II. LE FINANCEMENT DE LA SÛRETÉ AÉROPORTAIRE EST ASSURÉ PAR UN IMPÔT SPÉCIFIQUE, LA TAXE D'AÉROPORT, DONT LA GOUVERNANCE ET L'ASSIETTE POURRAIENT ÊTRE AMÉLIORÉES

A. LA TAXE D'AÉROPORT, UN IMPÔT QUI PÈSE SUR LE PRIX DES BILLETS DES PASSAGERS

1. Les tarifs de la taxe d'aéroport varient selon la taille des aéroports, répartis en trois classes

En vertu de l'article L. 6341-2 du code des transports, les exploitants d'aérodromes sont chargés de mettre en oeuvre « les mesures de sûreté destinées à protéger l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite », en collaboration avec les autres acteurs privés du transport aérien et les services de l'État.

Ils sont également chargés d'assurer certaines mesures de sécurité : services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs (SSLIA), services de prévention du péril animalier (SPPA) et contrôles environnementaux.

Une décision du Conseil d'État du 20 mai 1998 31 ( * ) a considéré que les dépenses de sécurité incendie sur les aéroports étaient une mission régalienne et ne pouvaient être financées par une redevance . La logique de cette décision a conduit la DGAC à l'appliquer également à la sûreté aéroportuaire .

Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la loi relative à l'organisation de certains services de transport aérien 32 ( * ) a redéfini l'exercice de ces missions et l'article 136 de la loi de finances pour 1999 33 ( * ) a assuré leur financement en créant une taxe d'aéroport , dont le régime juridique et l'assiette sont fixés par l'article 1609 quatervicies du code général des impôts .

La taxe d'aéroport, perçue par la DGAC, est reversée aux aéroports pour rembourser à l'euro près leurs dépenses en matière de sûreté et de sécurité .

En vertu de cet article, cette taxe est perçue depuis le 1 er juillet 1999 au profit des personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes ou groupements d'aérodromes 34 ( * ) dont le trafic embarqué ou débarqué s'élève, en moyenne, sur les trois dernières années civiles connues, à plus de 5 000 unités de trafic (UDT) 35 ( * ) .

Elle est due par toute entreprise de transport aérien public et s'ajoute au prix acquitté par le client . Elle est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués par l'entreprise sur chaque aérodrome.

Les tarifs de la taxe d'aéroport par passager sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé du budget, dans les limites des fourchettes prévues par la loi, à partir du 1 er avril de chaque année. Un taux d'abattement , dont le taux est fixé par l'arrêté dans la limite de 40 %, est applicable aux passagers en correspondance (ce taux est fixé au plafond de 40 % depuis 2013).

Les aérodromes ou groupements d'aérodromes sont répartis en trois classes en fonction de leur trafic et le tarif de la taxe par passager est compris entre les valeurs correspondant à la classe dont il relève.

En 2016, les tarifs planchers et plafonds applicables par classe d'aérodrome sont les suivants 36 ( * ) :

Classe

1

2

3

Nombre d'UDT de l'aérodrome ou du groupement d'aérodromes

plus de 20 millions

entre 5 et 20 millions

de 5001 à 5 millions

Tarif par passager

de 4,30 à 11,50 euros

de 3,50 à 9,50 euros

de 2,60 à 14,00 euros

Les tarifs applicables sur chaque aérodrome ou groupement d'aérodrome ont été fixés par un arrêté du 10 mars 2016 37 ( * ) .

Pour le fret , le tarif est fixé de façon uniforme à 1 euro par tonne de fret pour les trois classes d'aéroports .

En 2016, la France comptait un groupement d'aéroports de classe 1 (Aéroports de Paris), 4 aéroports de classe 2 , 87 aéroports de classe 3 et 71 aéroports non assujettis à la taxe d'aéroport en raison d'un trafic inférieur à 5 000 unités de trafic (UDT).

2. Une péréquation entre gros et petits aéroports via une majoration de la taxe d'aéroport

Le IV bis de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts précité dispose qu'à compter du 1 er janvier 2010, le tarif par passager de la taxe d'aéroport fait l'objet d'une majoration fixée, dans la limite d'un montant de 1,25 euro, par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile.

Le produit de cette majoration est affecté aux exploitants des aérodromes ou des groupements d'aérodromes de classe 3 ainsi qu'aux exploitants des aérodromes dont le trafic est trop faible pour bénéficier de la taxe d'aéroport.

L'arrêté du 10 mars 2016 précité prévoit que le tarif de cette majoration est fixé à 1,25 euro .

Lorsque l'application du tarif plafond fixé par la loi conduit à des ressources insuffisantes pour faire face au financement des missions normalement couvertes par la taxe d'aéroport, l'aérodrome concerné bénéficie du reversement d'une partie de la majoration s'il appartient à la classe 3 ou s'il n'est pas éligible à la taxe d'aéroport . Les taux de reversement de la majoration pour chacun de ces aérodromes sont fixés chaque année par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile.

Grâce à ce dispositif de péréquation, selon la Cour des comptes, 140 aéroports, sur les 165 aéroports français ayant un trafic commercia l, soit 80 % des plateformes, bénéficient d'environ 100 millions d'euros de ressources annuelles au titre du dispositif de péréquation , avec un montant moyen d'environ 750 000 euros par aéroport et supérieur à un million d'euros pour quatre plateformes en 2015 .

Selon le CGEDD, ce mécanisme, qui pèse sur la compétitivité des aéroports accueillant plus de un million de passagers par an (voir infra ), n'est pas dépourvu d'effets pervers , puisqu'il n'incite pas les petits aéroports qui en bénéficient à faire des efforts d'efficience pour réduire leurs dépenses de sûreté .

Votre rapporteur spécial, s'il est favorable à son maintien, considère néanmoins qu' une nette amélioration de la productivité des dépenses de sûreté des petits aéroports est indispensable.

Recommandation n° 15 : Inciter les aéroports qui bénéficient de la majoration de la taxe d'aéroport à réaliser des efforts de productivité pour garantir le maintien de ce mécanisme de péréquation .

3. Des dépenses remboursées en fonction des coûts déclarés par les gestionnaires d'aéroports, un rendement très efficace grâce à la collaboration des compagnies aériennes

Pour la détermination du tarif passager de la taxe d'aéroport , il est procédé chaque année à une évaluation , plateforme par plateforme, des besoins prévisionnels de financement pour les missions concernées sur la base de déclarations détaillées des exploitants distinguant les postes de dépenses suivants :

- les salaires des personnels , les dépenses de fonctionnement (maintenance, exploitation), les montants des contrats de sous-traitance ;

- pour les investissements, l'annuité d'amortissement ;

- les frais financiers et les frais généraux .

Les déclarations sont vérifiées par la DGAC , en particulier quant à la consistance des moyens mis en oeuvre et aux règles d'imputation sur la taxe d'aéroport établies conjointement par les administrations des finances et de l'aviation civile. Les reports financiers éventuels, positifs ou négatifs, des années précédentes et le niveau du trafic prévisionnel sont des données également utilisées dans les calculs.

Les compagnies aériennes, assujetties à la taxe d'aéroport, déclarent chaque mois, ou chaque trimestre, le nombre de passagers , le nombre de tonnes de fret et de courrier embarqués le mois ou le trimestre précédent sur les vols effectués au départ de chacun des aérodromes concernés par la taxe d'aéroport. Mais elles ne possèdent aucun moyen de peser sur le tarif de la taxe .

Les exploitants d'aéroports procèdent annuellement aux déclarations de coûts éligibles à un remboursement par la taxe d'aéroport .

Ces déclarations font l'objet localement de vérifications de la part de la direction interrégionale de la sécurité de l'aviation civile (DSAC-IR) dont dépend chaque exploitant aéroportuaire et, in fine , par la direction du transport aérien (DTA) . Ces vérifications se traduisent par des échanges avec les exploitants afin qu'ils justifient ces coûts , puis par une notification des coûts définitivement retenus .

La taxe est gérée par un guichet fiscal unique créé le 1 er avril 2012 par la DGAC.

Le rendement de la taxe est déterminé par son taux de recouvrement auprès des compagnies aériennes 38 ( * ) . Il est supérieur à 99 % pour les aérodromes de la classe 1 et 2 et légèrement inférieur pour ceux de la classe 3 , lorsqu'il s'agit d'aérodromes où le trafic est le fait de compagnies non régulières ou de trafic saisonnier.

Les versements à la suite des déclarations et paiements spontanés des redevables sont complétés par les effets du droit de rectification de la taxe, qui se prescrit en trois ans. Cette période permet de réaliser les opérations de contrôle d'assiette dont les reversements correspondants sont effectués au bénéfice des aérodromes éligibles, qui bénéficient également du versement des pénalités appliquées.

4. Une taxe qui ne permet pas de couvrir l'ensemble des coûts de la sûreté aéroportuaire

Lors de la crise du transport aérien survenue en 2009 , les recettes de nombreux aéroports ont connu une diminution substantielle , ce qui a conduit à une insuffisance globale du mécanisme de financement de la sûreté aéroportuaire par la taxe d'aéroport de 100 millions d'euros à la fin de l'année 2010.

Les recettes de la taxe d'aéroport de 2010 à 2016

Millions d'euros

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Trafic passagers départ (millions)

73,0

78,3

80,5

82,3

83,7

86,1

88,6

Recettes

781,0

899,3

914,7

893,7

921,3

953,1

981,7

Source : DGAC

Grâce à des relèvements successifs des plafonds des différentes classes d'aérodromes et à la reprise du trafic à partir de 2011 , ce déficit global s'est réduit pour atteindre 40 millions d'euros à la fin de l'année 2013.

Toutefois, en raison de l'obligation de mettre en oeuvre de nouvelles mesures de sécurité et de sûreté , ce déficit de financement des missions régaliennes est reparti à la hausse et s'est de nouveau creusé à -88 millions d'euros en 2015, dont 55 millions d'euros pour les aéroports de la classe 1 gérés par Aéroports de Paris.

Alors qu'un relèvement tarifaire de 2 euros avait permis au mécanisme de financement des aéroports exploités par Aéroports de Paris de retrouver l'équilibre en 2012, son déficit s'est de nouveau creusé depuis cette date , en raison de la mise en oeuvre sans compensation en 2013 de l'abattement tarifaire de -40 % sur la taxe d'aéroport pour les passagers en correspondance et de l'augmentation des coûts de sous-traitance liée au renouvellement de 80 % des marchés des entreprises de sûreté en 2015. Selon Aéroports de Paris, le déficit du mécanisme de financement de la sûreté de ses aéroports devrait atteindre environ 56 millions d'euros par an entre 2016 et 2018 39 ( * ) .

À leur échelle, les plus petits aéroports , c'est-à-dire les aérodromes de classe 3, qui peuvent prélever entre 2,6 euros et 14 euros par passager au titre de la taxe d'aéroport, souffrent encore plus qu'ADP de ces difficultés de financement .

Selon la DGAC, le déficit global du mécanisme de financement par la taxe d'aéroport des missions de sûreté et de sécurité des aéroports devrait quelque peu se réduire à - 73 millions d'euros en 2016 , grâce à la nouvelle hausse tarifaire des aéroports de classe 3 40 ( * ) , mais resterait nettement trop élevé .


* 31 Arrêt n° 179784 180959 du Conseil d'État rendu le 20 mai 1998.

* 32 Loi n° 98-1171 du 18 décembre 1998 relative à l'organisation de certains services de transport aérien.

* 33 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

* 34 Un groupement d'aérodromes se définit comme un ensemble d'aérodromes relevant d'une même concession ou délégation de service public.

* 35 Une unité de trafic est égale à un passager ou 100 kilogrammes de fret ou de courrier.

* 36 L'article 103 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a relevé de 13 euros à 14 euros le plafond des aérodromes et groupement d'aérodromes de classe 3.

* 37 Arrêté du 10 mars 2016 fixant la liste des aérodromes et groupement d'aérodromes et le tarif de la taxe d'aéroport applicable sur chacun d'entre eux ainsi que le tarif de la majoration de la taxe d'aéroport.

* 38 Montants reversés/montants attendus par les gestionnaires d'aérodromes d'après leurs données de trafic.

* 39 Selon la DGAC, c'est la raison pour laquelle, après une période de stabilité du tarif à 11,50 euros depuis 2011, il est envisagé de proposer dans le cadre du projet de loi de finances 2017 un relèvement de 50 centimes d'euros du tarif plafond applicable aux aéroports de la classe 1 afin d'obtenir une nette diminution de ce déficit et un retour à l'équilibre fin 2018 pour ADP.

* 40 L'article 103 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a relevé de 13 euros à 14 euros le plafond des aérodromes et groupement d'aérodromes de classe 3.

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