Ouverture du colloque
par Gérard Larcher, président du Sénat

Chantal Jouanno, présidente de la délégation aux droits des femmes

Je vous propose de commencer sans plus attendre.

Pour ouvrir notre séminaire, nous avons l'honneur d'accueillir le Président du Sénat, Gérard Larcher, qui a été très présent auprès de nous pendant toute la journée du 8 mars, et qui aujourd'hui encore nous honore de sa présence. Il me faisait remarquer, à l'instant, que nous étions aujourd'hui en « parité inversée », tant les femmes sont majoritaires ce matin dans cette salle.

Monsieur le Président, je vous laisse la parole.

Gérard Larcher, président du Sénat

Madame la Présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, chère Chantal Jouanno, mes chers collègues sénatrices et sénateurs, mes chères collègues anciennes sénatrices, chers collègues élus, Mesdames les présidentes, chers amis bénévoles du milieu associatif, Monsieur le secrétaire général du Sénat, Madame la professeure, Mesdames et Messieurs, c'est un grand plaisir d'ouvrir ce matin ce colloque organisé par la délégation aux droits des femmes.

La délégation a décidé de consacrer son colloque annuel à l'engagement associatif des femmes, après celui de 2015 dédié à l'anniversaire du premier vote des femmes en France.

Chantal Jouanno vient, avec Corinne Bouchoux, Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Brigitte Gonthier-Maurin et Mireille Jouve, de me remettre un rapport de la délégation sur les femmes victimes de la traite des êtres humains 1 ( * ) .

Il y a quinze jours, j'étais à Lampedusa pour une mission sur les migrations subsahariennes. À cette occasion, j'ai pu rencontrer certains de ces migrants mais aussi tous ceux qui les accueillent, les entourent, les soignent, notamment dans le cadre de responsabilités régaliennes. Lors de ce déplacement, une femme française, officier de l'agence FRONTEX 2 ( * ) , m'a apporté un témoignage qui me fait craindre que le thème de ce rapport sur la traite des êtres humains ne soit singulièrement d'actualité. Je peux vous dire que je ne suis pas rentré de Lampedusa avec les mêmes certitudes que celles avec lesquelles j'étais parti. Une journée et demie de rencontres avec les uns et les autres m'a montré que les réalités sont moins simples que ce que nous pouvons entendre sur tous les bancs.

Les femmes représentent aujourd'hui 10 % de ces migrants. Ces populations concentrent aussi beaucoup d'adolescents. Je n'irai pas plus loin dans ma description, mais nous sommes quelque part entre esclavage et mépris total de ce que signifie un être humain.

Revenons au thème d'aujourd'hui : engagement et citoyenneté. Il y a un an, le 15 avril 2015, je remettais à la demande du Président de la République, suite aux attentats de janvier 2015, un rapport sur les moyens de renforcer le sentiment d'appartenance à la nation française.

J'avais choisi de l'intituler La nation française : un héritage en partage . Ce rapport illustrait les liens entre le renforcement de l'engagement républicain et le renforcement du sentiment d'appartenance à une nation, et cela quel que soit le moment où l'on est entré dans cette nation.

L'engagement associatif, au-delà de toutes nos différences, permet de nous rassembler au service des autres, pour servir une cause générale ou particulière, pour apporter du sens à notre vie, pour partager passion et compétences. Tout particulièrement pour les jeunes, c'est un moyen de faire vivre la citoyenneté. C'est également souvent le premier pas vers un engagement électif, au service par exemple de sa collectivité locale, et plus si affinité !

Avec plus d'un million d'associations, on compte seize millions de bénévoles en France. Quoi qu'on en dise, la vie associative se porte plutôt bien dans notre pays. L'engagement associatif a été déclaré « grande cause nationale » en 2014. Il est essentiel de rappeler aujourd'hui que les associations jouent un rôle fondamental dans notre société et notre économie.

Dans son ouvrage publié à titre posthume, Citadelle , Antoine de Saint-Exupéry disait : « La pierre n'a point l'espoir d'être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle s'assemble et devient temple ». Ensemble, en nous associant, il me paraît que nous sommes capables de faire de plus grandes choses. Nous, les élus, nous le savons bien, nous le constatons : que seraient la vie locale, le lien social de nos territoires sans ces milliers d'associations qui organisent des activités sportives, du soutien scolaire, des manifestations festives, des loisirs pour toutes les générations, ou encore qui imaginent l'accueil ou la formation de futurs apprentis ? C'est l'expérience que je vis dans ma propre cité.

Quelle visage offrirait notre société sans tous ces bénévoles qui apportent réconfort aux plus démunis, aux personnes âgées isolées, aux malades, aux victimes de violences mais aussi aux jeunes ? C'est aussi ce que je vis dans ma cité.

Permettez-moi de laisser la parole à un lointain collègue sénateur, Pierre Waldeck-Rousseau, qui a joué un rôle déterminant, à l'issue de débats houleux, dans le vote de la loi de 1901 sur le contrat d'association. Je reprends son texte prononcé devant le Sénat : « L'association ne m'apparaît pas comme une concession de l'ordre politique, elle m'apparaît l'exercice naturel, primordial, libre, de l'activité humaine ».

Certes le secteur associatif rencontre actuellement des difficultés : les financements publics diminuent, et je ne doute pas que beaucoup d'associations voient la notification des soutiens d'État, des conseils départementaux, des régions, des collectivités locales s'ajuster à la baisse. Il y a des réalités financières, et c'est un sujet que j'aborderai en fin de matinée devant une assemblée de maires et de maires adjoints. Cette réalité ne facilite pas la vie associative, mais ce qui vous réunit aujourd'hui est un autre sujet. L'idée de ce colloque est de mettre en valeur tout ce que les femmes apportent à la vie associative. L'engagement des femmes dans les associations est réel, comme le traduit si bien le titre du colloque : « Associations : les femmes s'engagent ! ».

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. 51 % des bénévoles dans les associations sont des femmes. Nous ne sommes pas en parité inversée, mais en parité équilibrée. Toutefois, si l'on va plus loin dans l'analyse de ces chiffres, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de parité dans les instances dirigeantes des associations. Cette question des freins à l'accès aux responsabilités sera le thème de l'une de vos tables rondes.

Les femmes s'investissent aussi dans des domaines d'action différents. Elles se tournent davantage vers l'aide aux malades, vers le social caritatif, vers la jeunesse, mais aussi vers l'éducation populaire, dont l'importance doit être rappelée dans l'état de désarroi de notre société.

Oui, participer à une association est un engagement, car participer à la vie d'une association, c'est donner de soi, donner du temps, de l'énergie, et faire des arbitrages parfois personnels. C'est pourquoi je suis heureux, non seulement de contribuer à mettre à l'honneur aujourd'hui les bénévoles et les militantes associatives qui sont dans cette salle, mais aussi tout simplement, pour leur exprimer la gratitude de la nation.

Dans mon vécu d'élu du département des Yvelines, j'ai souvent vu des responsables d'associations prendre des initiatives courageuses. Fréquemment, les femmes osent plus que les hommes et bousculent davantage les limites. Je précise que je ne dis pas cela afin de vous flatter ! Les femmes ont des arguments tirés de la vie, de l'expérience et du partage. Ceux qui me connaissent savent pertinemment que, pour moi, le concret et le pragmatisme prévalent, ce qui justifie parfois de bousculer certaines frontières.

Je constate que vous êtes très nombreuses aujourd'hui pour ce colloque. Je souhaite que cette journée soit une journée positive, heureuse. Alors que certains se demandaient pourquoi garder de telles délégations au sein du Parlement, je tiens à réaffirmer que c'est plus que jamais nécessaire car il y a des marges de progression extrêmement importantes à franchir.

Je vous souhaite d'excellents travaux dans cette salle qui porte le nom d'une femme qui a eu à affronter un destin terrible, à la fois l'assassinat de son époux Henri IV et la duperie du cardinal de Richelieu, dans cette salle qui porte le nom d'une femme au destin assumé, Marie de Médicis ; qui mourut dans l'abandon et la misère, oubliée par son fils.

Très bonne journée et merci à la délégation et à Chantal Jouanno.


* 1 Traite des êtres humains, esclavage moderne : femmes et mineur-e-s, premières victimes - Rapport d'information n° 448 (2015-2016) de Mmes Corinne Bouchoux, Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Brigitte Gonthier-Maurin, Chantal Jouanno et Mireille Jouve, sénatrices, fait au nom de la délégation aux droits des femmes.

* 2 L'agence FRONTEX est un organisme de l'Union européenne chargé de coordonner la coopération opérationnelle entre les États membres en matière de gestion des frontières extérieures, d'assister les États membres pour la formation de garde-frontières nationaux et dans les situations qui exigent une assistance technique et opérationnelle renforcée aux frontières extérieures.

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