans son avant-propos, même si je suis bien sûr participant aux travaux de la Délégation.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Je vous rappelle que le rapport que nous examinons aujourd'hui ne fait que rassembler les comptes rendus effectués devant la Délégation aux entreprises suite à chacun de nos déplacements dans les territoires. Chacun de ces comptes rendus, très fidèle à ce que nous avons entendu, a été fait par le sénateur membre de la Délégation qui avait été à l'initiative du déplacement et il me paraîtrait donc naturel que chacun d'eux soit co-rapporteur du rapport. Ce serait dommage que votre nom ne figure pas sur le rapport. En revanche, j'ai souhaité mettre en perspective ces comptes rendus dans un avant-propos que je signe et que j'assume seule et avec lequel je conçois parfaitement que vous soyez en désaccord. Je précise aussi que votre expression aujourd'hui sera fidèlement retranscrite dans le rapport puisqu'il inclura le compte rendu de la présente réunion consacrée à son examen. Cela me paraît valoir contribution de votre groupe politique.

M. René Danesi.- Ma participation aux travaux de la Délégation est fonction de l'intensité de mes activités locales, en tous cas jusqu'à octobre 2017. J'ai d'ailleurs travaillé pendant quarante ans à l'agence de développement économique du Haut-Rhin et j'ai donc été en contact avec de nombreuses entreprises.

Il me semble que le rôle de notre Délégation n'est pas celui d'une commission d'enquête. Je plaide pour la démarche qu'a retenue la Délégation car elle permet de connaître le ressenti de terrain des entrepreneurs. Ce qui compte, ce n'est pas la réalité objective des faits. Nous le savons tous, nous qui sommes habitués des élections. Ce qui est déterminant, c'est le degré de confiance dans l'avenir. Je crois important que la Présidente puisse souligner dans son avant-propos que les déplacements effectués nous permettent de recueillir des informations sur le ressenti des entrepreneurs mais ne relèvent pas du travail d'une commission d'enquête.

Les cotisations sociales sont jugées trop élevées par les entreprises. Nous entendons la même chose pour l'impôt sur le revenu : on paie toujours trop mais il y en a pour qui c'est particulièrement difficile. Il faudrait rapporter le montant des cotisations sociales à la marge bénéficiaire de l'entreprise. Concernant les seuils, je ne considère pas que le fait de créer plusieurs entreprises de 49 salariés caractérise un mauvais citoyen. Le Sénat s'est battu ces dernières semaines au sujet du seuil de 20 000 habitants, en matière d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) : les seuils dérangent toujours mais, si un seuil fait contre lui l'unanimité, il faut le remonter. Il n'est pas normal d'avoir recours à des astuces pour contourner les règles. Il faut donc changer ces règles.

Durant les vingt années où j'ai présidé la commission des aides aux entreprises au Conseil régional d'Alsace, je n'ai cessé de répéter ce que nous entendons de la bouche des entrepreneurs au sujet des aides et je dois être un des rares présidents de cette commission à avoir demandé une diminution de ses crédits. J'avais en effet l'impression de gaspiller l'argent des contribuables en apportant un soutien à des entreprises qui disparaissaient trois ou quatre ans après. La chambre régionale des comptes effectue un contrôle qui amène finalement à privilégier l'aide financière aux entreprises qui se portent bien : les aides relèvent alors de l'effet d'aubaine. La multiplication des aides aux entreprises participe aussi, naturellement, du souci d'affichage du président de la région et des services, lesquels ont inventé vingt-sept formes d'aides différentes, même si elles ont depuis été réunies en huit catégories. Certaines de ces aides ne bénéficient qu'à deux ou trois entreprises par an. J'ai combattu cette excessive diversité et complexité des aides qui justifient assurément l'existence des administrations. À mes yeux, il faudrait limiter drastiquement les aides aux entreprises, au niveau régional mais aussi au niveau de l'État, et les cibler vers celles en difficultés avérées et reconnues.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Votre témoignage est particulièrement intéressant. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet lorsque nous seront présentés les résultats de l'étude que nous avons demandé à l'IFOP de réaliser pour nous, sur la meilleure manière qu'ont les collectivités territoriales d'accueillir les entreprises de taille intermédiaire et de soutenir leur développement.

Mme Annick Billon.- Je voudrais vous remercier, Madame la Présidente, ainsi que mes collègues, pour la qualité des déplacements effectués par la Délégation au cours de ce premier semestre. Ces quelques mois de travail ont été très intéressants et je me félicite de signer ce rapport. Il me semble qu'une tribune politique n'y aurait pas sa place mais je trouve normal que les avis différents qui ont pu s'exprimer figurent dans le rapport.

M. Olivier Cadic.- Je voudrais vous remercier, Madame la Présidente, pour la façon dont vous présidez cette délégation et pour la possibilité que vous laissez à chacun de s'exprimer en toute liberté et dans le respect mutuel. Pour en revenir à la notion de charges sociales, je voudrais témoigner qu'en tant qu'entrepreneur, il n'existe que deux colonnes dans les comptes, les produits d'un côté, les charges de l'autre et, assurément, les cotisations sont dans la deuxième colonne. Je voudrais aussi appuyer ce que nous avait dit l'entreprise Valrhona dans la Drôme : elle avait déploré que la remise du prix « France qualité performance » ne soit pas assez valorisée. J'insiste sur l'importance de promouvoir le pilotage par la performance qui exige, dans le modèle EFQM, de regarder tous les aspects de la vie de l'entreprise. J'appelle la Délégation à mieux faire connaître ce modèle. Nous pourrions en profiter pour rassembler les entrepreneurs rencontrés à Paris et les faire dialoguer avec ceux que nous avons vus à Londres sur les thématiques de simplification et sur leurs appels communs : « laissez-nous travailler ! Faites-nous confiance ! »

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Le Président du Sénat a accepté que le prix EFQM soit remis, cette année, dans les salons de la présidence. La date sera prochainement fixée mais cette remise de prix doit intervenir à l'automne. Nous projetons d'inviter à cette occasion les entreprises que nous avons rencontrées dans les territoires ainsi qu'à Londres.

La Délégation autorise la publication du rapport.

ANNEXES

1. Programme des déplacements
a) Programme du déplacement effectué en Vendée le 19 janvier 2015, à l'initiative de Mme Annick BILLON, Sénatrice de Vendée

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône-UMP), présidente de la Délégation aux entreprises

- Mme Nicole BRICQ, sénatrice (Seine-et-Marne-SOC), vice-présidente de la Délégation aux entreprises, ancienne ministre

- M. François AUBEY, sénateur (Calvados-SOC), vice-président de la Délégation aux entreprises

- Mme Annick BILLON, sénatrice (Vendée-UDI-UC), membre de la Délégation aux entreprises

- Mme Jacky DEROMEDI, sénateur (Français établis hors de France- UMP), membre de la Délégation aux entreprises

- M. Didier MANDELLI, sénateur (Vendée-UMP)

- M. Philippe MOUILLER, sénateur (Deux-Sèvres-UMP)

- M. André TRILLARD, sénateur (Loire-Atlantique-UMP) (l'après-midi)

PROGRAMME

10 h 15

Accueil à l'Hôtel du Département à La Roche sur Yon par le sénateur Bruno RETAILLEAU, président du Conseil général de Vendée

10 h 30

12 h 00

Réunion d'échanges entre les membres de la délégation et une trentaine de patrons de PME et d'ETI vendéennes

Point presse

12 h 30 à

13 h 45

Déjeuner présidé par M. Bruno RETAILLEAU en présence des sénateurs et des chefs d'entreprises présents

14 h 15 à

15 h 30

Visite du groupe Yves COUGNAUD à Mouilleron le Captif (ETI leader national de la construction modulaire, 1 000 salariés) en présence de son Président directeur général, Yves COUGNAUD

16 h 00 à

17 h 15

Visite de la société agroalimentaire des Brioches Fonteneau à Boufféré (PME spécialisée dans la fabrication de brioches vendéennes, 160 salariés) en présence de son PDG, M. Gilles FONTENEAU

b) Programme du déplacement effectué dans la Drôme le 5 février 2015, à l'initiative de M. Gilbert BOUCHET, Sénateur (UMP) de la Drôme

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône-UMP), présidente de la Délégation aux entreprises

- M. Gilbert BOUCHET, sénateur (Drôme-UMP), secrétaire de la Délégation

- M. Henri CABANEL, sénateur (Hérault-SOC), membre de la délégation

- M. Olivier CADIC, sénateur (Français établis hors de France-UDI-UC), membre de la Délégation

- M. Jérôme DURAIN, sénateur (Saône et Loire-SOC), membre de la délégation

- M. Didier GUILLAUME, sénateur ( Drôme-SOC), président du Conseil général de la Drôme

PROGRAMME

10 h 40

Visite de la Société VALRHONA (Zone artisanale Les lots -site Dodet - 26600 Tain l'Hermitage). Rencontre avec M. GRISOT, président.

12 h 00

Départ pour le Conseil général (Hôtel du département - 26 avenue du président Herriot - 26026 Valence)

12 h 15

Arrivée au Conseil général et présentation de l'économie départementale par MM. Didier GUILLAUME et Gérard CHAUMONTET, Vice-Président en charge de l'économie (salle Royans Vercors)

12 h 45

14 h 15

Déjeuner au Conseil général avec MM. Gérard CHAUMONTET, Joël CRÉMILLIEUX, directeur général des services au Conseil général, Francis AYNAUD, directeur du développement économique au Conseil général, Joël ROQUES, Président de la CCI, Gérard SANTRAILLE, Président CGPME, Pascal DIDIER, Président CAPEB.

Didier LAUGA, Préfet de la Drôme

Point presse (salle Royans Vercors)

14 h 45

Départ pour l'entreprise VIGNAL ARTRU (Avenue de Romans

26120 Chabeuil)

15 h 00

Visite de l'entreprise VIGNAL ARTRU et échange avec M.  Laurent LE PORTZ, président du conseil d'administration, et M. Jean ARTRU, ancien président-directeur général et fondateur de l'entreprise.

16 h 00

Départ pour l'INEED (1 rue Marc Seguin - 26300 Alixan)

16 h 15 à

18 h 15

INEED : Table ronde avec les entrepreneurs

c) Programme du déplacement effectué dans le Rhône le 6 mars 2015, à l'initiative de Mme Élisabeth LAMURE, Sénateur (UMP) du Rhône

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône-UMP), présidente de la Délégation

- Mme Nicole BRICQ, sénatrice (Seine-et-Marne-SOC), ancienne ministre, vice-présidente de la Délégation

- M. Jérôme DURAIN, sénateur (Saône-et-Loire-SOC), secrétaire de la Délégation

- Mme Sophie PRIMAS, sénateur (Yvelines-UMP), vice-présidente de la Délégation

- Mme Catherine DI FOLCO, sénateur (Rhône-UMP), ( présente le matin )

- M. Michel FORISSIER, sénateur (Rhône-UMP), membre de la Délégation, ( présent le matin ),

PROGRAMME

10 h 00 à

12 h 00

Table ronde au Conseil général (Salons de l'Hôtel du département- 29-31 cours de la Liberté - 69483 Lyon Cedex 03) autour de PME/ETI partenaires de grands groupes, pour appréhender le fonctionnement d'une grappe d'entreprises dans le secteur chimie/pharmacie

12 h 00

Déjeuner au Conseil général avec les entrepreneurs

13 h 45

Point presse

14 h 15

Départ pour le nord du département

15 h 00

Visite du Groupe CEPOVETT (150 ancienne route de Beaujeu - Gleizé - 69653 Villefranche-sur-Saône) et rencontre avec les dirigeants MM. SANDJIAN (père et fils)

16 h 30

Visite du Groupe SAINT-JEAN INDUSTRIES et rencontre avec la famille DI SERIO

(180 Rue des Frères Lumière, 69220 Saint-Jean-d'Ardières)

d) Programme du déplacement effectué dans l'Hérault le 11 mai 2015, à l'initiative de M. Henri CABANEL, Sénateur (SOC) de l'Hérault

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône-UMP), présidente de la Délégation aux entreprises

- M. François AUBEY, Sénateur (Calvados-SOC), vice-président de la Délégation

- M. Gilbert BOUCHET, Sénateur (Drôme-UMP), Secrétaire de la Délégation,

- M. Henri CABANEL, Sénateur (Hérault-SOC), membre de la Délégation

- M. Michel CANEVET, Sénateur (Finistère-UDI-UC), membre de la Délégation

- M. Jérôme DURAIN, Sénateur (Saône et Loire-SOC), membre de la Délégation

- M. Jean-Pierre GRAND, Sénateur (Hérault-UMP),

- M. Éric JEANSANNETAS, Sénateur (Creuse-SOC), membre de la Délégation

- M. Guy-Dominique KENNEL, Sénateur (Bas-Rhin-UMP), membre de la Délégation

PROGRAMME

11 h 00-12 h 00

Visite de la cave coopérative construite en 2006 en présence de Monsieur Boris CALMETTE, Président.

6 caves coopératives sont réunies dans cette unité ultra moderne parfaitement adaptée aux nouveaux critères de qualité des produits. Ce site unique vinifie plus de 100 000 hectolitres annuels. La production de vin de pays et de cépages est vendue à 90 % en vrac au négoce.

12 h 45-14 h 15

Déjeuner avec la presse et visite de la société MEDI THAU, structure de production d'huîtres et de moules en présence de Monsieur TARBOURIECH, Fondateur et Directeur.

Depuis trois générations, la famille TARBOURIECH est leader en Europe du sud. Elle applique une technique de production innovante 100 % écologique.

15 h 10-16 h 10

Visite de l'entreprise Les Brasérades, entreprise familiale de charcuterie en présence de M. Guy DUPUIS, directeur. Cette entreprise, créée en 1970, a connu un fort développement. Elle emploie aujourd'hui 180 personnes et a un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros.

16 h 30-18 h 00

Table ronde réunissant des entrepreneurs des secteurs de l'agroalimentaire, du tourisme et des nouvelles technologies.

e) Programme du déplacement effectué en Seine-et-Marne le 11 juin 2015, à l'initiative de Mme Nicole BRICQ, Sénatrice (SOC) de Seine-et-Marne

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône- Les Républicains), présidente de la Délégation aux entreprises

- Mme Nicole BRICQ, Sénatrice (Seine-et-Marne-SOC), Vice-présidente de la Délégation

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD , Sénatrice (Hautes-Alpes- Les Républicains), membre de la Délégation

- M. Dominique WATRIN, Sénateur (Pas-de-Calais-CRC), membre de la Délégation.

PROGRAMME

09 h 30-11 h 30

Table ronde avec des entrepreneurs de Seine-et-Marne (TPE, PME et ETI) (Chambre de commerce et d'industrie (CCI) (1 avenue Johannes Gutenberg, 77700 - Serris)

12 h 00-13 h 45

Conférence de presse en présence des Sénateurs et des entrepreneurs, suivie d'un déjeuner au Centre de formation d'apprentis UTEC - Campus UTEC / CCI Seine-et-Marne (Restaurant d'application), boulevard Olof Palme - Émerainville

14 h 00-15 h 30

Visite d'ACRELEC, entreprise proposant des solutions technologiques au service des chaînes de points de ventes, en présence de MM. Jacques MANGEOT et Jalel SOUISSI, fondateurs de la société.

(3 rue Louis Broglie - 77400 - Saint-Thibault des Vignes)

16 h 15-17 h 30

Visite de JPB SYSTÈME, société innovante dans l'aéronautique possédant une filiale aux USA, en présence de M. Damien MARC, Président Directeur général.

(Pôle d'activité de Villaroche, Chemin du Bassin, 77950 - Montereau-sur-le-Jard)

f) Programme du déplacement effectué dans le Pas-de-Calais le 6 juillet 2015, à l'initiative de M. Dominique WATRIN, Sénateur (CRC) du Pas-de-Calais

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Rhône- Les Républicains), présidente de la Délégation aux entreprises

- M. Dominique WATRIN, sénateur (Pas-de-Calais-CRC), vice-président de la délégation

- M. Henri CABANEL, sénateur (Hérault-SOC), membre de la délégation

- M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, sénateur (UDI-UC) du Pas-de-Calais.

PROGRAMME

09 h 00-10 h 30

Visite du Club TAC-TIC, club qui rassemble des entrepreneurs du secteur des technologies de l'information et de la communication de l'Artois en présence de M. Bruno LEBLANC, Président ( Arras, La Citadelle - Foyer numérique - Boulevard du Général de Gaulle )

10 h 45-12 h 15

Visite de la société GAZONOR qui extrait, purifie et prépare à la vente le gaz récupéré dans le sous-sol de l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais en présence de M. Nicolas RICQUART, Directeur ( Avion, ZAL Fossé 7 ).

12 h 30-13 h 00

13 h 00-14 h 30

Point presse au Conseil départemental du Pas-de-Calais

Déjeuner dans les salons du Conseil départemental

14 h 30-16 h 30

Table ronde avec des entrepreneurs issus de divers secteurs de l'économie du Pas-de-Calais (Conseil départemental)

2. Liste des personnes rencontrées dans les territoires
a) Vendée

- M. Jacques AUDUREAU, Président directeur général de VENSYS ;

- M. Philippe BELLANTE, Président directeur général de MERCERON TP et Président du MEDEF Vendée,

- M. Bertrand BLAINEAU, Président du Groupe PAPIN,

- Mme Patricia BROCHARD, Co-Présidente de SODEBO,

- M. Dominique CHABOT, Président de BIMEDIA,

- MM. Éric COUGNAUD, Président directeur général, et Christophe COUGNAUD, Directeur général délégué du Groupe COUGNAUD,

- M. Olivier CROIX, Président de MONROC,

- M. Eddy DAUNAS, Président de TECAUMA,

- M. Paul-Henri DUBREUIL, Président du Groupe DUBREUIL,

- M. Philippe DUJARDIN, Président directeur général d'ATLOC,

- Mme Isabelle ENFRIN, Présidente d'ALFATEC et Présidente du Syndicat professionnel de la Métallurgie de Vendée (UIMV),

- M. Gilles FONTENEAU, Président directeur général de Brioches Fonteneau,

- Mme Valérie GOURMEL-ROUX, Gérante d'IDEM 85,

- M. Roland JOASSARD, Président des Chantiers OCEA,

- M. Jean-Louis LAVERGNE, représentant de l'Association Progrès du management de Vendée,

- M. Éric LEYS, Directeur général délégué de DATYS,

- M. François LUCAS, Président de ARCADES Cycles,

- M. Alain MARION, Président du Directoire de VM MATERIAUX,

- M. Henri MASSIOT, Président de BGCV et Président de la Fédération française du bâtiment (FFB) de la Vendée,

- M. Patrick MONVOISIN, Directeur général KERPRO,

- M. Marc MOREUIL, Directeur général de BOUY,

- M. Jean-Michel MOUSSET, Président du Conseil de surveillance du Groupe Mousset,

- M. Jean-Éric NOUBLANCHE, Président directeur général de SERTA,

- M. Camille OUVRARD, Président de Concept Alu,

- M. Patrice RAUTUREAU, Président de PETITGAS,

- M. Arnaud RINGEARD, Président directeur général de FAST CONCEPT CAR,

- M. Jean-Christophe SIMON, Président directeur général de MODERNA,

- M. Guillaume ZANLORENZI, Président d'OCF.

b) Drôme

- M. Jean ARTRU, ancien Président Directeur général et fondateur de Vignal Artru

- M. Jean-Marie BUSSEUIL, Vice-Président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Drôme,

- M. Pascal DIDIER, Président de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) de la Drôme,

- M. André FAURE, Président de CILEC,

- M. Philippe FLOUR, Directeur départemental de la Banque de France,

- M. Alain FONTE, Directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de la Drôme,

- M. Jean-Luc GRISOT, Directeur général de Valrhona,

- Mme Sylvie JEANNOT, responsable commercial de CERALEP,

- M. Norbert KIEFFER, Directeur du Lycée Montplaisir,

- M. Guy LAMBERT, Gérant du Restaurant La Grappe d'or et Président de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière (UMIH) de la Drôme,

- M. Laurent LE PORTZ, Président directeur général de Vignal Artru,

- M. Bernard MALAPERT, Directeur du CREDIT AGRICOLE, Président du comité local des banques,

- Mme Viviane MARGERIE, Présidente de Bioconvergence,

- M. Axel de MARLES, Directeur de Senseva,

- Mme Françoise MERLE, Gérante de PARADEIGMA,

- Mme Marie-Rose MOULIN, Directeur au Crédit Industriel et Commercial,

- M. Robert NICAISE, Directeur de CERALEP,

- Mme Murielle OHANNESSIAN, Secrétaire générale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) de la Drôme,

- M. Jean-Marie PASQUINELLI, Directeur général délégué de Valence Autos,

- M. Franck PERDRIX, Gérant de STRADEVORG,

- M. Joël ROQUES, Président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Drôme,

- M. Wilfrid SANCHEZ, Directeur général de la Fondation de coopération scientifique ROVALTAIN,

- Mme Betty SANTONNAT, Directrice du développement de COSMEBIO,

- M. Gérard SANTRAILLE, Dirigeant d'Anaodo Management et Président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) de la Drôme,

- M. Christophe TORRES, Directeur d'EXSTO.

c) Rhône

- Mme Florence AGOSTINO-ETCHETTO, Directrice générale de BIOPOLE,

- M. Guillaume d'ARCY, Directeur de projet financier d'AGUETTANT,

- M. Philippe CALOT, Président directeur général de SPEICHIM PROCESSING,

- M. Pierre CASOLI, Président d'EMBALL'ISO,

- M. Frédéric CHALMIN, Directeur général de KEM ONE,

- M. Bruno CHAZAL, Vice-président de BLUESTAR SILICONES,

- M. Jean-Christophe DERUAZ, Directeur général d'ALERYS,

- M. Gilles DEVILLERS, Co-fondateur et responsable du développement commercial de BIO ELPIDA,

- M. Émile DI SERIO, Président du GROUPE SAINT-JEAN INDUSTRIES,

- M. Pierre-Olivier GOINEAU, Directeur général et co-fondateur d'ERYTEC PHARMA,

- M. Raphaël LAVENIR, Directeur général de BACTUP SAS,

- M. Thierry de LUMLEY, Directeur du développement de COSMO COMPANY,

- M. Thibaut NAHON, Gérant de PHARMACOS,

- Mme Élodie PACARD, Directeur de projet de RESCOLL,

- M. Éric REBIFFE, Directeur général de SANOFI Développement,

- M. Marc de ROCQUEFEUIL, Directeur général adjoint du Groupe NOVACAP,

- Mme Hélène ROUQUETTE, Présidente d'IDD/Biotech,

- M. Nicolas SANDJIAN, Président directeur général de CEPOVETT,

- M. Michel SANDJIAN, Directeur général de CEPOVETT,

- M. Georges SCHEIBER, Directeur industriel Rhône-Alpes d'ADISSEO France SAS.

d) Hérault

- M. Jean-Yves AMAT, Gérant du Camping Le Sérignan-Plage,

- M. Jean-Pierre BOUTONNIER-BOUSQUET, Directeur général adjoint d'IRRIFRANCE,

- M. Boris CALMETTE, Président de la Cave coopérative Les terroirs de la voie domitienne,

- M. Robert CECCHETTI, Président des VERGERS DE MAUGUIO,

- M. Michel CHAVARRIA, Fondateur de LÂG GUITARES,

- M. Vincent DAFFOURD, Président de CARE LABS-MONTPELLIER,

- M. André DELJARRY, Président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Montpellier,

- M. Fabrice DELRIEU, Fondateur du LABORATOIRE DELRIEU,

- M. Jérôme DESPEY, Président de la Chambre d'agriculture de l'Hérault,

- M. Guy DUPUIS, Directeur de la Société Les Brasérades,

- M. François FOURRIER, Directeur général de SUD DE FRANCE DEVELOPPEMENT,

- Mme Agnès JULLIAN, Président directeur général de TECHNILUM,

- Mme Marie LEVAUX, Gérante des Établissements Horticoles du Cannebeth,

- M. Karl O'HANLON, Fondateur de DOMAINE ET DEMEURE,

- Mme Hélène PAGES, Gérante de l'Huilerie Confiserie Coopérative de Clermont L'Hérault,

- M. Aurélien PICARD, Gérant de PROVIASUD,

- M. Florent TARBOURIECH, Directeur de la Société MEDI THAU MAREE S.A.,

- Mme Catherine VALGALIER, Présidente de la Confédération générale de l'alimentation de détail (CGAD),

- M. Philippe VIGNON, Gérant d'EXPORT INTER REGIONALE.

e) Seine-et-Marne

- M. Nicolas AUBE, Président Directeur général de CELESTE FIBRE,

- M. Pascal BARRE, Président Directeur général de TRANSPORT BARRE,

- M. Bertrand BOISSIER, Directeur Général de BMS,

- M. Bruno BONNET, Directeur du Développement économique et territorial de la Chambre des métiers et de l'artisanat ,

- M. Christophe CHAUVET, Directeur associé d'ELCIMAI,

- M. Pascal COMMEAUX, Directeur commercial de MOUROT INDUSTRIES,

- M. Loïc GAUTHIER, Président Directeur général d'EOZ,

- M. Jean-Charles HERRENSCHMIDT, Président Directeur général de METIN,

- M. Jean-Robert JACQUEMARD, Président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Seine-et-Marne,

- M. Jean-Yves LAMBERT, Membre élu de la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) de Seine-et-Marne,

- M. Yannick LEBOEUF, Secrétaire général de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) de Seine-et-Marne,

- M. Pierre LORY, Président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) de Seine-et-Marne,

- M. Jacques MANGEOT, Fondateur d'ACRELEC,

- M. Damien MARC, Président Directeur général de JPB Système,

- M. Lionel MERCOU, Président Directeur Général d'INDUSELEC,

- M. Dominique MOCQUAX, Vice-président de la Chambre de commerce

et d'industrie (CCI) de Seine-et-Marne,

- M. Bruno MOREAU, Directeur général de BIOPOST,

- M. Jean-Louis RABOURDIN, Président Directeur Général de RABOURDIN INDUSTRIE et Président de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) de Seine-et-Marne,

- M. Éric ROGER, Directeur Général de SMR,

- M. Pierre SABIN, Président Directeur général d'ABEILLES MULTIMEDIA,

- Mme Sylvie SALINIE, Directeur Général d'AGISCOM TECHNOLOGY,

- M. Jean-Didier SEGUIER, Président Directeur général de SFOB,

- M. Jalel SOUISSI, Fondateur d'ACRELEC,

- M. Jean-Pierre THEVENET, Président Directeur Général de THEVENET CONSEIL.

f) Pas-de-Calais

- M. Jean-Marc BARKI, Dirigeant et co-fondateur de SEALOCK France,

- M. Freddy BRAURE, Directeur de JB VIANDE,

- M. Éric CAMUS, Vice-président de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) 62,

- M. Denis CORDONNIER, Gérant de CITUATION & ENSEMBLE,

- M. Alain CUISSE, Président de PIREP,

- M. Jérôme DECIMA, Responsable commercial de DECIMA,

- M. Jean-Marc DEVISE, Président directeur général d'UNIJECT SA,

- M. Olivier HUTIN, Président directeur général d'ARRAS MAXEI,

- M. Robert KHOURY, Directeur de CRODA CHOCQUES SAS,

- M. Bruno LEBLANC, Gérant d'ADVISER et Président du CLUB TACTIC,

- M. Éric MACHET, Directeur de SMT TRANSPORTS MACHET,

- M. Édouard MAGNAVAL, Gérant de EMA CONSEILS et Président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Artois,

- M. Arnaud MONTEWIS, Président fondateur de WAIGEO SAS,

- M. Marc PASSAGE, Directeur général de PERSYN DISTRIBUTION,

- M. Franck POUTCH, Président de CREPIM,

- M. Éric PREVOST, Directeur d'agence ARISMORE,

- M. Nicolas RICQUART, Directeur général de GAZONOR.

- M. Sébastien RUTH, Directeur général de CZON.

3. Étude réalisée en mai 2015 par l'IFO de Munich, à la demande de la Délégation sénatoriale aux entreprises, relative à l'impact sur les entreprises françaises et allemandes des seuils sociaux


* 1 Les enseignements tirés du déplacement à Londres ont fait l'objet d'un rapport spécifique : Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français , rapport d'information de M. Olivier CADIC et Mme Élisabeth LAMURE, fait au nom de la Délégation aux entreprises n° 534 (2014-2015) - 18 juin 2015.

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