AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le dernier rapport sénatorial portant sur l'Académie de France à Rome avait été effectué par Yann Gaillard au nom de la commission des finances en 2001. Quinze ans plus tard, j'ai pensé utile de mettre à jour ces travaux et de faire le point sur la gestion de cette institution qui occupe une place tout à fait singulière dans le paysage des opérateurs de la culture français.

La Villa Médicis est en effet originale à plusieurs titres.

Sa première spécificité, c'est la diversité de ses missions souvent synthétisées dans le triptyque « Colbert, Malraux, Patrimoine » : elle doit à la fois accueillir des artistes en résidence (c'est la mission Colbert), organiser des manifestations culturelles (mission Malraux) et protéger le patrimoine dont elle est dépositaire (mission Patrimoine). Cette pluralité de mission contraint l'Académie à s'engager dans des projets dispersés et parfois difficiles à concilier. En particulier, l'ambition d'une programmation culturelle pleinement nourrie par les pensionnaires et les anciens pensionnaires peine à se réaliser.

Sa deuxième singularité, c'est bien sûr sa localisation au coeur de Rome, à des centaines de kilomètres de la frontière française et de Paris. Elle s'explique par l'histoire de l'institution, créée en 1666 par Colbert dans le but de doter la France d'artistes et d'oeuvres qui n'auraient rien à envier à ceux de l'Italie, alors la référence en la matière. La Villa Médicis, ses dépendances et son domaine constituent ainsi un patrimoine italien de propriété française, ce qui impose à l'établissement le respect des processus d'autorisation et de suivi des travaux à la fois des « surintendances » italiennes et de l'architecte en chef des monuments historiques français.

Sa troisième particularité, c'est un décalage entre les attentes voire les fantasmes que l'institution suscite et les moyens qui sont réellement mis à sa disposition : la subvention pour charges de service public allouée par l'État s'élève à 4,6 millions d'euros en 2016, soit un montant relativement modeste au regard des « poids lourds » du ministère de la culture. À titre d'exemple, le centre Pompidou, avec 68,5 millions d'euros chaque année, reçoit une subvention pour charges de service public près de quinze fois supérieure à celle de la Villa Médicis.

La notoriété de l'Académie de France à Rome est cependant partielle : si le nom de « Villa Médicis » est bien identifié, en revanche restent largement inconnus du grand public le nom des pensionnaires accueillis, la nature de leurs travaux artistiques, et même plus largement la définition des missions accomplies par l'Académie.

C'est pourquoi je me suis d'abord attaché, dans la première partie de ce rapport, à brosser un tableau du fonctionnement de l'établissement public administratif que constitue l'Académie de France à Rome.

La gestion des ressources humaines et plus largement de l'institution a pu, dans le passé, faire l'objet de critiques. Elle est désormais considérablement modernisée. Les rémunérations ont été harmonisées et une nouvelle version du cadre contractuel de référence a été élaborée. L'attribution de logements aux agents a également été rationalisée.

Ainsi, la gestion administrative et financière de la Villa paraît satisfaisante. Ces aspects de pure gestion budgétaire sont bien sûr importants. Mais ils n'épuisent pas le sujet. Au fond, la question de l'existence même de la Villa Médicis sous sa forme actuelle doit être posée.

En effet, les motivations qui ont présidé à la création de l'Académie sont désormais obsolètes. Rome n'est plus l'épicentre de la création artistique. La copie de l'antique et l'encouragement d'un art national ne constituent plus des priorités de la politique culturelle.

Nous devons donc nous demander s'il est encore utile aujourd'hui d'accueillir des artistes à Rome sur fonds publics, ou si la Villa devrait devenir un simple lieu de visite, voire un musée comme un autre.

Je suis convaincu que la Villa Médicis constitue un outil de politique culturelle précieux, qui participe du rayonnement de la France et qui est le symbole d'un engagement fort de l'État dans le domaine de la création et de la recherche. Elle exerce d'ailleurs une force d'attraction réelle : en 2016, 601 candidatures ont été soumises pour seulement quatorze projets retenus.

En outre, des améliorations réelles ont été apportées à l'accueil et au suivi des pensionnaires, ainsi qu'à leur l'intégration au sein d'une promotion et à leur connaissance du paysage culturel romain. L'idée selon laquelle les artistes sont totalement laissés à eux-mêmes doit être nuancée. Mon déplacement m'a permis de constater que les artistes rencontrés ne prenaient pas la Villa pour un simple lieu de passage, et encore moins de repos.

Les progrès accomplis butent cependant sur les questions sensibles du statut et des bourses des pensionnaires. La nécessité d'un changement fait consensus mais sa mise en oeuvre tarde à se concrétiser. Pourtant, l'iniquité et l'opacité du calcul des bourses contribuent à alimenter le fantasme sans véritable fondement d'une gabegie généralisée.

En outre, la Villa souffre d'un déficit d'image auprès du public français et, dans certaines disciplines, auprès du monde de l'art. Les travaux des pensionnaires restent mal connus, malgré des initiatives récentes pour les mettre en valeur.

Je pense donc que l'accueil d'artistes en résidence ne pourra être pérennisé que s'il est profondément rénové et que les échanges avec le public continuent de se développer.

C'est pourquoi je formule dix-huit recommandations articulées en quatre axes : réformer les bourses, le statut des pensionnaires et les moyens mis à leur disposition, instaurer les conditions d'échanges soutenus et fructueux des pensionnaires entre eux et avec la recherche et la création italiennes, diversifier les supports et les temps de partage avec le public et avec le monde de l'art, et enfin pérenniser les ressources propres dans le respect des missions statutaires et se donner les moyens d'un pilotage pluriannuel efficace par la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens.

L'ensemble de ces recommandations vise à garantir un accueil de qualité aux pensionnaires tout en poursuivant la rationalisation de l'organisation de la Villa et l'enrichissement de sa coopération avec les « maisons soeurs » que sont les autres Villas, les autres institutions culturelles françaises à Rome et le projet de Clichy-Montfermeil.

Il ne s'agit pas de croire naïvement qu'un renouveau de l'établissement pourrait trouver son unique source dans des réformes administratives.

Mais le pari doit être fait que les artistes et les chercheurs que la Villa accueille, s'ils sont placés dans de bonnes conditions, sauront lui redonner un nouveau souffle.

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