B. UNE UNION BUDGÉTAIRE EN QUÊTE DE CLARTÉ

La communication de la Commission du 21 octobre 2015 insiste sur deux points en ce qui concerne l'Union budgétaire : la rénovation du semestre européen et la mise en place, dans la lignée des recommandations du rapport des cinq présidents, d'un comité budgétaire européen indépendant.

1. Le semestre européen rénové

Introduit en 2011 et consolidé en 2013, le semestre européen commence en novembre de l'année n-1 avec la publication de l'avis de la Commission européenne sur les plans budgétaires nationaux. Il continue en février avec la publication de l'examen annuel de croissance et de rapport pays au titre de la procédure pour déséquilibre macro-économique. Il se conclut en mai-juin par l'examen des programmes nationaux de réforme et des programmes de stabilité et de croissance transmis par les gouvernements visant les quatre exercices à venir.

La Commission Juncker a déjà apporté certaines modifications au semestre européen depuis son entrée en fonctions en novembre 2014. La publication des rapports pays dès le mois de février a permis de donner plus de temps au dialogue avec les États membres et d'enrichir notamment les programmes nationaux de réformes adressés ensuite à la Commission européenne. Ces documents intègrent désormais les observations de la Commission européenne. La publication des recommandations pays a été avancée en mai. Ces recommandations ont été concentrées sur quelques priorités afin de permettre un meilleur échange avec les États et optimiser le suivi.

La Commission européenne entend désormais aller plus loin en :

- intégrant davantage les observations concernant l'ensemble de la zone euro ;

- portant une attention accrue aux performances dans le domaine social et en matière d'emploi ;

- promouvant la convergence, via la mise en place de critères et l'échange de bonnes pratiques ;

- soutenir de façon plus ciblée les réformes par l'intermédiaire des fonds de l'Union européenne.

a) L'examen de la situation de la zone euro comme préalable

Le semestre européen intégrait déjà des aspects liés à la zone euro, qu'il s'agisse de l'évaluation annuelle de l'orientation budgétaire de la zone euro ou des recommandations pour l'ensemble de la zone. Ces prises de position restaient conditionnées aux approches nationales. La Commission européenne a souhaité, dans ces conditions, bouleverser la structure du semestre pour que soit mis l'accent sur l'évolution générale de la zone euro avant la situation pays par pays. L'examen annuel de croissance, publié en novembre, met ainsi l'accent sur les priorités budgétaires, économiques, sociales et financières de la zone euro . La Commission présente surtout, depuis novembre dernier, un projet de recommandation sur l'ensemble de la zone euro, définissant ainsi une stratégie d'ensemble. Si ce document n'est pas une nouveauté, sa parution au début du semestre constitue un changement.

Une telle approche va incontestablement dans le bon sens tant il n'existait pas, jusqu'alors, de véritable revue globale de la situation de l'ensemble de la zone pouvant permettre un ajustement plus précis des recommandations. Le semestre européen semblait se concentrer sur une revue de la situation individuelle des États membres et notamment sur leur capacité à mettre en oeuvre les réformes structurelles recommandées. Or, le Two pack , entré en vigueur le 30 mai 2013, insistait pourtant sur le fait que l'Eurogroupe délibère sur la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble.

La Commission invite, par ailleurs, l'Eurogroupe à débattre de l'orientation budgétaire de la zone. Des discussions devront également être menées au sein du Conseil et du Parlement européen en ce qui concerne les priorités de la zone euro afin de dégager une vision commune, appelée à déterminer pour partie le contenu des programmes nationaux de réforme et les programmes de stabilité des États membres et les recommandations pays qui en découlent.

b) Aller plus loin ?

La réforme du semestre européen gagnerait de fait à être encore plus approfondie. Comme le relevait en mars 2015 une note du Conseil d'analyse économique, le semestre européen devrait être divisé en deux périodes afin de mieux mettre en avant l'évaluation de la situation de la zone euro 13 ( * ) .

Le premier trimestre (novembre de l'année n-1 à février de l'année n) serait ainsi dédié à l'analyse de la situation macro-économique de la zone euro. Celle-ci ciblerait les déséquilibres, en se fondant sur l'analyse des situations budgétaire et macro-prudentielle et des performances en matière de compétitivité. L'hétérogénéité par pays pourrait également être mise en avant si nécessaire. Ce double examen permettrait de définir, après avis du Parlement européen, l'orientation de la politique économique au niveau de la zone et de dresser, le cas échéant, une liste de pays devant être soumis à un bilan approfondi au titre de la procédure pour déséquilibre macro-économique.

Le deuxième trimestre (mars à juillet n) serait consacré à l'examen des pays, en se fondant, là encore, sur l'analyse des situations budgétaire et macro-prudentielle et des performances en matière de compétitivité. Ces trois catégories devraient être mises en avant au sein des programmes de stabilité et des programmes nationaux de réforme transmis par les gouvernements.

2. Le Comité budgétaire européen

La Commission a annoncé, le 21 octobre 2015, la création du Comité budgétaire européen consultatif indépendant, esquissé dans le rapport des cinq présidents 14 ( * ) . Il doit contribuer, à titre consultatif, à l'exercice des fonctions dévolues à la Commission européenne en matière de coordination des politiques budgétaires nationales. Il devrait notamment évaluer la mise en oeuvre des décisions adoptées dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, relevant les éventuels manquements. Il doit permettre à la zone euro de définir une orientation budgétaire appropriée (article 2). Il agit en concertation avec les organes nationaux dédiés, à l'image du Haut conseil des finances publiques français.

Le Comité est composé d'un président et de quatre membres, experts internationaux, nommés par la Commission européenne pour une période de trois ans sur la base de leurs qualifications et de leurs compétences (article 3). Les nominations sont intervenues le 19 octobre dernier. Le Comité sera présidé par le Danois Niels Thygesen. Les quatre autres membres sont les suivants : la française Sandrine Duchêne, l'italien Massimo Bordignon, le néerlandais Roel Beetsma, et le polonais Mateusz Szczureck. Le secrétariat du comité devrait être rattaché administrativement au secrétariat général de la Commission, le comité devant s'acquitter de ses tâches en toute indépendance et élaborer ses avis de manière autonome par rapport à toute institution européenne (article 4).

Comme dans le cas des autorités nationales de la productivité, se pose la question du rôle du nouveau comité et notamment de sa place par rapport à la Commission européenne. Vos rapporteurs s'inquiètent d'un risque de mille-feuilles administratif dans le domaine de la gouvernance de la zone euro. Ils s'interrogent donc sur la valeur ajoutée d'un nouvel organisme, de surcroît consultatif. Ils rappellent qu'il existe déjà un réseau des comités budgétaires indépendants (EUNIFI) qui se réunit au moins une fois par an à l'invitation de la Commission européenne depuis novembre 2013. Le rôle de celui-ci aurait pu être renforcé et les avis rendus par ce réseau consolidés au niveau de la zone euro avant d'être transmis à la Commission européenne et au Conseil.

3. Réformer le Pacte de stabilité et de croissance ?

Comme dans le cadre de la procédure pour déséquilibre macro-économique, la question de l'application des recommandations adoptées au titre du Pacte de stabilité et de croissance reste entière. Les cas espagnol et portugais ont souligné la faiblesse du volet correctif du pacte. Les deux pays auraient dû être sanctionnés pour déficit excessif au regard de leur situation budgétaire. La Commission européenne a finalement proposé, le 27 juillet 2016, des amendes à zéro euro, les deux pays devant néanmoins s'engager à adopter des mesures correctives (réduction des dépenses et augmentation des recettes) représentant 0,25 % du PIB portugais et 0,5 % du PIB espagnol. Une telle décision, validée par le Conseil le 9 août, revêt un caractère politique : il apparaissait délicat de sanctionner des États qui ont déjà accompli des réformes d'envergure ces dernières années. Plus largement, l'Institut Bruegel a relevé que le taux de mise en oeuvre des recommandations visant la situation budgétaire des États membres s'est élevé à 44 % en moyenne sur la période 2012-2014 15 ( * ) .

Cette absence de sanction effective pose la question d'une réforme du Pacte de stabilité et de croissance. Celle-ci est pour l'heure appelée de leurs voeux par la France et l'Italie. L'Allemagne a rappelé, de son côté, que le dispositif contenait déjà une marge importante de flexibilité, qui devait être utilisée avec « sagesse ». La question des clauses de flexibilité n'est pas anodine tant le Conseil est divisé sur cette question.

a) Le principe des clauses de flexibilité
(1) La communication du 13 janvier 2015
(a) La clause « réformes structurelles »

La Commission européenne a publié, le 13 janvier 2015, une communication dans laquelle elle indique qu'elle tiendra désormais compte des réformes structurelles dans l'évaluation des projets de budgets nationaux dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.

S'appuyant sur l'article 5 du règlement n° 1466/97 du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, la Commission européenne a souhaité rappeler l'existence d'une clause « réformes structurelles », applicable aux volets préventif et correctif du pacte. Ledit article dispose en effet que le Conseil et la Commission européenne tiennent compte, dans leurs recommandations, de la mise en oeuvre de réformes structurelles majeures qui auraient des effets budgétaires positifs à long terme et une incidence vérifiable sur la soutenabilité des finances publiques. Une attention particulière doit être accordée aux réformes des retraites dès lors qu'elles introduisent un système à plusieurs piliers, dont un pilier obligatoire financé par capitalisation.

La communication de la Commission européenne vient donc rappeler que l'incidence budgétaire positive des réformes structurelles doit être intégrée dans l'examen de la situation de chaque État membre. Ces réformes doivent répondre à trois conditions :

- être importantes ;

- comporter des effets budgétaires positifs à long terme démontrables. Une attention particulière sera portée à leurs incidences en matière de croissance durable potentielle ;

- être effectivement mises en oeuvre.

La Commission européenne définit deux cas de figure pour la mise en oeuvre de cette clause « réformes structurelles ».

Le premier concerne les pays couverts par le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne évaluera les réformes menées dans ces pays avant de recommander d'éventuels écarts temporaires par rapport à la trajectoire d'ajustement budgétaire ou à l'objectif budgétaire à moyen terme (OMT), introduit par le règlement n° 1055/2005 du 27 juin 2005. Ces écarts ne sauraient dépasser 0,5 % du PIB. L'OMT devra néanmoins être atteint dans les quatre ans qui suivent cet assouplissement. Le déficit public devra dans le même temps rester inférieur à 3 % du PIB. Si les réformes annoncées ne sont pas mises en oeuvre et ne justifient pas ainsi un écart avec l'OMT initialement défini, une procédure d'avertissement peut être lancée.

Les États membres qui se trouvent, quant à eux, visés par une procédure concernant les déficits excessifs pourraient se voir proposer une prolongation du délai envisagé pour la correction desdits déficits. Cette prorogation n'interviendrait qu'après évaluation du programme de réformes structurelles envisagées par le pays concerné. L'évaluation du programme peut se faire ex ante , c'est-à-dire après adoption par le Gouvernement et/ou le parlement de l'État concerné, mais avant sa mise en oeuvre. La Commission européenne doit néanmoins disposer d'informations détaillées et vérifiables. Des délais crédibles en matière d'application et de réalisation doivent parallèlement être mis en avant. Une absence d'action conduirait au renforcement de la procédure et à une suspension éventuelle de l'octroi des fonds structurels et des investissements européens. Les pays placés sous procédure visant les déficits excessifs sont tenus de respecter la règle d'un effort structurel annuel de 0,5 % de PIB.

La Commission européenne rappelle, en outre, que l'absence de réformes structurelles est considérée comme un « facteur pertinent aggravant ». L'article 2 du règlement de 1997 dispose en effet que la Commission tient compte, dans l'optique du lancement d'une procédure visant les déficits excessifs, de tous les facteurs pertinents dans la mesure où ils affectent l'évaluation du respect des critères de déficit et de dette. Cette disposition avait été introduite en 2005, via le règlement n° 1056/2005 du 27 juin 2005. En mettant en avant la notion de facteur pertinent aggravant, elle rappelle que la notion de facteur pertinent ne saurait être analysée que dans un sens favorable aux États membres.

En ce qui concerne les retraites, la Commission européenne ajoute que la procédure concernant les déficits excessifs peut être close dès lors que l'écart entre le déficit budgétaire constaté et le seuil de 3 % du PIB est imputable à la réforme des retraites et que, dans le même temps, le déficit sera diminué de manière substantielle et constante.

(b) La clause « investissements »

Le volet « investissements » de la communication vise deux cas : les contributions nationales au Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) créé dans le cadre du Plan Juncker pour la relance et la clause « investissements » déjà mise en avant en 2013.

La Commission européenne préconise, en premier lieu, de ne pas tenir compte des contributions nationales au FEIS lorsqu'elle analysera la situation budgétaire des États membres. Les montants versés ne seront pas comptabilisés pour évaluer le respect par les pays des critères du Pacte de stabilité et de croissance ou de l'objectif à moyen terme. Une procédure pour déficit excessif ne sera pas engagée si, en raison de cette contribution au Fonds, le déficit public d'un État membre dépasse 3 %. Les participations au FEIS sont également exclues de l'évaluation du critère de la dette. Le raisonnement de la Commission européenne correspond à une interprétation logique du pacte qui prévoit que l'OMT, comme l'effort d'ajustement budgétaire mis en oeuvre dans le cadre d'une procédure visant les déficits excessifs, sont définis en termes structurels (articles 3 et 5 du règlement n° 1467/97. Or, cette méthode de calcul exclut les mesures ponctuelles et temporaires, ce que sont les contributions au FEIS.

La Commission européenne a également souhaité préciser le principe de la clause d'investissement, déjà incorporé, au sein de lignes directrices présentées le 3 juillet 2013, par l'exécutif précédent au sein d'une lettre adressée aux ministres des finances des États membres. Cette approche avait déjà été retenue pour examiner la situation de la Bulgarie en 2013 et celles de la Roumanie et de la Slovaquie un an plus tard.

La clause d'investissement ne concerne pas les États membres visés par une procédure pour déficit excessif, à l'instar de la France, mais ceux qui s'intègrent dans le volet préventif du pacte. Ces pays pourront s'écarter de la trajectoire budgétaire ou de l'objectif budgétaire à moyen terme (OMT) définis préalablement s'ils réalisent des investissements structurels, sans forcément passer par l'EFSI. Plusieurs conditions devront néanmoins être retenues :

- ces pays devront être en récession ou disposer d'un produit intérieur brut inférieur d'au moins 1,5 % au potentiel ;

- la dérive des comptes publics induite par ces investissements ne pourra conduire à un déficit supérieur à 3 % du PIB, une marge de sécurité devrait ainsi être préalablement définie. L'écart devrait être comblé dans des délais fixés au sein d'un plan budgétaire à moyen terme, transmis dans le cadre des programmes de stabilité ;

- les investissements concernés correspondent à des dépenses effectives, cofinancées par l'EFSI ou par l'Union européenne via la politique de cohésion, les fonds structurels, les réseaux transeuropéens et le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ou l'Initiative pour l'emploi des jeunes.

L'Italie avait, en 2013 et 2014, formulé deux demandes pour que soit prise en compte cette clause d'investissements. Elles avaient été repoussées au motif que l'Italie ne respectait pas la règle des 1/20 ème . Le respect de cette règle avait été réaffirmé au sein des lignes directrices de 2013. Elle n'est pas retenue dans la communication de la Commission européenne.

(c) La question des cycles économiques

La Commission européenne rappelle également la possibilité de prendre en compte la conjoncture économique dans l'élaboration des mesures d'ajustement budgétaire élaborées avec les États membres. Ainsi, les États concernés par le volet préventif du pacte sont tenus, aux termes de l'article 5 du règlement de 1997, d'intensifier leurs efforts budgétaires au cours des périodes de croissance. La Commission entend souligner de la sorte le caractère contra-cyclique du pacte. Il s'agit de moduler l'ajustement budgétaire en fonction de la croissance. Un État dont l'économie est en récession sur l'ensemble de l'année pourrait ainsi être exempté de consolidation budgétaire. À l'inverse, un pays dont les performances économiques dépassent clairement le potentiel et dont la dette publique est supérieur à 60 % du PIB pourrait être conduit à fournir un effort structurel supérieur à 1 % du PIB. L'Italie, dont la procédure pour déficit excessif a été close en 2013, aurait, aux termes de cette interprétation, pu être exemptée de l'effort de consolidation budgétaire inscrit dans la loi de finances pour 2014, à savoir 0,25 point du PIB.

Pour les pays visés par le volet correctif, la Commission entend appliquer l'approche élaborée en 2014 et validée par le Conseil Ecofin du 20 juin 2014. Celle-ci vise à distinguer les évolutions budgétaires liées à l'action des gouvernements de celles induites par une dimension inattendue de l'activité économique. Elle conduit à étaler dans le temps la réalisation de l'OMT.

Cette approche ne saurait constituer totalement une nouveauté puisque la rédaction originelle du règlement de 1997 prévoyait déjà la prise en compte d'une grave récession économique au sein de la zone euro ou dans l'ensemble de l'Union. Le règlement n° 1177/2011, qui vient modifier celui de 1997, insiste sur le fait que cette dégradation peut conduire à une adaptation du rythme de l'assainissement budgétaire sans que ne soit compromis le principe de viabilité du budget des États concernés à moyen terme. Il convient de relever que cette disposition n'a jamais été appliquée depuis son introduction.

(2) Une lecture plus politique ?

Une lecture plus politique du pacte a, par ailleurs, été mise en oeuvre par la Commission européenne, à l'aune de la crise migratoire et de la lutte contre le terrorisme.

Le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs prévoit, à l'article 2, que le dépassement de la valeur de référence fixée pour le déficit public est considéré comme exceptionnel et temporaire s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques. Le dépassement de la valeur de référence est considéré comme temporaire si les prévisions budgétaires établies par la Commission indiquent que le déficit tombera au-dessous de la valeur de référence lorsque la circonstance inhabituelle ou la grave récession auront disparu. L'article 126, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que, pour apprécier le respect des critères du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission européenne doit examiner si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement et tenir compte de tous les autres facteurs pertinents. Les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 intègrent une interprétation de ces « facteurs pertinents ». Elles demandent ainsi que la Commission européenne porte une attention particulière aux efforts budgétaires visant à accroître ou à maintenir à un niveau élevé les contributions financières destinées à encourager la solidarité internationale et à réaliser des objectifs de la politique européenne. Ces deux objectifs peuvent recouper ceux visant la relocalisation des migrants, voire les moyens mis en oeuvre dans la lutte contre le terrorisme.

Aux termes de l'examen des plans des budgets nationaux pour 2016, la Commission européenne a jugé, le 17 novembre 2015, que les dépenses publiques liées à l'accueil des réfugiés répondent aux circonstances exceptionnelles définies par le Pacte de stabilité et de croissance. Leur montant ne devrait donc pas être intégré à l'évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016 dans le cadre de la procédure du semestre européen. Si l'écart constaté entre le déficit public et l'objectif budgétaire à moyen terme assigné dans la recommandation du Conseil est inférieur ou égal à ce montant, l'État membre concerné ne sera pas visé par une éventuelle procédure.

Le président de la Commission européenne a estimé, de son côté, le 18 novembre 2015 que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l'Union européenne sur les déficits ». Le commissaire aux affaires économiques et monétaires avait, cependant, indiqué la veille que l'impact financier de ces nouvelles mesures serait appréhendé de manière constructive et en temps voulu. Il estimait que ces nouvelles dépenses ne devraient pas infléchir considérablement la trajectoire des finances publiques françaises.

b) Comment apprécier les clauses de flexibilité ?

Le Conseil s'est montré divisé sur l'application de la communication de janvier 2015 : l'Allemagne étant réservée sur l'absence de concertation préalable entre la Commission européenne et les États au moment de la parution de la communication, la France ou l'Italie étant très favorables à ce nouveau dispositif. Des interrogations subsistent également quant à la façon d'évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l'application répétée des clauses de flexibilité. Pour l'heure, dans le cadre du volet préventif, l'Italie a été autorisée pour 2016 à s'écarter de la trajectoire d'ajustement vers son objectif budgétaire à moyen terme à hauteur de 0,4 % du PIB, en raison du programme de réformes structurelles que le gouvernement Renzi a présenté.

Le Conseil économique et financier du Conseil (CEF) a remis un rapport sur cette question fin 2015. Le service juridique du Conseil a jugé de son côté, en avril 2015, que la clause « réformes structurelles » n'était pas assez précise. Une simple annonce des réformes à venir ne saurait ainsi être suffisante. La Banque centrale européenne estime, de son côté, que seul un petit nombre de réformes structurelles a des conséquences budgétaires à court terme. C'est particulièrement le cas pour les réformes des marchés des biens et du travail. Les effets budgétaires à court terme des réformes des retraites et des services de santé sont, quant à eux, jugés positifs. Les réformes structurelles s'avèrent, de surcroît, délicates à évaluer. L'utilisation de cette clause peut donc apparaître contreproductive. Son application doit, en tout cas, être claire, transparente, prudente et destinée à éviter tout abus 16 ( * ) .

Sur la base d'un rapport du Conseil économique et financier du Conseil (CEF), le Conseil Ecofin a émis une première position commune sur cette question le 8 décembre 2015 17 ( * ) . Les États ont ainsi décidé d'imposer des limites claires aux clauses de flexibilité intégrées au « volet préventif » du pacte, c'est-à-dire applicables aux États dont le déficit public est en deçà de 3 % du PIB. Aux yeux du Conseil, l'écart temporaire et cumulatif des objectifs ne doit pas dépasser 0,75 % du PIB. Les clauses de flexibilité ne peuvent être, par ailleurs, utilisées qu'une fois durant la période d'ajustement destinée à équilibrer les comptes publics. L'application de la clause d'investissement est, en outre, plus encadrée : les gouvernements doivent désormais soumettre des informations détaillées sur les projets d'investissements au service de réformes structurelles. Ils doivent fournir, dans le même temps, une évaluation indépendante de ces investissements, en mettant notamment en avant l'impact estimé à long terme sur la situation budgétaire.

Comme le note le Conseil d'analyse économique, le Comité budgétaire européen consultatif trouverait une utilité à apprécier la situation budgétaire et économique de la zone afin de juger de l'opportunité d'une application flexible du pacte, en excluant temporairement certaines dépenses du calcul des déficits 18 ( * ) . Cet avis pourrait être transmis au Conseil qui déciderait alors de suivre ou non cet avis. Cette expertise serait d'autant plus utile que plusieurs observateurs jugent que les clauses sont, en l'état, trop nombreuses, inefficaces et opaques 19 ( * ) , voire insuffisantes puisque principalement dédiées aux pays concernés par le volet préventif du pacte 20 ( * ) . Le comité s'appuierait sur les données transmises par la Commission européenne et les autorités budgétaires nationales indépendantes.


* 13 Agnès Bénassy-Quéré et Xavier Ragot, Pour une politique macroéconomique d'ensemble en zone euro. Les notes du Conseil d'analyse économique, n°21, mars 2015.

* 14 Décision de la Commission du 21.10.2015 créant un comité budgétaire européen consultatif indépendant (C (2015) 8000 final).

* 15 Zsolt Darvas ans Alavaro Leandro, The limitations of policy coordination in the euro area under the Européean semester, Bruegel policy contribution, Issue 2015/19, Novembre 2015.

* 16 « Les implications budgétaires à court terme des réformes structurelles », Bulletin économique de la Banque centrale européenne, numéro 7/juillet 2015, pages 61-81.

* 17 Le Comité économique et financier prépare les réunions du Conseil Ecofin. Il est composé de représentants des États membres - deux pour chaque État, le premier issu du ministère des finances et le second de la Banque centrale nationale -, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne.

* 18 Agnès Bénassy-Quéré, Xavier, Ragot et Guntram Wolff, Quelle Union budgétaire pour la zone euro ? Les notes du Conseil d'analyse économique, n° 29, février 2016.

* 19 Grégory Claeys, Zsolt Darvas et Alvaro Leandro, A proposal to revive the European fiscal framework. Institut Bruegel, Issue 2016/7, mars 2016.

* 20 Agnès Bénassy-Quéré, Xavier, Ragot et Guntram Wolff, Quelle union budgétaire pour la zone euro ? Les notes du Conseil d'analyse économique, n°29, février 2016.

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