TROISIÈME PARTIE - LES PROPOSITIONS DE LA MISSION POUR UNE COMMANDE PUBLIQUE PLUS SIMPLE, PLUS EFFICACE ET AU SERVICE DE L'ÉCONOMIE

I. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SITUATION DES PME

Le développement des PME doit être un objectif essentiel de la politique économique, pour deux raisons principales :

- la France manque de PME à forte croissance (parfois qualifiées de « gazelles » 85 ( * ) ), nécessaires à l'augmentation de son potentiel de croissance ;

- le développement insuffisant des PME françaises dégrade les performances à l'exportation 86 ( * ) , qui sont devenues un enjeu majeur avec la crise de la zone euro.

A. FAVORISER L'ACCÈS DES PME AUX MARCHÉS PUBLICS

Une circulaire du Premier ministre du 31 juillet 2013 relative à la modernisation des achats de l'État a débouché sur la publication du décret n° 2013-623 du 16 juillet 2013 qui réforme le Service des achats de l'État (SAE). Ce dernier a désormais la mission de « s'assurer que les achats de l'État sont réalisés dans des conditions favorisant le plus large accès des PME à la commande publique ».

Les PME peuvent accéder aux marchés publics en tant que titulaire ou en tant que sous-traitants. C'est le premier cas qu'il convient de privilégier.

Participer à un marché en tant que titulaire (et non en tant que sous-traitant) est toujours plus intéressant pour une PME :

- le titulaire d'un marché étant généralement en position favorable pour négocier avec ses sous-traitants, il conditionne le choix de ceux qu'il retient à l'acceptation d'une baisse de leur tarif et donc de leurs marges, surtout en cas de conjoncture économique difficile comme c'est le cas actuellement. Les professionnels interrogés par la mission évoquent à cet égard des remises de prix de 20-30 % ou plus lorsqu'ils interviennent en tant que sous-traitants par rapport au prix de prestations équivalentes fournies en tant que titulaires d'un marché ;

- une entreprise qui intervient sur un marché public en tant que sous-traitant de rang 2 ou plus ne peut bénéficier des délais de paiement très courts qui s'imposent aux acheteurs publics, mais se voit appliquer les délais de paiement du secteur privé. Or, ces derniers sont nettement moins avantageux pour les fournisseurs et les sous-traitants. Par ailleurs, le non-respect des règles de délais de paiement est plus fréquent dans le crédit interentreprises que dans les relations impliquant un acheteur public, ce qui expose alors les sous-traitants à des problèmes de trésorerie et ce d'autant plus qu'ils se situent loin dans la chaîne de sous-traitance ;

- enfin, participer à un marché public en tant que titulaire permet d'accroître la notoriété d'une entreprise, de renforcer ses références, et d'accéder ensuite plus facilement à d'autres marchés publics ou privés.

1. Une impasse : les politiques généralisées de réservations

Dans un rapport 87 ( * ) fait en 2006 pour le Conseil d'analyse économique, Paul Betbèze et Christian Saint-Étienne préconisaient un « small business act » européen et la réservation d'« une partie des commandes publiques à des PME au niveau européen » , en leur garantissant « 35 % des commandes d'État » .

a) Une probable inconstitutionnalité et une incompatibilité avec les règles de l'OMC

Toutefois, à court ou moyen terme, cette voie des réservations est fermée par un double verrou juridique national et international :

- au niveau national, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe de la liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003). Bien que le principe d'égalité ne s'applique strictement qu'à des situations comparables, il est vraisemblable que le respect de ces principes constitutionnels interdise une politique de réservation pour les PME dans l'attribution des contrats relevant de la commande publique ;

- au niveau international, il existe des règles relatives aux marchés publics prévues par l'AMP ( Accord sur les marchés publics ) qui encadrent la possibilité, pour les parties à l'accord, de réserver certains marchés publics à leurs PME 88 ( * ) . L'AMP garantit le principe de non-discrimination entre les produits , les services et les fournisseurs des différentes parties. Toutefois, l'AMP permet à ses signataires de prévoir des exemptions à ces règles de non-discrimination.

Les États-Unis, le Canada et la Corée du Sud, à la différence de l'Union européenne, ont ainsi veillé à obtenir une dérogation en faveur de leurs PME. Par exemple, les États-Unis ont précisé dans leur liste d'engagements que leur mécanisme préférentiel en faveur des PME, tel qu'issu du Small business Act de 1953, est exclu des disciplines de l'AMP. Aucune règle n'interdit à l'Union européenne de demander une telle exemption à l'occasion d'une renégociation de l'accord, mais elle supposerait, en externe, l'accord de tous les autres signataires de l'AMP 89 ( * ) et, en interne, le consensus des États membres - qui est loin d'exister sur cette question.

b) La réservation de marchés, un instrument inadapté

Vaut-il la peine de s'engager dans une bataille de longue haleine au niveau européen pour lever ces verrous juridiques et changer de paradigme ?

La voie qui a été choisie par l'Europe et la France pour faciliter l'accès des PME à la commande publique semble plus pertinente que la réservation de marchés.

(1) Les réservations de marchés ne sont pas nécessairement le moyen le plus efficace d'augmenter la part des PME

Sur le plan de l'efficacité, on constate que les taux d'accès respectifs des PME aux marchés publics aux États-Unis et en Europe sont assez proches, avec même un léger désavantage pour les États-Unis.

Rappelons que la loi américaine impose que les marchés publics fédéraux de fourniture et de service inférieurs à 100 000 dollars soient réservés aux PME. Pour les marchés de montants supérieurs, elle impose une réservation partielle, équivalente à l'allotissement, et impose aux grandes entreprises de fournir « un plan de sous-traitance » montrant la part à laquelle les PME ont le droit (pour les marchés de plus de 500 000 dollars).

Par ailleurs, l'État fédéral fixe à chaque administration un objectif annuel d'attribution des marchés publics aux PME de 23 % hors sous-traitance et de 40 % dans le cas de la sous-traitance.

Or, l'Europe dans son ensemble, et la France en particulier, atteignent cet objectif sans avoir besoin de recourir à des réservations.

(2) Les réservations contraignent excessivement les acheteurs

Sur le plan des principes, la politique européenne et française en matière d'accès des PME à la commande publique s'appuie sur des incitations à agir et quelques obligations circonscrites. Elle apparaît donc plus respectueuse de la liberté des acteurs, notamment des acheteurs publics, que l'approche américaine. De ce point de vue, elle s'inscrit davantage dans la philosophie générale privilégiée par la mission d'information, à savoir : passer d'une logique de la défiance à une logique de la confiance dans l'achat public.

Un des points de consensus concernant la commande publique est qu'elle souffre encore d'un excès de règles .

Dans un mouvement global qui se caractérise par la volonté de simplifier les procédures, promouvoir une politique générale de réservations en faveur des PME apparaîtrait largement à contre-courant.

2. Faciliter l'accès des PME à la commande publique

Votre mission d'information propose des solutions concrètes pour conforter la place des PME dans la commande publique.

a) Favoriser les groupements temporaires d'entreprises

Les groupements temporaires d'entreprises sont une voie à suivre pour accroître l'accès des PME à la commande publique. Le droit actuel non seulement les permet déjà, mais interdit même à l'acheteur de rejeter a priori une offre au simple motif qu'elle serait portée par un groupement.

La mission d'information a pu entendre à plusieurs reprises, au cours de ses travaux, que l'exigence par l'acheteur public d'une responsabilité solidaire des cocontractants constituait un obstacle à la constitution de groupements d'entreprises. Ceci étant, on voit mal comment interdire à un acheteur public de se prémunir contre une défaillance de l'un des cocontractants par cet outil simple et efficace qu'est la garantie solidaire. Un groupement conjoint, où chaque cotraitant n'est responsable que de la partie des prestations dont il a la charge, peut entraîner de complexes recherches en responsabilité et de longs contentieux au cours desquels, en définitive, l'acheteur public assume seul le risque de l'opération. L'exigence de bonne utilisation des deniers publics implique donc qu'on laisse à l'acheteur public le choix de déterminer , au cas par cas, s' il exige ou pas une responsabilité solidaire du groupement ou de son mandataire.

C'est sans doute moins l'évolution des normes juridiques en matière de cotraitance que l'évolution de la culture et des pratiques des acheteurs et des chefs d'entreprises qui permettra le développement de la cotraitance dans les marchés publics :

- du côté des acheteurs publics, certaines bonnes pratiques gagneraient à être généralisées. On peut citer les dispositifs de « bourse à la cotraitance » évoquée par le directeur du Service des achats de l'État (SAE) lors de son audition. Inspirée du dispositif Maximilien, qui existe déjà en Ile-de-France, cette bourse de la cotraitance est en cours de développement sur la plateforme dématérialisée de l'État, « PLACE ». L'outil développé par le SAE permettra aux entreprises intéressées de « pointer » un marché et d'indiquer qu'elles recherchent des partenaires cotraitants sur celui-ci ;

- du côté des syndicats professionnels et des chambres consulaires , il appartient d'inclure, dans les modules de formation sur les marchés publics proposés aux entreprises, des éléments relatifs aux groupements d'entreprises afin d'en souligner l'intérêt et d'en expliquer les modalités concrètes.

À titre d'illustration, l'encadré ci-après présente le cas d'un groupement de la région de Belfort et Montbéliard.

Une forme originale et économiquement efficace de groupements d'entreprises : le groupement associatif des PME du bâtiment, CRRI 2000

Le Groupement des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics ( GEBTP ) et CRRI 2000 sont deux structures permanentes. Le GEBTP de forme associative (loi de 1901) fondé en 1957, regroupe 37 entreprises, essentiellement des PME de 15 salariés ou plus, du secteur du bâtiment sur l'aire urbaine de Belfort, Héricourt et Montbéliard. CRRI 2000, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) créée en 1987, dont le seul actionnaire est le GEBTP, a été constituée pour répondre aux appels d'offres publics.

L'objet de CRRI 2000 est de permettre aux entreprises adhérentes de l'association de répondre de manière conjointe à des appels d'offre publics ou privés auxquels les entreprises membres ne pourraient pas répondre individuellement, soit parce que les délais exigés ne seraient pas tenables, soit parce que la taille du chantier excèderait les capacités d'intervention d'une seule entreprise. Les sociétés adhérentes interviennent ainsi, conjointement, sur des marchés d'un montant moyen de 3 millions d'euros et pouvant atteindre, pour les plus importants, jusqu'à 4 ou 5 millions d'euros. Le chiffre d'affaires des activités du groupement est en moyenne de 27,4 millions d'euros (chiffres 2007-2009). Bien entendu, les entreprises adhérentes ont par ailleurs une activité économique propre, en-dehors des chantiers pilotés par CRRI 2000.

Le coût de l'adhésion au groupement est minime pour les PME membres : 300 euros par an. L'association via CRRI 2000 couvre ses coûts de fonctionnement en prélevant une partie du chiffre d'affaires réalisé lors des réponses conjointes aux marchés remportés. GEBTP étant une structure à but non lucratif, sa filiale CRRI 2000 ne prélève que le montant nécessaire pour couvrir ses coûts. L'association compte dix salariés (un directeur, un comptable/conseiller juridique, deux secrétaires, deux salariés officiant dans le bureau d'étude chargés d'étudier les marchés et de construire les offres et quatre conducteurs de chantier chargés de coordonner le travail des sociétés impliquées dans la réponse aux appels d'offre). Un chiffre d'affaires de 16 millions d'euros par an est nécessaire pour atteindre le point « zéro » à partir duquel le coût de la structure est couvert.

CRRI 2000 intervient en appui aux entreprises adhérentes à tous les stades d'un marché :

- en amont de la réponse aux appels d'offre, la société réalise du sourcing auprès des acheteurs publics ou privés. Elle effectue également un travail de veille pour connaître les appels d'offre notamment grâce à un abonnement à une société spécialisée dans la collecte des annonces de mise en concurrence ;

- au stade de la candidature , CRRI 2000 élabore des offres techniquement et économiquement pertinentes en sollicitant principalement ses entreprises membres, gère toute la procédure administrative de candidature et intervient en tant que co-traitant chargé de piloter l'intervention conjointe des sociétés adhérentes et d'apporter les garanties financières exigées par les acheteurs ;

- au stade de l'exécution, la société coordonne l'intervention des entreprises membres en offrant un interlocuteur unique aux clients. Elle assure également la bonne exécution du contrat en mobilisant, le cas échéant, un de ses membres en remplacement d'un membre défaillant, de sorte que la continuité et les délais du chantier sont tenus.

Concrètement, lorsqu'il s'agit de répondre de manière groupée à un appel d'offre, toutes les entreprises pressenties pour intervenir dans l'exécution du marché ne se portent pas candidates en tant que cotraitantes. Il n'y a en effet formellement que deux cotraitants : CRRI 2000 et une des entreprises du groupement 90 ( * ) . Ces deux cotraitants sont solidaires ou conjoints.

Les autres entreprises adhérentes de CRRI 2000 qui interviennent dans l'exécution du contrat le font en tant que sous-traitantes de rang 1. Il s'agit cependant d'une sous-traitance qu'on pourrait qualifier de vertueuse, dans la mesure où l'association, à but non lucratif, via CRRI 2000, ne réalise pas de marge propre : la totalité du chiffre d'affaires, hormis la fraction permettant de faire fonctionner l'association, profite aux PME intervenant sur le chantier. Une « charte » (qui est en réalité un vrai contrat entre l'association et ses membres adhérents) définit les obligations respectives de chacun et garantit la discipline collective permettant au groupement de préserver son avantage compétitif au profit des membres.

b) Mieux accompagner et former les PME en matière de marchés publics, grâce aux chambres consulaires et aux syndicats professionnels

Mieux accompagner les entreprises vers la commande publique relève principalement de la responsabilité des organisations représentant les entreprises, qu'il s'agisse des chambres consulaires ou des syndicats professionnels - fédérations sectorielles ou organisations professionnelles transversales telles que la CGPME.

Si de nombreux documents didactiques (guides pratiques généraux ou spécialisés par secteurs d'activité) existent déjà et sont mis à jour régulièrement, ces instruments quoiqu'utiles restent insuffisants. Une véritable ambition de formation des chefs d'entreprises à la commande publique doit maintenant être mise en place . La priorité doit désormais être l'appropriation des règles par les PME, ce qui passera par un effort de pédagogie.

(1) Réaliser des séances de sensibilisation

Il convient en premier lieu de développer les séances de sensibilisation pour rompre avec un discours général et galvaudé sur la « complexité de la commande publique » et encourager, voire « décomplexer », les entreprises hésitant à se lancer. « Osons la commande publique » : c'est le titre pertinent du guide publié par le médiateur des marchés publics.

Ce travail a bien entendu déjà commencé. La chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Paris-Ile-de-France organise par exemple une session par mois ou par trimestre pour une cinquantaine de personnes. Des formations, pratiques ou juridiques, sont aussi déclinées au plus près du terrain, au niveau des CCI départementales ou territoriales.

Toutefois, les différentes chambres consulaires ne sont pas au même niveau quantitatif et qualitatif dans l'accompagnement vers la commande publique. L'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) reconnaît par exemple que, si l'accompagnement fait partie du référentiel pour les prestataires adopté au niveau national, ce dernier est diversement appliqué sur le territoire.

(2) Accompagner les entreprises dans la dématérialisation des procédures

Dans la mesure où une bonne part des gains de simplification attendus les prochaines années est liée à la dématérialisation des procédures, il est essentiel que les syndicats professionnels et les groupements consulaires accompagnent les PME dans cette dématérialisation , notamment en mettant l'accent sur les outils de sécurisation des données.

Certains instruments existent déjà ou sont en voie de déploiement. C'est le cas par exemple du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB), lancé en décembre 2014, qui vise à accélérer le déploiement des outils numériques à l'échelle de l'ensemble du secteur du bâtiment et qui est doté d'un fonds de 20 millions d'euros.

Il convient de veiller à ce que l'ensemble des secteurs professionnels soient intégrés dans des programmes de ce genre.

c) Écarter systématiquement les offres anormalement basses

L'article 55 du code des marchés publics permet à l'acheteur de rejeter une offre anormalement basse (OAB), cette offre représentant une concurrence déloyale pour les autres candidats - notamment les PME - et risquant de mettre en danger la bonne exécution du marché .

La procédure de l'OAB s'organise en plusieurs phases : l'acheteur détecte les offres suspectes, demande à l'entreprise concernée de justifier ses prix , analyse ses réponses puis émet une décision motivée de rejet de l'offre.

L'analyse des offres suspectes consiste à examiner un faisceau d'indices démontrant le caractère anormalement bas du prix proposé par l'entreprise : comparaison avec l'offre des autres candidats et avec l'estimation du pouvoir adjudicateur, examen du coût estimatif de la main-d'oeuvre, etc . Il s'agit donc d'une analyse casuistique pratiquée après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations.

La mission d'information se réjouit que la Commission européenne ait renoncé à fixer une formule mathématique à partir de laquelle des niveaux de prix « anormalement bas » auraient été déterminés et les offres correspondantes éliminées, sans moyen pour l'entreprise de se justifier.

La procédure en vigueur nécessite, au contraire, que l'acheteur prenne ses responsabilités et comprenne que l'élimination d'une offre anormalement basse après analyse contradictoire fait partie de ses obligations comme le rappelle l'article 53 de l'ordonnance « marchés » n° 2015-899 qui entrera en vigueur prochainement. Suivre cette procédure est d'ailleurs dans l'intérêt de l'acheteur car, comme l'a rappelé Dominique Moreno, responsable du département de droit public à la chambre de commerce et d'industrie d'Ile-de-France lors de son audition du 18 juin 2015, « ce type d'offres anormalement basses se paie ensuite lors de la phase d'exécution du contrat, avec des avenants, des retards... ».

Or, les auditions ont permis de démontrer que la procédure de l'offre anormalement basse n'est pas systématiquement mise en oeuvre par les acheteurs par crainte de contentieux, ce que la mission d'information déplore. Elle rappelle ainsi que le juge exerce un contrôle restreint sur le rejet d'une OAB 91 ( * ) mais également sur la décision de l'acheteur de ne pas exclure ce type d'offres. Le Conseil d'État a ainsi considéré que « le fait pour un pouvoir adjudicateur de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public » 92 ( * ) .

En d'autres mots, il n'est pas plus risqué pour les acheteurs de rejeter une offre anormalement basse que de la déclarer conforme par crainte du contentieux. La mission d'information les incite donc à avoir recours à la procédure de l'article 55 du code des marchés publics dès lors que les prix proposés par un candidat semblent anormalement bas.

Proposition n° 2 : utiliser pleinement la procédure de l'article 55 du code des marchés publics en rejetant toute offre anormalement basse, comme la directive « marchés » l'impose et la procédure contradictoire le permet en toute sécurité.

d) Se fixer des objectifs d'accès des PME à la commande publique

L 'État s'est fixé pour objectif de conclure 25 % de ses achats auprès de PME au 31 décembre 2015. Au 1 er janvier, cette part avait atteint 23 % pour les administrations centrales et 29 % pour les établissements publics de l'État.

S'il ne saurait être question de biaiser l'attribution d'un marché au profit d'une PME, il est possible pour les acheteurs de concevoir leurs marchés de manière à les rendre les plus favorables possible aux PME (en pratiquant l'allotissement, en travaillant sur les conditions d'exécution, etc .).

À titre d'illustration, les achats publics étant de plus de 200 milliards d'euros 93 ( * ) , augmenter d'un point la part des PME correspond à augmenter leur chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros.

Les résultats obtenus par l'État démontrent qu'il est possible d' améliorer la place des PME dans la commande publique en se fixant un objectif clair et en faisant preuve de volontarisme pour l'atteindre.

Il convient donc d'inciter les collectivités territoriales à poursuivre un objectif comparable.

Pour ce faire, votre rapporteur propose de prévoir au niveau réglementaire que la place des PME dans la commande publique est jointe à la liste annuelle des marchés prévue par l'article 133 du code des marchés publics.

Il encourage en outre les collectivités territoriales à se fixer un objectif en la matière lors des débats d'orientation budgétaires (DOB) prévus par le code général des collectivités territoriales 94 ( * ) .

Proposition n° 3 : prévoir l'obligation, pour les collectivités territoriales, de publier la proportion de leurs marchés attribués aux PME en même temps que la liste annuelle des marchés


* 85 Cf. Jean-Paul Betbèze et Christian Saint-Étienne, « Une stratégie PME pour la France : favoriser l'essor des gazelles, entreprises moyennes en forte croissance » , Conseil d'analyse économique, rapport n°61, 13 juillet 2006.

* 86 Cf. en particulier Patrick Artus et Lionel Fontagné, « Évolution récente du commerce extérieur français », Conseil d'analyse économique, rapport n°64, 15 novembre 2006.

* 87 Jean-Paul Betbèze et Christian Saint-Étienne, « Une stratégie PME pour la France : favoriser l'essor des gazelles, entreprises moyennes en forte croissance », Conseil d'analyse économique, rapport n°61, 13 juillet 2006.

* 88 Cet accord plurilatéral, conclu en 1994, n'est signé que par quelques membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l'Union européenne et ses États-membres, les États-Unis, le Canada ou encore la Corée du sud.

* 89 Une version révisée de l'accord est applicable depuis le 6 avril 2014. Une révision périodique est prévue.

* 90 CRRI 2000 ne peut se porter candidate seule car c'est une simple structure formelle qui n'est pas en mesure de faire la preuve (obligatoire) de sa capacité d'intervention opérationnelle. C'est la raison pour laquelle une des PME du groupement intervient formellement comme sous-traitante.

* 91 Conseil d'État, 15 avril 1996, Commune de Poindimie , n° 133171.

* 92 Conseil d'État, 29 mai 2013, Ministère de l'Intérieur c/ Sté Artés , n° 366606.

* 93 260 milliards d'euros, selon le chiffrage présenté dans le présent rapport. L'écart par rapport au montant total de la commande publique (390 milliards d'euros) provient des concessions.

* 94 Articles L. 2312-1 (communes), L. 3312-1 (départements) et L. 4312-1 (régions).

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