II. DES DÉPENSES PUBLIQUES LOCALES DYNAMIQUES, FINANCÉES PRINCIPALEMENT PAR LE PARTAGE D'IMPÔTS NATIONAUX

A. DES DÉPENSES PUBLIQUES LOCALES REPRÉSENTANT 17,2 % DU PIB EN 2014

Les dépenses publiques locales autrichiennes représentent 17,2 % du PIB, soit environ un tiers de l'ensemble des dépenses publiques du pays - en France, elles représentent 12,2 % du PIB.

Évolution comparée des dépenses publiques
par sous-secteurs d'administrations publiques :

Autriche

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données Eurostat)

France

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données Eurostat)

Comme en France, l'évolution des dépenses des administrations publiques locales (APUL) s'avère relativement dynamique.

Évolution comparée des dépenses de l'État et des collectivités locales

Autriche France

(en base 100 en 2004) (en base 100 en 2004)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données Eurostat)

Ainsi, en valeur, les dépenses des administrations publiques locales autrichiennes (Länder et communes) ont augmenté de 38 % entre 2004 et 2013 - contre 42 % pour les administrations publiques locales françaises.

B. UN FINANCEMENT ASSURÉ PAR LE PARTAGE D'IMPÔTS NATIONAUX

Les ressources des collectivités autrichiennes proviennent principalement d'une fraction de fiscalité nationale, partagée entre les différents niveaux d'administration puis au sein de chaque niveau. Ces ressources partagées s'apparentent à des dotations : les collectivités n'ont pas le pouvoir d'en fixer l'assiette, ni le taux et elles sont réparties selon des critères fixés par la loi.

Outre cette fiscalité partagée et les recettes provenant des taxes et redevances locales, l'État fédéral transfère vers les collectivités (en particulier les Länder) des sommes significatives (plus de 7 milliards d'euros en 2013) pour financer certaines politiques publiques , notamment la rémunération des professeurs, la prise en charge des migrants ou les crèches. De la même façon, il existe d'importants transferts financiers entre les communes et les Länder.

1. Une répartition des impôts nationaux entre l'État fédéral, les Länder et les communes

La « constitution financière » ( Finanzverfassungsgestz ), qui fixe le cadre des relations financières entre l'État et les collectivités autrichiennes, distingue les recettes fiscales perçues uniquement par l'État fédéral des recettes partagées ou perçues uniquement par les Länder et les communes.

Une « loi de péréquation financière » ( Finanzausgleichsgesetz ) précise la clé de répartition des recettes fiscales partagées : il s'agit notamment de la répartition de l'impôt sur le revenu (28 milliards d'euros), de la taxe sur la valeur ajoutée (25 milliards d'euros), de la taxe sur le tabac (1,7 milliard d'euros), sur l'électricité, l'essence, l'alcool, les assurances, les mutations foncières, etc.

Adoptée en 2008 pour quatre ans, la « loi de péréquation financière » a été reconduite en 2012 (bien que légèrement modifiée) et est valable jusqu'en 2016 .

Le paragraphe 8 de la « loi de péréquation financière » précise le partage des ressources fiscales entre l'État fédéral, les Länder et les communes. La répartition de droit commun des impositions est la suivante :

- État fédéral : 67,417 %

- ensemble des Länder : 20,7 %

- ensemble des communes : 11,883 %

Dans certains cas, une clé de répartition différente est prévue par la « loi de péréquation financière » ; c'est le cas par exemple pour l'impôt foncier sur les terrains ( Grundsteuer ) perçue principalement par les communes (96 %) et très marginalement par l'État fédéral (4 %).

Autrement dit, bien que disposant d'une très faible autonomie fiscale, les collectivités autrichiennes voient leurs recettes varier en fonction du rendement des principaux impôts nationaux .

Au sein de chaque échelon (Länder et communes), la « loi de péréquation financière » définit également des critères de répartition des recettes fiscales, permettant de calculer les recettes perçues par chaque collectivité :

- plus de 60 % des recettes à répartir entre les différents Länder sont répartis en fonction du nombre d'habitants et 30 % en fonction d'une clé (fixée par la loi et généralement spécifique à un type d'imposition) 6 ( * ) ;

- les recettes fiscales sont réparties entre les communes principalement en fonction :

o d'un critère démographique pondéré (53 %) ;

o d'une clé de répartition spécifique (17 %) ;

o du nombre d'habitants (16 %).

Le critère démographique pondéré répond à la même logique que le coefficient logarithmique utilisé dans le calcul de la dotation forfaitaire des communes en France. Ce coefficient, qui permet de tenir compte des charges liées à l'importance de la population, varie entre 1 (pour les communes de moins de 500 habitants) et 2 (pour les communes de plus de 200 000 habitants).

Formule de calcul du coefficient logarithmique

Population

Coefficient

< 500 habitants

1

entre 501 et 199 999 habitants

1 + 0,38431089 x log (population / 500)

> 200 000 habitants

2

En Autriche, pour déterminer la répartition des recettes en utilisant ce critère, le nombre d'habitants de chaque commune est multiplié par un coefficient qui augmente avec la taille des communes.

Évolution du coefficient en fonction du nombre d'habitants

Population

Coefficient

< 10 000 habitants

1 41/67

entre 10 001 et 20 000 habitants

1 2/3 (=1 45/67)

entre 20 001 et 50 000 habitants

2

> 50 000 habitants et Vienne

2 1/3

Source : commission des finances du Sénat à partir de la « loi de péréquation financière »

2. Une négociation institutionnalisée plutôt favorable aux Länder

La « loi de péréquation financière » fixe donc un cadre pluriannuel (en général, pour trois ans au minimum) régissant les relations entre l'État fédéral, les Länder et les communes. Elle fait par conséquent l'objet d'importantes négociations entre l'État fédéral et les différents niveaux de collectivités, menées très en amont de l'adoption du projet de loi, qui constitue la traduction du consensus auquel les travaux ont aboutis.

En effet, avant la fin du cadre pluriannuel, une évaluation de la répartition des recettes fiscales entre les collectivités est effectuée . C'est sur cette base que les négociations pour la « loi de péréquation financière » suivante peuvent commencer.

Une révision de l'actuelle « loi de péréquation financière » est en cours et, selon les informations communiquées par le ministère des finances autrichien, des réunions sont organisées quasi quotidiennement entre les services de l'État fédéral et ceux des collectivités afin d'examiner le financement de chaque politique publique prise en charge par les collectivités. Ces réunions devraient durer jusqu'au printemps 2016 pour une traduction législative à la fin de l'année 2016 et une entrée en vigueur en 2017.

On peut d'ailleurs noter que la « loi de péréquation financière » précise que l'État fédéral doit mener des négociations avec les collectivités concernées avant l'entrée en vigueur de mesures fiscales qui pourraient avoir des conséquences sur leurs recettes ou sur leurs dépenses .

Dans le cadre de ces négociations, il est également prévu, outre l'association de chaque Land, que les communes sont représentées par l'association autrichienne des villes et l'association autrichienne des communes .

En Autriche, le rapport de force politique est plutôt favorable aux Länder - au détriment de l'État fédéral. En particulier, le rôle des Gouverneurs des neuf Länder est particulièrement crucial : le Gouvernement fédéral a en effet besoin de leur soutien politique.

Quant aux deux associations représentant les communes et les villes, elles sont affaiblies en raison notamment de l'expression d'intérêts divergents.

Ces négociations permettent de dégager un consensus , sur les bases duquel le ministre fédéral des finances propose une réforme, généralement approuvée par le Parlement fédéral.

3. Les principaux enjeux actuels
a) Un système excessivement complexe, voire opaque

Les nombreux critères de répartition, les règles spécifiques à certaines impositions, les transferts financiers croisés (de l'État fédéral aux Länder et aux communes, des Länder aux communes et vice versa , etc.) rendent le système autrichien particulièrement complexe et opaque.

La Cour des comptes autrichienne souligne que de nombreuses subventions (en particulier dans les domaines économique et culturel) sont versées par plusieurs collectivités, voire plusieurs échelons (État fédéral, Länder, communes), sans grande transparence. C'est pourquoi, une base de données doit être créée pour garantir une plus grande transparence des informations financières. Plus généralement, le détail des dépenses des collectivités autrichiennes est assez mal connu et le développement d'une nouvelle comptabilité, commune à l'ensemble des collectivités et à l'État fédéral est à l'étude .

Pour la Cour des comptes comme pour la chambre d'économie autrichienne (qui représente les entreprises), cette harmonisation de la comptabilité est considérée comme une condition préalable à une grande réforme des compétences et du financement des collectivités , en permettant d'une part de décider d'une répartition optimale des compétences et d'autre part de véritablement piloter les finances publiques.

Il faut toutefois garder en mémoire le fait que les relations et imbrications, financières comme institutionnelles, entre les différents niveaux s'expliquent par l'histoire autrichienne et reposent sur la Constitution : aucun niveau (ni l'État fédéral, ni les Länder, ni les communes), ne peuvent agir seuls.

Cet enchevêtrement des compétences entraine des modes de financement peu transparents : la Cour des comptes autrichienne comme le « conseil budgétaire » ( Fiskalrat , équivalent du Haut conseil des finances publiques français) recommandent que soit appliqué le principe du « décideur - payeur ». En effet, dans les écoles primaires par exemple, la décision de recruter des professeurs revient aux collectivités, alors même que c'est l'État fédéral qui les rémunère. Outre l'enseignement scolaire, les secteurs de l'immigration et de la santé seraient concernés.

De plus et comme en France, la diversité dans la taille des communes est un facteur de complexité, notamment financière.

b) Vers une certaine autonomie fiscale, gage de responsabilisation ?

Cette situation est critiquée, notamment par le Conseil de l'Union européenne, qui considère, dans sa recommandation de juillet 2015, que « les relations entre les différents niveaux de pouvoir restent complexes et sont à l'origine de pertes d'efficacité dans des secteurs essentiels de l'administration publique. L'Autriche reste l'un des pays présentant le plus bas niveau de taxation infranationale (en % du PIB). En dépit de ce faible niveau d'autonomie fiscale, les autorités infranationales exercent certaines responsabilités en matière de dépense et d'administration. Ce haut degré de complexité et ce décalage entre les responsabilités en matière de recettes et de dépenses ne sont pas propices à la mise en oeuvre de grandes réformes 7 ( * ) ».

Par conséquent, il recommande de « remédier au décalage existant entre les responsabilités des différents échelons de pouvoir en matière de financement, d'une part, et de dépense, d'autre part ».

Aujourd'hui, les collectivités autrichiennes peuvent introduire quelques taxes ou surtout des redevances, mais elles dépendent principalement de recettes fiscales partagées, d'où le risque de comportements de passager clandestin. La question de l'autonomie fiscale des collectivités fait donc débat actuellement en Autriche : afin de responsabiliser davantage les élus locaux, il s'agirait de donner aux collectivités qui le souhaitent la possibilité de dépenser plus à condition de mettre en regard une augmentation des taxes locales.


* 6 Zentrum für Verwaltungsforschung ; présentation par l'Österreichischer Städtebund.

* 7 Recommandation du Conseil du 14 juillet 2015 concernant le programme national de réforme de l'Autriche pour 2015 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de l'Autriche pour 2015, (2015/C 272/23).

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