D. PORTRAIT-TYPE DES AGRICULTRICES EN 2017 : UNE DIMENSION EUROPÉENNE

1. La situation des agricultrices en France et en Europe : des caractéristiques communes, des besoins comparables

Le Rapport sur les femmes et leurs rôles dans les zones rurales présenté le 8 mars 2017 par la Commission de l'agriculture et du développement rural et la Commission des droits des femmes du Parlement européen 67 ( * ) montre des points communs évidents, non seulement entre le « portrait-robot » des agricultrices françaises et de leurs collègues de la plupart des pays européens, mais aussi entre les besoins ressentis en France pour faire progresser la situation des agricultrices et ceux qui ont été identifiés au niveau européen.

- Les agricultrices contribuent de manière déterminante à la vie rurale et au développement durable :

• « les femmes participent de manière considérable à l'économie rurale » en général, car elles sont souvent les « promoteurs d'activités complémentaires, dans et en dehors de l'exploitation, qui dépassent le cadre de la production agricole », par exemple le tourisme , et qui « apportent une plus-value aux activités dans les zones rurales » ;

• la diversification et la multifonctionnalité qui caractérisent la contribution des femmes à l'activité agricole ont des effets positifs sur le développement durable et sont à l'origine d'un « nouveau dynamisme » pour le monde agricole ;

• les femmes jouent de surcroît un rôle majeur dans la « conservation des traditions culturelles dans les zones rurales » et dans leur transmission.

- Leur formation, tant initiale que continue, plus particulièrement dans le domaine technologique et scientifique, est un facteur décisif d'égalité entre femmes et hommes dans le secteur agricole .

- Il y a un contraste majeur entre l'importance de la contribution des agricultrices à la production agricole et l'invisibilité de leur travail :

• leur contribution à la production agricole est décisive : « en 2014, elles ont effectué environ 35 % du temps de travail total dans l'agriculture, soit 53,8 % du travail à temps partiel et 30,8 % du travail à temps plein » ;

• elles se chargent généralement de la comptabilité et de la gestion des exploitations , tâches qui pourtant ne sont pas toujours « pleinement reconnues ».

- Les agricultrices subissent des injustices sociales et économiques liées à l'absence de statut et à un accès limité à la propriété des exploitations :

• l'apport considérable des femmes à la production agricole contraste avec l'absence de statut professionnel qui caractérise de trop nombreuses femmes, injustice majeure qui les prive de couverture sociale et d'indépendance financière ;

• les femmes ne représentent que 30 % des exploitantes agricoles : elles sont pour la plupart « avant tout considérées comme conjointe de l'exploitant » ;

• considérant que seul le propriétaire de l'exploitation est « répertorié [...] pour les subventions et les droits acquis », le fait de ne pas être propriétaire de l'exploitation prive les femmes de nombreux droits (prime à la vache allaitante, droits de plantation de vignobles, revenus, etc.) et les place « dans une situation vulnérable et défavorisée » ; l'accès des femmes à la propriété et à la terre doit donc être encouragé pour accroître leurs droits sociaux, leur indépendance économique et leur visibilité.

- Les agricultrices sont victimes d'inégalités en termes de rémunération et de pension :

• les écarts de rémunération se creusent actuellement dans certains pays membres ;

• la protection sociale, l'accès aux soins médicaux, l'assurance maladie des femmes employées comme travailleuses saisonnières doivent également être améliorés ;

• Le Parlement européen encourage donc les États membres à « garantir un régime de retraite décent, comprenant une pension nationale minimum », de manière à permettre aux agricultrices de conserver une certaine « indépendance économique une fois à la retraite ».

- La contribution des femmes à l'activité agricole contraste avec leur faible participation aux processus de décision, due à leur sous-représentation dans les « coopératives agricoles, les syndicats et les administrations municipales » : le rapport du Parlement européen conclut donc à la nécessité d'améliorer leur représentation dans ces organes et de favoriser leur accès aux processus de décision et à la gouvernance de la profession.

- Le renforcement de l'offre de services d'accueil des jeunes enfants est un levier important de l'amélioration de la situation des agricultrices :

• les femmes prenant majoritairement en charge les enfants et les personnes âgées et dépendantes, il est nécessaire d'offrir des solutions de garde « de qualité et à un prix abordable » ;

• les services permettant les soins aux personnes âgées et dépendantes sont décisifs aussi pour l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

2. Quelles conséquences sur la négociation de la PAC ?

Les commissions de l'agriculture et du développement rural et des droits des femmes du Parlement européen concluent leur rapport par une recommandation adressée à la Commission européenne pour que soient conservés et améliorés, lors de la réforme future de la PAC, les sous-programmes thématiques axés sur les femmes des zones rurales « en axant ces programmes entre autres sur des projets de commercialisation, de vente directe et de promotion des produits au niveau local ou régional ».

La délégation est consciente que ces activités liées à la vente directe et aux circuits courts sont en effet fréquemment citées comme l'une des spécificités de l'activité des femmes dans l'agriculture et comme un apport important à la vie locale. Cet aspect de la diversification de l'agriculture exerçant des effets positifs notamment sur l'animation de la vie rurale, la délégation trouve pertinent de les soutenir dans le cadre de la PAC.

Elle souhaite toutefois, ainsi que cela lui a été suggéré lors du colloque du 22 février 2017, que les femmes ne soient pas « enfermées » dans des activités agricoles qui peuvent agir comme des stéréotypes pour limiter l'accès des agricultrices à des activités de production, où elles ont tout autant leur place que les hommes.

En revanche, la délégation rejoint pleinement les commissions de l'agriculture et du développement rural et des droits des femmes du Parlement européen quand elles expriment le souhait que « la dimension de l'égalité entre hommes et femmes soit intégrée dans la PAC » et quand elles invitent les États membres à contribuer à accroître la proportion de femmes parmi les bénéficiaires des mécanismes de la PAC.

Dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune , la délégation recommande que soit intégrée avec la plus grande vigilance la dimension de l'égalité entre femmes et hommes dans tous les mécanismes de la PAC. Elle soutient l'amélioration des sous-programmes concernant les projets de commercialisation, de vente directe et de promotion des produits au niveau local et régional, qui concernent une forte proportion d'agricultrices. Elle souhaite également que la part des agricultrices parmi les bénéficiaires de ces mécanismes fasse l'objet d'une attention particulière.

Pour conclure sur ce « portrait-robot » des agricultrices et sur les pistes d'amélioration et les revendications entendues par les co-rapporteur-e-s, il faut souligner que renforcer l'égalité entre agricultrices et agriculteurs présente des effets positifs pour les hommes comme pour les femmes : les conséquences des revendications telles que l'amélioration des revenus, des retraites et des prestations sociales n'ont pas vocation à limiter leurs effets aux femmes . Ce constat rejoint celui de la délégation sur les conséquences positives, quel que soit le domaine, de l'égalité entre femmes et hommes.


* 67 Rapport sur les femmes et leurs rôles dans les zones rurales (2016/2204(INI)), Parlement européen, 2014-2019, A8-0058/2017.

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