N° 54

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 octobre 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) sur la situation et les perspectives de développement des entreprises en Guyane ,

Par Mme Élisabeth LAMURE et M. Antoine KARAM,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Richard Yung, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain-Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Depuis sa création en novembre 2014, la délégation aux entreprises sillonne l'hexagone à la rencontre des entrepreneurs, afin de porter ensuite au Sénat la voix des entreprises qui font vivre les territoires. Répondant positivement à l'invitation de l'un de ses membres, Antoine Karam, sénateur de la Guyane, elle a tenu à se rendre également dans ce département français d'outre-mer, afin de mieux en appréhender la réalité, trop souvent méconnue en raison de l'éloignement : 7 000 kilomètres séparent Paris de Cayenne.

Ce déplacement était prévu du 27 au 30 mars 2017 mais les tensions sociales qui ont paralysé la Guyane à ces dates ont conduit à le reporter. Il s'est finalement déroulé du 18 au 21 septembre 2017 et a mené la délégation, accompagnée par les deux sénateurs guyanais, à Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni, Mana et Kourou.

Une fois encore, ces contacts de terrain ont été éminemment fructueux : ils ont permis à la délégation de toucher du doigt les réalités guyanaises dans toute leur complexité et de mesurer combien les entreprises de ce territoire, quels que soient leur taille ou leur secteur d'activité, rencontrent d'obstacles à leur développement.

Confrontées aux mêmes difficultés que leurs consoeurs de l'hexagone, les entreprises guyanaises souffrent en outre de maux spécifiques à ce département : insécurité, insuffisance des infrastructures - en matière de transport, d'énergie comme de télécommunications -, difficultés d'accès au foncier, manque de main d'oeuvre qualifiée, approvisionnements coûteux, longueur des délais de paiement, étroitesse du marché guyanais, concurrence des pays voisins non soumis aux normes européennes...

La délégation a particulièrement été frappée par trois faits saillants qui illustrent la situation remarquablement difficile des entreprises en Guyane : le premier est que ces entreprises subissent de la part du secteur public local (collectivité territoriale de Guyane, cantine scolaire ou hôpital notamment) des délais de paiement pouvant aller jusqu'à plusieurs mois voire même plusieurs années, ce qui n'est pas tenable pour la trésorerie des entreprises et les met gravement en péril 1 ( * ) ; autre motif de sidération : les importations guyanaises en provenance des pays voisins d'Amérique du Sud doivent transiter par l'Europe pour revenir en Guyane du fait de l'absence de structures pour y contrôler la conformité des produits importés aux normes françaises et européennes en matière sanitaire et phytosanitaire 2 ( * ) ; enfin, troisième sujet de perplexité : l'octroi de mer, qui frappe les importations depuis trois siècles, représente une ressource fiscale essentielle pour les collectivités territoriales en Guyane, mais ce dispositif dissuade aussi ces dernières d'encourager un développement économique endogène, qui serait susceptible d'amoindrir leurs recettes fiscales.

Ces points ne résument pas l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises en Guyane : Antoine Karam les présente de manière plus exhaustive dans ce rapport, comme il l'a fait devant la délégation aux entreprises à l'issue du déplacement. Il expose aussi le contexte social périlleux dans lequel évoluent les entreprises : enclavement géographique de la Guyane, croissance démographique mal maîtrisée, chômage de masse, pénurie de logements, de soins et de formation, notamment scolaire... Le mouvement social du printemps dernier a d'ailleurs été fatal à certaines entreprises, dont l'activité s'est trouvée paralysée.

Mais ceci n'occulte pas le potentiel remarquable de ce territoire, riche de ressources naturelles abondantes, d'une position géographique stratégique, mais aussi d'une population multiculturelle et très jeune, qui manifeste un grand appétit entrepreneurial. La belle réussite du Centre spatial guyanais n'épuise évidemment pas ce potentiel, qui alimente déjà le succès de certaines initiatives privées en Guyane.

Lors de la conférence économique sur les collectivités françaises d'Amérique, organisée au Sénat par la délégation aux outre-mer le 19 mai 2016, le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Guyane, Marie-Joseph Pinville, faisait observer que, dans la situation très tendue que connaît la Guyane, « l'entreprise est la seule piste pour lutter contre les dérives et les fractures qui nous guettent. Le monde de l'entreprise doit cependant s'inscrire dans son environnement géographique. »

Souffrant d'une activité économique trop faible par rapport au poids de la sphère publique, la Guyane pourrait trouver, par l'entreprise, le moyen de son développement autonome, à condition qu'elle puisse effectivement se structurer par filières, tracer son chemin de croissance et disposer de la liberté suffisante pour s'inscrire dans son contexte régional qui n'a rien de commun avec l'environnement européen de l'hexagone.

Il est permis d'espérer qu'Emmanuel Macron et Jean-Claude Juncker, respectivement Président de la République et Président de la Commission européenne, en ont été convaincus par leur récente visite en Guyane, à l'occasion de la 22 ème conférence des présidents de régions ultrapériphériques de l'Union européenne qui s'est tenue à Cayenne les 26 et 27 octobre 2017.

Élisabeth LAMURE

Présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises


* 1 Le paiement des factures liées aux marchés publics n'est pas considéré comme prioritaire, du fait qu'il ne correspond pas à une dépense dite obligatoire (salaires, traitements, charge de la dette, etc.) : les règles et procédures actuelles mises en oeuvre par le secteur public local ne permettent pas de garantir un respect effectif des délais de paiement aux entreprises.

* 2 La création d'un Poste d'inspection frontalier au Grand Port Maritime de la Guyane est en cours et devrait mettre fin à cette situation.

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