EXAMEN PAR LA COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 10 mars pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Fabienne Keller et M. Jean-Yves Leconte, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Merci pour ces réflexions sur ce sujet fondamental.

M. André Gattolin . - Le sujet est complexe sans être nouveau. L'idée d'une circonscription transnationale avait déjà émergé, notamment dans le très bon rapport d'Andrew Duff, un eurodéputé libéral britannique. Le Parlement européen, dans sa volonté d'affirmer sa souveraineté, nous fait une proposition un cran au-dessous. Pour ma part, j'y suis favorable : la renationalisation des votes durant les deux dernières mandatures représente un danger.

Cela dit, le Parlement européen peine à se mettre en ligne avec ses propres propositions. Comment articuler l'idée d'une circonscription commune avec celle d'un Parlement de la zone euro par exemple ?

En ce qui concerne la notion de seuil, elle ne veut rien dire dès lors qu'on fonctionne par subdivisions régionales ou par grandes régions, comme en France. Dans la région Centre, il faut obtenir 15 ou 16 % des voix pour espérer envoyer un élu au Parlement européen.

L'objectif est de rapprocher les eurodéputés des citoyens. De quel rapprochement parle-t-on ? Géographique, politique ou affinitaire par rapport au projet européen ? Je reste hostile au système d'eurorégions proposé en France. Avec des contingents nationaux réduits, il serait, en outre, de plus en plus difficile de garantir la proportionnalité des listes.

La lutte contre l'abstention ? Les élections européennes se déroulent toujours en mai-juin, quand le beau temps invite à la promenade. Si le vote électronique n'est pas une bonne idée, nous pourrions envisager le vote anticipé qui a fait ses preuves au Canada. Les citoyens auraient ainsi la possibilité de se prononcer une semaine avant la date fixée.

La rédaction de la résolution est parfois complexe. La dernière phrase du point 11 manque de clarté. Au point 14, mieux vaudrait remplacer « volet financier » par « le volet du financement » pour éviter les confusions. Je suis en désaccord avec le point 16 : certains parlementaires ultra-marins ont du mal à être présents dans notre assemblée. Il faudrait dresser un bilan sur la présence au Parlement européen de ceux qui viennent de très loin. Le non cumul est important.

Mme Fabienne Keller . - Nous approuvons l'amendement proposé pour l'alinéa 14.

M. Éric Bocquet . - Merci aux rapporteurs de nous avoir éclairés sur cette question que l'on ne saurait résumer à son aspect technique : les règles de l'élection sont une condition de la vitalité démocratique au sein du Parlement européen comme ailleurs. La diversité des opinions doit être respectée dans l'ensemble des États membres, sans quoi le bipartisme continuera de nourrir l'abstention et le rejet du système. La proportionnelle est le système électoral le plus juste qui soit, veillons à ne pas l'affadir. Peut-être pourrait-on ajouter à la proposition de résolution un alinéa sur le respect de la diversité des opinions ?

M. Alain Richard . - Selon le vieux principe de Greenspan, « si vous avez compris ce que je veux dire, c'est que je me suis mal exprimé » . Le flou a parfois du bon.

Ce projet de réforme du Parlement européen procède d'une erreur conceptuelle : normaliser les formes de représentation européenne. Dans une fédération, chaque composante conserve les particularités de sa vie politique. Le meilleur exemple en est le Canada. Les listes communes accentueront l'éloignement de l'électeur et favoriseront le regroupement d'apparatchiks.

J'ai tenu la plume lorsque l'on a modifié le statut du PSE pour que le candidat à la présidence de la Commission soit désigné par accord entre les partis contribuant à des listes convergentes. Nous avons d'ailleurs été surpris que le PPE nous suive. Cette évolution n'a pas imposé de modification du traité car, dans sa perspective, ce ne sont pas les résultats électoraux qui valident la désignation d'un candidat. C'est heureux : ces résultats ne sont pas toujours interprétables, ils recensent en réalité les gens qui s'inscrivent dans un groupe politique au moment de la constitution du Parlement européen, avec tout ce que cela comporte de manoeuvres opportunistes.

Le Conseil européen joue un rôle décisif dans la désignation du président de la Commission. Le Parlement européen, même s'il le désire ardemment, n'a pas à le contester, à moins de tomber dans l'autocaricature en allant contre les traités.

Quant à la sélection des candidats, elle pose un problème de légitimité. Quand nous avons modifié les statuts du PSE, nous avions veillé à tenir compte des traditions nationales. Les socialistes français voulaient une primaire ; les Britanniques, une sélection par le Conseil national du parti ; les Allemands, une consultation des adhérents du parti. Il a fallu trouver une solution respectant les lois de chaque pays. La Constitution française prévoit ainsi que les partis s'administrent librement, avec parfois les conséquences funestes que l'on sait... En instaurant des procédures internes à des partis unifiés à l'échelle européenne, nous perdrions le contact avec la réalité politique des États membres.

Enfin, la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer française qui détient formellement le pouvoir législatif. Les autres disposent d'un pouvoir normatif encadré par la loi. Certains territoires sont représentés au Parlement européen alors que l'essentiel des dispositions qui y sont votées ne les concernent pas. C'est paradoxal. Traditionnellement, la représentation des départements d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer au Parlement européen est concentrée sur les plus peuplés.

M. André Reichardt . - Je m'interroge sur l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le « rendre plus visible », selon le point 10. De quelle visibilité parle-t-on ? L'enjeu de cette réforme est de rapprocher les citoyens de leurs élus européens. Dans le Bas-Rhin, les électeurs ont le sentiment d'élire des représentants qu'ils ne connaissent pas, un sentiment qui s'aggravera si le périmètre de la circonscription s'élargit.

Je soutiens les points 11, 12 et 13 de cette proposition de résolution. Pour autant, je regrette que nous n'ayons pas la possibilité de formuler d'autres propositions à l'Union européenne. Enfin, je ne comprends pas le point 16. Alain Richard vient de nous expliquer que les élus de Nouvelle-Calédonie sont les seuls à détenir des pouvoirs législatifs. Il faudrait modifier la rédaction de ce point.

M. Alain Vasselle . - Pour représenter un secteur très rural, je sais que l'objectif de la réforme, s'il est d'améliorer la lisibilité du scrutin européen, sera manqué. Les mesures proposées favoriseront l'abstention et le vote pour les extrêmes.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - Monsieur Bocquet, je vous propose de compléter l'alinéa 10 pour ajouter « et favorise l'expression du pluralisme politique » .

M. Éric Bocquet . - Très bien.

M. Jean-Yves Leconte . - Je vous rappelle que les modalités de scrutin et la définition des circonscriptions relèvent des politiques internes, non du projet de réforme actuel. La réforme de 2002 n'a pas créé une circonscription unique en France.

Je propose de conserver la rédaction actuelle de l'alinéa 16. Il inclut la Nouvelle-Calédonie. La définition des pouvoirs législatifs varie selon les pays. Comme les modalités de vote d'ailleurs : le vote par procuration n'est pas accepté partout.

Le but du Parlement européen était, avec ce projet de réforme, de fixer dans le marbre de la loi ce que le PSE a instauré en pratique pour son candidat à la présidence de la Commission européenne. Cela paraît difficile en pratique : nous aurions des listes où les partisans de Viktor Orban côtoieraient ceux d'Angela Merkel...

M. André Reichardt . - C'est la réalité dans les groupes politiques européens.

Mme Fabienne Keller . - L'ancrage du scrutin européen est un sujet assurément important. À l'alinéa 16, il est symboliquement important de ne pas écarter les territoires d'outre-mer.

M. André Gattolin . - Deux TOM sont sortis de l'Union européenne récemment, Saint-Barthélemy et le Groenland. Les TOM ne sont pas naturellement membres de l'Union européenne.

M. Jean Bizet , président . - On ne peut les écarter d'emblée !

Mme Fabienne Keller . - Comme vous, je regrette l'absence de dialogue avec le Parlement européen sur ce projet.

M. Daniel Raoul . - Pourquoi ne pas supprimer simplement la deuxième partie de l'alinéa 16 ?

M. Jean Bizet , président . - Une rédaction plus concise, plus mathématique... Celle de nos rapporteurs est plus juridique, restons-en là. Nous allons transmettre la proposition de résolution européenne et le rapport aux présidents de la Commission européenne et du Parlement européen. J'insisterai plus particulièrement dans la lettre qui accompagnera ces documents sur les différents arguments qui ont été développés au cours de notre réunion.

Mme Fabienne Keller . - Nous avons rencontré Danuta Maria Hübner, ancienne commissaire européenne, ainsi que Jo Leinen. Nous avons senti leur bonne volonté.

M. Jean-Yves Leconte . - Certes, mais se posent des difficultés pratiques. Par exemple, les états civils des États membres ne sont pas coordonnés, ce qui rend difficile la lutte contre les doubles votes.

À l'issue de ce débat, la commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne modifiée.

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