SORTIR DE L'UNION PAR ACCIDENT ?

Il n'est pas impossible effectivement que le Royaume-Uni sorte de l'Union un peu par accident. Objectivement, les Britanniques reconnaissent que leur pays se porte mieux aujourd'hui qu'en 1973 quand ils sont entrés dans l'Union, et ils ont le fair-play de concéder qu'une partie de ce progrès peut être imputée à leur appartenance à l'Union européenne. Il leur semble que leur sens de la mesure leur a fait éviter de graves erreurs comme l'adhésion à Schengen ou l'entrée dans la monnaie unique. Mais à l'heure présente, il leur semble surtout que les deux camps qui s'affrontent au Royaume-Uni sur la question européenne attendent beaucoup trop du referendum. L'émotion partisane retombera et ce referendum ne sera sans doute pour le Royaume-Uni ni historique ni essentiel car, quelle que soit l'issue, il ne résoudra sans doute rien de manière définitive.

En effet, rien ne saurait être définitif dans la relation que le Royaume-Uni devra continuer à entretenir avec le continent en général et avec l'Union européenne en particulier. On assistera même à un retournement dans les deux camps : ceux qui soutenaient le maintien dans l'Union ne seront pas si embarrassés par un vote négatif qui au contraire les confortera dans la négociation de la redéfinition des liens entre le Royaume-Uni et l'Union européenne et ceux qui préconisaient la sortie, s'ils ne l'obtiennent pas, ne désespéreront pas d'une renégociation de ces liens qui aura lieu malgré tout.

En effet, si l'issue du referendum est favorable à la sortie, cette sortie ne sera jamais une sortie complète. Un arrangement suivra qui conduira à institutionnaliser autrement les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne sur le mode suisse ou norvégien. Le Royaume-Uni acceptera ce qu'il faut accepter de contraintes pour garder l'accès au marché unique.

Si le referendum aboutit au maintien dans l'Union, le Royaume-Uni continuera à négocier sa place au sein de l'Union, une place singulière comme ils la conçoivent depuis toujours et tendant à un statut de plus en plus particulier.

Ainsi, quelle que soit l'issue du referendum, les choses changeront assez peu pour la Grande-Bretagne. Ceux qui cherchent, aujourd'hui, à faire du referendum une question existentielle pour la Grande-Bretagne s'abusent ou veulent abuser l'opinion. Le moment venu - et si les négociations trainent en longueur à Bruxelles ou si elles sont peu fructueuses parce que Bruxelles s'entête à refuser aux Britanniques ce qu'il faut bien se résoudre à appeler un statut singulier - les deux camps reprendront leurs esprits, l'enjeu du referendum semblera moins capital et son résultat, devenu plus incertain, sera aussi devenu moins important pour les Britanniques, tant ils sont convaincus que la Grande-Bretagne, dans ou hors de l'Union, restera toujours la Grande-Bretagne.

Il semble que cette certitude fondamentale échappe encore à Bruxelles qui ne prend en compte que le risque inhérent à tout referendum : le Royaume-Uni peut sortir de l'Union par accident, faute d'une conviction suffisante et sous l'effet d'un évènement adventice, et porter, sans l'avoir voulu, un coup fatal au projet européen. Aussi la prudence est-elle de nouveau de mise et l'inquiétude persiste.

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