V. Compte rendu de l'entretien avec M. Bruno LE ROUX, ministre de l'Intérieur, le 16 mars 2017

Participaient en outre à la réunion : Mme Muriel Domenach, secrétaire générale du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation, M. Olivier de Mazières, préfet chargé de l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme, M. Damien Martinelli, directeur de cabinet adjoint du ministre, Mme Héloïse Pastinelli, conseillère spéciale.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation et co-rapporteur, a rappelé que la radicalisation est un phénomène de société portant atteinte à cette dernière dans son ensemble et allant au-delà de la seule menace terroriste. Il a souligné la nécessité de mettre en place entre les acteurs locaux un climat de confiance, fondé sur le secret partagé. Aujourd'hui, les territoires se sentent concernés. Dès lors, le but de ce rapport n'est pas d'entrer dans des polémiques médiatiques, comme à propos de la diffusion des fiches S, mais de faire des propositions concrètes, et de présenter des actions intéressantes de collectivités territoriales en matière de prévention de la radicalisation.

Bruno Le Roux, ministre de l'Intérieur, a informé les rapporteurs du soutien par la France, lors du prochain Conseil européen, de la mise en place d'un Centre européen pour la prévention et la radicalisation, permettant notamment un partage des expériences.

Différentes structures se sont mises en place sur l'ensemble des territoires, afin de gérer la prise en charge des signalements et le suivi des projets. Afin de pouvoir construire des partenariats avec les acteurs locaux, le ministère de l'Intérieur souhaite connaître les besoins locaux. Le préfet de département a ainsi en charge de recueillir ces besoins.

La prévention de la radicalisation par l'État se décline sur chaque territoire départemental par la mise en place de deux dispositifs :

- une cellule à vocation sociale

- une cellule d'évaluation de la dangerosité, aussi appelée groupe d'évaluation départementale.

Cette cellule d'évaluation départementale a pour mission de collecter l'ensemble des signalements au titre de la radicalisation violente. Elle se réunit généralement une fois par semaine. Outre le préfet, y participent de manière de plus en plus systématique le Parquet, l'ensemble des services de sécurité et de renseignement, la Police judiciaire, la Gendarmerie. Progressivement, l'Administration pénitentiaire y est associée, tout comme le Renseignement pénitentiaire. On constate également une présence accrue de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense. La présence d'un représentant de la DRSD est importante car de nombreux anciens militaires sont radicalisés et seule la DRSD peut avoir facilement accès au dossier militaire. Toutefois, les équipes de cette direction sont peu nombreuses. C'est la raison pour laquelle ses représentants sont prioritairement présents dans les départements de garnison ou les départements présentant de manière générale un nombre important de personnes radicalisées. En outre, de plus en plus, un représentant de la Douane est présent.

Cette cellule départementale examine l'intégralité des signalements faits par le numéro vert, ou par les capteurs de signaux au niveau local (Éducation nationale, Protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux du département, CAF,...). L'évaluation est faite par le Renseignement territorial, généralement dans un délai de 7 à 15 jours, permettant ensuite de décider de la nature du suivi. Les cas les plus alarmants de radicalisation sont traités par la DGSI ou les Renseignements territoriaux, en lien avec la Gendarmerie nationale. Le bas du spectre est transféré à la cellule de suivi social. En effet, ce qui est souvent nécessaire pour ces personnes en début de radicalisation c'est un accompagnement social et/ou professionnalisant.

En outre, la coordination entre les cellules départementales a été renforcée, afin de pouvoir continuer à suivre un individu qui déménage.

Les élus et les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer pour les personnes présentant des signaux de radicalisation faible. D'ailleurs, les maires concernés sont systématiquement associés. Cela est d'autant plus important que le maire peut apporter un appui dans certaines situations (scolarisation, cantine, relai des dispositifs mis en oeuvre par la préfecture). En outre, il détient une compétence en matière de prévention de la délinquance. Enfin, les questions autour de la radicalisation sont l'affaire de tous. Certes, la sécurité relève de la compétence de l'État, mais l'État ne peut pas tout faire tout seul. La prévention de la radicalisation ne doit pas être conçue comme une politique uniquement répressive et centralisée. Au contraire, comme la politique de la ville, elle a besoin des associations civiles.

De plus en plus de territoires se mobilisent. La journée du 24 octobre 2016 a dans de nombreux cas marqué une véritable appropriation du sujet par les collectivités territoriales, et beaucoup de projets sont en train de se mettre en place, à la fois dans le domaine de la détection des signaux faibles, mais aussi de l'accompagnement.

En ce qui concerne le fonds interministériel de prévention de la délinquance, une partie des crédits dédiés à la délinquance ont été réaffectés à la lutte contre la radicalisation. La secrétaire générale du CIPDR a donné instruction aux préfets de réorienter les financements du FIPD vers les actions englobant la prévention à la fois de la radicalisation et de la délinquance. Enfin, 3 millions d'euros supplémentaires ont été consacrés à la prévention de la radicalisation dans les contrats de ville.

Une autre demande importante des élus locaux se trouve dans le partage d'informations pour certains types d'emplois, par exemple pour le recrutement des policiers municipaux. En l'état du droit, rien n'empêche des échanges d'information. En outre, le dispositif relatif à l'information prévue par la loi Savary dans les transports publics se met progressivement en place. Cela concerne directement les collectivités territoriales, à travers les transports en commun, les chauffeurs de bus.

Enfin, il est important d'inscrire et de réorienter les dispositifs de prévention de la radicalisation vers les compétences de droit commun des collectivités. Il s'agit notamment de mobiliser l'ensemble des acteurs et partenaires habituels, qui peuvent agir au quotidien dans le cadre de la prévention primaire.

Il y a ainsi une structuration progressive de la prévention de la radicalisation. Le ministère de l'Intérieur envisage d'aller plus loin et de développer une approche infradépartementale, permettant, lorsque la situation du territoire le justifie, une relation spécifique État-collectivité territoriale-maire pour répondre aux besoins spécifiques de ce territoire.

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