III. UNE DOUBLE AMBITION POUR LA CONNECTIVITÉ SANS FIL

Les évolutions technologiques dans le numérique sont aujourd'hui tournées vers la mobilité. Le principe est simple : on veut à la fois être mobile et connecté. Aussi, beaucoup des évolutions qui s'annoncent passeront par une connectivité mobile à très haut débit : informatique en nuage, objets connectés, voitures autonomes, etc.

Dans ce contexte, la 5G apparaît comme la technologie d'avenir car elle permettra un débit cent fois plus important que la 4G. C'est la raison pour laquelle des pays comme la Corée du Sud ou les États-Unis ont décidé une stratégie offensive pour son déploiement dans les années qui viennent. Afin de ne pas prendre de retard par rapport à ses concurrents, l'Union européenne doit, elle aussi, développer la 5G. Il est donc compréhensible que la Commission européenne ait prévu un plan d'action pour ce faire.

Ce n'est cependant pas le seul domaine dans lequel elle souhaite voir s'étendre l'internet sans fil, puisqu'elle propose également d'aider les communautés locales à mettre en place une connexion wifi gratuite dans les principaux lieux de vie commune.

A. L'INITIATIVE WIFI POUR TOUS À DESTINATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES

À travers cette initiative qui fait partie intégrante du « paquet connectivité », la Commission européenne propose d'aider les collectivités locales à installer un wifi gratuit dans les principaux lieux publics : places, parcs, bibliothèques, hôpitaux et principaux bâtiments publics.

L'optique de la Commission est que chacun en Europe, quels que soient son statut, son niveau de vie ou son lieu de résidence, doit pouvoir bénéficier de la connectivité dans les espaces publics. Elle avait été annoncée le 14 septembre par Jean-Claude Juncker dans son discours sur l'état de l'Union : «Puisque la connectivité doit profiter à tous, peu importe le lieu de résidence ou le niveau de salaire. Nous proposons dès lors aujourd'hui d'équiper chaque village et chaque ville d'Europe d'un accès internet sans fil gratuit autour des principaux centres de la vie publique d'ici à 2020 ».

Dans sa forme, la proposition de règlement vise à modifier deux textes en vigueur : le règlement n° 1316/2013 du 11 décembre 2013 établissant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ; le règlement n° 283/2014 du 11 mars 2014 concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens dans le domaine des infrastructures de télécommunications.

1. Le fonctionnement de l'aide

Cette aide s'adresse à toutes les collectivités locales ou les entités investies d'une mission de service public qui souhaitent proposer un accès wifi dans une zone où une offre similaire, d'origine publique ou privée, n'existe pas encore. Elle permettrait de financer du matériel et des équipements. En échange, la collectivité s'engagerait à entretenir ledit matériel et à proposer le service pendant plusieurs années.

Les demandes se feraient uniquement en ligne et des coupons seraient envoyés aux bénéficiaires. L'aide serait attribuée selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». Une clause prévoit néanmoins que le budget est réparti en veillant à l'équilibre géographique.

Une commune pourrait recevoir jusqu'à 20 000 euros d'aide. Sans préjudice du principe de cofinancement, 100 % des coûts seraient éligibles. L'enveloppe budgétaire initiale est de 120 millions d'euros. L'Union envisage donc d'aider entre 8 000 et 10 000 communes, dans un premier temps. Les premiers appels d'offre seraient lancés dès 2017.

2. Une aide à portée limitée

Cette initiative témoigne d'une orientation nouvelle de la Commission européenne d'initier des actions concrètes et de proximité. Elle mérite à ce titre d'être saluée. Alors qu'on reproche à l'Union de ne pas être assez proche des gens, elle montre ici une volonté de combler cet écart au moyen d'une action directement perceptible par les citoyens européens.

Cette proposition a d'ailleurs reçu un accueil favorable de la part d'un grand nombre de délégations lors de la réunion du « Conseil télécoms » du 2 décembre 2016, au cours duquel une orientation générale a été adoptée. Toutefois, un certain nombre de questions ont été posées et des précisions ont été demandées.

En premier lieu, le budget de l'initiative, au regard du nombre de bénéficiaires potentiels de l'aide proposée, pose question. Il y a environ 90 000 communes en Europe et il est évident que l'aide ne s'adressera pas à l'ensemble d'entre elles, loin de là. Mais comme il a été dit précédemment, la Commission européenne ne peut intervenir que dans le cadre financier pluriannuel actuel. Aussi, elle ne peut pas, en l'état, aller au-delà des 120 millions d'euros prévus.

En outre, l'aide ne serait accordée que pour les collectivités qui, d'une part, s'appuient sur une connectivité fixe à très haut débit leur permettant de fournir des points d'accès wifi de qualité ; d'autre part, les communes dans lesquelles un service présentant des caractéristiques analogues est déjà proposé ne pourront prétendre au bénéfice de l'aide.

Aussi, on peut légitimement se demander ce qu'il en sera des communes couvertes par la 4G en France. Par ailleurs, les communes qui ne disposent pas d'une connexion fixe au très haut débit leur permettant de proposer un wifi gratuit aussi performant ne pourront pas prétendre à bénéficier de cette aide. Par conséquent, l'impact réel de la mesure dans notre pays pourrait, in fine , être des plus limités.

Pourtant, il convient d'accorder à cette initiative, somme toute modeste, le bénéfice du doute. Elle n'est pas là pour résoudre l'ensemble des problèmes de connexion dans l'Union, et notamment la faiblesse du déploiement des réseaux de nouvelle génération dans les zones rurales ou isolées. En revanche, elle pourrait aider certaines collectivités à réaliser un investissement important pour elles et à s'insérer dans l'Europe connectée. Elle pourrait aussi se présenter comme une solution de transition.

3. Les conditions de la réussite

Afin que ce dispositif innovant trouve sa place, il faut que son fonctionnement soit facile, souple et s'adresse à tous.

En premier lieu, afin de recueillir l'adhésion de l'ensemble des États membres, la Commission européenne devra préciser comment s'articulera le principe du « premier arrivé, premier servi » avec l'équilibre géographique. Cela a été demandé lors de la réunion du Conseil du 2 décembre 2016. La Commission devra assurer que des communes de chaque pays pourront bénéficier de l'aide.

En second lieu, si le montant de l'aide attribuée à chaque demandeur sera limité, le nombre total de demandeurs potentiels pourrait être élevé. Par conséquent, les procédures devront être simples. Cela est particulièrement nécessaire pour les élus locaux qui devront monter les demandes. Ils ne doivent pas être découragés par un système complexe.

En troisième lieu, en France, il faudra une bonne coordination entre les différents niveaux de décision susceptibles d'intervenir. Les régions qui gèrent les fonds structurels et d'investissement et l'État qui certifiera la qualité des demandeurs devront mettre en place une coopération féconde avec les élus locaux. L'aide est conçue pour avoir le plus d'impact possible à court terme. Cela ne sera possible que si les différents intervenants travaillent de concert.

Enfin, il serait bon que des groupements de collectivités locales puissent être éligibles à cette initiative. Il sera plus facile de monter des dossiers pour des groupements de communes que pour des élus isolés. En outre, les demandes ainsi préparées pourraient s'avérer plus pertinentes que des demandes prises une à une en proposant un maillage de points de connexion sur un territoire donné.

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