TROISIÈME PARTIE - LES OPÉRATIONS INTÉRIEURES : UNE PERTINENCE QUI INTERROGE, DES MODALITÉS DE FINANCEMENT À CONSTRUIRE

Si la question des opérations intérieures (OPINT) et de leur financement peut sembler, dans une certaine mesure, en dehors du champ du présent contrôle budgétaire, il est cependant apparu important à votre rapporteur spécial d'en rappeler brièvement les principaux enjeux. En effet, les OPINT soulèvent des problématiques financières identiques à celles des OPEX. Elles ont en outre un impact sur la préparation opérationnelle de nos armées et sur les calendriers de maintenance des matériels du fait de la forte mobilisation des personnels.

I. L'OPÉRATION SENTINELLE : UNE MOBILISATION DES FORCES ARMÉES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL À UN NIVEAU ENCORE JAMAIS ATTEINT

A. LES MISSIONS INTÉRIEURES FONT L'OBJET D'UN ENCADREMENT JURIDIQUE STRICT

1. Le champ des missions intérieures dépasse celui de la seule protection terrestre du territoire

Les « missions intérieures » (MISSINT) regroupent différentes activités réalisées par nos forces armées sur le territoire national. Relèvent notamment de cette définition :

- la posture permanente de sûreté aérienne mise en oeuvre par l'armée de l'air sous l'autorité directe du Premier ministre. Elle vise à garantir la souveraineté dans l'espace aérien et à assurer la défense du territoire contre toute menace aérienne. Plus de 900 personnes sont ainsi mobilisées quotidiennement afin de permettre une intervention en moins de quinze minutes en tout point du territoire ;

- la posture permanente de sauvegarde maritime exercée par la marine nationale. Elle vise à assurer la surveillance des 19 000 kilomètres de côtes que comprend le territoire national métropolitain et ultramarin. 1 400 marins sont ainsi déployés quotidiennement afin d'assurer la surveillance et la protection de nos côtes ;

- la mission Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane ;

- la mission Titan qui vise à assurer la protection du centre spatial guyanais ;

- les missions ponctuelles de secours et d'assistance à la population en cas de sinistres (telles que l'opération Héphaïstos visant à lutter contre les feux de forêt ou encore les renforts apportés lors des inondations dans le Var en 2014) ;

- les missions de protection du territoire (Vigipirate et Sentinelle) .

2. Un cadre d'engagement des armées strictement défini

L'intervention des armées sur le territoire national est inscrite dans un cadre juridique précis.

Aux termes de l'article L. 1321-1 du code de la défense, hors état de siège prévu par l'article 36 de la Constitution (« en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée »), « aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ».

Comme le rappelle la directive du 23 novembre 2010 sur l'emploi de la force dans le cadre des missions intérieures, hors états d'exception 12 ( * ) , les réquisitions administratives pour la défense et la sécurité civiles peuvent être délivrées dans le cadre :

- du maintien de l'ordre public ;

- d'une atteinte à la sécurité publique en situation d'urgence ;

- de la lutte contre le terrorisme ;

- en cas de crise majeure sur le territoire national.

Les forces armées peuvent également faire l'objet de réquisitions judiciaires , dans le cadre de la constatation d'une ou plusieurs infractions et la recherche du ou de ses auteurs, sous la responsabilité de l'autorité judiciaire (procureur général, procureur de la République, juge d'instruction) et sous commandement militaire.

Enfin, les forces armées peuvent être amenées à prêter leur concours à la demande d'une personne publique ou privée dans certaines conditions et pour certaines tâches (par exemple, mise à disposition de matériel avec ou sans personnel, soutien et encadrement de manifestations sportives ou culturelles, etc.).

L'article L. 1321-2 du code de la défense fixe les modalités d'emploi de la force armée. Il prévoit ainsi que « le ministre de l'intérieur reçoit du ministre de la défense, pour le développement et la mise en oeuvre de ses moyens, le soutien des services et de l'infrastructure des armées et, notamment pour le maintien de l'ordre public, l'appui éventuel de forces militaires ».

Ces missions ne peuvent s'exercer que sous la responsabilité des autorités civiles compétentes (Premier ministre, ministre de l'intérieur, préfet de zone de défense et de sécurité, préfets de région, préfets de département).


* 12 Directive n° D-10-00-002077/DEF/EMA/EMP.1/NP du 23 novembre 2010 sur l'emploi de la force dans le cadre des missions intérieures, hors états d'exception.

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