B. DES VOLS EUROPÉENS À L'ÉCART DES ZONES DYNAMIQUES

1. Un tropisme excessivement européen et nord-américain

L'expression « connectivité d'un aéroport » réunit trois notions : les voyages sans escale au départ ou à destination d'un aéroport donné (la « connectivité directe »), les voyages à destination ou au départ de cet aéroport, avec une escale avant d'y arriver ou après l'avoir quitté (la « connectivité indirecte »), enfin les voyages avec escale sur le hub considéré dans le but de repartir vers la destination finale (formant la « connectivité d'aéroport ou de hub »). Ainsi qu'il apparaît clairement au vu du graphique ci-après, la connectivité des aéroports européens concerne à 64 % l'Europe ou l'Amérique du Nord.

La part non négligeable de l'Asie-Pacifique (20 % de la connectivité totale) ne doit pas faire illusion : il s'agit avant tout d'une connectivité indirecte, les vols quittant l'Europe en direction de l'Asie ou du Pacifique ayant une tendance marquée à faire escale à Ankara ou, plus souvent, dans le Golfe. Ainsi, la connectivité des aéroports européens s'est accrue en tout premier lieu vers les autres destinations du continent européen ou vers l'Amérique du Nord, une zone où l'activité ne connaît pas un dynamisme marqué.

Alors que le centre économique du monde se déplace vers l'Asie, la connectivité des aéroports européens avec ce continent n'aura enregistré en 2015 qu'une hausse annuelle modérée (4,5 %).

Ce dernier chiffre illustre une tendance particulièrement inquiétante pour l'avenir à court et moyen terme : les vols vers des destinations dynamiques se dérobent sous les ailes des transporteurs basés dans l'Union européenne.

Les quatre courbes ci-dessous montrent que la conclusion est identique si l'on considère l'évolution du trafic passager depuis 2005.

Source : ACI

2. L'Asie se dérobe sous les ailes des transporteurs européens

Les deux graphiques ci-après illustrent la perte de régime au plan mondial du continent européen et de ses transporteurs aériens.

Que l'on considère l'évolution entre 2008 et 2015 de la connectivité mondiale par grande région (graphique du haut) ou l'évolution pendant la même période appréciée au départ exclusivement des aéroports de l'Union européenne, certaines tendances apparaissent de façon nette :

- à l'exception du continent africain, le dynamisme de la connectivité directe est partout inférieur au dynamisme des deux autres formes de connectivité : le rôle des hubs s'est donc affirmé entre 2008 et 2015 ;

- quelle que soit la forme de connectivité considérée, l'évolution enregistrée au Proche-Orient est de loin la plus forte : cette région du globe est celles dont la place dans les transports aériens s'est accrue avec le plus de vigueur.

La comparaison entre la connectivité mondiale et celle mesurée au départ des aéroports européens permet de tirer une conclusion majeure : l'évolution de la connectivité est systématiquement inférieure au départ des seuls aéroports européens. La mesure étant faite en pourcentage, l'effet de taille est neutralisé : le moindre dynamisme des aéroports du Vieux Continent est avéré, quelle que soit la destination des voyageurs.

La performance exceptionnelle du Proche-Orient s'explique avant tout par la captation des liaisons entre l'Union européenne et l'Asie. Alors que cette dernière région est une destination finale de toute première importance au plan mondial, avec une hausse de 20,9 % entre 2008 et 2015 des liaisons directes à sa destination ou au départ de celle-ci, la connectivité directe avec l'Europe n'a augmenté que de 4,2 %. La hausse de 49 % pour la connectivité indirecte entre des aéroports asiatiques et européens s'explique par le rôle accru des hubs du Golfe et d'Ankara. Dans les deux cas, les compagnies opérant sur ces liaisons sont extérieures à l'Union européenne. Enfin, la hausse de 47 % - enregistrée pour les liaisons au départ de l'Europe à destination de l'Asie et empruntant un hub asiatique - illustre le rôle croissant de compagnies asiatiques, qui tendent elles aussi à supplanter les compagnies européennes, cette fois avec une escale en Asie.

Source : ACI

Source : ACI

Avis du Comité économique et social européen, adopté le 17 avril 2013,

portant sur « La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation »

(extraits)

« 1.5 Le CESE partage les préoccupations de la Commission concernant la nécessité d'investir pour accroître les capacités des aéroports. Il est urgent de garantir des capacités aéroportuaires dans l'Union européenne afin de ne pas subir de pertes de compétitivité par rapport à d'autres régions qui connaissent la croissance, et empêcher ainsi que le trafic ne se détourne vers les régions voisines. »

« 2.6 [...] le secteur européen de l'aviation ne comporte plus que deux compagnies aériennes européennes desservant l'Australie : British Airways et Virgin Atlantic , alors qu'elles étaient beaucoup plus nombreuses auparavant . »

« 5.2 [...] À présent que les marchés aéronautiques les plus dynamiques ne se trouvent plus en Europe, il est essentiel que l'industrie européenne puisse se développer sur ces marchés également. »

3. L'Union européenne voit voler des avions en nombre croissant, plus qu'elle ne fait prendre l'air aux siens

Le graphique ci-après conduit à une conclusion sans appel : les évolutions à grande échelle se passent hors des aéroports européens, dont le rang est menacé. Il en va de même pour les compagnies historiques basées sur ces mêmes aéroports.

Pour affiner l'analyse, il est utile de comparer l'évolution de la connectivité aéroportuaire (donc hors connectivité directe ou indirecte) des hubs de Francfort, Paris-Charles-de-Gaulle, Londres-Heathrow, Istanbul-Atatürk, Dubaï, Doha ou Abou Dabi et l'évolution de la seule connectivité aéroportuaire de ces mêmes plates-formes sur le marché intercontinental.

La conclusion est immédiate : entre 2005 et 2015, les quatre plus grandes plates-formes situées sur le continent européen dominent la connectivité totale en tant que hubs , mais sont restés étrangères à la hausse de la connectivité comme hubs intercontinentaux.

L'écart est spectaculaire entre 2008 et 2015 : en 2008, l'aéroport de Dubaï était le seul des trois hubs du Golfe à enregistrer une connectivité internationale supérieure à celle des quatre aéroports européens considérés. Aujourd'hui, l'aéroport de Dubaï enregistre une connectivité intercontinentale de hub quasiment identique à la connectivité cumulée des trois plus grands hubs de l'Union européenne. En 2005, la place des trois hubs du Golfe cumulés n'atteignait pas la moitié du score obtenu par ces trois grandes plates-formes européennes sur le marché intercontinental. Dix ans après, leur place est double de celle du score cumulé des aéroports de Paris Charles-de-Gaulle, Londres Heathrow et Francfort !

Ainsi, la croissance non négligeable des plus grands aéroports de l'Union comme hubs sur le marché intercontinental n'empêche pas leur marginalisation relative : à l'aune de ce critère, l'histoire se déroule en dehors de l'Union européenne.

Connectivité au départ de l'Union européenne
vers le reste de l'Union et le reste du monde en 2015, comparée aux constats de 2008

Source : ACI

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