DEUXIÈME PARTIE

QUELS LEVIERS D'ACTION ?
ACCOMPAGNER LES TRANSITIONS DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ POUR RÉPONDRE PLUS EFFICACEMENT AUX BESOINS DE SOINS DANS LES TERRITOIRES

L'objectif de maintien de l'offre de soins primaires - principalement de la présence médicale - dans les zones sous-dotées a donné lieu à une palette de dispositifs , initiés par l'État, l'assurance maladie ou encore les collectivités territoriales.

Vos rapporteurs ont souhaité faire un bilan des différents leviers utilisés et en évaluer la portée :

- la régulation des « flux » de professionnels, via notamment le numerus clausus médical ;

- les aides financières incitatives ;

- la régulation géographique des installations ;

- le développement des structures d'exercice collectif ;

- la télémédecine ;

- la découverte des territoires au cours de la formation.

Si certains leviers apparaissent indéniablement plus efficaces ou plus porteurs que d'autres, les auditions et travaux conduits par vos rapporteurs leur ont apporté une conviction : il ne semble pas exister une « solution miracle » ou une voie d'action univoque .

Nombre de personnes entendues ont mis en avant l'intérêt de mobiliser une diversité d'outils, simultanément ; toutefois, cela doit se faire, cela a été souligné, dans un cadre territorial coordonné.

Face à ces constats, les axes de préconisations avancés par vos rapporteurs ont pour « fil rouge » la triple nécessité de privilégier un cadre d'action souple et une démarche pragmatique , de soutenir les initiatives des acteurs de terrain , et de faire des territoires un « laboratoire » d'innovations pour répondre au mieux aux besoins des patients et accompagner les mutations nécessaires de l'offre de soins.

I. LE NUMERUS CLAUSUS : UN LEVIER DE LONG TERME, UNE RÉPONSE INADAPTÉE EN L'ÉTAT ?

En France, la plupart des professions de santé font l'objet d'une régulation par les flux étudiants : tel est le principe du numerus clausus médical et du système des quotas appliqué aux professions paramédicales (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, audio-prothésistes et orthoptistes).

D'autres facteurs interfèrent toutefois sur les effectifs en activité : les choix de trajectoires professionnelles des diplômés, les installations de professionnels diplômés à l'étranger, les voies d'accès parallèles ou passerelles, les décisions de départ en retraite anticipé ou différé...

Si le numerus clausus reste un levier puissant pour influer sur la démographie globale des professions de santé, son impact ne se mesure qu'à long terme et ses effets sur les inégalités territoriales ne sont ni directs ni avérés. En outre, les trajectoires démographiques des différentes professions de santé incitent à envisager ce levier avec prudence, en tenant compte, au-delà des aspects seulement quantitatifs, des réflexions prospectives sur l'évolution des métiers.

A. LA RÉGULATION DES FLUX D'ÉTUDIANTS PROGRESSIVEMENT MISE AU SERVICE DE LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS TERRITORIALES

1. Les leviers de régulation de l'offre de soins

Dans un rapport de 2015 32 ( * ) , l'observatoire national de la démographie des professions de santé - chargé de proposer aux ministres compétents le nombre et la répartition des effectifs de professionnels de santé à former - note que du fait des principes de liberté d'installation et de liberté de choix des patients, « l'essentiel de la régulation de la médecine de ville est donc réalisée, en France, en amont de l'installation par le biais des dispositifs qui s'appliquent aux flux d'étudiants. »


• Le premier instrument est le numerus clausus , fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur, pour chaque unité de formation et de recherche (UFR) et chaque filière (médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique), qui désigne le nombre de places disponibles en deuxième année pour les étudiants inscrits en première année commune aux études de santé (PACES).

Mis en place pour la première fois en 1971 pour les études médicales, le numerus clausus , avait initialement pour objectif d'adapter le nombre d'étudiants aux capacités d'accueil des établissements hospitaliers universitaires chargés de leur formation.

Les objectifs qui lui sont assignés sont désormais plus nombreux puisque ce nombre doit tenir compte « des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés » 33 ( * ) .

Cet instrument est devenu pour l'Etat un moyen de réguler globalement l'accès aux professions médicales et, à terme, la démographie et donc l'offre de soins.

Après une baisse forte et continue dans les années 1980 et 1990 , les perspectives défavorables de la démographie médicale ont conduit les gouvernements successifs à décider de son relèvement, d'abord très net entre 2000 et 2006, puis plus modéré entre 2007 et 2015 : en médecine et en odontologie, la hausse s'établit, respectivement à +86 % et +50 % entre 2000-2001 et 2015-2016 .

Évolution du numerus clausus médical

Source : Drees, Portrait des professionnels de santé, 2016.

Évolution du numerus clausus des quatre professions de santé

Indice base 100 en 1972

Source : Ondps


• Un second niveau de régulation est ouvert, en médecine, à l'issue des épreuves classantes nationales (ECN), lorsque les étudiants ayant validé leur second cycle d'études, soit cinq ans après le concours de fin de PACES, choisissent, en fonction de leur rang de classement, un poste d'interne, c'est-à-dire à la fois une spécialité parmi 30 et une subdivision géographique (lieu de formation) parmi 28.

La répartition des postes est fixée « en fonction de la situation de la démographie médicale dans les différentes spécialités et de son évolution au regard des besoins de prise en charge spécialisée » 34 ( * ) .

2. Un relèvement du numerus clausus ciblé sur les régions déficitaires depuis 2012

Dans le cadre du pacte territoire santé, le gouvernement a joué sur ces leviers de régulation de façon plus ciblée , dans un objectif de rééquilibrage territorial :

- dès 2012, le nombre de postes d'internes a été relevé de 42 % à Dijon et à la Réunion, de 39 % à Caen, de 37 % aux Antilles et en Guyane, de 34 % à Clermont-Ferrand ;

- le numerus clausus médical est resté globalement stable entre 2012 et 2015, avant d'être relevé de 8 % entre les années universitaires 2014-2015 et 2016-2017, passant de 7 498 à 8 124 ;

- cette hausse a été ciblée, en 2015-2016, sur dix territoires (Antilles-Guyane, Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, La Réunion, Rhône-Alpes) dans lesquels 131 places supplémentaires au total ont été ouvertes.

La hausse du numerus clausus dans les régions ciblées
en pourcentage et en nombre de places (2015)

Source : DGOS

Évolution du numerus clausus médical par région, entre 2015 et 2017

Région

2015

2016

2017

? 2017 / 2015

(en %)

Alsace

232

232

247

6

Aquitaine

334

334

340

2

Auvergne

178

196

196

10

Basse-Normandie

193

200

200

4

Bourgogne

214

229

229

7

Bretagne

371

371

391

5

Centre

235

255

255

9

Champagne-Ardenne

201

201

201

0

Corse

25

25

27

8

DOM-TOM

210

237

267

27

Franche-Comté

176

176

186

6

Haute-Normandie

219

232

232

6

Île-de-France

1 530

1 529

1 634

7

Languedoc-Roussillon

209

209

224

7

Limousin

128

141

141

10

Lorraine

308

308

308

0

Midi-Pyrénées

242

242

252

4

Nord - Pas-de-Calais

552

562

588

7

Pays de Loire

388

418

410

6

Picardie

192

200

206

7

Poitou-Charentes

197

197

205

4

Provence-Alpes Côte d'Azur

442

442

519

17

Rhône-Alpes

722

740

866

20

TOTAL France entière

7 498

7 676

8 124

8

Source : DGOS


* 32 « Les conditions d'installation des médecins en ville en France et dans cinq pays européens », Ondps, mars 2015.

* 33 Article L. 631-1 du code de l'éducation.

* 34 Article R. 632-6 du code de l'éducation.

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