B. LES MOYENS DE MISE EN oeUVRE DE L'ORGANISATION EN MULTI-SITES : UN BILAN MITIGÉ

Dans leur rapport du 31 mars 2015 sur l'organisation des services de l'État dans le futur cadre régional 13 ( * ) , les préfets Delzant et Fratacci 14 ( * ) ont clairement dit que le renouvellement des modes de travail, la mise à disposition de moyens techniques adaptés, la bonne gestion des ressources humaines étaient les conditions incontournables du succès de la réorganisation des services régionaux de l'État.

1. Un déploiement peu avancé du numérique

Le fonctionnement multi-sites des nouvelles directions régionales suppose la mise en place des outils numériques permettant aux agents qui travaillaient hier dans les mêmes locaux de continuer à collaborer, mais à distance. Ces outils doivent aussi prendre en compte la situation des agents devant se déplacer sur plusieurs sites. Il est donc prévu de développer les systèmes de visio-conférence, la gestion électronique des documents, en particulier du courrier, et de permettre aux agents d'accéder à leurs données (messagerie, agenda, fichiers) depuis plusieurs sites.

Dès juillet 2015, les services régionaux de l'État de Bourgogne-Franche-Comté ont été choisis pour expérimenter ces nouvelles méthodes de travail. Concernant la télé-conférence, ils ont ainsi testé l'application de web-conférence 15 ( * ) « JITSI », avant d'être généralisée au niveau national. En mai, l'expérimentation d'une solution de gestion électronique des courriers a débuté.

Les remontées lors de nos déplacements concernant le déploiement des outils informatiques sont là encore diverses, le constat étant majoritairement celui d'un avancement timide. Pour la visio-conférence par exemple, les DRAAF ne disposent pas encore de solution satisfaisante. Dans d'autres cas, le choix a été fait de privilégier par principe les solutions temporaires, en attendant des solutions annoncées au niveau national. C'est le cas de la DIRECCTE de Normandie par exemple. Cette prudence devrait éviter une situation dans laquelle l'administration centrale choisirait une solution technique différente de celle utilisée de manière anticipée en région, et ainsi des investissements et des temps de formation et d'adaptation des agents inutiles.

Des problèmes de lenteur des systèmes informatiques semblent se poser. Ils sont liés à des contraintes de sécurisation des réseaux par l'administration centrale ou à une surcharge de ces derniers 16 ( * ) . Les conséquences sur le fonctionnement des services en sont parfois lourdes : la DIRECCTE Normandie indique par exemple que la fluidité des échanges entre sites est freinée par les impératifs de sécurité et de confidentialité, ce qui rend pour le moment fastidieuse et chronophage la tâche de consolidation des contributions des différents sites.

La réorganisation des services régionaux de l'État devant s'étaler jusque fin 2018, cela laisse le temps pour déployer les solutions techniques adéquates. En attendant, les services doivent continuer de fonctionner avec les moyens, pas toujours adaptés, dont ils disposent...

2. Ressources humaines : un accompagnement réel mais une transition difficile

Pour assurer le succès de la réforme, l'accent a été mis sur l'anticipation de la réorganisation des services, le dialogue social et l'accompagnement individuel des agents. Pour certains syndicats, le rythme de mise en place des nouvelles organisations n'a toutefois pas permis de donner tout leur sens à ces démarches.

Sur le plan des mobilités induites par ces nouvelles organisations, à titre d'exemple, en Bourgogne Franche-Comté, sur 1 200 agents concernés, 28 ont souhaité faire une mobilité géographique et 262 une mobilité fonctionnelle. À l'échelle nationale, sur les 8 000 agents concernés, 400 devraient faire l'objet d'une mobilité géographiques et 1 800 d'une mobilité fonctionnelle 17 ( * ) . Une prime d'accompagnement à la réorganisation régionale de l'État (PARRE) a été mise en place : elle s'échelonne de 1 600 € à 30 000 € 18 ( * ) . 150 agents seulement ont refusé l'affectation qui leur était proposée. Point important : il n'y a pas eu de mobilité géographique obligatoire.

Réformer les méthodes d'encadrement est aussi un enjeu majeur de la réforme. Les cadres doivent apprendre à gérer des agents répartis sur plusieurs sites, et sans toujours la présence de leurs propres supérieurs hiérarchiques, qui peuvent également travailler sur d'autres sites. Dans toutes les directions régionales, un fort besoin de formation à l'encadrement a été identifié, et des actions ont été mises en place en ce sens. Remarquons que la répartition des agents et des services entre les sites, le jeu des candidatures et des départs ont parfois pour résultat l'absence de chefs de services sur certains sites, ce qui pose de sérieuses difficultés...

Dans le domaine de la formation, l'accent est mis sur l'encadrement, mais aussi sur la gestion du fonctionnement en sites distants, avec une offre importante de formations consacrées au travail et au management à distance.

S'agissant de l'impact de la mise en place des directions régionales multi-sites sur le quotidien des agents, ces derniers sont principalement préoccupés par trois sujets 19 ( * ) : le sur-investissement des cadres et leur fatigue liée aux déplacements, le manque d'informations des agents concernant leurs droits, et les tensions créées par la confrontation de pratiques professionnelles différentes. De manière générale, les agents ne sont pas pessimistes sur l'évolution de leurs missions sur le long terme, mais font état de difficultés importantes dans cette période de transition. Ils expriment leur habituel souhait de voir les choses se stabiliser, et jouent souvent, pour cette raison, un rôle moteur dans la réorganisation des services.

On ne peut donc que saluer le stoïcisme des services de l'État, leur engagement et la créativité dont ils font preuve. Reste à espérer que cette accumulation de réformes dont la cohérence n'est pas immédiatement perceptible, assortie d'une réduction endémique des moyens, ne finira pas par les décourager.


* 13 Synthèse : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/4141/master/index.htm

* 14 Respectivement préfets de Bourgogne et de Franche-Comté en mars 2015.

* 15 La web-conférence est un dispositif permettant de dialoguer et de voir en temps réel un ou plusieurs interlocuteurs, ne nécessitant pas l'utilisation d'un matériel spécifique (cas de la visio-conférence).

* 16 Cas de la DRAAF de Normandie qui a demandé et obtenu une augmentation de bande passante.

* 17 Source : compte-rendu de la réunion du groupe de travail consacré à la réforme territoriale de l'État du 25 mai 2016.

* 18 Le montant de la prime est établi en fonction de la distance entre la nouvelle résidence administrative et la précédente, du changement ou non de résidence familiale et de la situation familiale de l'agent.

* 19 Source : ibid .

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