C. UN PILOTAGE INEXISTANT

L'évolution des heures supplémentaires apparaît dans une large mesure comme une donnée « exogène », ne faisant l'objet d'aucun pilotage réel.

1. Jusqu'en 2013, une augmentation des heures supplémentaires années compensant la baisse des effectifs

Dans sa note de 2015 précitée, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance rappelle que pour compenser la baisse de 61 000 enseignants enregistrée entre 2002 et 2012, liée notamment à la mise en oeuvre du principe de non remplacement d'un départ sur deux à la retraite, la réduction des heures postes a été « partiellement reportée sur les enseignants en place, sollicités pour faire davantage d'HSA . Celles-ci ont augmenté de 14,3 % entre 2002 et 2012. La conséquence de cette augmentation des HSA est que les heures d'enseignement ont chuté ». En d'autres termes, entre 2002 et 2012, un phénomène de substitution des heures d'enseignement par des heures supplémentaires a pu être constaté.

Évolution du volume des heures d'enseignement et des HSA

Source : base-relais, MENESR-DEPP.

La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance rappelle en outre que la mise en oeuvre de la loi TEPA 11 ( * ) à partir de la rentrée 2007, qui exonérait les HSA d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, s'est traduite par une forte augmentation des HSA.

Ainsi, entre l'année scolaire 2007-2008 et l'année scolaire 2011-2012, le volume des HSA a ainsi crû de 21,5 % (passant de 422 000 heures à 513 000 heures) et celui des HSE de 41,4 % (passant de 5,9 millions d'heures à 8,3 millions d'heures) . Sur la période, le nombre d'heures supplémentaires tous types confondus a augmenté de 31 %.

L'évolution en euros sur cette période est proche de celle en volume : + 23,2 % pour les HSA (passant 557 millions d'euros à 686 millions d'euros) et + 45,7 % (passant de 221 millions d'euros à 322 millions d'euros) . Entre 2007 et 2012, les dépenses de personnel du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » ont crû de près de 7 %, passant de 27,5 milliards d'euros à 29,4 milliards d'euros.

2. La mise en oeuvre de la loi de refondation de l'école, prévoyant la création de 54 000 postes dans l'éducation nationale, ne s'est pas traduite par une diminution des heures supplémentaires
a) Un objectif de 54 000 créations de postes dans l'éducation nationale

La loi de refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 12 ( * ) fixe comme objectif la création de 55 000 postes supplémentaires, dont 54 000 dans l'éducation nationale et 1 000 dans l'enseignement technique agricole sur le quinquennat (cf. tableau infra ).

Répartition des 55 000 créations de postes de la mission
« Enseignement scolaire »

(en ETP)

Réforme de la formation initiale

27 000

dont enseignants stagiaires

26 000

dont enseignants titulaires formateurs

1 000

Enseignants titulaires

21 000

dont premier degré (public et privé)

14 000

Scolarisation des enfants de moins de 3 ans

3 000

Renforcement de l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles

7 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

4 000

dont second degré (public et privé)

7 000

Collèges en difficultés professionnelles et lycées professionnels : lutte contre le décrochage

4 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

3 000

Accompagnement des élèves en situation de handicap, conseillers principaux d'éducation, personnels administratifs, médico-sociaux, vie scolaire

6 000

Enseignement technique agricole

1 000

TOTAL

55 000

Source : commission des finances du Sénat

b) Une réalisation du schéma d'emplois depuis 2014 qui ne s'est pas traduite par une baisse des heures supplémentaires

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la création de 11 827 postes supplémentaires (dont 25 postes d'auxiliaires de vie scolaire individuels dans l'enseignement technique agricole) qui viendront s'ajouter aux 43 188 postes qui auront été créés fin 2016.

Malgré l'augmentation des postes depuis 2012, le volume et le montant des HSA ont continué de progresser, contrairement à ce qui avait été prévu.

Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer un tel phénomène.

Tout d'abord, la démographie scolaire continue de progresser, dans le second cycle notamment. Entre 2011 et 2015, le nombre d'élèves a ainsi augmenté de 110 640 élèves (+ 7,7 %), alors que le nombre d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) d'enseignants est resté quasi stable sur la période.

Évolution des effectifs d'élèves dans le second cycle du second degré

Constat 2011

Constat 2012

Variation annuelle

Constat 2013

Variation annuelle

Constat 2014

Variation annuelle

Constat 2015

Variation annuelle

1 440 007

1 452 155

0,8 %

1 470 561

1,3 %

1 498 897

1,9 %

1 550 647

3,5 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2017

Par ailleurs, près de la moitié des créations de postes concernent des enseignants stagiaires, qui n'exercent que la moitié de leur temps en classe, le reste étant consacré à leur formation . Bien que comptabilisés comme des équivalents temps plein (ETP), ces enseignants n'effectuent en réalité qu'un mi-temps devant élèves, le temps restant devant être complété, notamment sous la forme d'heures supplémentaires réalisées par des enseignants titulaires.

Il convient également de rappeler que la création de postes budgétaires ne signifie pas que ces postes ont effectivement été pourvus .

Hors enseignement technique agricole, comme le montre le tableau ci-dessous, entre 2012 et 2015, 27 553 postes ont été pourvus pour 31 627 postes créés, soit un écart de 4 075 postes.

Bilan des créations de postes budgétaires depuis 2012

(en ETP)

Créations prévues en LFI

Créations réalisées

2012

4 326

4 068

2013

9 076

5 159

2014

8 804

8 720

2015

9 421

9 606

2016

10 711

Résultat au printemps 2017

2017

11 662

Résultat au printemps 2018

Total période

54 000

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Si cet écart peut être compensé les années suivantes et a vocation à être comblé par le recours à des contractuels et aux heures supplémentaires, il est indéniable que certaines disciplines connaissent d'importantes difficultés de recrutement. 1 383 postes n'ont ainsi pas été pourvus sur les 13 000 postes ouverts aux concours du Capes en 2015. Une partie de ces postes non pourvus est compensée par des heures supplémentaires et le recours à des enseignants contractuels.

En outre, de nouvelles décharges horaires ont vu le jour, notamment dans le réseau d'éducation prioritaire. Ces décharges ont pour conséquence de réduire les moyens d'enseignement disponibles et donc augmenter les besoins en heures supplémentaires .

Enfin, il est envisageable que, compte tenu des habitudes prises et de l'importance du montant des heures supplémentaires pour certains enseignants (dans les formations post-bac ou dans l'enseignement technologique par exemple), certaines heures ne relevant pas du face-à-face pédagogique et n'ouvrant pas droit au versement d'une IMP continuent d'être rémunérées sous la forme d'heures supplémentaires en contradiction avec les dispositions du décret du 20 août 2014.

Une telle hypothèse mériterait toutefois d'être vérifiée par le ministère dans le cadre de l'évaluation de la première année de mise en oeuvre de l'IMP préconisée par votre rapporteur spécial.

Au total, comme le note la direction du budget dans une réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial : « il apparaît qu'une analyse de l'évolution des moyens d'enseignement articulée avec l'évolution des heures supplémentaires, des effectifs de contractuels et des schémas d'emplois exécutés, se révélerait particulièrement précieuse ».

Votre rapporteur spécial fait sienne cette analyse et appelle à la réalisation d'une telle étude par les services du ministère de l'éducation nationale.

Recommandation n° 3 : afin de mieux connaître les déterminants de la dépense en faveur de l'éducation, réaliser une analyse de l'évolution des moyens d'enseignement en lien avec l'évolution des heures supplémentaires, des effectifs de contractuels et des schémas d'emplois exécutés.


* 11 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 12 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page