N° 7

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' Académie de France à Rome ( Villa Médicis ),

Par M. André GATTOLIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .


LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

La longue histoire dont l'Académie est l'héritière constitue à la fois une chance et un fardeau. Elle contribue certes à asseoir sa légitimité, notamment grâce aux noms prestigieux qui furent récipiendaires du prix de Rome, mais oblige aussi l'institution à juger son présent à la lumière de ce passé glorieux tout en tentant de ne pas s'enfermer dans le souvenir complaisant d'un « âge d'or » désormais révolu.

Trois missions, souvent synthétisées dans le triptyque « Colbert, Malraux, Patrimoine », sont confiées à l'Académie de France : elle doit à la fois accueillir des artistes et des chercheurs en résidence (c'est la mission Colbert), organiser des manifestations culturelles (mission Malraux) et protéger le patrimoine dont elle est dépositaire (mission Patrimoine). La pluralité de missions statutaires de l'Académie la contraint à s'engager dans des projets dispersés et parfois difficiles à concilier. En particulier, l'ambition d'une programmation culturelle pleinement nourrie par les pensionnaires et les anciens pensionnaires peine à se réaliser.

Si l'Académie de France est un établissement public administratif au fonctionnement classique, son directeur joue un rôle d'impulsion très important, le risque d'une personnalisation potentiellement handicapante pour la continuité de l'action de l'institution étant contenu grâce au souci -partagé des directeurs successifs de prolonger l'action de leur prédécesseur.

Le budget dont l'Académie dispose est principalement financé par des subventions du ministère de la culture mais nourri par le dynamisme des ressources propres. Le budget est marqué par le poids important des dépenses de personnel et d'investissement, en lien respectivement avec les missions « Colbert », les bourses des pensionnaires étant intégrées aux crédits de titre 2 décaissés par l'établissement, et « Patrimoine ».

L'ouverture toujours plus large de la Villa au public conduit à engager des frais de sécurité non négligeables qui, au vu du contexte, pourraient continuer d'augmenter et dont la soutenabilité pour la Villa, à moyens constants, peut être interrogée.

Si des dérives ont pu être constatées par le passé, la gestion des ressources humaines et l'attribution de logements sont désormais normalisées grâce à la mise en oeuvre progressive d'une réforme administrative durant les deux mandats du précédent directeur.

La coordination de la Villa avec les autres institutions françaises à Rome, en particulier l'Institut français-Centre Saint-Louis et l'École française de Rome, a été améliorée et doit demeurer une orientation essentielle de la programmation culturelle de l'Académie.

Des améliorations ont également été apportées, pendant la même période, à l'accueil et au suivi des pensionnaires, ainsi qu'à leur intégration au sein d'une promotion et à leur connaissance du paysage culturel romain.

Les progrès accomplis butent cependant sur les questions sensibles du statut et des bourses des pensionnaires. Si la nécessité d'un changement fait consensus, sa mise en oeuvre tarde à se concrétiser. Pourtant, l'iniquité et l'opacité du calcul des bourses contribuent à alimenter le fantasme sans véritable fondement d'une gabegie généralisée.

Plus largement, la mission « Colbert » souffre d'une légitimité incertaine et qui reste à réinventer. À l'heure où Rome n'est plus l'épicentre de la création artistique, où la copie de l'antique et l'encouragement d'un art national ne constituent plus des priorités de la politique culturelle, l'accueil d'artistes en résidence ne pourra être pérennisé que s'il est profondément rénové et que si les échanges avec le public continuent de se développer.

Les principales recommandations

Premier axe : pour plus de transparence et d'équité, réformer les bourses, le statut des pensionnaires et les moyens mis à leur disposition

Recommandation n° 1 : Pour mettre fin aux incertitudes juridiques particulièrement pénalisantes pour les pensionnaires étrangers, s'atteler à la définition d'un statut des pensionnaires en associant les pensionnaires et anciens pensionnaires qui le souhaitent à la définition de ses grands axes.

Recommandation n° 2 : Pour affirmer la spécificité d'un séjour de recherche et de création à la Villa et respecter le droit de la fonction publique, rendre juridiquement incompatible la position de fonctionnaire en détachement avec la qualité de pensionnaire de l'Académie de France à Rome.

Recommandation n° 3 : Pour s'adapter à une création artistique de plus en plus collective, prévoir, dès le stade de l'organisation de la sélection, le cas des binômes ou des collectifs d'artistes dont chacun des membres doit recevoir une bourse. Par conséquent, organiser le concours sur la double base de « projets », dont le nombre ne pourrait être inférieur à une dizaine, et d'un nombre limitatif de pensionnaires.

Recommandation n° 4 : Pour renforcer la lisibilité et l'équité des bourses, cesser de calculer les bourses par référence au droit de la fonction publique : ne plus déterminer l'indemnité par référence à un indice de la fonction publique, ce qui supprime de facto les avantages familiaux que sont le supplément familial et les majorations familiales.

Recommandation n° 5 : Pour permettre à la Villa d'accompagner les pensionnaires au plus près de leurs besoins, dégager à moyens constants une enveloppe budgétaire dédiée au financement des moyens techniques dont peuvent avoir besoin les artistes et les chercheurs dans leur travail. Demander aux candidats d'indiquer lors de la procédure de sélection les moyens dont ils pensent avoir besoin lors de leur séjour.

Deuxième axe : instaurer les conditions d'échanges soutenus et fructueux des pensionnaires entre eux et avec la recherche et la création italiennes

Recommandation n° 6 : Pour permettre l'émergence d'un véritable esprit de promotion et favoriser les échanges entre les pensionnaires, susciter des rencontres entre les pensionnaires à travers l'organisation d'ateliers de travail réunissant une partie ou la totalité de la promotion sur des thématiques définies par les pensionnaires dans les premières semaines de leur séjour.

Recommandation n° 7 : Afin de garantir le partage d'une langue commune qui ne saurait être, dans une institution française financée par les deniers publics, autre que le français, réaffirmer l'obligation de francophonie des pensionnaires et, plus largement, des résidents.

Recommandation n° 8 : Pour renforcer les liens entre les pensionnaires et l'Italie et comme la pratique en est établie dans les autres résidences françaises d'artistes et de chercheurs à l'étranger, accueillir des artistes locaux à la Villa, par exemple en développant un programme spécifique d'accueil en résidence d'artistes italiens, en mettant à profit le statut d'hôtes en résidence.

Troisième axe : pour mieux faire connaître les travaux des pensionnaires, diversifier les supports et les temps de partage avec le public et avec le monde de l'art

Recommandation n° 9 : Pour inciter les pensionnaires à mettre leur séjour à profit et améliorer la visibilité de l'Académie de France à Rome, recréer un prix de Rome pouvant être attribué, sur décision d'un jury international d'artistes et de critiques d'art, à un ou plusieurs pensionnaires ou anciens pensionnaires artistes dans le cas où les travaux menés durant le séjour ont abouti à la création d'une oeuvre originale.

Recommandation n° 10 : Pour enrichir et renouveler les modalités d'échange entre le public et les pensionnaires, rénover le site internet de la Villa Médicis pour inciter les pensionnaires dont la discipline et les méthodes de travail le permettent à présenter leurs travaux sur un espace interactif en ligne.

Recommandation n° 11 : Afin de mieux documenter le passage des pensionnaires et de permettre la constitution d'une mémoire de l'établissement, réfléchir avec chaque pensionnaire dès le début du séjour à la nature des archives qui pourront être produites, selon sa discipline et son mode de travail, en privilégiant le dépôt d'archives numériques.

Recommandation n° 12 : Pour permettre la tenue d'un rendez-vous régulier entre le public français et les pensionnaires des différentes résidences françaises d'artistes à l'étranger, faire le bilan de la première édition du festival « Viva Villa ! » et, le cas échéant, pérenniser ce festival en envisageant les modalités selon lesquelles il pourrait être itinérant, afin que les travaux des pensionnaires soient présentés dans différentes régions et non seulement à Paris.

Recommandation n° 13 : Afin d'assurer, comme le prévoyait le projet initial, l'existence a minima de liens entre la Villa Médicis et le centre artistique sur le site de la tour Utrillo à Clichy-Montfermeil, planifier l'organisation dans le nouveau centre chaque année d'une exposition d'un artiste ancien pensionnaire de la Villa Médicis et envisager la réciproque lorsque le nouveau centre aura pleinement engagé une activité d'accueil d'artistes en résidence.

Quatrième axe : pour assurer la soutenabilité du budget de la Villa Médicis, pérenniser les ressources propres dans le respect des missions statutaires et conclure un nouveau contrat d'objectifs et de moyens

Recommandation n° 14 : Pour donner aux personnels de l'Académie les moyens d'un pilotage efficace vers des objectifs clairs et permettre à la tutelle d'exercer son contrôle dans de bonnes conditions, conclure un contrat d'objectifs et de moyens avant la fin de l'année 2016.

Recommandation n° 15 : Afin de donner à la Villa les moyens de faire face aux aléas dont les conséquences budgétaires ne peuvent pas être absorbées par simple redéploiement (sécurité, risques naturels), formaliser au sein du contrat d'objectifs et de moyens l'engagement pris par l'État de prendre en charge les dépenses exceptionnelles.

Recommandation n° 16 : Pour permettre à l'Académie de piloter efficacement le développement de ses ressources propres, faire à échéances régulières, par exemple tous les ans ou tous les deux ans, un bilan stratégique, et non seulement budgétaire, des activités générant des ressources propres. Dans ce cadre, identifier et formaliser les difficultés rencontrées afin de garantir que l'objectif de développement des ressources propres n'empiète pas de façon excessive sur l'accomplissement, par la Villa, des missions statutaires qui lui sont confiées.

Recommandation n° 17 : Afin de préserver le prestige de la Villa Médicis et le pouvoir de contrôle du conseil d'administration sur les partenariats avec des personnes privées, réserver le bénéfice de la location d'espaces au sein de la Villa à la seule Académie ou du moins mettre fin à la situation de concurrence, en matière de location d'espaces, avec le concessionnaire du service de restauration qui loue ses espaces à des tarifs inférieurs à ceux que fixe le conseil d'administration de l'Académie de France.

Recommandation n° 18 : Pour améliorer la visibilité et la lisibilité des actions de la Villa en matière de mécénat, mener à bien le projet de création d'une structure permettant de faciliter le mécénat d'entreprises mais aussi de personnes privées. Renforcer les moyens alloués à la prospection de mécènes et à la gestion des soutiens existants.

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