J. AGIR AU NIVEAU EUROPÉEN POUR DÉFENDRE LE PROJET TERRITORIAL FRANÇAIS

1. Un lobbying intensif en faveur des territoires est à conduire dans le cadre de la prochaine programmation budgétaire 2021-2027

En principe, l'aménagement du territoire n'est pas une compétence propre de l'Union européenne (UE) et relève des États-membres. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de dispositifs confèrent à l'action de l'UE une forte influence sur l'aménagement de l'espace européen, tels que les réseaux transeuropéens, les fonds structurels et de cohésion, la politique agricole commune, la politique environnementale ou les actions en faveur de la recherche et de l'innovation. Dans ces différentes approches, les instances européennes se préoccupent à juste titre des écarts entre les différentes régions européennes et des questions spécifiques posées par les régions ultrapériphériques.

Dans les faits, l'Europe apparaît bien comme le premier contributeur financier de l'aménagement du territoire aujourd'hui : les fonds européens contribuent à hauteur de 20 % dans les budgets d'investissement des régions françaises. Son intervention repose cependant sur le principe de subsidiarité, selon lequel l'intervention publique se fait à l'échelon le plus approprié, et sur l'engagement des États membres dans les dispositifs communautaires.

Il est donc naturel que l'UE élabore une réflexion sur son organisation et son intégration spatiale. Ainsi, l'Observatoire européen en réseau de l'aménagement du territoire (ORATE), ou European Observation Network, Territorial Development and Cohesion (ESPON), est un programme de recherche appliquée en aménagement du territoire européen, qui étudie les principales tendances d'évolution du territoire européen au regard des objectifs fixés par la politique de cohésion.

Dans le cadre de cet observatoire, une démarche prospective a été élaborée pour définir les contours d'« Une Europe ouverte et polycentrique à l'horizon 2050 ». La conclusion de ces travaux est que la stratégie de développement la plus pertinente consiste à organiser la coexistence et la combinaison de trois modèles extrêmes sans les hiérarchiser : une croissance basée sur le marché favorisant les grandes métropoles ; des politiques publiques promouvant des réseaux de villes moyennes au nom de l'équité territoriale ; des initiatives locales et européennes promouvant des petites villes et des régions moins développées. On retrouve en quelque sorte, à l'échelle du continent, une forme de « polycentrisme maillé » qui avait été théorisé par la DATAR pour le seul territoire français.

PROJECTIONS DU TERRITOIRE EUROPÉEN « OUVERT ET POLYCENTRIQUE »
À HORIZON 2020, 2030 ET 2050

Source : ESPON.

Les objectifs de la politique de cohésion, historiquement conçue comme une politique de rattrapage vers un seul modèle, ont donc vocation à évoluer vers davantage de coexistence et une meilleure prise en compte des effets négatifs des territoires « locomotives » sur les autres. Sur ce fondement, plusieurs principes servent l'ambition territoriale de l'UE : un développement urbain équilibré et polycentrique pour engager de nouvelles relations ville-campagne ; une équité d'accès aux infrastructures et aux réseaux ; la promotion de l'aménagement et du développement durable.

Il n'en reste pas moins nécessaire, pour la France, d'affirmer son modèle d'aménagement pour orienter les priorités européennes. Les négociations du budget et de la politique des fonds structurels pour la période 2021-2027 se préparent dès maintenant. Notre pays doit peser en faveur d'une « feuille de route des territoires » visant à éviter l'abandon et le déclassement des territoires en Europe, en plaidant pour la sanctuarisation de fonds spécifiques. À l'heure actuelle, les crédits liés au développement rural sont intégrés à l'enveloppe de la politique agricole commune, pour laquelle ils servent de variable d'ajustement.

Proposition : Exiger un véritable Agenda des territoires auprès de la Commission européenne, distinct de la politique agricole commune, avec des crédits sanctuarisés dans la programmation budgétaire 2021-2027.

Il convient également de veiller à ce que la nouvelle carte régionale française ne conduise pas à une forme de lissage dans l'attribution des fonds européens. D'autant qu'il n'est pas rare que les territoires se considèrent mal informés sur les modalités d'attribution et d'utilisation des fonds européens, soulignant régulièrement la difficulté à obtenir des financements du Fonds européen de développement régional (FEDER). Or la réduction des inégalités territoriales infrarégionales doit faire partie intégrante de la politique contractuelle entre l'Europe et les régions, afin de contribuer à la péréquation « verticale ». Il appartient donc aux régions, qui gèrent désormais les fonds structurels, de s'organiser avec les EPCI pour mettre en oeuvre la solidarité territoriale dans les critères d'attribution de ces fonds en s'appuyant sur des priorités renouvelées dans la contractualisation avec l'UE : numérique, services publics, mobilité, transition énergétique.

2. La coopération transfrontalière doit être renforcée pour gérer au mieux nos territoires dans l'espace européen

L'Union européenne n'est pas le seul horizon de notre politique d'aménagement du territoire. La coopération transfrontalière de proximité est tout aussi nécessaire pour gérer l'interdépendance de territoires qui s'organisent spontanément autour des frontières nationales. À cet égard, la représentation cartographique de la France ne rend pas toujours bien compte des réalités territoriales, qu'incarnent par exemple l'espace Sarre-Lor-Lux (englobant le Land de Sarre, la Lorraine, le Grand Duché de Luxembourg et une partie du Palatinat occidental) ou le Rhin supérieur (recouvrant l'Alsace, une partie du Land de Bade-Wurtemberg et du Land de Rhénanie-Palatinat, ainsi que les Cantons suisses de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Argovie, Jura et Soleure).

D'une façon générale, ces territoires sont caractérisés par des flux importants de travailleurs frontaliers, qui représentent parfois plus de 40 % des actifs au sein de certaines zones d'emploi comme Longwy, Saint-Louis, le Genevois français ou Morteau. En 2011, on dénombre ainsi plus de 350 000 travailleurs français qui franchissent quotidiennement la frontière pour se rendre au travail (contre 10 000 personnes dans l'autre sens) et réinjectent leurs revenus sur les versants français. Pour autant, l'aménagement transfrontalier ne se résume pas à la seule gestion des migrations pendulaires et concerne de nombreuses politiques sectorielles, de l'urbanisme au transport, en passant par l'énergie ou l'environnement, pour lesquelles la coopération peine à dépasser le stade d'une réflexion théorique.

Le groupe de travail considère que la négociation intergouvernementale est encore trop présente dans la gestion des projets d'aménagement de ces territoires transfrontaliers. Il recommande d'approfondir les possibilités de délégation de souveraineté pour faciliter la consolidation de réseaux de ville transfrontaliers et la réalisation de liaisons interrégionales.

Proposition : Expérimenter des mécanismes de délégation de souveraineté pour s'affranchir des négociations intergouvernementales dans la coopération transfrontalière.

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